Annie Bourguignon : August Strindberg et Victor Hugo: Au bord de la vaste mer et Les Travailleurs de la mer

Communication au Groupe Hugo du 18 novembre 2017
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August Strindberg et Victor Hugo ont produit chacun une œuvre immense. Ils ont pratiqué une grande variété de genres. Chacun d’eux est considéré comme le plus grand représentant de sa littérature nationale, même si certains de leurs compatriotes ont eu du mal à l’accepter. Tous deux ont fait évoluer leur langue, en particulier la langue écrite, ainsi que les normes littéraires.

August Strindberg (1849-1912) est connu à l’étranger surtout pour son théâtre. Mais il est aussi l’auteur de romans, de nouvelles, de poèmes, d’essais, de récits historiques, de reportages, de pamphlets… Novateur et provocateur, il a souvent été en butte à l’hostilité et aux attaques en Suède. Il fera plusieurs longs séjours à l’étranger, en particulier en France, et écrira en français, entre autres, les romans Le plaidoyer d’un fou (1887) et Inferno (1898)[1].

Les études littéraires ont assez longtemps divisé la production de Strindberg en trois phases distinctes, la phase naturaliste, la phase religieuse et la phase politique. On considère aujourd’hui qu’il n’y a pas de coupure tranchée entre les œuvres écrites à différentes périodes, mais plutôt à la fois des évolutions et des persistances de motifs, de thèmes et de traits stylistiques dans son écriture. Les œuvres les plus connues de sa période naturaliste sont Le Père (1887) et Mademoiselle Julie (1888). Dans les années 1890, à Paris, sa vision du monde évolue vers une religiosité qui cherche un sens caché derrière le chaos apparent du réel immédiatement perceptible et voit dans toute chose, même apparemment la plus insignifiante, la manifestation d’une puissance, ou de puissances surnaturelles. Cette recherche est relatée dans Inferno, dont les thèmes sont repris et mis en forme dans Le Chemin de Damas (1898-1901), qui, rompant radicalement avec la conception mimétique du théâtre, marque un tournant dans l’histoire de la littérature occidentale. Le Songe (1902) ressortit à la même esthétique. Dans les dernières années de sa vie, Strindberg se rapproche du mouvement ouvrier et du parti social-démocrate, en train de gagner en importance en Suède, après s’être assuré que ses idées ne sont pas incompatibles avec sa foi religieuse. Il publie des articles violemment polémiques contre les institutions en place et le conservatisme. L’Académie Suédoise, où il s’est fait beaucoup d’ennemis, refusera et de l’admettre en son sein, et de lui décerner le prix Nobel (qui existe depuis 1900). C’est pourquoi le mouvement ouvrier organise une collecte pour lui décerner un « anti-prix Nobel », qui lui sera remis en janvier 1912. Il meurt le 14 mai de la même année. Son enterrement est suivi par une foule constituée surtout d’ouvriers, qui en font une sorte de manifestation populaire.

Victor Hugo était l’un des écrivains préférés de Strindberg. Celui-ci raconte dans son autobiographie à la troisième personne, Le Fils de la servante : « Les romans de Victor Hugo avaient trouvé en Johan un terrain fertile. La révolte contre la société ; l’adoration de la nature chez le poète habitant son île désolée ; le sarcasme envers la bêtise toujours dominante […] tout cela, en germe chez le jeune homme, commença à croître.[2] » Strindberg déclare plusieurs fois que Hugo a été l’un de ses maîtres en littérature. Mais à ma connaissance il n’y a pas encore eu de recherches approfondies sur ce que le premier doit au second, vraisemblablement d’abord parce qu’il s’agirait là d’une tâche immense, étant donné que les textes des deux auteurs représentent à eux seuls des dizaines de milliers de pages. La recherche que je présente ici, bien que conçue comme un pas dans cette direction, a un objet beaucoup plus restreint, et se concentre sur les relations qu’entretient le roman Au bord de la vaste mer[3] avec Les Travailleurs de la mer, œuvre dont Strindberg dit en 1909 qu’il l’a « idolâtrée comme ce qu’il y a de plus sublime et qui ne peut être comparée qu’avec L’Homme qui rit et Les Misérables ! [4] » En octobre 1908, il avait écrit à son éditeur : « Je viens de relire Les Travailleurs de la mer 40 ans plus tard […] Il y a des pages qui sont ce qu’il y a de plus sublime dans la littérature. (Zola y a appris quelque chose, et moi aussi.) »[5] La comparaison avec Au bord de la vaste mer paraît tout à fait justifiée dans la mesure où Strindberg lui-même, en 1889, alors qu’il est en train de travailler à ce roman, explique qu’il « doit devenir mes Travailleurs de la mer.[6] »

Au bord de la vaste mer se passe pour l’essentiel à Österskär, l’une des îles de l’archipel de Stockholm les plus éloignées de la côte. L’intendant des pêcheries Axel Borg y est envoyé pour étudier les raisons de la raréfaction du poisson dans les eaux environnantes et tenter d’y apporter des remèdes. Il se heurte presque immédiatement à l’hostilité de la population de l’île, qui a surexploité les ressources marines et voudrait continuer à le faire. Borg est un positiviste athée qui ne croit qu’en la science, alors que les pêcheurs ont des pratiques religieuses dogmatiques en même temps que proches de la superstition. Borg devient un objet de moquerie et ne parvient pas à faire respecter ses directives. Peu de temps après son arrivée, il fait la connaissance de Maria, une jeune fille venue avec sa mère passer quelques semaines de vacances sur l’île. Malgré le jugement sévère qu’il porte sur elle, il tombe amoureux. Pour lui plaire, il décide de mettre en place sur la petite île de la Baltique qu’est Österskär un « paysage italien », avec un palais en marbre et des cyprès : il va placer quelques pierres et branches à des endroits soigneusement choisis, afin de produire un mirage semblable à un paysage italien lorsque seront réunies certaines conditions météorologiques, que ses calculs scientifiques lui permettent de prévoir avec une grande précision. Le jour venu, le mirage apparaît, mais au lieu d’un palais, il représente un cimetière. Entre temps, l’administration centrale des pêcheries a envoyé à Borg un assistant, qui va gagner l’amour de Maria. À la fin de l’été, Maria, sa mère et l’assistant quittent Österskär. Borg, qui fuit les pêcheurs, se retrouve seul sur l’île et tombe peu à peu dans la folie. Le soir du 24 décembre, il monte sans équipement ni provisions dans une barque et se dirige vers le large, partant ainsi à la dérive pour se perdre dans la mer.

Dans ses grandes lignes, l’intrigue d’Au bord de la vaste mer emprunte beaucoup au roman de Hugo : c’est pour gagner l’amour d’une femme que Gilliatt sauve la machine de la Durande et que Borg construit le « paysage italien », mais dans les deux cas la femme choisit pourtant un autre homme, ce qui conduit à la mort du personnage central. Tous deux décident de se donner la mort et le font en se laissant emporter par la mer.

Dès 1929, le chercheur Torsten Eklund avait remarqué que « le parallèle [entre les deux romans] peut être poussé assez loin [7] » et  attiré l’attention sur un certain nombre de motifs du récit de Strindberg que l’on trouve déjà dans Les Travailleurs de la mer. Ainsi, le passage où Hugo écrit que la mer « est le récipient universel, réservoir pour les fécondations, creuset pour les transformations. Il amasse, puis disperse ; il accumule, puis ensemence; il dévore, puis crée. Il reçoit tous les égouts de la terre, et il les thésaurise » a son équivalent dans la dernière phrase du roman de Strindberg : « la mer, mère universelle, dans le giron de laquelle la première étincelle de la vie s’alluma, la source inépuisable de la fertilité, de l’amour, l’origine de la vie et l’ennemie de la vie.[8] » Borg, comme Gilliatt, remarque aussi Eklund, est un solitaire, il suscite la méfiance des gens de l’île parce qu’il est différent d’eux – et qu’il lit des livres ; dans la nature, il se sent uni à l’infini, mais il fait aussi de la nature sa servante : Borg « aimait […] la nature comme une auxiliaire et comme une inférieure qui devait le servir ».[9] Lorsqu’il prépare le « paysage italien », « il se sentait être quelque chose comme un titan, montant à l’assaut de la création[10]» ; il aime se reposer « dans l’un des fauteuils que la mer avait sculptés dans les éperons rocheux[11] » ; Tout comme Hugo, Strindberg décrit longuement une nature grandiose et ses phénomènes, tout en en expliquant scientifiquement l’origine et l’évolution.

L’indéniable intertextualité constatée par Eklund invite à aller plus loin et à se demander comment Au bord de la vaste mer se situe par rapport au roman auquel, à l’évidence, il se réfère.

Il me semble que le recours aux explications scientifiques est lié chez Hugo à une vision optimiste des sciences de la nature, qui rendent possibles des techniques qui améliorent à leur tour les conditions d’existence de l’humanité et favorise son progrès. Dans son analyse d’Au bord de la vaste mer, Irina Hron-Öberg montre que « [t]he image of the sea voyage as part of a technocratic world-view aims to dominate nature and natural laws.[12]» Chez Hugo, la Durande incarne la marche vers une vie meilleure. Récupérer sa machine ne signifie pas seulement sauver Lethierry de la faillite, mais aussi empêcher les idées et les comportements superstitieux de regagner du terrain dans l’île. Chez Strindberg, Borg est habité par la foi en la science et la technique. Le premier chapitre se passe sur un bateau à voiles rapidement pris dans une tempête. Borg, qui, contrairement au timonier, est petit et chétif et n’a quasiment aucune expérience de la mer, prend le commandement de l’embarcation et la sauve du naufrage grâce à ses connaissances théoriques en physique. « Il était trop lucide, avec ses trente-six ans, pour surestimer l’intelligence et le courage du timonier […] il ne croyait pas qu’un bras musclé pouvait maîtriser un vent exerçant une pression de plusieurs milliers de livres sur la surface d’une voile vacillante […] Quelle bêtise, pensa-t-il, de risquer sa vie dans un petit bateau ouvert, alors qu’il y avait des vaisseaux couverts et des bateaux à vapeur. [13]»

Borg et Gilliatt sont capables de mettre la nature à leur service. Ils sont toutefois beaucoup plus que de simples exécutants appliquant un savoir dans la pratique. Ils s’avèrent être des créateurs. Kathryn M. Grossman considère que l’aptitude de Gilliatt « to escape through imaginative invention the severe material limits of recovering a shipwreck from a barren reef parallels Hugo’s effort to transcend his own constraints through literary creation.[14]» Gilliatt est un génie technique, tandis que Borg part de théories pour tout calculer à l’avance. Son « paysage italien » me paraît être un exploit plus scientifique qu’artistique. La mise en place par Borg des éléments devant provoquer le mirage a toutefois été vue par certains critiques, par exemple par l’historien de la littérature et romancier Sven Delblanc[15]. comme une image de la création artistique. Pour Myriam Romand, Gilliatt est l’un des « titans de Hugo, ces dieux de la première génération, […] créateurs toujours, liés aux éléments[16]. Borg est lui aussi comparé à un titan montant à l’assaut de la création[17], et même « corrigeant l’écriture maladroite de l’auteur[18]. »

Les deux personnages, d’une certaine manière, défient Dieu, ou les dieux. Aucun des deux n’adhère à une religion particulière. Le Hugo des années 1860 croit en des puissances transcendantes, alors que Borg est un positiviste, auquel le scepticisme n’est pas étranger. En revanche, les deux romans sont assez nettement anticléricaux et présentent le pasteur anglican Jaquemin Hérode et le prédicateur luthérien qui vient veiller à la rectitude des pratiques religieuses à Österskär sous un jour peu flatteur.

 

 

Rien n’est plus facile que de trouver des différences entre deux œuvres littéraires, même considérées comme proches. Le texte de Strindberg s’écarte évidemment de celui de Hugo sur bien des points, en particulier là où il reprend des thèmes ou des motifs typiquement strindbergiens, par exemple la réapparition inattendue, au bout de nombreuses années, d’un ancien camarade de classe qui a été accusé à tort d’un méfait commis en réalité par le protagoniste. Je ne relèverai ici que les deux divergences les plus immédiatement visibles et les plus importantes entre les deux récits.

Premièrement : l’image de la femme dans Au bord de la vaste mer n’a rien à voir avec celle qu’on trouve dans Les Travailleurs de la mer. Maria, apprend-on vers la fin du roman, a, contrairement à Déruchette, déjà connu plusieurs hommes, et se laisse assez facilement séduire par Borg. Même si Déruchette, dont Claude Millet rappelle « l’idéalité extraordinairement mièvre »,[19] provoque la perte de Gilliatt, elle n’est pas un personnage négatif. Maria est au contraire une figure clairement antipathique. Elle est à la fois sotte, vaniteuse, inculte, impulsive, inconséquente, et calculatrice. Chaque fois que Borg fait ce qu’elle demande, ce qui arrive fréquemment, il le fait comme à son corps défendant, conscient qu’il trahit par là sa vocation. Maria réunit la plupart des traits déplaisants qu’on trouve chez les femmes dans l’œuvre de Strindberg, dont la misogynie est connue.

Deuxièmement : Les Travailleurs de la mer me paraît avoir un contenu politique assez clair. Dans la scène où Jaquemin Hérode propose à Lethierry, qui vient de perdre la Durande, de « bonnes affaires » avec le tsar, avec le Texas et avec la couronne britannique, les refus successifs de Lethierry peuvent être compris comme une expression de l’opposition de Hugo à la soumission de la Pologne à la Russie, à l’esclavage et à la peine de mort[20]. L’auteur a aussi en tête la situation politique de la France contemporaine. Derrière le récit situé dans les Îles anglo-normandes dans les années 1820, il y a des allusions claires au régime de Napoléon III, comme l’a montré Kathryn M. Grossman[21]. Hugo condamne – et ridiculise – le pouvoir monarchique et la tyrannie et se fait l’avocat de la liberté d’expression, voire parfois de la démocratie, ce qui n’est pas le cas du roman de Strindberg.

 

Mais bien qu’Axel Borg, ou son créateur, ne partage pas les vues de Hugo sur les différents systèmes politiques, il parle lui aussi de Napoléon III, et en parle explicitement. Borg n’est pas un démocrate, il « ne pouvait […] être d’accord avec un retour à l’organisation de la horde ou de la tribu où tout le monde avait autant ou aussi peu à dire », entre autres parce qu’il « avait vu récemment le suffrage universel en France produire un empereur[22]». Au moment où ces lignes sont écrites, la France est redevenue une république depuis plus de 18 ans, ce que Strindberg, qui y a vécu, sait très bien. Le roman étant censé se passer dans les années 1880, on pourrait interpréter la phrase sur l’empereur comme une allusion au plus célèbre des opposants au Second empire, au « poète habitant son île désolée », pour reprendre les termes du Fils de la servante[23].

La volonté de rattacher Au bord de la vaste mer aux Travailleurs de la mer apparaît encore plus nettement dans le choix du moment du début et de la fin du récit. Celui de Hugo commence le matin de Noël et se termine en mai, celui de Strindberg commence en mai et se termine dans la nuit du 24 au 25 décembre. Dans les deux, la première phrase, brève, consiste en une indication de temps et de lieu. On a respectivement « La Christmas de 182… fut remarquable à Guernesey » et « Un bateau de pêche voguait sous le vent un soir de mai dans la baie de Gåssten. [24] » Les données temporelles et l’inversion de la progression du solstice d’hiver au printemps signalent l’intention de Strindberg de partir du roman de Hugo pour écrire le sien propre, non pas en imitant l’œuvre du poète français, mais en se situant par rapport à elle, sur le plan politique, et surtout sur les plans de la vision du monde et de l’esthétique.

Au centre des deux romans, on trouve, comme nous l’avons vu, un exploit technique, qui est en même temps une création et constitue une métaphore de l’activité du poète. Considéré d’un point de vue réaliste, le récit de la manière dont cet exploit est accompli n’est pas crédible. Borg paraît vivre dans un futur utopique où le savoir humain a atteint un stade permettant de calculer sans risque d’erreur et de maîtriser tous les facteurs qui déterminent tout ce qui se passe dans l’univers. Gilliatt ne parvient à effectuer un travail physiquement très dur presque sans manger ni dormir pendant deux mois uniquement parce qu’il est partiellement une figure allégorique agissant dans un paysage symbolique. Toutefois, la performance de Gilliatt est grandiose, et son entreprise réussit, puisqu’il rapporte la machine à Guernesey. Pour ce qui est de Borg, la construction du palais italien est une occupation passablement insignifiante. A l’origine, sa tâche était cependant autre, il s’agissait pour lui d’apprendre à penser librement, de se défaire de préjugés anciens et d’idées superstitieuses, un travail de déblaiement intellectuel qu’on peut mettre en parallèle avec celui de Gilliatt et que décrit Strindberg dans des termes concrets, caractéristiques de son style : « [Il] devait détruire des millions de vieilles cellules cérébrales, qui emmagasinaient des impressions surannées, comme si à chaque instant où il devait se forger un jugement il était contraint de procéder à l’ablation d’axiomes dépassés qui voulaient s’imposer comme prémisses. C’était tout un travail de reconstruction[25]. » Cette tâche semble avoir été au-dessus de ses forces, et l’esprit de son époque paraît avoir perturbé la chimie de son cerveau : « il se mit à souffrir de nervosité »[26] il se trouvait « dans un état de déliquescence[27]»,ce qui pourrait être le prélude à sa déchéance à la fin du roman.

Strindberg n’accorde pas à son protagoniste une victoire comparable à celle de Gilliatt. La création voulue par Borg est un échec, puisque le mirage qui devait représenter un palais offre l’image d’un cimetière. Il faut ajouter à cela que le projet lui-même était assez dérisoire. Il s’agissait de construire quelque chose qui ne serait rien d’autre qu’une apparence. Borg est conscient du fait qu’il « perdait du temps et des forces à des enfantillages [28]»et concède que « ce n’était pas un travail dur [29]». Chez Strindberg, l’exploit grandiose de Gilliatt a été réduit à un jeu d’enfant.

Gilliatt est un véritable héros. Le fait qu’il refuse en outre de rendre Déruchette malheureuse révèle un héroïsme et une noblesse d’âme qui manquent à Borg, lequel peut parfois être un héros à ses propres yeux mais n’a souvent pas la force d’avoir le comportement qui serait pour lui le bon. À plusieurs reprises, il se laisse manipuler par Maria, dont il a pourtant compris les véritables intentions. Il est nerveux et hypersensible « en conformité avec sa génération, née et élevée à l’époque de la vapeur et de l’électricité [30]». Ce n’est pas un être d’exception.

Comparé au roman de Hugo, tout dans Au bord de la vaste mer semble être devenu beaucoup plus petit, non seulement le nombre de pages, mais aussi les dangers, la lutte, les actions d’éclat, le héros, l’héroïne… Il n’est pas absurde de se demander si Au bord de la vaste mer ne pourrait pas être lu comme une parodie des Travailleurs de la mer, dans laquelle les deux mois de combat de Gilliatt contre les tempêtes, la faim et les monstres pour sauver un symbole du progrès sont devenus une heure ou deux de calcul de la manière dont les vents et les courants marins vont changer de direction pour ensuite déplacer quelques blocs de pierre et branches, dans laquelle l’héroïque Gilliatt est devenu un homme nerveux qui a du mal à se maîtriser et une victoire contre les forces de la nature est remplacée par un échec ridicule. Olof Lagercrantz dit à propos du premier chapitre du roman de Strindberg que « le décor a l’air planté pour un opéra tragi-comique[31].» Borg lui-même peut être vu comme une parodie du surhomme nietzschéen.

Mais si l’œuvre est une parodie, elle n’est pas drôle et n’entend pas l’être. Borg, selon les mots de Lagercrantz, est « un perdant, un grand héros tragique [32]». Au bord de la vaste mer est un livre que son auteur a eu du mal à écrire. Il se situe à la charnière entre son écriture naturaliste, son intérêt passager pour la pensée de Nietzsche et son évolution vers la religiosité. Il est possible que la conception qu’avait Strindberg de son protagoniste ait changé au cours de la rédaction. En 1889, le réaliste est encore présent derrière l’écrivain qui brosse un tableau à demi utopique d’un surhomme que son cerveau rend potentiellement tout-puissant, si bien que Borg est rapidement confronté à des obstacles inattendus mais sérieux. Son manque de contact avec la réalité le condamne d’avance à mort. Lorsqu’on lit aujourd’hui le texte qui résulte de ce processus d’écriture relativement long, chez un auteur qui d’habitude travaille vite, sa vision du monde paraît floue, et ressemble à une photographie prise par un photographe qui a bougé pendant la prise de vue. Le texte traite de questions qui sont déjà au centre des Travailleurs de la mer, la victoire de l’homme sur la nature, la force de la volonté, le progrès, mais sans la conviction que le bien finira par triompher – sans non plus d’ailleurs la conviction opposée que le progrès est définitivement impossible. La déchéance de Borg est celle d’un individu singulier plus qu’une métaphore de la vanité de l’esprit prométhéen. L’échec qui est montré est celui d’une caricature du prométhéen. Comme l’écrivait déjà Eklund, « la vision du monde d’Au bord de la vaste mer [est] le rationalisme, le positivisme le plus froid […] mais c’est précisément parce que celui-ci est poussé si exceptionnellement loin qu’on sent se dessiner une réaction[33]. »

Dans Les travailleurs de la mer, il n’y a jamais de doute sur la focalisation. Le lecteur sait toujours si le texte donne la parole à un personnage, ou montre comment une personne déterminée, ou un groupe de personnes voit les choses, ou si c’est l’auteur lui-même qui communique ses idées et ses sentiments. Hugo parle volontiers en son nom propre, donne des explications, résume des phénomènes compliqués en une formule frappante que ses personnages seraient incapables de trouver. À plusieurs reprises, l’expression « celui qui écrit ces lignes » indique sans ambigüité qu’il se réfère à son expérience à lui, Victor Hugo, qui habite Guernesey et connaît les lieux. Sa vision du monde, ce qu’il approuve et désapprouve, se laisse facilement induire du texte. Il n’en va pas de même dans Au bord de la vaste mer. Borg est plein de contradictions, il se comporte plusieurs fois avec une inconséquence flagrante. Mais surtout – et c’est là l’un des aspects les plus déroutants du roman – il est souvent difficile de savoir non seulement dans quelle mesure le protagoniste exprime les idées de l’auteur, mais encore si, dans certains passages, on lit des phrases de Borg ou de Strindberg, tous deux utilisant notamment la même langue, au sens bakhtinien. On a l’impression que Strindberg n’a pas voulu, ou pas réussi à prendre position par rapport à des théories et des conceptions de la vie dont il ne se distancie pas sans ambigüité, sans les assumer pour autant comme les siennes propres. Ross Shideler constate à propos du roman: « Darwinism, and its problematic offshoot Social Darwinism, had reshaped humanity’s vision of itself. [34]»Le darwinisme est un thème central dans Au bord de la vaste mer, mais la lecture du livre ne permet pas véritablement de savoir comment son auteur se positionne face à cette « vision de l’humanité ».

Il ne s’agit naturellement pas de dire que Hugo aurait une opinion tranchée sur tout, ou au moins sur toutes les questions qu’il aborde. Il est au contraire, me semble-t-il, conscient de la difficulté qu’il peut y avoir à porter un jugement dans certaines situations. Il souhaite être lu par un « lecteur pensif » qui ne conçoit pas le récit comme un sermon sur ce qui est bien et mal et le reçoit comme une invitation à la réflexion[35]. Il y a dans les textes de Hugo des discours qui expliquent que le doute peut se justifier. Le caractère inévitable et nécessaire du doute est alors un thème du texte. Dans Au bord de la vaste mer, cependant, il n’y a pas de discours sur le doute, et c’est le lecteur qui se trouve contraint de douter, de constater qu’il ne lui est pas possible de savoir où le texte veut en venir. De nombreux passages démentent une interprétation selon laquelle Borg et ses idées doivent être pris au sérieux, tandis que d’autres empêchent d’affirmer qu’il n’est qu’une caricature. Le texte lui-même est distordu par le doute qui imprègne le contexte de sa rédaction. Dans Au bord de la vaste mer, la figure de l’auteur est en cours d’effacement.

Ce roman n’est pas la meilleure œuvre de Strindberg, mais il est intéressant pour la recherche. Le positivisme, et la foi dans le surhomme, poussés à l’extrême, conduisent à une sorte d’impasse dans laquelle celui qui écrit n’entend pas rester prisonnier. Non sans hésitations, il commence à remettre en cause de telles théories, sans toutefois rompre nettement avec elles. Borg suppose que den universella oredan, « le désordre universel », règne « vraisemblablement » dans la nature, sans exclure « la possibilité » que celle-ci recèle det stora sammanhanget, « la grande cohérence ». Ainsi se dessine dès ce moment ce qui sera le sujet d’Inferno[36].

Et ainsi Strindberg paraît retrouver de nouveau Hugo. Dans les années 1860, Hugo était anti-positiviste et anti-athée. Il était à la recherche d’un ordre qui n’était plus visible au XIXe siècle. Myriam Roman considère « [qu’en] profondeur, Hugo ne peut admettre que le monde – l’homme, la société et la nature – dessine un espace clos et fini, appréhendable par le seul recours à la raison humaine[37]».Selon Kathryn M. Grossman, la structure de son œuvre s’efforce « to reconfigure our disordered experience of the world into something far more coherent – a construction of meaning that strives to change perception [38]». Dans Les Travailleurs de la mer, il y a un seul passage où l’on voit le très entreprenant Gilliatt prier. Alors que son travail dans les Douvres s’achève, il s’aperçoit qu’il y a une voie d’eau dans la panse, la barque avec laquelle il doit transporter la machine de la Durande jusqu’à Guernesey. Il colmate la fissure avec ses vêtements, mais sait qu’ils peuvent être emportés par une vague à tout moment. Il comprend qu’il n’y a plus rien qu’il puisse faire, il se trouve confronté aux limites du pouvoir humain. C’est alors, et seulement alors, qu’il prie. Il prie une entité mal définie, peut-être la nature, ou les forces qui gouvernent la nature : « il renonça, il se coucha tout de son long le dos sur la roche, la face aux étoiles, vaincu, et […] il cria dans l’infini : Grâce ! Terrassé par l’immensité, il la pria. [39]»Sa prière est exaucée. Le lendemain matin, sa barque n’a pas coulé. Le positiviste Axel Borg ne prie jamais. Sa faiblesse et son incapacité à se battre pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé le condamnent à l’échec étant donné qu’aucunes puissances transcendantes n’interviennent dans son destin.

Le chapitre qui suit celui qui montre Gilliatt priant, en quelque sorte, l’infiniment grand, s’intitule « Il y a une oreille dans l’inconnu [40]». Dans Les Travailleurs de la mer, Hugo emploie souvent l’expression « l’inconnu », avec ou sans majuscule, pour désigner ce qui selon lui gouverne le monde. Le choix de ce terme procède sans doute d’un refus du positivisme et fait valoir que l’être humain ne peut pas savoir tout. Il souligne ce qu’il y a d’impénétrable dans le divin. Je ne citerai ici que trois exemples. Dans le récit du combat de Gilliatt contre la pieuvre, Hugo utilise le mot « inconnu », puis, deux lignes plus bas, « Dieu », avec le même sens : « L’Inconnu dispose du prodige, et il s’en sert pour composer le monstre. […] Quand Dieu veut, il excelle dans l’exécrable.[41]» Plus tôt dans le roman, il avait écrit : « L’Inconnu fait parfois à l’esprit de l’homme des surprises. Une brusque déchirure de l’ombre laisse tout à coup voir l’invisible, puis se referme[42]» et « Quelle terreur pour la pensée, le recommencement perpétuel, l’océan puits, les nuées Danaïdes, toute cette peine pour rien ! Pour rien, non. Mais, ô Inconnu, toi seul sait pourquoi.[43]»

« L’inconnu » est évidemment un mot clé et un concept clé dans Inferno. Dans ce roman, écrit en français, Strindberg joue sur les deux sens possibles qu’a l’expression en langue française, le sens concret, la personne qu’on ne connaît pas, et le sens abstrait, l’ensemble de ce que nous ne connaissons pas (en suédois, on a une expression différente pour chacun des deux sens). L’usage du mot dans Inferno me semble suffisamment proche de ce que l’on trouve dans Les Travailleurs de la mer pour que la question suivante s’impose : Strindberg ne s’est-il inspiré du roman de Hugo que pour écrire Au bord de la vaste mer, ou n’a-t-il pas aussi repris des éléments hugoliens dans des œuvres postérieures ? L’expression « l’invisible », qu’on trouve aussi dans Inferno, était assez répandue en France dans la seconde moitié du XIXe siècle pour désigner Dieu, mais ce n’était en revanche pas le cas pour « l’inconnu », le terme le plus fréquemment employé par Strindberg. À cela s’ajoute la quête dont le récit constitue le cœur du texte, la recherche de la cohérence derrière le désordre, sujet d’ailleurs abordé dès Au bord de la vaste mer. Le moi qui s’exprime dans Inferno s’efforce de trouver derrière « le grand désordre » apparent « la cohérence infinie ». Kathryn Grossman, qui ne mentionne pas Strindberg, utilise néanmoins les mêmes termes que lui (disordered/ coherent) à propos de la pensée qui sous-tend la structure des romans de Hugo[44].

Le Strindberg de la période dite « post-Inferno », à la fois religieux et socialiste, rejetant désormais le darwinisme social, qu’il qualifie de « philosophie de vétérinaire »,[45] se réclame de Hugo. Dans un article de 1910, repris dans le volume Discours à la nation suédoise, il écrit : « Cette manière bestiale de considérer les affaires humaines est celle de la Science. Celle de la religion est autre ! C’est celle de Laveleye et de Tolstoï, de Victor Hugo (dans Les Misérables et L’Homme qui rit), trois hommes religieux, qui n’étaient cependant pas adeptes d’une confession ni non plus des Sectaires.[46]» (Deux pages plus haut, il avait déclaré qu’il était protestant, mais « certainement pas adepte d’une confession ni non plus sectaire[47] ».) Un peu plus tôt, il avait déclaré dans une lettre à son éditeur Karl Börjesson à propos de L’Homme qui rit : « Le livre le plus sublime et le plus beau jamais écrit ! Je l’ai terminé ce matin à regret et avec chagrin ! Je ne l’avais pas relu depuis 1866 ! Et je m’aperçois maintenant qu’il a été mon maître, mon point de départ, et mon programme radical = religieux tout au long de mon long chemin tortueux. »[48]

Il resterait à présent à tenter de répondre à la question de savoir si Hugo a effectivement accompagné Strindberg sur ce qu’il appelle son « chemin tortueux » et, dans ce cas, de quelle manière.


[1] La traduction suédoise paraît en 1897 et l’original au Mercure de France en 1898.

[2] August Strindberg: Samlade verk 20, Stockholm, Norstedt, 1989, p. 288-289.

[3] Le titre original de ce roman paru en 1890, I havsbandet, a d’abord été traduit en français par Axel Borg, qui est le nom du personnage principal. Les traductions récentes portent le titre Au bord de la vaste mer, beaucoup plus proche du titre original.

[4] August Strindberg: Samlade verk 71, Stockholm, Norstedt, 2004, p. 120.

[5] August Strindbergs brev 17, utgivna av Björn Meidal, p. 141. Lettre 6154, à Karl Börjesson, écrite aux environs du 16 octobre 1908.

[6] August Strindbergs brev 7, utgivna av Torsten Eklund, p. 315. Lettre 1832, à Albert Bonnier, 1er mai 1889.

[7] Cf. Torsten Eklund : « Strindbergs I havsbandet », in Edda, Oslo, Aschehoug, vol. XXIX, 1929, p. 113-144. Sur les liens avec Les Travailleurs de la mer, voir p. 129-130 et p. 141-142. Citation p. 129.

[8] Strindberg : Samlade verk 31, Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1982, p. 183. Cf. Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, I, 5, in Œuvres complètes, Romans III, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 202.

[9] Strindberg : SV 31, p. 25-26. Cf. Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, I, 10, p. 215 : « Le vent était l’ennemi de Gilliatt, Gilliatt entreprit d’en faire son valet. »

[10] Strindberg : SV 31, p. 98. Cf. Hugo : Les Travailleurs de la mer II, I, 10, p. 216 : « Gilliatt sentit une fierté de cyclope, maître de l’air, de l’eau et du feu. »

[11] Strindberg : SV 31, p. 86. Cf. Hugo : Les Travailleurs de la mer I, I, 8, p. 68-69 : « La chaise Gild-Holm-‘Ur ».

[12] Irina Hron-Öberg : « On the Threshold. Knowledge, Hybridity, and Gender in August Strindberg’s I havsbandet”, in Scandinavian Studies, Vol. 84, Issue 3. 2012, p. 373-394, citation p. 378.

[13] Strindberg : SV 31, p. 9.

[14] Kathryn M. Grossman : The Later Novels of Victor Hugo. Variations on the Politics and Poetics of Transcendence, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 72.

[15] Voir : Sven Delblanc : Stormhatten. Tre Strindbergsstudier, Stockholm, 1979.

[16] Myriam Roman : Victor Hugo et le roman philosophique. Du « drame dans les faits » au « drame dans les idées », Paris, Champion, 1999, p. 313.

[17] Cf. note 10.

[18] Strindberg : SV 31, p. 98.

[19] Claude Millet : « L’Amour dans Les Travailleurs de la mer ». Communication au Groupe Hugo du 17 juin 2000, http://groupugo.div.jussieu.fr/Groupugo/Liste_travaux_par_auteur.htm, p. 1, consulté le 19-09-2017.

[20] Cf. Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, I, VII, 3, p. 188.

[21] K. Grossman: The Later Novels of Victor Hugo, p. 45-62 et p. 71-77.

[22] Strindberg : SV 31, p. 41.

[23] Cf. note 2.

[24] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, I, I, 1, p. 49 et Strindberg : SV 31, p. 7.

[25] Strindberg : SV 31, p. 44.

[26] Strindberg : SV 31, p. 44.

[27] Strindberg : SV 31, p. 44.

[28] Strindberg : SV 31, p. 98.

[29] Strindberg : SV 31, p. 98.

[30] Strindberg : SV 31, p. 44.

[31] Olof Lagercrantz : August Strindberg, Stockholm, Wahlström & Widstrand, 1979, p. 251.

[32] O. Lagercrantz : August Strindberg, p. 254.

[33] T. Eklund : « Strindbergs I havsbandet », p. 144.

[34] Ross Shideler : « Borg’s Lost Children : Darwin and Strindberg’s I havsbandet », in James A. Parente, Richard Erich Schade: Studies in German and Scandinavian Literature after 1500. A Festschrift for George C. Schoolfield, Columbia, Camden House, 1993, p. 181-195, citation p. 184.

[35] Cf. M. Roman : Victor Hugo et le roman philosophique, p. 11.

[36] Sur l’évolution de Strindberg vers la conception d’une « cohérence infinie » régnant dans l’univers derrière les apparences, voir mon « Introduction », in August Strindberg : Le Chemin de Damas I, édition d’Annie Bourguignon, Paris, Classiques Garnier, 2015, p. 40.

[37] M. Roman : Victor Hugo et le roman philosophique, p. 179.

[38] K. Grossman: The Later Novels of Victor Hugo, p. 8.

[39] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, IV, 6, p. 294-295.

[40] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, IV, 7, p. 295.

[41] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, IV, 2, p. 278.

[42] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, I, I, 7, p. 66.

[43] Victor Hugo : Les Travailleurs de la mer, II, I, 10, p. 218.

[44] Cf. note 38. Dans l’article ”Sylva sylvarum”, intégré à l’édition française de 1898 d’Inferno, on lit : « et je suis parti, quelquefois seul, quelquefois en compagnie, pour réfléchir au grand désordre dans lequel je finis cependant par découvrir une cohérence infinie ». In : August Strindberg : Œuvre autobiographique, tome II, édition établie et présentée par Carl Gustaf Bjurström, Paris, Mercure de France, 1990, p. 208.

[45] August Strindberg : Samlade verk 68, Stockholm, Norstedt, 1988, p. 20.

[46] Strindberg : SV 68, p. 23. L’article ”Religion” avait été publié dans le quotidien Social-Demokraten du 19 juillet 1910. Emile Laveleye (1822-1892) était un économiste et publiciste belge, proche de l’aile gauche du socialisme et du christianisme social.

[47] Strindberg : SV 68, p. 20.

[48] August Strindbergs brev 17, utgivna av Björn Meidal, lettre 6196, 11 novembre 1908, p. 169. Strindberg ne peut pas avoir lu L’Homme qui rit en 1866, alors qu’il n’a paru qu’en 1869. Strindberg était assez souvent négligent dans la vérification des données matérielles, non seulement dans sa correspondance, mais même dans ses œuvres publiées. Il veut vraisemblablement dire ici qu’il a lu le roman dès sa parution.