Claire Montanari : La composition des Feuilles d'automne

Communication au Groupe Hugo du 28 avril 2007
Ce texte peut être téléchargé, dans la mise en page de son auteur, au format pdf.


Je tiens avant tout à remercier Guy Rosa pour ses conseils avisés et son aide précieuse.

 

On a peu étudié les manuscrits des recueils de Hugo antérieurs à l’exil. René Journet et Guy Robert ont pourtant fait une transcription extrêmement rigoureuse et très précieuse de quatre recueils, Les Feuilles d’automne, Les Chants du crépuscule, Les Voix intérieures et Les Rayons et les ombres. Cependant, ils insistent eux-mêmes sur le fait que les corrections visibles dans ces manuscrits n’apportent que des informations partielles sur la méthode créatrice de Hugo : « Les 4 manuscrits étudiés n’ouvrent qu’une vue assez restreinte sur le travail créateur de Hugo. Ils ne constituent en effet que des mises au net, le plus souvent très proche du texte définitif.»[1].

La correspondance de Hugo, comme souvent, est très allusive à l’égard de la composition du recueil des Feuilles d’automne. On peut tout au plus avoir des informations sur les circonstances qui ont poussé Hugo à la rédaction de tel ou tel poème.

La correspondance de Hugo avec ses éditeurs ne nous en apprend guère plus sur le travail de l’artiste autour des Feuilles d’automne. Hugo, en octobre 1831, se sépare de Gosselin et préfère traiter avec Renduel pour imprimer le recueil. Contrairement à ce que Hugo laisse entendre dans la préface du recueil[2], il est loin de se désintéresser des « question[s] de second ordre » qui concernent le « libraire et non [le] poète »[3] et il débat âprement avec Gosselin, comme avec Renduel, de questions financières.

Si on est au fait des querelles d’édition qui ont entouré la publication du recueil, on sait assez peu de choses sur la méthode de travail de Hugo pour composer Les Feuilles d’automne. Notre seule ressource est de nous appuyer sur les manuscrits. Certes, les corrections n’y sont pas spectaculaires en apparence, mais elles nous obligent à nous attacher à de petits phénomènes qui en disent beaucoup sur la création hugolienne et qui pourraient, paradoxalement, être négligés dans des manuscrits plus complets.

Le manuscrit des Feuilles d’automne laisse d’ailleurs entrevoir différentes étapes de la composition du recueil, même si sans doute les étapes intermédiaires manquent. Il n’existe ainsi pas de plan du recueil. De nombreuses ébauches n’ont pas été conservées et seules les dernières versions apparaissent. Certaines pièces, en outre, ne sont que des copies de la main de Mme Hugo, de Fontaney ou de Marie Mennessier-Nodier[4]. Les copies peuvent cependant être interprétées car elles prennent en charge les variantes entre lesquelles Hugo n’a pas encore choisi, et elles portent souvent des corrections et des rajouts de la main même de l’auteur. Malgré ces manques que l’on peut regretter, il semble que l’on peut tirer parti du manuscrit en analysant les étapes successives qui ont mené à la construction du recueil. On multipliera les méthodes d’approche au cours de notre exposé en essayant de tirer parti de tous les indices qui disent quelque chose sur la méthode – et parfois sur l’absence de méthode - du poète.

On analysera ainsi les quelques ébauches qui ont été à l’origine de la composition de certains poèmes du recueil.

Puis on étudiera les corrections que Hugo effectue dans ses poèmes déjà composés. Il s’agit d’une étape qui, loin d’être insignifiante, permet de resserrer la cohérence des poèmes et leur donne une profonde unité.

Enfin on s’attachera à la physionomie générale du recueil, aux corrections trop récurrentes pour ne pas servir l’unité du recueil.

 

 

I – Des ébauches aux poèmes

 

La plupart des poèmes des Feuilles d’automne dont on a conservé les manuscrits ne sont que des mises au net présentant relativement peu de corrections. Quelques manuscrits cependant gardent la trace des étapes précédentes de la création. Journet et Robert, dans Des Feuilles d’automne aux Rayons et les ombres, ont pris soin de mettre en rapport certains poèmes des Feuilles d’automne avec des esquisses trouvées dans les albums ou dans les Feuilles paginées.

 

1/ Méthodes de travail : ébauches des poèmes narratifs et non-narratifs

On a ainsi conservé des ébauches très complètes de « Rêverie d’un passant à propos d’un roi », d’ « A M. de Lamartine », de « Soleils couchants » et de « La Prière pour tous ».

Hugo ne procède différemment selon les types de poèmes qu’il prévoit de composer. Les deux derniers poèmes cités, « Soleils couchants » et « La Prière pour tous », sont divisés en sections et n’ont pas une vocation très narrative : « Soleils couchant » s’amorce sur l’évocation des couchers de soleil et se termine par une comparaison entre le cycle éternel de la nature et le vieillissement inéluctable de l’homme. « La Prière pour tous » prend la forme d’un discours adressé à la fille du poète sur la nécessité de prier. Les ébauches de ces deux poèmes sont caractérisées par une recherche tâtonnante. Hugo semble avoir un thème en tête – les soleils couchants ou les bienfaits de la prière – et il jette sur le papier tous les vers (ou les notes en prose) qui lui viennent à l’esprit sur le sujet, sans avoir, apparemment, de plan très défini.

 

La méthode de composition de ces deux poèmes peu narratifs – même s’ils laissent entrevoir une évolution au fur et à mesure des sections qui les constituent – diffère de celle des poèmes fondés sur le récit : « Rêverie d’un passant à propos d’un roi » et « A M. de Lamartine ». « Rêverie d’un passant à propos d’un roi » met en scène le poète qui assiste à l’arrivée du roi de Naples au « gala de la cour » et qui est frappé par la remarque que fait une femme du peuple devant ce spectacle. « A M. de Lamartine » est fondé sur une métaphore filée qui compare le poète des Feuilles d’automne et Lamartine à deux bateaux affrontant la tempête. Le « navire magnifique » de Lamartine arrive au bout du voyage dans une « mer sereine », tandis que la « barque » de l’énonciateur du poème reste à lutter sur les flots.

Les ébauches de ces deux poèmes diffèrent de celles que l’on a déjà évoquées dans la mesure où elles dessinent déjà l’évolution du poème à venir : elles ne sont pas recherches tâtonnantes autour d’un même thème, mais déjà fils conducteurs.

L’ébauche du poème III]<[5], « Rêverie d’un passant à propos d’un roi » prend ainsi l’aspect d’un plan versifié : la majeure partie des vers seront réécrits, modifiés, mais ils tracent déjà les grandes lignes du poème à venir.

L’ébauche du poème « A M. de Lamartine » est, quant à elle, constituée de plusieurs fragments, mais qui, par leur disposition même, préparent le parcours narratif de la version finale. Les fragments suivent un ordre très précis, respecté dans le poème fini, même s’ils ne sont constitués que de vers épars, sans couple de rimes la plupart du temps. Parfois même, le poète n’envisage que la structure, le squelette du poème, avant d’en rédiger les vers, avant même d’avoir une vague idée de ce qu’ils pourraient évoquer :

 

Je t’ai perdu dans la brume

l’orage a entraîné [ ?] + deux +

[Cf. le développement 70 à 120]

                  Mais… Enfin

 

je te revois à l’horizon [123-4]

Mais ce n’est plus la nef battue des vents etc [125]

C’est un navire plein de joie, [131]

Un cygne qui revient. – [149-150]

 

Même si Hugo n’a pas encore une idée précise de ce qui va nourrir le cœur de ce fragment[6], les adverbes « mais » et « enfin » définissent les mouvements qui doivent traverser le poème. Le poème peut se lire avant tout comme un texte parcouru par un mouvement, comme un flux dont ressortiraient quelques vers plus frappants que d’autres et écrits dès les premières ébauches.

Cette attention au mouvement, à l’échelle du poème, se remarque à l’échelle du seul fragment, lorsqu’on s’attache d’un peu plus près à sa construction.

 

2/ Les fragments, ou l’écriture en mouvement

Peu de fragments forment une entité close sur elle-même. Beaucoup d’entre eux semblent jaillir d’un flux de pensée, d’un déjà-là qui leur donne une existence. Nombre de fragments sont ainsi allusifs, incomplets. Rien ne les entoure pour leur donner un sens, pour faire apparaître la pensée qui les a mis au jour. Ils sont des fragments d’imaginaire, la quintessence, la conclusion d’un processus mental auquel on ne peut avoir accès mais qui se devine néanmoins par la forme de l’écriture.

 « On pourra constater que la théorie de Valéry sur le premier vers est, pour Hugo, fausse ; ici le dernier est donné et à partir de lui s’organise tout le reste. […] » écrit Guy Rosa dans sa présentation des Feuilles paginées[7]. Cette remarque se vérifie très souvent dans les manuscrits de Hugo ; ce qui est vrai des vers-clausules de poèmes s’applique, de la même façon, aux derniers vers des strophes.

Ce phénomène d’écriture propre à Hugo est particulièrement récurrent dans les ébauches de « La Prière pour tous », puisqu’il s’agit d’un poème strophique. Nombre de fragments commencent par la conjonction de coordination « et », ce qui interdit de penser qu’ils ont été conçus pour débuter un poème, mais plutôt pour clore une strophe ou une section.

Ces deux vers se trouvent ainsi à la fin de l’avant-dernière strophe de la première section du poème : 

 

Et comme volent au [sic] fleurs les abeilles dorées

Les rêves vont en foule à | leurs | s ses | rideaux de lin ![8]

 

Les deux suivants terminent la première section :

 

Et comme l’oiseau met sa tête sous son aile,

L’enfant dans la prière endort son jeune esprit.[9]

 

Ces deux autres vers se situent à la fin de la quatrième section :

 

Et comme le sillon | sent [ ?] | sc qui |  sent la fleur éclore

Sentent dans leur œil vide une larme germer.[10]

 

Parfois, la conjonction « et » n’est pas conservée dans la version finale. Elle n’a été pour Hugo qu’un moyen de lancer le vers dans un mouvement qui va vers son propre achèvement.

La majeure partie des fragments consacrés à « La Prière pour tous » constituent ainsi, de façon très nette, des fins de strophes toutes trouvées, à telle point que ce mode d’écriture étonne : sans avoir encore de projet défini, ou du moins de fil conducteur dans la succession des fragments, Hugo prévoit ce que seront les derniers vers d’une grande partie des strophes du poème. On pourrait alors conclure un peu rapidement que le poète n’aura, pour terminer le poème, qu’à « boucher les trous », à composer des vers « chevilles » qui permettront de relier entre eux les strophes et les vers déjà composés. Mais ce serait aller trop vite en besogne. Les fragments ne sont pas des bouts de poème destinés à être collés les uns avec les autres, mais les résultats d’un flux de pensée.  Tout le travail du poète consistera à retrouver ce flux et à lui redonner sa légèreté initiale, à faire en sorte que les mots qu’il emploiera rendent compte de la fluidité qui a donné naissance à l’image finale, à écrire de telle sorte que la fin semble découler du début, alors que c’est en réalité le début qui a découlé de la fin. Les fragments qui constituent des fins de poèmes ou de strophes sont à la fois fins et débuts : ils sont fins parce qu’ils sont l’aboutissement d’un mouvement de pensée, mais aussi débuts parce qu’ils doivent être vus comme les amorces d’un mouvement créateur qui doit mener jusqu’à eux.

Le vers de Hugo semble réellement se trouver par le mouvement et par le rythme. Il trouve d’ailleurs naturellement, presque instinctivement, l’alexandrin, ou plutôt l’hémistiche de l’alexandrin, l’hexasyllabe.

L’ébauche du poème « A M. de Lamartine » est déjà composée en octosyllabes, seul mètre employé dans la version finale. Pourtant, il arrive, au moment de la composition, que Hugo retombe sur des hexasyllabes, alors qu’il n’a visiblement pas l’intention de présenter des strophes hétérométriques :

 

je te revois à l’horizon [123-4] 8

Mais ce n’est plus la nef battue des vents etc [125] Prose

C’est un navire plein de joie, [131] 8

Un cygne qui revient. – [11] [149-50] 6

te voilà au port… et je te regarde Prose

ce flot qui sur moi se soulève 8

S’apaisera sous toi…[12] [cf. 221-230] 6

 

L’hexasyllabe semble avoir un statut privilégié dans la mesure où l’on ne trouve jamais, dans les ébauches de poèmes en alexandrins, d’autres mètres qui viendraient de façon instinctive ou accidentelle[13]. La prose, en revanche, est souvent présente et permet d’accéder progressivement au rythme de l’alexandrin ou de l’hexasyllabe.

Dans l’ébauche de « La Prière pour tous », certaines notations en prose retrouvent ainsi le rythme de l’hexasyllabe. C’est le cas dans ce fragment :

 

Il s’emplit de ses paroles et reste ange [cf. 330-331]

Comme le cristal s’emplit d’eau sans changer de couleur.[14]

 

Le groupe prépositionnel, « sans changer de couleur », constituera l’hémistiche d’un alexandrin dans la version finale :

 

Comme le pur cristal que notre soif réclame

S’emplit d’eau jusqu’aux bords sans changer de couleur.

 

Le même phénomène est visible quelques fragments plus loin :

 

Je suis comme le portefaix qui se repose aux bornes du chemin et dépose sa charge[15] [cf. 86]

 

Cette phrase en prose se termine par deux hexasyllabes, « aux bornes du chemin », « et dépose sa charge », qui finiront par former un alexandrin :

 

Je suis comme l’esclave, assis dans la vallée,

Qui dépose sa charge aux bornes du chemin ;

 

L’attention que Hugo porte au mouvement, lors de l’écriture des premiers jets, se retrouve dans ses corrections de détail, lorsqu’il s’attache à relire les manuscrits ou les copies de poèmes déjà composés. Il lui arrive fréquemment de modifier ou de corriger certains vers, voire certains mots. Ces corrections, parfois infimes, méritent néanmoins d’être étudiées de près. On constate souvent que de minuscules modifications renversent complètement ou approfondissent considérablement le sens d’un poème.

 

 

II – Pour une cohérence des poèmes

La création poétique ne s’arrête pas aux modifications les plus spectaculaires. On garde souvent en mémoire l’image des manuscrits de Hugo les plus saisissants, couverts de ratures et de rajouts dans la marge. Celui des Feuilles d’automne est, visuellement, relativement peu spectaculaire. Il témoigne néanmoins de l’extraordinaire maîtrise d’un poète qui ne laisse rien au hasard. Les infimes modifications qu’apporte Hugo à son manuscrit ne sont pas des corrections de détail, mais plutôt des corrections du détail, corrections de détails qui renforcent souvent profondément la cohérence des poèmes.

 

1/ Cohérence du vers

 Attachons-nous tout d’abord aux modifications qui peuvent sembler les plus ténues, celles qui ne touchent qu’un mot ou deux, mais qui sont loin d’être anodines et qui disent quelque chose de la composition du vers chez Hugo. « Hugo travaille autant les masses que la ciselure », remarque Meschonnic[16]. Les manuscrits en témoignent de façon éloquente.

Journet et Robert, dans l’appendice de leur ouvrage Des Feuilles d’automne aux Rayons et les ombres, dressent la liste des types de modifications qu’ils ont repérés dans les manuscrits des quatre recueils. Ils les commentent avec beaucoup de circonspection, expliquant ainsi que « pour autant qu’il soit possible de juger dans ce domaine particulièrement délicat, les corrections pour raison d’euphonie semblent rares »[17]. On conviendra sans difficulté que la prudence est de mise pour aborder la question des sonorités dans la conception du vers. Il est difficile d’affirmer de façon péremptoire que Hugo a voulu changer tel mot pour rendre son vers plus harmonieux, par exemple. La modification des sonorités s’accompagne en effet d’une modification sémantique et il est impossible de décider lequel de ces deux aspects a gouverné le changement. On peut en revanche, sans chercher à deviner la cause de la démarche du poète, analyser les effets que produisent les modifications sur la structure du vers. Et, très souvent, le vers se trouve renforcé dans sa cohérence après les changements que lui fait subir le poète.

  Soit la strophe suivante, tirée de la pièce XXIII, « Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage »][18] :

 

Si jamais vous n’avez, à l’heure où tout sommeille,

Tandis qu’elle dormait, oublieuse et vermeille,

Pleuré comme un enfant à force de souffrir,

Crié cent fois son nom du soir jusqu’à l’aurore,

Et cru qu’elle viendrait en l’appelant encore,

Et maudit votre mère, et désiré mourir ; 

 

L’un des vers en a été modifié. Hugo avait d’abord écrit : « Crié vingt fois son nom du soir jusqu’à l’aurore ». Il me semble que le poète n’a pas seulement corrigé « vingt » par « cent » pour amplifier de façon hyperbolique le désespoir du jeune homme amoureux. La modification produit une allitération en [s] qui, ici, n’est pas anodine : « Crié cent fois son nom du soir jusqu’à l’aurore ». La répétition de la consonne « s » dans le vers souligne le sens du vers, insistant lui-même sur une action répétitive.

  Les exemples de ce type sont extrêmement nombreux dans le manuscrit. Dans le poème XXIX, « La pente de la rêverie » [19], Hugo modifie de la même façon un de ses vers :

 

La spirale est profonde, et quand on y descend,

Sans cesse se prolonge et va s’élargissant

 

Il avait d’abord écrit :

 

La spirale est profonde, et quand on y descend,

Toujours | i Sans fin | se multiplie et va s’élargissant

 

La richesse sonore de la version définitive, « Sans cesse se prolonge et va s’élargissant », donne, une fois encore du relief au vers. Les quatre premières syllabes du vers commencent toutes par la consonne « s » : de même que la « spirale […] se prolonge », le son s’étire et se diffuse d’une syllabe à l’autre. Puis, alors que le mouvement de la spirale « s’élargi[t] », l’allitération devient moins pressante, les consonnes répétées s’espacent. La spirale se devine presque visuellement dans l’espace sonore du vers. A noter que la modification à laquelle Hugo a procédé n’a d’ailleurs pas seulement permis de donner sens à la structure du vers, mais elle a aussi renforcé le lien entre ce vers et celui qui précède : les sonorités du verbe « prolonge » rappellent ainsi celles de l’adjectif « profonde », situé au même endroit, juste avant la césure, dans le vers qui précède.

Soit le vers « L’horizon s’effaça, les formes disparurent »[20]. Hugo le modifie ainsi : « L’horizon se perdit, les formes disparurent ». La modification est moindre en apparence. Pourtant elle permet de donner du relief au vers, structuré par le retour des mêmes phonèmes de chaque côté de la césure, et de renforcer le parallélisme des deux événements évoqués, l’effacement de l’horizon et la disparition des formes. Les formes verbales, « se perdit » et « disparurent » laissent entendre précisément les mêmes consonnes (« s », « p », « r », « d »), ainsi que la syllabe « di », et créent une sorte de symétrie sonore.

« Un vers de Victor Hugo est facile, non pas à écrire, mais à reconnaître », dit Jean-Marc Hovasse[21]. « Si les mêmes séries de phonèmes se répètent, se mêlent et s’entrecroisent – sans que cela passe forcément par des allitérations évidentes -, si l’enchevêtrement des figures sonores finit, quand on essaye de les décomposer, par faire apparaître une logique, alors le vers est bien de lui ». La formule est très juste. Le vers que l’on vient d’étudier peut sembler anodin, il ne recèle pas d’ « allitérations évidentes » comme ceux que l’on a vu auparavant, mais il vaut par sa grande homogénéité.

Hugo a rapidement l’intuition du mot qui convient : il n’hésite habituellement qu’entre deux variantes. Il lui arrive néanmoins d’essayer plusieurs versions avant de tomber sur une trouvaille qui résonne comme une évidence. « Celui-là seul sait écrire qui écrit de telle sorte qu’une fois la chose faite, on n’y peut changer un mot » note-t-il dans un de ses fragments[22]. Hugo tâtonne pour commencer ce vers, qui se trouve dans le trente-huitième poème du recueil, « Pan » : « Enivrez-vous […] / Du voyageur de nuit dont on entend la voix ». Le poète avait d’abord écrit : « Enivrez-vous […] / Du nocturne passant dont on entend la voix », puis il a songé à remplacer « nocturne passant » par « chanteur inconnu », et par « passant inconnu ». Il finit par penser à « voyageur de nuit », qui se trouve, sur le manuscrit, en surcharge sur « passant inconnu ». On peut donc supposer qu’il s’agit de la dernière version trouvée, et sans conteste celle qui fonctionne le mieux du point de vue de la construction du vers. Comme dirait Henri Meschonnic, « les deux bouts du vers sont des miroirs sémantiques où se reflètent et se renversent une syllabe, un mot »[23]. La « voix » du « voyageur » se fait déjà entendre dans son nom. Tout se passe comme si le poème réinventait une étymologie fictive au nom « voyageur » : le « voyageur » est celui dont on entend seulement la « voix », il ne se définit et n’a d’existence que par elle, puisqu’il n’est pas visible au milieu de la nuit.

 

La question de la prosodie, des sonorités est donc essentielle pour la construction du vers. Cependant, le vers, s’il se trouve renforcé par ces corrections, n’existe jamais seul. « Je n’aime pas les vers, j’aime la poésie »]<[24], dit Hugo dans une formule devenue célèbre. L’enchaînement entre les vers, la construction du poème, ne sont pas non plus négligées dans les modifications apportées dans le manuscrit.

 

2 / Cohérence du poème

La modification d’un vers a souvent une influence sur l’équilibre  et l’architecture du poème dans lequel il s’inscrit.

Dans le poème XVIII, « Où donc est le bonheur ? disais-je. – Infortuné ! », le poète évoque les différents âges de la vie, et particulièrement l’insouciance de l’enfance, les sentiments amoureux qu’éprouve le jeune homme et le bonheur, vite enfui, du mariage. Le manuscrit dit d’abord :

 

C’est donc avoir vécu ! c’est donc avoir été !

Dans l’amour et la joie, et la félicité,

C’est avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.[25]

 

Un signe diacritique intervertit ensuite les noms dans le deuxième vers, qui devient : « Dans la joie et l’amour et la félicité ». L’inversion permet d’établir une gradation conforme aux préceptes rhétoriques dans la longueur des mots : on passe d’un mot d’une syllabe à un mot de deux, puis à un mot de quatre syllabes. Mais la modification permet aussi de faire écho, dans l’espace d’un seul vers, à la construction du poème : à la « joie » de l’enfance succède « l’amour » du jeune homme, puis la « félicité » fugitive du jeune marié. La nouvelle forme du vers suffit à indiquer la succession rapide de ces états ; le vers rejoint alors le sens que dessine l’ensemble du poème.

La plupart des modifications de brefs passages permettent de donner une unité aux poèmes. Une strophe est ainsi légèrement modifiée dans le poème XXV, « Contempler dans son bain sans voiles ». Elle avait d’abord cet aspect :

 

Se mirer au flot de l’arêne,

Dormir sous l’arbre du chemin,

Etre le Roi, lorsque la Reine

Porte son grand sceptre d’ébène

d’une blanche et petite main.[26]

 

Hugo a ensuite barré toute la strophe, remplacée par sa version définitive :

 

Regarder la lune sereine ;

Dormir sous l’arbre du chemin,

Etre le roi lorsque la reine,

Par son sceptre d’or souveraine,

L’est aussi par sa blanche main ;

 

La description de la reine, dans la première version de la strophe, était plutôt de l’ordre du constat et ne disait rien du lien entre le roi et la reine. La reine n’était que celle qui « Port[ait] son grand sceptre d’ébène / D’une blanche et petite main », figure marquée seulement par le contraste entre le pouvoir « politique » de la reine et la faiblesse de sa condition de femme : elle n’a pour tenir le « grand sceptre » noir qu’une « blanche et petite main ». La version définitive efface ce contraste et au lieu de souligner la faiblesse de la femme, lui confère un double pouvoir : le pouvoir public – elle est « souveraine » par le sceptre – mais aussi, et surtout, privé : « sa blanche main » gouverne… et gouverne le roi, le poète. Ce changement modifie la portée de la strophe. Il permet d’annoncer de façon indirecte la dernière strophe du poème qui lui donne, par retour, tout son sens :

 

Non, tout ce qu’a la destinée

De biens réels ou fabuleux

N’est rien pour mon âme enchaînée

Quand tu regardes inclinée

Mes yeux noirs avec tes yeux bleus ! 

 

La strophe que Hugo a modifiée est la seule, dans le poème, qui évoque de façon explicite la puissance d’envoûtement de la femme ; elle annonce ainsi la dernière strophe, marquée par la soumission du poète à l’ « âme enchaînée » et dominée par le regard surplombant de sa belle.

 

Si les modifications ou les ajouts de ce type sont nombreux dans le manuscrit des Feuilles d’automne, les suppressions de vers sont extrêmement rares. Hugo remplace des vers par d’autres, ou en ajoute ; il en supprime très peu. En revanche, les images sont parfois retravaillées, à tel point que, s’étalant sur le même nombre de vers avant et après les modifications, elles semblent néanmoins condensées, resserrées, et prennent d’autant plus de relief.

 

3 / Le travail des images

Les images trouvées lors des premiers jets sont, dans l’ensemble, plus concrètes, voire plus prosaïques, que leur réécriture. Si Hugo supprime très rarement des vers, il ne craint pas en revanche d’éliminer les détails inutiles, sacrifiant à un idéal de sobriété qu’on ne lui reconnaît pas toujours.

C’est par exemple le cas dans une des strophes du poème XXIII, « Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage » :

 

Si vous n’avez jamais, lorsque la rue est sombre,

Sous les vitres d’un bal qui rayonne dans l’ombre,

Attendu, sous l’hiver respirant à demi,

Qu’une porte s’ouvrit [sic] pour voir |dans | s à | sa lumière

| Pour voir un seul moment | s comme dans un éclair | passer près de sa mère

La beauté qui vous aime et vous croit endormi ;[27]

 

Certains détails, dans cette strophe, peuvent sembler inutiles, surtout si on la compare avec la version définitive. Hugo supprimera la fin du premier vers, « lorsque la rue est sombre » ; le vers suivant suffisait en effet à signifier que la scène se passe la nuit : « un bal qui rayonne dans l’ombre ». Sans changer le mot situé à la rime, il remplace un élément de décor – « la rue est sombre » - par un sentiment profond :

 

Si vous n’avez jamais attendu, morne et sombre,

Sous les vitres d’un bal qui rayonne dans l’ombre,

L’heure où pour le départ les portes s’ouvriront,

Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,

Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,

Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;

 

De même, la notation « sous l’hiver respirant à demi » a disparu ; la seconde strophe intériorise, en quelque sorte, la souffrance du jeune homme qui attend. Ce n’est pas le fait d’attendre dans le froid de l’hiver qui est difficile, mais d’attendre tout court. D’ailleurs, le jeune homme, dans la seconde strophe, n’attend même plus qu’une porte s’ouvre par hasard ; il n’attend paradoxalement qu’un départ, celui de la jeune fille qu’il aime, qui n’est plus accompagnée de sa mère – ce qui pouvait être le gage de sa vertu –, et dont il n’a plus l’assurance d’être aimé.

La strophe ainsi modifiée souligne l’attente frustrée du jeune homme. La jeune fille tant attendue n’est qu’une vision fugitive et éphémère, qu’une ombre qui passe et s’en va, « des fleurs au front ». L’image des « fleurs » n’apparaissait pas dans la première strophe, mais elle ne peut être considérée ici comme un détail inutile. Les fleurs mettent en effet l’accent sur la coquetterie de la jeune fille et sur l’éclat de son insouciance, contraire à l’allure morne et sombre du sujet. Elles permettent aussi d’annoncer ce qui constituera la fin de la strophe suivante :

 

Si vous n’avez jamais vu d’un œil de colère

La valse impure, au vol lascif et circulaire,

Effeuiller en courant les femmes et les fleurs.

 

Les détails anodins ont disparu au profit d’un resserrement de l’image, d’une dramatisation de la situation. 

On trouve le même type de modification, l’image concrète devenant plus métaphorique, dans une strophe du poème XXXVII, « La Prière pour tous ». Le poète évoque les morts pour lesquels sa fille doit prier. En voici la première version :

 

Mais eux ! si tu savais de quel sommeil ils dorment !

Leurs lits sont froids et lourds à leur os qu’ils déforment.

Ils sont là jusqu’au jour où tous se lèveront ;

Pas d’aube dans leur nuit, pas de feux, pas de lampe ;

Le remord, qui s’est fait vers du sépulcre et rampe,

Traîne éternellement sa bave sur leur front ![28]

 

L’image finale, étrangement baudelairienne, est volontairement provocatrice. Elle doit provoquer le dégoût mais elle n’est pas véritablement motivée. Hugo transforme ainsi ce passage :

 

Les anges autour d’eux ne chantent pas en chœur.

De tout ce qu’ils ont fait le rêve les accable.

Pas d’aube pour leur nuit, le remord implacable

S’est fait vers du sépulcre et leur ronge le cœur.

 

La nouvelle strophe a plus de cohérence. Le vers « De tout ce qu’ils ont fait le rêve les accable » est lié avec la notion de « remord ». Le même thème était répété avec des variations dans le vers « Pas d’aube dans leur nuit, pas de feux, pas de lampe ». L’image ne disparaît pas complètement dans la nouvelle version, mais elle est plus métaphorique : « Pas d’aube pour leur nuit, le remord implacable ». La virgule, ici, n’est pas anodine. Hugo aurait pu lui préférer un point ; cela aurait fonctionné sans dommage grammatical. Oui, mais la virgule peut, si on s’attache à ce seul vers, avoir un sens adversatif ; elle signifie la même chose qu’un « mais » : « Pas d’aube pour leur nuit, [mais] le remord implacable ». « Aube », mis sur le même plan que « remord », prend un sens plus métaphorique, moins platement concret : le mot signifie, dans ce nouveau contexte, « espoir », « espérance », et plus seulement « lumière ». En outre, le dernier vers de la nouvelle version, « S’est fait vers du sépulcre / et leur ronge le cœur », remarquable par son rythme très régulier, l’est aussi parce qu’il réactive le sens figuré de l’expression, « ronger le cœur ».

Le même souci de sobriété et de densité rend compte de l’abandon de ce qui, dans les ébauches, était excessivement explicite. C’est ainsi que, dans une ébauche du poème IX, « A M . de Lamartine », Hugo fait allusion au texte qui l’a sans doute inspiré :

 

Horace…

Chantait au vaisseau de Virgile

Mais Horace chantait au port.

Moi je te chante dans l’orage[29]

 

Horace avait en effet écrit une ode à l’occasion d’un voyage réel ou fictif de Virgile en Grèce. Il faisait mine de s’adresser au vaisseau emportant le poète sur les flots. La métaphore qui fait de Lamartine et de l’auteur des Feuilles d’automne des navires affrontant la tempête vient vraisemblablement de l’ode d’ Horace. Hugo choisit cependant de ne pas reproduire ces vers dans la version finale, mais l’épigraphe du poète est tirée du texte de l’auteur latin : « te referent fluctus ». L’allusion à l’ode d’Horace a glissé du texte à l’épigraphe. Désormais plus discrète, elle contribue cependant à établir un lien de complicité avec le lecteur cultivé qui ne pourra manquer de comprendre le rapport entre l’épigraphe et le contenu du poème. On peut considérer aussi que le refus de citer Horace à l’intérieur même du poème est lié à l’esthétique de l’ensemble du recueil : contrairement à ce qu’il fait pendant l’exil, Hugo évoque très peu les auteurs qu’il admire dans les Feuilles d’automne. Le recueil est volontairement ancré dans le présent et les seuls artistes représentés sont les contemporains et amis du poète, Louis Boulanger, Lamartine, Louise Bertin, Sainte-Beuve, David d’Angers.

Les corrections, suppressions ou modifications apportées dans un poème sont aussi liées à la physionomie que le poète veut donner au recueil dans son ensemble.

 

 

III – Construction du recueil

 

On étudiera d’abord les corrections qui nous semblent récurrentes ; certaines s’attachent à construire, au fil des poèmes, une image du « moi » du poète et du « moi » de l’homme privé - le traitement des deux « moi », dans les corrections, n’est d’ailleurs pas exactement le même. D’autres montrent que Hugo a, très souvent modifié les passages consacrés à Napoléon. On analysera ensuite les indices qui témoignent de l’attention que Hugo porte à la cohérence du recueil des Feuilles d’automne.

 

1/ « Je » du poète, « je » de l’homme privé

Deux « moi » se succèdent et alternent dans le recueil : celui du poète, homme public, et celui de l’homme privé.

Les corrections accentuent très fréquemment la tristesse et la fragilité du « moi » privé. Dans le poème VI, « A un voyageur », Hugo avait d’abord écrit :

 

Oh ! j’avais donc vingt ans ! j’étais donc plein de flamme

J’avais à l’horizon l’espérance et dans l’âme

Un tendre et mol [ ?] ennui [ ?][30]

 

La variante, qu’il conservera, est plus pessimiste, ne serait-ce que par les mots placés à la rime, « songes » / « mensonges », qui laissent un souvenir moins positif  que les rimes de la version antérieure (« flamme » / « âme ») dans la mémoire du lecteur :

 

J’avais donc dix-huit ans ! j’étais donc plein de songes !

L’espérance en chantant me berçait de mensonges.

Un astre m’avait lui !

 

En soulignant la faiblesse du « moi » privé, Hugo l’intègre à la communauté des hommes. Les Feuilles d’automne constituent en effet le premier recueil de Hugo dans lequel le poète s’approche de la voix du peuple. Les ratures et les corrections témoignent de l’effort constant de l’auteur de rattacher le destin de l’homme privé à celui de la communauté des hommes.

Les changements de pronoms en témoignent de façon récurrente. La première version du poème que l’on vient d’évoquer, « A un voyageur », commence ainsi :

 

Ami, vous revenez d’un de ces longs voyages

Qui font vieillir plus vite, et vous changent en sages[31]

 

La version définitive transformera le « vous », impersonnel ou non, en un « nous » qui englobe l’ami, le poète et l’ensemble de l’humanité :

 

Ami, vous revenez d’un de ces longs voyages

Qui nous font vieillir vite, et nous changent en sages

 

De même, dans le poème XVIII, Hugo remplace le possessif « ses », qui a ici une valeur impersonnelle, par un « nous » collectif, en insistant une fois de plus sur la faiblesse de l’humanité. Le deuxième vers de « Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées / Voir blanchir ses cheveux et tomber ses années » devient « Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années ».

 

Si l’homme privé a le même destin que l’ensemble de l’humanité[32] et parle en son nom, le poète, lui, s’en distingue ; il se situe en retrait de la foule. Il est, comme le mont Atlas dans le poème X, celui qui « porte un monde » et qui rêve. Alors que les corrections des poèmes évoquant l’homme privé tendent à insister sur sa fragilité, les ratures et modifications des passages consacrés au poète visent souvent à le grandir ou à donner un caractère plus tangible à ses rêveries.

La façon dont le « moi » du poète est grandi par les corrections se remarque plus encore dans le poème IX, « A M. de Lamartine ». Les derniers vers du poème étaient d’abord relativement pessimistes :

 

Et si mon invisible monde

Toujours dans les ténèbres fuit,

Si rien ne germe dans cette onde

Que je laboure jour et nuit,

Si voilé d’un fatal mystère

Je me brise à l’ingrate terre

Que cherchent mes yeux obstinés,

Pleure, ami, mon ombre jalouse !

Colomb doit pleurer Lapeyrouse.

Tous deux étaient prédestinés ![33]

 

Hugo remplace finalement « dans les ténèbres » par « à l’horizon ». « Si voilé d’un fatal mystère / Je me brise à l’ingrate terre » devient « si mon navire de mystère / Se brise à cette ingrate terre » : ce n’est plus le « je » qui est voué à se briser, mais le « navire de mystère ». Tous deux se réfèrent bien entendu au poète, mais le fait d’utiliser la métaphore du navire pour présenter le poète permet de mettre à distance l’idée de désastre. La métaphore « navire de mystère » présente en outre le poète de façon plus positive que dans la version antérieure : le poète était auparavant « voilé d’un fatal mystère » bien malgré lui. Dans la version définitive, le mystère a été intériorisé et c’est lui qui le contient : « mon navire de mystère ». Dans la première version, « Colomb doit pleurer Lapeyrouse » ; dans la version définitive, la notion de deuil impliquée par le verbe « pleurer » n’est pas répétée.

 

Les manuscrits témoignent donc de deux mouvements inverses pour le traitement du « moi ». Tandis que le « moi » de l’homme privé devient plus fragile, le « moi » du poète garde une force accrue. Tout se passe comme si le « moi » privé était soumis à la temporalité de l’écriture comme il est soumis au temps dans le monde réel. Au fur et à mesure des relectures, Hugo le rend plus faible. Au contraire, le « moi » de l’écrivain, de l’écriture, du poète, ne peut que se renforcer par les campagnes d’écritures successives.

 

2/ La figure de Napoléon

Reste la question du « moi » politique. Il n’apparaît pas véritablement dans le recueil. Dès la préface, Hugo précise qu’il ne publie qu’un  « volume de pauvres vers désintéressés ». Il ajoute, à la fin de la préface, que

 

C’est maintenant le lieu de répondre à la question des personnes qui ont bien voulu demander à l’auteur si les deux ou trois odes inspirées par les événements contemporains, qu’il a publiées à différentes époques depuis dix-huit mois, seraient reprises dans les Feuilles d’automne. Non. Il n’y a point ici place pour ce qu’on appelle politique et qu’il voudrait qu’on appelât historique. Ces poésies véhémentes et passionnées auraient troublé le calme et l’unité de ce volume. Elles feront partie d’un recueil de poésie politique, que l’auteur tient en réserve. 

 

Les odes évoquées par Hugo seront publiées au début des Chants du crépuscule. Les Feuilles d’automne ne sont cependant pas libres de toute considération politique, mais elles sont plutôt d’ordre général et ne font pas référence à un événement précis et actuel. La Révolution de Juillet n’est pas même citée. Les manuscrits ne font pas état de suppression de passages trop politiques, qui « auraient troublé le calme et l’unité [du] volume ».

Les seules modifications notables, même si elles ne portent que sur de brefs passages, concernent Napoléon. La version publiée est souvent moins positive que ce qui apparaît dans les brouillons et les copies. « Souvenir d’enfance » commence ainsi :

 

Dans une grande fête, un jour, au Panthéon,

J’avais sept ans, je vis passer Napoléon.

 

Pour voir cette figure illustre et solennelle,

Je m’étais échappé de l’aile maternelle ;

Car il tenait déjà mon esprit inquiet ;

 

Hugo avait d’abord écrit « Car sur ce | hau[t] | grand | destin j’allais déjà rêvant »[34]. L’éloge n’est évidemment pas aussi visible dans la version définitive que dans le premier jet. On pourrait arguer que Hugo prend « inquiet » dans un sens étymologique – « inquies » signifie en effet « agité » en latin[35]. Napoléon serait ce grand homme qui ne peut laisser l’esprit tranquille et le met en mouvement, mais qui trouble aussi sa sérénité et ne laisse plus place au rêve.

De même, Hugo ne modifie qu’un vers dans « Rêverie d’un passant à propos d’un roi », mais la transformation bouleverse la façon dont est présenté Napoléon. Dans le poème, la réflexion d’une vieille femme sur le faste des rois plonge le poète dans une longue rêverie. Dès la première ébauche, la vieille femme disait, voyant le faste qui entourait le roi de Naples : « si c’était l’empereur que ferait-on de moins ? »[36] La remarque n’est pas hostile à Napoléon et se contente de dénoncer le faste excessif du roi de Naples. La vieille femme laisse implicitement entendre qu’un tel faste ne la gênerait pas s’il s’appliquait à Napoléon. Le fait de l’appeler « l’empereur » n’est pas non plus anodin ; cette dénomination est plutôt approbatrice; on sait qu’à l’époque la façon dont on nommait l’empereur – Buonaparte ou Napoléon – signifiait beaucoup. Le vers qui précède montre en outre que la vieille femme fait preuve d’un certain courage en publiant son opinion : « une femme du peuple / disait tout haut, sans craindre espion ni témoin »[37].

Le version définitive est très différente, puisque la vieille femme s’exclame :« – Un roi ! sous l’empereur, j’en ai tant vu, des rois ! » Sa remarque est sans doute plus profonde. Elle ne se contente plus de critiquer le faste : elle souligne à quel point le pouvoir n’est qu’une vaine illusion vouée à la disparition. Elle rappelle aussi, implicitement, la fragilité de l’Empire qui a constitué artificiellement des rois de pacotille. Etre roi ne signifie rien, et encore moins être roi sous l’Empire.

Plus frappant encore, Hugo choisit de supprimer les quatre vers qui devaient commencer le premier poème du recueil, « Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte ». Les suppressions sont assez rares dans les manuscrits définitifs pour qu’on s’y attache d’un peu plus près. Ces quatre vers étaient consacrés à Napoléon :

 

Sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême

Qui, comme un ancien dieu, se | transformant | sc transforma | lui-même

d’Annibal en Cromwell, de Cromwell en César.

C’était quand il couvait son troisième avatar.[38]

 

Si l’image de Napoléon ne disparaît pas dans le poème (« Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, / Et du premier consul, déjà, par maint endroit, / Le front de l’Empereur brisait le masque étroit »), elle est désormais légèrement en retrait. Elle ne sert plus, du moins au début du poème, qu’à déterminer le contexte historique de la naissance de l’auteur. Dans la première version, l’accent était fortement mis sur la figure de l’empereur, comparé à un dieu. Le poète prenait soin de convoquer directement la mémoire du lecteur : « sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême ». Sa propre naissance était presque explicitement placée sous le signe de Napoléon. Ce dernier « couvait son troisième avatar » – c’est à dire commençait, de Cromwell, à devenir César – au moment où  le jeune Hugo allait naître. Le verbe « couver » prenait donc un  double sens, et le poète devenait, de façon indirecte, fils de Napoléon.

Il serait faux de dire, en analysant ces transformations de détail, que Hugo cherche, dans Les Feuilles d’automne, à gommer toute sa fascination à l’égard de l’Empereur. Il suffit, pour éviter ce contresens, de relire le poème XXX, « Souvenir d’enfance », dans lequel le génie de Napoléon est explicitement comparé à celui du poète. Il semble néanmoins  que Hugo cherche parfois à atténuer certains passages qui lui sont consacrés, comme pour privilégier la sphère de l’intime dans le recueil. Napoléon est d’ailleurs presque toujours lié, dans Les Feuilles d’automne, à l’enfance du poète. Il est rarement évoqué en dehors du contexte qui a fasciné l’enfant d’autrefois. Le poète ne chante pas ses louanges au présent mais en fait une sorte de passé mythique vaguement puéril.

 

Certes, ces corrections, pourtant très cohérentes, ne font pas réellement la preuve que Hugo avait, au moment où il les faisait, une idée claire et précise de la construction de son recueil. Un élément dans le manuscrit nous permet cependant de savoir que Hugo relisait ses anciens poèmes pendant qu’il en écrivait d’autres : Hugo a en effet d’abord daté la mise au net de la première section des « Soleils couchants » de novembre 1831, « date de l’achèvement »[39] du poème. Il a ensuite changé d’avis et remplacé 1831 par 1828, « date de la conception ». Cela prouve que ce poème, l’un des premiers conçus par Hugo, a été modifié au moment où il est en train de composer ses derniers poèmes.

Certains indices dans le manuscrit montrent par ailleurs que Hugo avait une conscience très aiguë de l’organisation de son recueil.

 

3/ La cohérence du recueil

Malheureusement, aucun plan préparatoire ni projet de classement des poèmes des Feuilles d’automne ne nous est parvenu[40]. Pourtant, certaines notes dans le manuscrit du recueil sont liées à la construction du recueil.

On trouve ainsi, à la fin du brouillon de « Souvenir d’enfance », cette mention, autographe selon Journet et Robert : « mettre cette pièce après la pièce intitulée la pente de la rêverie »[41]. Les deux pièces, comparables par la taille et placées l’une à côté de l’autre, permettent de faire le parallélisme entre le rêverie glorieuse du soldat, Napoléon, et celle du poète.

De même, Hugo écrit sous le numéro du poème XXXVI, « Un jour vient où soudain l’artiste généreux » : « mettre ceci avant la prière pour tous »[42]. Là encore, le rapprochement est habile. Le poème XXXVI décrit en effet sur le désenchantement du « moi » vieillissant. Il se termine sur ces vers : « Il retrouve, attristé, le regret morne et froid / Du passé disparu, du passé, quel qu’il soit ! » Le poème suivant, « La Prière pour tous », tente de surmonter cette mélancolie.

Enfin, le dernier poème du recueil porte la mention : « cette pièce clora le volume »[43].

On peut remarquer que de telles notes n’apparaissent que sur des poèmes composés en novembre 1831, c’est à dire immédiatement avant la publication du recueil. On peut alors supposer qu’ils ont été composés dans la perspective du volume final. Ayant négocié avec Renduel pour publier le recueil des Feuilles d’automne[44], Hugo doit finir et organiser son recueil.

Il est en revanche difficile de savoir à partir de quel moment Hugo a composé les poèmes des Feuilles d’automne dans la perspective du recueil. Henri Meschonnic laisse entendre, dans Pour la poétique IV [45], que « dès septembre 1828 » Hugo avait « [fixé] d’avance le sens et le titre » du recueil, parce qu’il avait composé le poème qui constituera  la pièce XXXIX du volume et qui compare les « chansons aimées » du poète à des « feuilles flétries » qui tombent de sa couronne. Henri Meschonnic cite en outre une lettre de Hugo à Victor Pavie datant du 17 mars 1827 « où il [lui] promettait […] cette ‘Ode à la colonne’ qui ne vaut pas ce seul vers : ‘C’était une feuille d’automne’ ». Le fait que Hugo apprécie ce vers ne prouve cependant pas qu’il avait eu, dès 1827, l’idée d’en faire un titre.

En 1828, lorsque Hugo écrit les premiers poèmes des Feuilles d’automne, il compose aussi des pièces des Orientales. Il arrive même qu’une même ébauche soit scindée en deux et utilisée dans Les Orientales et dans ce qui constituera le futur recueil des Feuilles d’automne[46]. Par la suite, les périodes de rédaction consacrées aux poèmes qui s’intègreront dans Les Feuilles d’automne sont plus resserrées et plus unifiées.

Presque la moitié des poèmes du recueil est ainsi composée entre mai et juin 1830. Si on observe les dates données aux poèmes de cette période, on s’aperçoit que nombre de poèmes qui se suivent dans le recueil ont été composés dans un laps de temps très réduit, comme si Hugo, sans avoir nécessairement en tête la construction finale du recueil, composait déjà en pensant à la succession des poèmes, ou du moins à leur unité thématique. Disons plus simplement qu’il écrit par à-coups, et que les poèmes qu’il compose pendant une même période ont entre eux un lien, plus ou moins étroit mais réel. Cette similitude d’inspiration facilitera l’organisation du recueil final. C’est ainsi par exemple que les poèmes  « Un jour au mont Atlas les collines jalouses » et « Dédain », composés respectivement les 24 et 26 avril 1830, se suivront dans le recueil, précédés par le poème « A M. de Lamartine », terminé en juin 1830. Les trois poèmes, conçus pendant la même période évoquent tous trois les rapports que l’on peut entretenir avec les poètes de génie. Un terme revient dans les trois pièces : le mot « jaloux ». La structure du recueil a su donc tirer parti de l’ordre de composition des poèmes.

Les poèmes composés à la fin, au mois de novembre 1831, sont, quant à eux, plutôt composés en fonction des poèmes existant déjà. A noter par exemple que les numéros des poèmes XXXV et XL, écrits en novembre 1831, sont, sur les manuscrits, notés avec la même encre que celle qui est utilisée pour le corps du texte. Ce n’est pas le cas pour les poèmes antérieurs : le numéro qui permet de les classer est toujours postérieur à la copie. On peut donc supposer que ces derniers poèmes sont écrits pour s’insérer à des endroits précis du recueil.

Il est en tout cas certain que le dernier poème du recueil a été écrit pour « clor[e] le volume ». Il modifie en effet l’inspiration du recueil en s’ouvrant à la poésie d’inspiration politique et en annonçant que le poète va ajouter « à [sa] lyre une corde d’airain ».

Il a en outre été conçu en même temps que la préface, les deux textes occupant des positions stratégiques et donnant du relief au recueil. Leur contenu est très proche.[47]

Les premiers vers du poème, que l’on peut supposer inspirés d’Ovide – « Amis, un dernier mot ! – et je ferme à jamais / Ce livre, à ma pensée étranger désormais » – sont ajoutés et font écho à la préface, qui cite explicitement l’auteur latin : « Il laisse donc aller ce livre à sa destinée, quelle qu’elle soit, liber, ibis in urbem, et demain il se tournera d’un autre côté. » Préface et dernier poème insistent de même sur la gravité du « moment politique », faisant la liste des troubles qui agitent les pays d’Europe. Le recueil, « livre inutile », « pur ouvrage d’art », « volume de pauvres vers désintéressés », s’inscrit, grâce à ces deux pièces, dans l’actualité la plus immédiate.  Hugo insiste d’ailleurs, dans la préface, sur la date de parution des Feuilles d’automne. Après avoir décrit la situation politique en Europe, il écrit : « Voilà où nous en sommes au mois de novembre 1831 ». Il prend soin cependant de rappeler le moment de l’écriture en ajoutant dans la marge à la fin de la préface : « en ce mois de novembre 1831 ». Hugo renvoie ainsi au dernier poème du recueil, daté, comme la préface, de novembre 1831.

On peut aussi considérer que, par cette notation, le poète relie le recueil avec celui des Orientales, dont le dernier poème s’intitulait tout simplement « Novembre » et marquait un retour à une inspiration proche de celle des Feuilles d’automne. Hugo ne se contenterait donc pas de resserrer la structure de son recueil ; il s’efforcerait de l’intégrer dans une construction d’une autre échelle, celle de l’ensemble de son œuvre.

 

Si Hugo détestait les arts poétiques et parlait fort peu de sa manière de créer, la forme de ses ébauches, ses ratures et ses corrections en disent long sur sa vision de la poésie et sur sa façon de procéder.

Il semble que la composition du poème se fonde sur deux mouvements au moins qui, très différents, se complètent néanmoins : 

La création, chez Hugo, est d’abord fondée sur une dynamique, sur un flux, sur un souffle qui, d’un même mouvement, passe de l’inarticulé à l’expression la plus réglée du vers, voire de la strophe. Les ébauches contiennent déjà en elles-mêmes le mouvement que le poète devra recréer pour terminer le poème.

Une fois le poème élaboré – et l’on passe ici, par manque de documents, sur les phases intermédiaires – tout l’effort du poète consiste à renforcer la cohérence des vers et de l’ensemble, à travailler sur le rapport entre le tout et les parties. Cette phase, moins spectaculaire et moins surprenante sans doute que la première, est cependant tout aussi importante.

Reste à comprendre comment se compose le recueil… Curieux recueil que celui des Feuilles d’automne, qui, publié après juillet 1830, n’évoque pas un instant son bouleversement ; qui revendique l’historicité d’un sujet s’inscrivant dans son siècle, mais qui ne s’attache pas à l’actualité directement politique ; qui se construit presque en creux, annoncé par la fin des Orientales et annonçant déjà Les Chants du crépuscule.

La notion de mouvement, au fond, n’est pas galvaudée lorsqu’on évoque l’écriture de Hugo. Il est fascinant de voir à quel point les notions de frontières, de catégories, sont absentes au moment de la création. Le vers donne son mouvement au poème, qui s’intègre parfaitement dans le recueil, qui lui-même est étroitement lié aux autres recueils. Les catégories que l’on est obligé d’introduire pour faciliter études et commentaires, n’ont, à la limite, pas lieu d’être. « La spirale est profonde, et quand on y descend, / Sans cesse se prolonge et va s’élargissant ».


[1] Journet et Robert, Des Feuilles d’automne aux Rayons et les ombres, étude des manuscrits, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 263.

[2] « Ici se présente une objection d’une autre espèce : - Sans contredit, dans le moment même le plus critique d’une crise politique, un pur ouvrage d’art peut apparaître à l’horizon ; mais toutes les passions, toutes les attentions, toutes les intelligences  ne seront-elles pas trop absorbées par l’œuvre sociale qu’elles élaborent en commun, pour que le lever de cette sereine étoile de poésie fasse tourner les yeux à la foule ? – ceci n’est plus qu’une question de second ordre, la question du succès, la question du libraire et non du poète », écrit ainsi Hugo dans la préface des Feuilles d’automne.

[3] Hugo écrit ainsi à son nouvel éditeur, Renduel : « Dans l’état incertain où se trouve la librairie, il me semble qu’il serait convenable de modérer de la manière suivante les conditions du traité que nous avons signé pour les Feuilles d’automne le 24 octobre denier. Vous tireriez deux mille exemplaires au lieu de quatre mille4000. toujours douze cent cinquante in 8° et le reste in –18. Et vous me paieriez ces 2000 exemplaires 3000 francs, sa […] » (dans Œuvres complètes, t. 4, « Club français du livre », Paris, 1967, p 1052).

[4] Voir la présentation du manuscrit par Journet et Robert dans Des Feuilles d’automne aux Rayons et les ombres, étude des manuscrits, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 9. Sauf précision contraire, les passages des manuscrits cités dans notre étude seront tirés de cet ouvrage. On présentera, en note, le numéro du folio sur lequel  les extraits se situent, ainsi que la page à laquelle Journet et Robert l’ont transcrit dans leur ouvrage. On respectera, la plupart du temps, la présentation de leur transcription, sauf lorsqu’elle gênera la lisibilité des extraits.

[5] Feuilles paginées, manuscrit 13 425, f° 89.

[6] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 37, p 31.

[7] Victor Hugo, Œuvres complètes, t. III, « Club français du livre », Paris, 1967, p 1160.

[8] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 99 r°, p 74.

[9]Ibid., f° 99 r°, p 75.

[10] Ibid., f°99 r°, p 75.

[11]Ibid., f°37, p 31.

[12]Ibid., f°37, p 32

[13] A noter que Les Feuilles d’automne constituent le premier recueil de Hugo dans lequel les poèmes en alexandrins à rimes plates se développent de façon évidente

[14] Ibid., f° 99 r°, p 75.

[15]Ibid., f° 100 v°, p 77.

[16] Dans Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, 1, Gallimard, « NRF », Paris, 1977, p 161.

[17] René Journet et Guy Robert, Des Feuilles d’automne aux Rayons et les ombres, Etude des manuscrits, Annales littéraires de l’Université de Besançon, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 265.

[18] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 56, p 43.

[19]Idem, f° 68 r°, p 49.

[20] « La pente de la rêverie », Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 70 v°, p 50.

[21] « Victor Hugo, créateur par la rime ? », dans Poétique de la rime, édité par Michel Murat et Jacqueline Dangel, Honoré Champion, « Métrique française et comparée », Paris, 2005.

[22] Manuscrit 13 424, f° 78, dans Océan, Robert Laffont, « Bouquins » Paris, 1989, p 159.

[23] Dans Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, 1, Paris, Gallimard, « NRF », 1977, p 165.

[24] Manuscrit 24 793, f° 5, p 298.

[25] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 49 v°, p 40.

[26]Ibid. f° 58, p 44.

[27] Ibid., f°55, p 43.

[28]] Ibid.], f°104 v°, p 80.

[29] Ibid., f° 37, p 31.

[30] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 43, p 36.

[31]Ibid., f° 26, p 24.

[32] Ludmila Charles-Wurtz dit ainsi que, dans Les Feuilles d’automne, « Le récit autobiographique aboutit […] à l’expérience de l’impersonnalité du Moi. Si dans le Moi parle l’humanité tout entière, le pacte autobiographique change nécessairement de sens : il s’agit moins pour Hugo de décrire son Moi comme un cas exemplaire de la condition humaine que de vider le « je », personne grammaticale constitutive du projet autobiographique, de toute personnalité. Par la voix de celui qui dit « je » parle toujours l’humanité. »( Poétique sur sujet lyrique dans l’œuvre de Victor Hugo, Champion, Paris, 1998, p 512 )

[33]Ibid., f° 36 v°, p 31.

[34]Ibid., f° 72 r°, p 51.

[35] On peut d’ailleurs rapprocher ce vers du début du poème XL des Orientales, « Lui » : « Toujours lui ! Lui partout ! – Ou brûlante ou glacée, / Son image sans cesse ébranle ma pensée. / Il verse à mon esprit le souffle créateur. »

[36] Ibid., f° 19 v°, p 21, et manuscrit des Feuilles paginées, 13 425, f° 89.

[37] Feuilles paginées, 13 425, f° 89.

[38] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 14, p 18.

[39] Journet et Robert, Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 83 r°, p 58.

[40] On dispose en revanche d’un projet de classement des poèmes des Chants du crépuscule, manuscrit 13 360, f° 135.

[41] Manuscrit des Feuilles d’automne, 13 389, f° 76, p 53.

[42]Ibid., f° 97 r°, p 73.

[43]Ibid., f° 115, p 84.

[44] Voir à ce sujet l’article de Jacques Seebacher, « Victor Hugo et ses éditeurs avant l’exil », paru dans Victor Hugo ou le calcul des profondeurs, Presses Universitaires de France, « Ecrivains », Paris, 1993.

[45] Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, Gallimard, « NRF », Paris, 1977, p 66.

[46] Le f° 85, p 59, contient ainsi une ébauche constituée de deux strophes. La première sera intégrée au poème IV des Orientales, la seconde fera partie des « Soleils couchants » : « J’aime une lune ardente et rouge comme l’or, / Se levant dans une brume épaisse, ou bien encor / blanche au bord d’un nuage sombre, […] / J’aime ces chariots lourds et noirs, qui, la nuit, / Passant devant le seuil des fermes avec bruit / Font aboyer les chiens dans l’ombre ». «  J’aime le ciel immense, et dès qu’a fui le jour, / En tout tems, en tous lieux, d’un ineffable amour, mon œil plonge à travers ses voiles […] »

[47] On retrouve le même rapport étroit entre la préface et un poème qui a une position stratégique dans Les Chants du crépuscule. Le premier poème en effet, « Prélude », a été composé après tous les autres poèmes, à quelques jours d’écart de la préface. Les thèmes qui le traversent sont comparables. On peut considérer d’ailleurs que  « Prélude », par son titre même, constitue une seconde préface.