Claire Montanari : La composition des Feuilles d'automne
Communication au Groupe Hugo du 28
avril 2007
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Je tiens avant tout à remercier Guy Rosa pour ses conseils avisés et son aide précieuse.
On a peu étudié les manuscrits des recueils de Hugo antérieurs à lexil. René Journet et Guy Robert ont pourtant fait une transcription extrêmement rigoureuse et très précieuse de quatre recueils, Les Feuilles dautomne, Les Chants du crépuscule, Les Voix intérieures et Les Rayons et les ombres. Cependant, ils insistent eux-mêmes sur le fait que les corrections visibles dans ces manuscrits napportent que des informations partielles sur la méthode créatrice de Hugo : « Les 4 manuscrits étudiés nouvrent quune vue assez restreinte sur le travail créateur de Hugo. Ils ne constituent en effet que des mises au net, le plus souvent très proche du texte définitif.»[1].
La correspondance de Hugo, comme souvent, est très allusive à légard de la composition du recueil des Feuilles dautomne. On peut tout au plus avoir des informations sur les circonstances qui ont poussé Hugo à la rédaction de tel ou tel poème.
La correspondance de Hugo avec ses éditeurs ne nous en apprend guère plus sur le travail de lartiste autour des Feuilles dautomne. Hugo, en octobre 1831, se sépare de Gosselin et préfère traiter avec Renduel pour imprimer le recueil. Contrairement à ce que Hugo laisse entendre dans la préface du recueil[2], il est loin de se désintéresser des « question[s] de second ordre » qui concernent le « libraire et non [le] poète »[3] et il débat âprement avec Gosselin, comme avec Renduel, de questions financières.
Si on est au fait des querelles dédition qui ont entouré la publication du recueil, on sait assez peu de choses sur la méthode de travail de Hugo pour composer Les Feuilles dautomne. Notre seule ressource est de nous appuyer sur les manuscrits. Certes, les corrections ny sont pas spectaculaires en apparence, mais elles nous obligent à nous attacher à de petits phénomènes qui en disent beaucoup sur la création hugolienne et qui pourraient, paradoxalement, être négligés dans des manuscrits plus complets.
Le manuscrit des Feuilles dautomne laisse dailleurs entrevoir différentes étapes de la composition du recueil, même si sans doute les étapes intermédiaires manquent. Il nexiste ainsi pas de plan du recueil. De nombreuses ébauches nont pas été conservées et seules les dernières versions apparaissent. Certaines pièces, en outre, ne sont que des copies de la main de Mme Hugo, de Fontaney ou de Marie Mennessier-Nodier[4]. Les copies peuvent cependant être interprétées car elles prennent en charge les variantes entre lesquelles Hugo na pas encore choisi, et elles portent souvent des corrections et des rajouts de la main même de lauteur. Malgré ces manques que lon peut regretter, il semble que lon peut tirer parti du manuscrit en analysant les étapes successives qui ont mené à la construction du recueil. On multipliera les méthodes dapproche au cours de notre exposé en essayant de tirer parti de tous les indices qui disent quelque chose sur la méthode et parfois sur labsence de méthode - du poète.
On analysera ainsi les quelques ébauches qui ont été à lorigine de la composition de certains poèmes du recueil.
Puis on étudiera les corrections que Hugo effectue dans ses poèmes déjà composés. Il sagit dune étape qui, loin dêtre insignifiante, permet de resserrer la cohérence des poèmes et leur donne une profonde unité.
Enfin on sattachera à la physionomie générale du recueil, aux corrections trop récurrentes pour ne pas servir lunité du recueil.
I Des ébauches aux poèmes
La plupart des poèmes des Feuilles dautomne dont on a conservé les manuscrits ne sont que des mises au net présentant relativement peu de corrections. Quelques manuscrits cependant gardent la trace des étapes précédentes de la création. Journet et Robert, dans Des Feuilles dautomne aux Rayons et les ombres, ont pris soin de mettre en rapport certains poèmes des Feuilles dautomne avec des esquisses trouvées dans les albums ou dans les Feuilles paginées.
1/ Méthodes de travail : ébauches des poèmes narratifs et non-narratifs
On a ainsi conservé des ébauches très complètes de « Rêverie dun passant à propos dun roi », d « A M. de Lamartine », de « Soleils couchants » et de « La Prière pour tous ».
Hugo ne procède différemment selon les types de poèmes quil prévoit de composer. Les deux derniers poèmes cités, « Soleils couchants » et « La Prière pour tous », sont divisés en sections et nont pas une vocation très narrative : « Soleils couchant » samorce sur lévocation des couchers de soleil et se termine par une comparaison entre le cycle éternel de la nature et le vieillissement inéluctable de lhomme. « La Prière pour tous » prend la forme dun discours adressé à la fille du poète sur la nécessité de prier. Les ébauches de ces deux poèmes sont caractérisées par une recherche tâtonnante. Hugo semble avoir un thème en tête les soleils couchants ou les bienfaits de la prière et il jette sur le papier tous les vers (ou les notes en prose) qui lui viennent à lesprit sur le sujet, sans avoir, apparemment, de plan très défini.
La méthode de composition de ces deux poèmes peu narratifs même sils laissent entrevoir une évolution au fur et à mesure des sections qui les constituent diffère de celle des poèmes fondés sur le récit : « Rêverie dun passant à propos dun roi » et « A M. de Lamartine ». « Rêverie dun passant à propos dun roi » met en scène le poète qui assiste à larrivée du roi de Naples au « gala de la cour » et qui est frappé par la remarque que fait une femme du peuple devant ce spectacle. « A M. de Lamartine » est fondé sur une métaphore filée qui compare le poète des Feuilles dautomne et Lamartine à deux bateaux affrontant la tempête. Le « navire magnifique » de Lamartine arrive au bout du voyage dans une « mer sereine », tandis que la « barque » de lénonciateur du poème reste à lutter sur les flots.
Les ébauches de ces deux poèmes diffèrent de celles que lon a déjà évoquées dans la mesure où elles dessinent déjà lévolution du poème à venir : elles ne sont pas recherches tâtonnantes autour dun même thème, mais déjà fils conducteurs.
Lébauche du poème III]<[5], « Rêverie dun passant à propos dun roi » prend ainsi laspect dun plan versifié : la majeure partie des vers seront réécrits, modifiés, mais ils tracent déjà les grandes lignes du poème à venir.
Lébauche du poème « A M. de Lamartine » est, quant à elle, constituée de plusieurs fragments, mais qui, par leur disposition même, préparent le parcours narratif de la version finale. Les fragments suivent un ordre très précis, respecté dans le poème fini, même sils ne sont constitués que de vers épars, sans couple de rimes la plupart du temps. Parfois même, le poète nenvisage que la structure, le squelette du poème, avant den rédiger les vers, avant même davoir une vague idée de ce quils pourraient évoquer :
Je tai perdu dans la brume
lorage a entraîné [ ?] + deux +
[Cf. le développement 70 à 120]
Mais Enfin
je te revois à lhorizon [123-4]
Mais ce nest plus la nef battue des vents etc [125]
Cest un navire plein de joie, [131]
Un cygne qui revient. [149-150]
Même si Hugo na pas encore une idée précise de ce qui va nourrir le cur de ce fragment[6], les adverbes « mais » et « enfin » définissent les mouvements qui doivent traverser le poème. Le poème peut se lire avant tout comme un texte parcouru par un mouvement, comme un flux dont ressortiraient quelques vers plus frappants que dautres et écrits dès les premières ébauches.
Cette attention au mouvement, à léchelle du poème, se remarque à léchelle du seul fragment, lorsquon sattache dun peu plus près à sa construction.
2/ Les fragments, ou lécriture en mouvement
Peu de fragments forment une entité close sur elle-même. Beaucoup dentre eux semblent jaillir dun flux de pensée, dun déjà-là qui leur donne une existence. Nombre de fragments sont ainsi allusifs, incomplets. Rien ne les entoure pour leur donner un sens, pour faire apparaître la pensée qui les a mis au jour. Ils sont des fragments dimaginaire, la quintessence, la conclusion dun processus mental auquel on ne peut avoir accès mais qui se devine néanmoins par la forme de lécriture.
« On pourra constater que la théorie de Valéry sur le premier vers est, pour Hugo, fausse ; ici le dernier est donné et à partir de lui sorganise tout le reste. [ ] » écrit Guy Rosa dans sa présentation des Feuilles paginées[7]. Cette remarque se vérifie très souvent dans les manuscrits de Hugo ; ce qui est vrai des vers-clausules de poèmes sapplique, de la même façon, aux derniers vers des strophes.
Ce phénomène décriture propre à Hugo est particulièrement récurrent dans les ébauches de « La Prière pour tous », puisquil sagit dun poème strophique. Nombre de fragments commencent par la conjonction de coordination « et », ce qui interdit de penser quils ont été conçus pour débuter un poème, mais plutôt pour clore une strophe ou une section.
Ces deux vers se trouvent ainsi à la fin de lavant-dernière strophe de la première section du poème :
Et comme volent au [sic] fleurs les abeilles dorées
Les rêves vont en foule à | leurs | s ses | rideaux de lin ![8]
Les deux suivants terminent la première section :
Et comme loiseau met sa tête sous son aile,
Lenfant dans la prière endort son jeune esprit.[9]
Ces deux autres vers se situent à la fin de la quatrième section :
Et comme le sillon | sent [ ?] | sc qui | sent la fleur éclore
Sentent dans leur il vide une larme germer.[10]
Parfois, la conjonction « et » nest pas conservée dans la version finale. Elle na été pour Hugo quun moyen de lancer le vers dans un mouvement qui va vers son propre achèvement.
La majeure partie des fragments consacrés à « La Prière pour tous » constituent ainsi, de façon très nette, des fins de strophes toutes trouvées, à telle point que ce mode décriture étonne : sans avoir encore de projet défini, ou du moins de fil conducteur dans la succession des fragments, Hugo prévoit ce que seront les derniers vers dune grande partie des strophes du poème. On pourrait alors conclure un peu rapidement que le poète naura, pour terminer le poème, quà « boucher les trous », à composer des vers « chevilles » qui permettront de relier entre eux les strophes et les vers déjà composés. Mais ce serait aller trop vite en besogne. Les fragments ne sont pas des bouts de poème destinés à être collés les uns avec les autres, mais les résultats dun flux de pensée. Tout le travail du poète consistera à retrouver ce flux et à lui redonner sa légèreté initiale, à faire en sorte que les mots quil emploiera rendent compte de la fluidité qui a donné naissance à limage finale, à écrire de telle sorte que la fin semble découler du début, alors que cest en réalité le début qui a découlé de la fin. Les fragments qui constituent des fins de poèmes ou de strophes sont à la fois fins et débuts : ils sont fins parce quils sont laboutissement dun mouvement de pensée, mais aussi débuts parce quils doivent être vus comme les amorces dun mouvement créateur qui doit mener jusquà eux.
Le vers de Hugo semble réellement se trouver par le mouvement et par le rythme. Il trouve dailleurs naturellement, presque instinctivement, lalexandrin, ou plutôt lhémistiche de lalexandrin, lhexasyllabe.
Lébauche du poème « A M. de Lamartine » est déjà composée en octosyllabes, seul mètre employé dans la version finale. Pourtant, il arrive, au moment de la composition, que Hugo retombe sur des hexasyllabes, alors quil na visiblement pas lintention de présenter des strophes hétérométriques :
je te revois à lhorizon [123-4] 8
Mais ce nest plus la nef battue des vents etc [125] Prose
Cest un navire plein de joie, [131] 8
Un cygne qui revient. [11] [149-50] 6
te voilà au port et je te regarde Prose
ce flot qui sur moi se soulève 8
Sapaisera sous toi [12] [cf. 221-230] 6
Lhexasyllabe semble avoir un statut privilégié dans la mesure où lon ne trouve jamais, dans les ébauches de poèmes en alexandrins, dautres mètres qui viendraient de façon instinctive ou accidentelle[13]. La prose, en revanche, est souvent présente et permet daccéder progressivement au rythme de lalexandrin ou de lhexasyllabe.
Dans lébauche de « La Prière pour tous », certaines notations en prose retrouvent ainsi le rythme de lhexasyllabe. Cest le cas dans ce fragment :
Il semplit de ses paroles et reste ange [cf. 330-331]
Comme le cristal semplit deau sans changer de couleur.[14]
Le groupe prépositionnel, « sans changer de couleur », constituera lhémistiche dun alexandrin dans la version finale :
Comme le pur cristal que notre soif réclame
Semplit deau jusquaux bords sans changer de couleur.
Le même phénomène est visible quelques fragments plus loin :
Je suis comme le portefaix qui se repose aux bornes du chemin et dépose sa charge[15] [cf. 86]
Cette phrase en prose se termine par deux hexasyllabes, « aux bornes du chemin », « et dépose sa charge », qui finiront par former un alexandrin :
Je suis comme lesclave, assis dans la vallée,
Qui dépose sa charge aux bornes du chemin ;
Lattention que Hugo porte au mouvement, lors de lécriture des premiers jets, se retrouve dans ses corrections de détail, lorsquil sattache à relire les manuscrits ou les copies de poèmes déjà composés. Il lui arrive fréquemment de modifier ou de corriger certains vers, voire certains mots. Ces corrections, parfois infimes, méritent néanmoins dêtre étudiées de près. On constate souvent que de minuscules modifications renversent complètement ou approfondissent considérablement le sens dun poème.
II Pour une cohérence des poèmes
La création poétique ne sarrête pas aux modifications les plus spectaculaires. On garde souvent en mémoire limage des manuscrits de Hugo les plus saisissants, couverts de ratures et de rajouts dans la marge. Celui des Feuilles dautomne est, visuellement, relativement peu spectaculaire. Il témoigne néanmoins de lextraordinaire maîtrise dun poète qui ne laisse rien au hasard. Les infimes modifications quapporte Hugo à son manuscrit ne sont pas des corrections de détail, mais plutôt des corrections du détail, corrections de détails qui renforcent souvent profondément la cohérence des poèmes.
1/ Cohérence du vers
Attachons-nous tout dabord aux modifications qui peuvent sembler les plus ténues, celles qui ne touchent quun mot ou deux, mais qui sont loin dêtre anodines et qui disent quelque chose de la composition du vers chez Hugo. « Hugo travaille autant les masses que la ciselure », remarque Meschonnic[16]. Les manuscrits en témoignent de façon éloquente.
Journet et Robert, dans lappendice de leur ouvrage Des Feuilles dautomne aux Rayons et les ombres, dressent la liste des types de modifications quils ont repérés dans les manuscrits des quatre recueils. Ils les commentent avec beaucoup de circonspection, expliquant ainsi que « pour autant quil soit possible de juger dans ce domaine particulièrement délicat, les corrections pour raison deuphonie semblent rares »[17]. On conviendra sans difficulté que la prudence est de mise pour aborder la question des sonorités dans la conception du vers. Il est difficile daffirmer de façon péremptoire que Hugo a voulu changer tel mot pour rendre son vers plus harmonieux, par exemple. La modification des sonorités saccompagne en effet dune modification sémantique et il est impossible de décider lequel de ces deux aspects a gouverné le changement. On peut en revanche, sans chercher à deviner la cause de la démarche du poète, analyser les effets que produisent les modifications sur la structure du vers. Et, très souvent, le vers se trouve renforcé dans sa cohérence après les changements que lui fait subir le poète.
Soit la strophe suivante, tirée de la pièce XXIII, « Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage »][18] :
Si jamais vous navez, à lheure où tout sommeille,
Tandis quelle dormait, oublieuse et vermeille,
Pleuré comme un enfant à force de souffrir,
Crié cent fois son nom du soir jusquà laurore,
Et cru quelle viendrait en lappelant encore,
Et maudit votre mère, et désiré mourir ;
Lun des vers en a été modifié. Hugo avait dabord écrit : « Crié vingt fois son nom du soir jusquà laurore ». Il me semble que le poète na pas seulement corrigé « vingt » par « cent » pour amplifier de façon hyperbolique le désespoir du jeune homme amoureux. La modification produit une allitération en [s] qui, ici, nest pas anodine : « Crié cent fois son nom du soir jusquà laurore ». La répétition de la consonne « s » dans le vers souligne le sens du vers, insistant lui-même sur une action répétitive.
Les exemples de ce type sont extrêmement nombreux dans le manuscrit. Dans le poème XXIX, « La pente de la rêverie » [19], Hugo modifie de la même façon un de ses vers :
La spirale est profonde, et quand on y descend,
Sans cesse se prolonge et va sélargissant
Il avait dabord écrit :
La spirale est profonde, et quand on y descend,
Toujours | i Sans fin | se multiplie et va sélargissant
La richesse sonore de la version définitive, « Sans cesse se prolonge et va sélargissant », donne, une fois encore du relief au vers. Les quatre premières syllabes du vers commencent toutes par la consonne « s » : de même que la « spirale [ ] se prolonge », le son sétire et se diffuse dune syllabe à lautre. Puis, alors que le mouvement de la spirale « sélargi[t] », lallitération devient moins pressante, les consonnes répétées sespacent. La spirale se devine presque visuellement dans lespace sonore du vers. A noter que la modification à laquelle Hugo a procédé na dailleurs pas seulement permis de donner sens à la structure du vers, mais elle a aussi renforcé le lien entre ce vers et celui qui précède : les sonorités du verbe « prolonge » rappellent ainsi celles de ladjectif « profonde », situé au même endroit, juste avant la césure, dans le vers qui précède.
Soit le vers « Lhorizon seffaça, les formes disparurent »[20]. Hugo le modifie ainsi : « Lhorizon se perdit, les formes disparurent ». La modification est moindre en apparence. Pourtant elle permet de donner du relief au vers, structuré par le retour des mêmes phonèmes de chaque côté de la césure, et de renforcer le parallélisme des deux événements évoqués, leffacement de lhorizon et la disparition des formes. Les formes verbales, « se perdit » et « disparurent » laissent entendre précisément les mêmes consonnes (« s », « p », « r », « d »), ainsi que la syllabe « di », et créent une sorte de symétrie sonore.
« Un vers de Victor Hugo est facile, non pas à écrire, mais à reconnaître », dit Jean-Marc Hovasse[21]. « Si les mêmes séries de phonèmes se répètent, se mêlent et sentrecroisent sans que cela passe forcément par des allitérations évidentes -, si lenchevêtrement des figures sonores finit, quand on essaye de les décomposer, par faire apparaître une logique, alors le vers est bien de lui ». La formule est très juste. Le vers que lon vient détudier peut sembler anodin, il ne recèle pas d « allitérations évidentes » comme ceux que lon a vu auparavant, mais il vaut par sa grande homogénéité.
Hugo a rapidement lintuition du mot qui convient : il nhésite habituellement quentre deux variantes. Il lui arrive néanmoins dessayer plusieurs versions avant de tomber sur une trouvaille qui résonne comme une évidence. « Celui-là seul sait écrire qui écrit de telle sorte quune fois la chose faite, on ny peut changer un mot » note-t-il dans un de ses fragments[22]. Hugo tâtonne pour commencer ce vers, qui se trouve dans le trente-huitième poème du recueil, « Pan » : « Enivrez-vous [ ] / Du voyageur de nuit dont on entend la voix ». Le poète avait dabord écrit : « Enivrez-vous [ ] / Du nocturne passant dont on entend la voix », puis il a songé à remplacer « nocturne passant » par « chanteur inconnu », et par « passant inconnu ». Il finit par penser à « voyageur de nuit », qui se trouve, sur le manuscrit, en surcharge sur « passant inconnu ». On peut donc supposer quil sagit de la dernière version trouvée, et sans conteste celle qui fonctionne le mieux du point de vue de la construction du vers. Comme dirait Henri Meschonnic, « les deux bouts du vers sont des miroirs sémantiques où se reflètent et se renversent une syllabe, un mot »[23]. La « voix » du « voyageur » se fait déjà entendre dans son nom. Tout se passe comme si le poème réinventait une étymologie fictive au nom « voyageur » : le « voyageur » est celui dont on entend seulement la « voix », il ne se définit et na dexistence que par elle, puisquil nest pas visible au milieu de la nuit.
La question de la prosodie, des sonorités est donc essentielle pour la construction du vers. Cependant, le vers, sil se trouve renforcé par ces corrections, nexiste jamais seul. « Je naime pas les vers, jaime la poésie »]<[24], dit Hugo dans une formule devenue célèbre. Lenchaînement entre les vers, la construction du poème, ne sont pas non plus négligées dans les modifications apportées dans le manuscrit.
2 / Cohérence du poème
La modification dun vers a souvent une influence sur léquilibre et larchitecture du poème dans lequel il sinscrit.
Dans le poème XVIII, « Où donc est le bonheur ? disais-je. Infortuné ! », le poète évoque les différents âges de la vie, et particulièrement linsouciance de lenfance, les sentiments amoureux quéprouve le jeune homme et le bonheur, vite enfui, du mariage. Le manuscrit dit dabord :
Cest donc avoir vécu ! cest donc avoir été !
Dans lamour et la joie, et la félicité,
Cest avoir eu sa part ! et se plaindre est folie.[25]
Un signe diacritique intervertit ensuite les noms dans le deuxième vers, qui devient : « Dans la joie et lamour et la félicité ». Linversion permet détablir une gradation conforme aux préceptes rhétoriques dans la longueur des mots : on passe dun mot dune syllabe à un mot de deux, puis à un mot de quatre syllabes. Mais la modification permet aussi de faire écho, dans lespace dun seul vers, à la construction du poème : à la « joie » de lenfance succède « lamour » du jeune homme, puis la « félicité » fugitive du jeune marié. La nouvelle forme du vers suffit à indiquer la succession rapide de ces états ; le vers rejoint alors le sens que dessine lensemble du poème.
La plupart des modifications de brefs passages permettent de donner une unité aux poèmes. Une strophe est ainsi légèrement modifiée dans le poème XXV, « Contempler dans son bain sans voiles ». Elle avait dabord cet aspect :
Se mirer au flot de larêne,
Dormir sous larbre du chemin,
Etre le Roi, lorsque la Reine
Porte son grand sceptre débène
dune blanche et petite main.[26]
Hugo a ensuite barré toute la strophe, remplacée par sa version définitive :
Regarder la lune sereine ;
Dormir sous larbre du chemin,
Etre le roi lorsque la reine,
Par son sceptre dor souveraine,
Lest aussi par sa blanche main ;
La description de la reine, dans la première version de la strophe, était plutôt de lordre du constat et ne disait rien du lien entre le roi et la reine. La reine nétait que celle qui « Port[ait] son grand sceptre débène / Dune blanche et petite main », figure marquée seulement par le contraste entre le pouvoir « politique » de la reine et la faiblesse de sa condition de femme : elle na pour tenir le « grand sceptre » noir quune « blanche et petite main ». La version définitive efface ce contraste et au lieu de souligner la faiblesse de la femme, lui confère un double pouvoir : le pouvoir public elle est « souveraine » par le sceptre mais aussi, et surtout, privé : « sa blanche main » gouverne et gouverne le roi, le poète. Ce changement modifie la portée de la strophe. Il permet dannoncer de façon indirecte la dernière strophe du poème qui lui donne, par retour, tout son sens :
Non, tout ce qua la destinée
De biens réels ou fabuleux
Nest rien pour mon âme enchaînée
Quand tu regardes inclinée
Mes yeux noirs avec tes yeux bleus !
La strophe que Hugo a modifiée est la seule, dans le poème, qui évoque de façon explicite la puissance denvoûtement de la femme ; elle annonce ainsi la dernière strophe, marquée par la soumission du poète à l « âme enchaînée » et dominée par le regard surplombant de sa belle.
Si les modifications ou les ajouts de ce type sont nombreux dans le manuscrit des Feuilles dautomne, les suppressions de vers sont extrêmement rares. Hugo remplace des vers par dautres, ou en ajoute ; il en supprime très peu. En revanche, les images sont parfois retravaillées, à tel point que, sétalant sur le même nombre de vers avant et après les modifications, elles semblent néanmoins condensées, resserrées, et prennent dautant plus de relief.
3 / Le travail des images
Les images trouvées lors des premiers jets sont, dans lensemble, plus concrètes, voire plus prosaïques, que leur réécriture. Si Hugo supprime très rarement des vers, il ne craint pas en revanche déliminer les détails inutiles, sacrifiant à un idéal de sobriété quon ne lui reconnaît pas toujours.
Cest par exemple le cas dans une des strophes du poème XXIII, « Oh ! qui que vous soyez, jeune ou vieux, riche ou sage » :
Si vous navez jamais, lorsque la rue est sombre,
Sous les vitres dun bal qui rayonne dans lombre,
Attendu, sous lhiver respirant à demi,
Quune porte souvrit [sic] pour voir |dans | s à | sa lumière
| Pour voir un seul moment | s comme dans un éclair | passer près de sa mère
La beauté qui vous aime et vous croit endormi ;[27]
Certains détails, dans cette strophe, peuvent sembler inutiles, surtout si on la compare avec la version définitive. Hugo supprimera la fin du premier vers, « lorsque la rue est sombre » ; le vers suivant suffisait en effet à signifier que la scène se passe la nuit : « un bal qui rayonne dans lombre ». Sans changer le mot situé à la rime, il remplace un élément de décor « la rue est sombre » - par un sentiment profond :
Si vous navez jamais attendu, morne et sombre,
Sous les vitres dun bal qui rayonne dans lombre,
Lheure où pour le départ les portes souvriront,
Pour voir votre beauté, comme un éclair qui brille,
Rose avec des yeux bleus et toute jeune fille,
Passer dans la lumière avec des fleurs au front ;
De même, la notation « sous lhiver respirant à demi » a disparu ; la seconde strophe intériorise, en quelque sorte, la souffrance du jeune homme qui attend. Ce nest pas le fait dattendre dans le froid de lhiver qui est difficile, mais dattendre tout court. Dailleurs, le jeune homme, dans la seconde strophe, nattend même plus quune porte souvre par hasard ; il nattend paradoxalement quun départ, celui de la jeune fille quil aime, qui nest plus accompagnée de sa mère ce qui pouvait être le gage de sa vertu , et dont il na plus lassurance dêtre aimé.
La strophe ainsi modifiée souligne lattente frustrée du jeune homme. La jeune fille tant attendue nest quune vision fugitive et éphémère, quune ombre qui passe et sen va, « des fleurs au front ». Limage des « fleurs » napparaissait pas dans la première strophe, mais elle ne peut être considérée ici comme un détail inutile. Les fleurs mettent en effet laccent sur la coquetterie de la jeune fille et sur léclat de son insouciance, contraire à lallure morne et sombre du sujet. Elles permettent aussi dannoncer ce qui constituera la fin de la strophe suivante :
Si vous navez jamais vu dun il de colère
La valse impure, au vol lascif et circulaire,
Effeuiller en courant les femmes et les fleurs.
Les détails anodins ont disparu au profit dun resserrement de limage, dune dramatisation de la situation.
On trouve le même type de modification, limage concrète devenant plus métaphorique, dans une strophe du poème XXXVII, « La Prière pour tous ». Le poète évoque les morts pour lesquels sa fille doit prier. En voici la première version :
Mais eux ! si tu savais de quel sommeil ils dorment !
Leurs lits sont froids et lourds à leur os quils déforment.
Ils sont là jusquau jour où tous se lèveront ;
Pas daube dans leur nuit, pas de feux, pas de lampe ;
Le remord, qui sest fait vers du sépulcre et rampe,
Traîne éternellement sa bave sur leur front ![28]
Limage finale, étrangement baudelairienne, est volontairement provocatrice. Elle doit provoquer le dégoût mais elle nest pas véritablement motivée. Hugo transforme ainsi ce passage :
Les anges autour deux ne chantent pas en chur.
De tout ce quils ont fait le rêve les accable.
Pas daube pour leur nuit, le remord implacable
Sest fait vers du sépulcre et leur ronge le cur.
La nouvelle strophe a plus de cohérence. Le vers « De tout ce quils ont fait le rêve les accable » est lié avec la notion de « remord ». Le même thème était répété avec des variations dans le vers « Pas daube dans leur nuit, pas de feux, pas de lampe ». Limage ne disparaît pas complètement dans la nouvelle version, mais elle est plus métaphorique : « Pas daube pour leur nuit, le remord implacable ». La virgule, ici, nest pas anodine. Hugo aurait pu lui préférer un point ; cela aurait fonctionné sans dommage grammatical. Oui, mais la virgule peut, si on sattache à ce seul vers, avoir un sens adversatif ; elle signifie la même chose quun « mais » : « Pas daube pour leur nuit, [mais] le remord implacable ». « Aube », mis sur le même plan que « remord », prend un sens plus métaphorique, moins platement concret : le mot signifie, dans ce nouveau contexte, « espoir », « espérance », et plus seulement « lumière ». En outre, le dernier vers de la nouvelle version, « Sest fait vers du sépulcre / et leur ronge le cur », remarquable par son rythme très régulier, lest aussi parce quil réactive le sens figuré de lexpression, « ronger le cur ».
Le même souci de sobriété et de densité rend compte de labandon de ce qui, dans les ébauches, était excessivement explicite. Cest ainsi que, dans une ébauche du poème IX, « A M . de Lamartine », Hugo fait allusion au texte qui la sans doute inspiré :
Horace
Chantait au vaisseau de Virgile
Mais Horace chantait au port.
Moi je te chante dans lorage[29]
Horace avait en effet écrit une ode à loccasion dun voyage réel ou fictif de Virgile en Grèce. Il faisait mine de sadresser au vaisseau emportant le poète sur les flots. La métaphore qui fait de Lamartine et de lauteur des Feuilles dautomne des navires affrontant la tempête vient vraisemblablement de lode d Horace. Hugo choisit cependant de ne pas reproduire ces vers dans la version finale, mais lépigraphe du poète est tirée du texte de lauteur latin : « te referent fluctus ». Lallusion à lode dHorace a glissé du texte à lépigraphe. Désormais plus discrète, elle contribue cependant à établir un lien de complicité avec le lecteur cultivé qui ne pourra manquer de comprendre le rapport entre lépigraphe et le contenu du poème. On peut considérer aussi que le refus de citer Horace à lintérieur même du poème est lié à lesthétique de lensemble du recueil : contrairement à ce quil fait pendant lexil, Hugo évoque très peu les auteurs quil admire dans les Feuilles dautomne. Le recueil est volontairement ancré dans le présent et les seuls artistes représentés sont les contemporains et amis du poète, Louis Boulanger, Lamartine, Louise Bertin, Sainte-Beuve, David dAngers.
Les corrections, suppressions ou modifications apportées dans un poème sont aussi liées à la physionomie que le poète veut donner au recueil dans son ensemble.
III Construction du recueil
On étudiera dabord les corrections qui nous semblent récurrentes ; certaines sattachent à construire, au fil des poèmes, une image du « moi » du poète et du « moi » de lhomme privé - le traitement des deux « moi », dans les corrections, nest dailleurs pas exactement le même. Dautres montrent que Hugo a, très souvent modifié les passages consacrés à Napoléon. On analysera ensuite les indices qui témoignent de lattention que Hugo porte à la cohérence du recueil des Feuilles dautomne.
1/ « Je » du poète, « je » de lhomme privé
Deux « moi » se succèdent et alternent dans le recueil : celui du poète, homme public, et celui de lhomme privé.
Les corrections accentuent très fréquemment la tristesse et la fragilité du « moi » privé. Dans le poème VI, « A un voyageur », Hugo avait dabord écrit :
Oh ! javais donc vingt ans ! jétais donc plein de flamme
Javais à lhorizon lespérance et dans lâme
Un tendre et mol [ ?] ennui [ ?][30]
La variante, quil conservera, est plus pessimiste, ne serait-ce que par les mots placés à la rime, « songes » / « mensonges », qui laissent un souvenir moins positif que les rimes de la version antérieure (« flamme » / « âme ») dans la mémoire du lecteur :
Javais donc dix-huit ans ! jétais donc plein de songes !
Lespérance en chantant me berçait de mensonges.
Un astre mavait lui !
En soulignant la faiblesse du « moi » privé, Hugo lintègre à la communauté des hommes. Les Feuilles dautomne constituent en effet le premier recueil de Hugo dans lequel le poète sapproche de la voix du peuple. Les ratures et les corrections témoignent de leffort constant de lauteur de rattacher le destin de lhomme privé à celui de la communauté des hommes.
Les changements de pronoms en témoignent de façon récurrente. La première version du poème que lon vient dévoquer, « A un voyageur », commence ainsi :
Ami, vous revenez dun de ces longs voyages
Qui font vieillir plus vite, et vous changent en sages[31]
La version définitive transformera le « vous », impersonnel ou non, en un « nous » qui englobe lami, le poète et lensemble de lhumanité :
Ami, vous revenez dun de ces longs voyages
Qui nous font vieillir vite, et nous changent en sages
De même, dans le poème XVIII, Hugo remplace le possessif « ses », qui a ici une valeur impersonnelle, par un « nous » collectif, en insistant une fois de plus sur la faiblesse de lhumanité. Le deuxième vers de « Vieillir enfin, vieillir ! comme des fleurs fanées / Voir blanchir ses cheveux et tomber ses années » devient « Voir blanchir nos cheveux et tomber nos années ».
Si lhomme privé a le même destin que lensemble de lhumanité[32] et parle en son nom, le poète, lui, sen distingue ; il se situe en retrait de la foule. Il est, comme le mont Atlas dans le poème X, celui qui « porte un monde » et qui rêve. Alors que les corrections des poèmes évoquant lhomme privé tendent à insister sur sa fragilité, les ratures et modifications des passages consacrés au poète visent souvent à le grandir ou à donner un caractère plus tangible à ses rêveries.
La façon dont le « moi » du poète est grandi par les corrections se remarque plus encore dans le poème IX, « A M. de Lamartine ». Les derniers vers du poème étaient dabord relativement pessimistes :
Et si mon invisible monde
Toujours dans les ténèbres fuit,
Si rien ne germe dans cette onde
Que je laboure jour et nuit,
Si voilé dun fatal mystère
Je me brise à lingrate terre
Que cherchent mes yeux obstinés,
Pleure, ami, mon ombre jalouse !
Colomb doit pleurer Lapeyrouse.
Tous deux étaient prédestinés ![33]
Hugo remplace finalement « dans les ténèbres » par « à lhorizon ». « Si voilé dun fatal mystère / Je me brise à lingrate terre » devient « si mon navire de mystère / Se brise à cette ingrate terre » : ce nest plus le « je » qui est voué à se briser, mais le « navire de mystère ». Tous deux se réfèrent bien entendu au poète, mais le fait dutiliser la métaphore du navire pour présenter le poète permet de mettre à distance lidée de désastre. La métaphore « navire de mystère » présente en outre le poète de façon plus positive que dans la version antérieure : le poète était auparavant « voilé dun fatal mystère » bien malgré lui. Dans la version définitive, le mystère a été intériorisé et cest lui qui le contient : « mon navire de mystère ». Dans la première version, « Colomb doit pleurer Lapeyrouse » ; dans la version définitive, la notion de deuil impliquée par le verbe « pleurer » nest pas répétée.
Les manuscrits témoignent donc de deux mouvements inverses pour le traitement du « moi ». Tandis que le « moi » de lhomme privé devient plus fragile, le « moi » du poète garde une force accrue. Tout se passe comme si le « moi » privé était soumis à la temporalité de lécriture comme il est soumis au temps dans le monde réel. Au fur et à mesure des relectures, Hugo le rend plus faible. Au contraire, le « moi » de lécrivain, de lécriture, du poète, ne peut que se renforcer par les campagnes décritures successives.
2/ La figure de Napoléon
Reste la question du « moi » politique. Il napparaît pas véritablement dans le recueil. Dès la préface, Hugo précise quil ne publie quun « volume de pauvres vers désintéressés ». Il ajoute, à la fin de la préface, que
Cest maintenant le lieu de répondre à la question des personnes qui ont bien voulu demander à lauteur si les deux ou trois odes inspirées par les événements contemporains, quil a publiées à différentes époques depuis dix-huit mois, seraient reprises dans les Feuilles dautomne. Non. Il ny a point ici place pour ce quon appelle politique et quil voudrait quon appelât historique. Ces poésies véhémentes et passionnées auraient troublé le calme et lunité de ce volume. Elles feront partie dun recueil de poésie politique, que lauteur tient en réserve.
Les odes évoquées par Hugo seront publiées au début des Chants du crépuscule. Les Feuilles dautomne ne sont cependant pas libres de toute considération politique, mais elles sont plutôt dordre général et ne font pas référence à un événement précis et actuel. La Révolution de Juillet nest pas même citée. Les manuscrits ne font pas état de suppression de passages trop politiques, qui « auraient troublé le calme et lunité [du] volume ».
Les seules modifications notables, même si elles ne portent que sur de brefs passages, concernent Napoléon. La version publiée est souvent moins positive que ce qui apparaît dans les brouillons et les copies. « Souvenir denfance » commence ainsi :
Dans une grande fête, un jour, au Panthéon,
Javais sept ans, je vis passer Napoléon.
Pour voir cette figure illustre et solennelle,
Je métais échappé de laile maternelle ;
Car il tenait déjà mon esprit inquiet ;
Hugo avait dabord écrit « Car sur ce | hau[t]
| grand | destin jallais déjà rêvant »[34]. Léloge nest évidemment
pas aussi visible dans la version définitive que dans le premier jet. On pourrait
arguer que Hugo prend « inquiet » dans un sens étymologique
« inquies » signifie en effet « agité » en latin[35]. Napoléon serait ce grand homme qui ne peut laisser lesprit
tranquille et le met en mouvement, mais qui trouble aussi sa sérénité et ne
laisse plus place au rêve.
De même, Hugo ne modifie quun vers dans « Rêverie dun passant à propos dun roi », mais la transformation bouleverse la façon dont est présenté Napoléon. Dans le poème, la réflexion dune vieille femme sur le faste des rois plonge le poète dans une longue rêverie. Dès la première ébauche, la vieille femme disait, voyant le faste qui entourait le roi de Naples : « si cétait lempereur que ferait-on de moins ? »[36] La remarque nest pas hostile à Napoléon et se contente de dénoncer le faste excessif du roi de Naples. La vieille femme laisse implicitement entendre quun tel faste ne la gênerait pas sil sappliquait à Napoléon. Le fait de lappeler « lempereur » nest pas non plus anodin ; cette dénomination est plutôt approbatrice; on sait quà lépoque la façon dont on nommait lempereur Buonaparte ou Napoléon signifiait beaucoup. Le vers qui précède montre en outre que la vieille femme fait preuve dun certain courage en publiant son opinion : « une femme du peuple / disait tout haut, sans craindre espion ni témoin »[37].
Le version définitive est très différente, puisque la vieille femme sexclame :« Un roi ! sous lempereur, jen ai tant vu, des rois ! » Sa remarque est sans doute plus profonde. Elle ne se contente plus de critiquer le faste : elle souligne à quel point le pouvoir nest quune vaine illusion vouée à la disparition. Elle rappelle aussi, implicitement, la fragilité de lEmpire qui a constitué artificiellement des rois de pacotille. Etre roi ne signifie rien, et encore moins être roi sous lEmpire.
Plus frappant encore, Hugo choisit de supprimer les quatre vers qui devaient commencer le premier poème du recueil, « Ce siècle avait deux ans, Rome remplaçait Sparte ». Les suppressions sont assez rares dans les manuscrits définitifs pour quon sy attache dun peu plus près. Ces quatre vers étaient consacrés à Napoléon :
Sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême
Qui, comme un ancien dieu, se | transformant | sc transforma | lui-même
dAnnibal en Cromwell, de Cromwell en César.
Cétait quand il couvait son troisième avatar.[38]
Si limage de Napoléon ne disparaît pas dans le poème (« Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte, / Et du premier consul, déjà, par maint endroit, / Le front de lEmpereur brisait le masque étroit »), elle est désormais légèrement en retrait. Elle ne sert plus, du moins au début du poème, quà déterminer le contexte historique de la naissance de lauteur. Dans la première version, laccent était fortement mis sur la figure de lempereur, comparé à un dieu. Le poète prenait soin de convoquer directement la mémoire du lecteur : « sans doute il vous souvient de ce guerrier suprême ». Sa propre naissance était presque explicitement placée sous le signe de Napoléon. Ce dernier « couvait son troisième avatar » cest à dire commençait, de Cromwell, à devenir César au moment où le jeune Hugo allait naître. Le verbe « couver » prenait donc un double sens, et le poète devenait, de façon indirecte, fils de Napoléon.
Il serait faux de dire, en analysant ces transformations de détail, que Hugo cherche, dans Les Feuilles dautomne, à gommer toute sa fascination à légard de lEmpereur. Il suffit, pour éviter ce contresens, de relire le poème XXX, « Souvenir denfance », dans lequel le génie de Napoléon est explicitement comparé à celui du poète. Il semble néanmoins que Hugo cherche parfois à atténuer certains passages qui lui sont consacrés, comme pour privilégier la sphère de lintime dans le recueil. Napoléon est dailleurs presque toujours lié, dans Les Feuilles dautomne, à lenfance du poète. Il est rarement évoqué en dehors du contexte qui a fasciné lenfant dautrefois. Le poète ne chante pas ses louanges au présent mais en fait une sorte de passé mythique vaguement puéril.
Certes, ces corrections, pourtant très cohérentes, ne font pas réellement la preuve que Hugo avait, au moment où il les faisait, une idée claire et précise de la construction de son recueil. Un élément dans le manuscrit nous permet cependant de savoir que Hugo relisait ses anciens poèmes pendant quil en écrivait dautres : Hugo a en effet dabord daté la mise au net de la première section des « Soleils couchants » de novembre 1831, « date de lachèvement »[39] du poème. Il a ensuite changé davis et remplacé 1831 par 1828, « date de la conception ». Cela prouve que ce poème, lun des premiers conçus par Hugo, a été modifié au moment où il est en train de composer ses derniers poèmes.
Certains indices dans le manuscrit montrent par ailleurs que Hugo avait une conscience très aiguë de lorganisation de son recueil.
3/ La cohérence du recueil
Malheureusement, aucun plan préparatoire ni projet de classement des poèmes des Feuilles dautomne ne nous est parvenu[40]. Pourtant, certaines notes dans le manuscrit du recueil sont liées à la construction du recueil.
On trouve ainsi, à la fin du brouillon de « Souvenir denfance », cette mention, autographe selon Journet et Robert : « mettre cette pièce après la pièce intitulée la pente de la rêverie »[41]. Les deux pièces, comparables par la taille et placées lune à côté de lautre, permettent de faire le parallélisme entre le rêverie glorieuse du soldat, Napoléon, et celle du poète.
De même, Hugo écrit sous le numéro du poème XXXVI, « Un jour vient où soudain lartiste généreux » : « mettre ceci avant la prière pour tous »[42]. Là encore, le rapprochement est habile. Le poème XXXVI décrit en effet sur le désenchantement du « moi » vieillissant. Il se termine sur ces vers : « Il retrouve, attristé, le regret morne et froid / Du passé disparu, du passé, quel quil soit ! » Le poème suivant, « La Prière pour tous », tente de surmonter cette mélancolie.
Enfin, le dernier poème du recueil porte la mention : « cette pièce clora le volume »[43].
On peut remarquer que de telles notes napparaissent que sur des poèmes composés en novembre 1831, cest à dire immédiatement avant la publication du recueil. On peut alors supposer quils ont été composés dans la perspective du volume final. Ayant négocié avec Renduel pour publier le recueil des Feuilles dautomne[44], Hugo doit finir et organiser son recueil.
Il est en revanche difficile de savoir à partir de quel moment Hugo a composé les poèmes des Feuilles dautomne dans la perspective du recueil. Henri Meschonnic laisse entendre, dans Pour la poétique IV [45], que « dès septembre 1828 » Hugo avait « [fixé] davance le sens et le titre » du recueil, parce quil avait composé le poème qui constituera la pièce XXXIX du volume et qui compare les « chansons aimées » du poète à des « feuilles flétries » qui tombent de sa couronne. Henri Meschonnic cite en outre une lettre de Hugo à Victor Pavie datant du 17 mars 1827 « où il [lui] promettait [ ] cette Ode à la colonne qui ne vaut pas ce seul vers : Cétait une feuille dautomne ». Le fait que Hugo apprécie ce vers ne prouve cependant pas quil avait eu, dès 1827, lidée den faire un titre.
En 1828, lorsque Hugo écrit les premiers poèmes des Feuilles dautomne, il compose aussi des pièces des Orientales. Il arrive même quune même ébauche soit scindée en deux et utilisée dans Les Orientales et dans ce qui constituera le futur recueil des Feuilles dautomne[46]. Par la suite, les périodes de rédaction consacrées aux poèmes qui sintègreront dans Les Feuilles dautomne sont plus resserrées et plus unifiées.
Presque la moitié des poèmes du recueil est ainsi composée entre mai et juin 1830. Si on observe les dates données aux poèmes de cette période, on saperçoit que nombre de poèmes qui se suivent dans le recueil ont été composés dans un laps de temps très réduit, comme si Hugo, sans avoir nécessairement en tête la construction finale du recueil, composait déjà en pensant à la succession des poèmes, ou du moins à leur unité thématique. Disons plus simplement quil écrit par à-coups, et que les poèmes quil compose pendant une même période ont entre eux un lien, plus ou moins étroit mais réel. Cette similitude dinspiration facilitera lorganisation du recueil final. Cest ainsi par exemple que les poèmes « Un jour au mont Atlas les collines jalouses » et « Dédain », composés respectivement les 24 et 26 avril 1830, se suivront dans le recueil, précédés par le poème « A M. de Lamartine », terminé en juin 1830. Les trois poèmes, conçus pendant la même période évoquent tous trois les rapports que lon peut entretenir avec les poètes de génie. Un terme revient dans les trois pièces : le mot « jaloux ». La structure du recueil a su donc tirer parti de lordre de composition des poèmes.
Les poèmes composés à la fin, au mois de novembre 1831, sont, quant à eux, plutôt composés en fonction des poèmes existant déjà. A noter par exemple que les numéros des poèmes XXXV et XL, écrits en novembre 1831, sont, sur les manuscrits, notés avec la même encre que celle qui est utilisée pour le corps du texte. Ce nest pas le cas pour les poèmes antérieurs : le numéro qui permet de les classer est toujours postérieur à la copie. On peut donc supposer que ces derniers poèmes sont écrits pour sinsérer à des endroits précis du recueil.
Il est en tout cas certain que le dernier poème du recueil a été écrit pour « clor[e] le volume ». Il modifie en effet linspiration du recueil en souvrant à la poésie dinspiration politique et en annonçant que le poète va ajouter « à [sa] lyre une corde dairain ».
Il a en outre été conçu en même temps que la préface, les deux textes occupant des positions stratégiques et donnant du relief au recueil. Leur contenu est très proche.[47]
Les premiers vers du poème, que lon peut supposer inspirés dOvide « Amis, un dernier mot ! et je ferme à jamais / Ce livre, à ma pensée étranger désormais » sont ajoutés et font écho à la préface, qui cite explicitement lauteur latin : « Il laisse donc aller ce livre à sa destinée, quelle quelle soit, liber, ibis in urbem, et demain il se tournera dun autre côté. » Préface et dernier poème insistent de même sur la gravité du « moment politique », faisant la liste des troubles qui agitent les pays dEurope. Le recueil, « livre inutile », « pur ouvrage dart », « volume de pauvres vers désintéressés », sinscrit, grâce à ces deux pièces, dans lactualité la plus immédiate. Hugo insiste dailleurs, dans la préface, sur la date de parution des Feuilles dautomne. Après avoir décrit la situation politique en Europe, il écrit : « Voilà où nous en sommes au mois de novembre 1831 ». Il prend soin cependant de rappeler le moment de lécriture en ajoutant dans la marge à la fin de la préface : « en ce mois de novembre 1831 ». Hugo renvoie ainsi au dernier poème du recueil, daté, comme la préface, de novembre 1831.
On peut aussi considérer que, par cette notation, le poète relie le recueil avec celui des Orientales, dont le dernier poème sintitulait tout simplement « Novembre » et marquait un retour à une inspiration proche de celle des Feuilles dautomne. Hugo ne se contenterait donc pas de resserrer la structure de son recueil ; il sefforcerait de lintégrer dans une construction dune autre échelle, celle de lensemble de son uvre.
Si Hugo détestait les arts poétiques et parlait fort peu de sa manière de créer, la forme de ses ébauches, ses ratures et ses corrections en disent long sur sa vision de la poésie et sur sa façon de procéder.
Il semble que la composition du poème se fonde sur deux mouvements au moins qui, très différents, se complètent néanmoins :
La création, chez Hugo, est dabord fondée sur une dynamique, sur un flux, sur un souffle qui, dun même mouvement, passe de linarticulé à lexpression la plus réglée du vers, voire de la strophe. Les ébauches contiennent déjà en elles-mêmes le mouvement que le poète devra recréer pour terminer le poème.
Une fois le poème élaboré et lon passe ici, par manque de documents, sur les phases intermédiaires tout leffort du poète consiste à renforcer la cohérence des vers et de lensemble, à travailler sur le rapport entre le tout et les parties. Cette phase, moins spectaculaire et moins surprenante sans doute que la première, est cependant tout aussi importante.
Reste à comprendre comment se compose le recueil Curieux recueil que celui des Feuilles dautomne, qui, publié après juillet 1830, névoque pas un instant son bouleversement ; qui revendique lhistoricité dun sujet sinscrivant dans son siècle, mais qui ne sattache pas à lactualité directement politique ; qui se construit presque en creux, annoncé par la fin des Orientales et annonçant déjà Les Chants du crépuscule.
La notion de mouvement, au fond, nest pas galvaudée lorsquon évoque lécriture de Hugo. Il est fascinant de voir à quel point les notions de frontières, de catégories, sont absentes au moment de la création. Le vers donne son mouvement au poème, qui sintègre parfaitement dans le recueil, qui lui-même est étroitement lié aux autres recueils. Les catégories que lon est obligé dintroduire pour faciliter études et commentaires, nont, à la limite, pas lieu dêtre. « La spirale est profonde, et quand on y descend, / Sans cesse se prolonge et va sélargissant ».
[1] Journet et Robert, Des Feuilles dautomne aux Rayons et les ombres, étude des manuscrits, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 263.
[2] « Ici se présente une objection dune autre espèce : - Sans contredit, dans le moment même le plus critique dune crise politique, un pur ouvrage dart peut apparaître à lhorizon ; mais toutes les passions, toutes les attentions, toutes les intelligences ne seront-elles pas trop absorbées par luvre sociale quelles élaborent en commun, pour que le lever de cette sereine étoile de poésie fasse tourner les yeux à la foule ? ceci nest plus quune question de second ordre, la question du succès, la question du libraire et non du poète », écrit ainsi Hugo dans la préface des Feuilles dautomne.
[3] Hugo écrit ainsi à son nouvel éditeur, Renduel : « Dans létat incertain où se trouve la librairie, il me semble quil serait convenable de modérer de la manière suivante les conditions du traité que nous avons signé pour les Feuilles dautomne le 24 octobre denier. Vous tireriez deux mille exemplaires au lieu de quatre mille4000. toujours douze cent cinquante in 8° et le reste in 18. Et vous me paieriez ces 2000 exemplaires 3000 francs, sa [ ] » (dans uvres complètes, t. 4, « Club français du livre », Paris, 1967, p 1052).
[4] Voir la présentation du manuscrit par Journet et Robert dans Des Feuilles dautomne aux Rayons et les ombres, étude des manuscrits, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 9. Sauf précision contraire, les passages des manuscrits cités dans notre étude seront tirés de cet ouvrage. On présentera, en note, le numéro du folio sur lequel les extraits se situent, ainsi que la page à laquelle Journet et Robert lont transcrit dans leur ouvrage. On respectera, la plupart du temps, la présentation de leur transcription, sauf lorsquelle gênera la lisibilité des extraits.
[5] Feuilles paginées, manuscrit 13 425, f° 89.
[6] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 37, p 31.
[7] Victor Hugo, uvres complètes, t. III, « Club français du livre », Paris, 1967, p 1160.
[8] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 99 r°, p 74.
[9]Ibid., f° 99 r°, p 75.
[10] Ibid., f°99 r°, p 75.
[11]Ibid., f°37, p 31.
[12]Ibid., f°37, p 32
[13] A noter que Les Feuilles dautomne constituent le premier recueil de Hugo dans lequel les poèmes en alexandrins à rimes plates se développent de façon évidente
[14] Ibid., f° 99 r°, p 75.
[15]Ibid., f° 100 v°, p 77.
[16] Dans Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, 1, Gallimard, « NRF », Paris, 1977, p 161.
[17] René Journet et Guy Robert, Des Feuilles dautomne aux Rayons et les ombres, Etude des manuscrits, Annales littéraires de lUniversité de Besançon, Les Belles Lettres, Paris, 1957, p 265.
[18] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 56, p 43.
[19]Idem, f° 68 r°, p 49.
[20] « La pente de la rêverie », Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 70 v°, p 50.
[21] « Victor Hugo, créateur par la rime ? », dans Poétique de la rime, édité par Michel Murat et Jacqueline Dangel, Honoré Champion, « Métrique française et comparée », Paris, 2005.
[22] Manuscrit 13 424, f° 78, dans Océan, Robert Laffont, « Bouquins » Paris, 1989, p 159.
[23] Dans Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, 1, Paris, Gallimard, « NRF », 1977, p 165.
[24] Manuscrit 24 793, f° 5, p 298.
[25] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 49 v°, p 40.
[26]Ibid. f° 58, p 44.
[27] Ibid., f°55, p 43.
[28]] Ibid.], f°104 v°, p 80.
[29] Ibid., f° 37, p 31.
[30] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 43, p 36.
[31]Ibid., f° 26, p 24.
[32] Ludmila Charles-Wurtz dit ainsi que, dans Les Feuilles dautomne, « Le récit autobiographique aboutit [ ] à lexpérience de limpersonnalité du Moi. Si dans le Moi parle lhumanité tout entière, le pacte autobiographique change nécessairement de sens : il sagit moins pour Hugo de décrire son Moi comme un cas exemplaire de la condition humaine que de vider le « je », personne grammaticale constitutive du projet autobiographique, de toute personnalité. Par la voix de celui qui dit « je » parle toujours lhumanité. »( Poétique sur sujet lyrique dans luvre de Victor Hugo, Champion, Paris, 1998, p 512 )
[33]Ibid., f° 36 v°, p 31.
[34]Ibid., f° 72 r°, p 51.
[35] On peut dailleurs rapprocher ce vers du début du poème XL des Orientales, « Lui » : « Toujours lui ! Lui partout ! Ou brûlante ou glacée, / Son image sans cesse ébranle ma pensée. / Il verse à mon esprit le souffle créateur. »
[36] Ibid., f° 19 v°, p 21, et manuscrit des Feuilles paginées, 13 425, f° 89.
[37] Feuilles paginées, 13 425, f° 89.
[38] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 14, p 18.
[39] Journet et Robert, Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 83 r°, p 58.
[40] On dispose en revanche dun projet de classement des poèmes des Chants du crépuscule, manuscrit 13 360, f° 135.
[41] Manuscrit des Feuilles dautomne, 13 389, f° 76, p 53.
[42]Ibid., f° 97 r°, p 73.
[43]Ibid., f° 115, p 84.
[44] Voir à ce sujet larticle de Jacques Seebacher, « Victor Hugo et ses éditeurs avant lexil », paru dans Victor Hugo ou le calcul des profondeurs, Presses Universitaires de France, « Ecrivains », Paris, 1993.
[45] Pour la poétique IV, Ecrire Hugo, Gallimard, « NRF », Paris, 1977, p 66.
[46] Le f° 85, p 59, contient ainsi une ébauche constituée de deux strophes. La première sera intégrée au poème IV des Orientales, la seconde fera partie des « Soleils couchants » : « Jaime une lune ardente et rouge comme lor, / Se levant dans une brume épaisse, ou bien encor / blanche au bord dun nuage sombre, [ ] / Jaime ces chariots lourds et noirs, qui, la nuit, / Passant devant le seuil des fermes avec bruit / Font aboyer les chiens dans lombre ». « Jaime le ciel immense, et dès qua fui le jour, / En tout tems, en tous lieux, dun ineffable amour, mon il plonge à travers ses voiles [ ] »
[47] On retrouve le même rapport étroit entre la préface et un poème qui a une position stratégique dans Les Chants du crépuscule. Le premier poème en effet, « Prélude », a été composé après tous les autres poèmes, à quelques jours décart de la préface. Les thèmes qui le traversent sont comparables. On peut considérer dailleurs que « Prélude », par son titre même, constitue une seconde préface.