Brigitte Buffard-Moret : Hugo et le renouveau de la chanson poétique

Communication au Groupe Hugo du 12 mars 2005
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« Renouvelons aussi toute vieille pensée ». Ce sont ces mots, empruntés à une ode de Du Bellay[1] que Victor Hugo met en épigraphe à la deuxième partie - celle des Ballades - de son premier recueil poétique, Odes et Ballades, dans l'édition de 1828. C'est en effet la « vieille pensée » des troubadours que renouvelle Hugo, par la forme qu'il lui donne, suivant là une tendance amorcée dès le XVIIIe siècle.

C'est au début du XVIIIe siècle que des savants ecclésiastiques voulant mettre en lumière « l'origine et les progrès des arts et des sciences »[2] ont fait paraître plusieurs histoires de la poésie française, donnant la primauté tantôt aux poètes de langue d'oc tantôt à ceux de langue d'oïl, sans que préside d'ailleurs un véritable souci de méthode scientifique. Cet intérêt pour l'ancienne littérature, parti des érudits de province, a gagné la haute société parisienne, qui trouve du charme à ces « amours du bon vieux temps »[3]. Les recueils de chansons reflètent alors cet engouement : le poète et musicien Moncrif donne ainsi en 1755 un Choix de chansons, à commencer de celles du comte de Champagne roi de Navarre, jusques et compris celles de quelques poètes vivants, dans une démarche qui demeure peu respectueuse du texte original, souvent « corrigé » ou tronqué, voire attribué à un auteur qui n'est pas le bon. Ce qui plaît dans ce « genre troubadour », c'est son archaïsme et sa simplicité naïve, jugés poétiques. Le succès du genre se marque par toute une série de pastiches, comme Les Nouveaux Troubadours, recueil lyrique de 1787, et ne fait que se renforcer durant la révolution, dans la littérature de l'Emigration, ainsi qu'en témoigne un recueil Les Troubadours modernes, ou amusements littéraires de l'armée de Condé[4]. Cette nostalgie pour un passé héroïque se poursuit chez les jeunes aristocrates qui, en ce début de XIXe siècle, se consacrent à la littérature. Mais cette résurrection du passé est davantage la recréation d'une poésie dont ils connaissent plus le fond - et celui-là aussi est également adapté à leur propre imaginaire - que la forme.

Hugo, dans sa préface des Odes et Ballades de 1826, dit avoir, dans ses ballades, « essayé de donner quelque idée de ce que pouvaient être les poèmes des premiers troubadours du moyen-âge [sic], de ces rapsodes chrétiens qui n'avaient au monde que leur épée et leur guitare, et s'en allaient de château en château, payant l'hospitalité avec des chants »[5]. Sa conception des troubadours est bien fantaisiste, celle de leurs chants aussi, et ses ballades, qui se caractérisent par leur extrême variété de structure, n'ont rien à voir avec la forme fixe médiévale introduite par Guillaume de Machaut au XIVe siècle, mais se réfèrent plutôt à  la ballade anglaise[6]. Un ouvrage paru en 1806 sur La Poétique anglaise signalait dans sa préface : « Les Anglais nomment ballades ce que nous appelons romance : c'est le récit, mis en chansons, d'une aventure amoureuse et triste »[7] : ce sont donc des poèmes narratifs populaires, soit de quelques strophes séparées par un refrain, soit d'une structure plus longue et sans refrain comme celles par lesquelles nous sont connues les diverses aventures de Robin des Bois.

Mais tous les poètes de l'époque tentent d'établir un lien entre les ballades qu'il composent et celles de la poésie épique médiévale française. Hugo ainsi donne comme épigraphe à l'ode douzième des Odes et Ballades, « Le Chant du tournoi », une « Ancienne Ballade » très probablement de sa composition, dont le mètre est le décasyllabe, rarissime chez Hugo, mais qui est le « vers commun » médiéval :

 

Servants d'amour, regardez doucement

Aux échafauds anges de paradis ;

Lors jouterez fort et joyeusement,

Et vous serez honorés et chéris.[8]

 

Nostalgie et désir de renouvellement se combinent paradoxalement, avec les vieilles ballades qui envahissent la poésie. Cette confusion entre littérature médiévale et vieilles chansons populaires s'explique aussi parce que, lorsqu'elle est passée de mode, une poésie savante séduit par son archaïsme que l'on interprète alors comme un trait de style naïf et populaire. Or, depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle, se développe l'idée, chez Diderot d'abord, puis de manière systématique, chez l'Allemand Johann Gottfried von Herder notamment, que dans l'enfance de l'humanité, où l'imagination n'était pas encore bridée par la raison, la poésie était encore l'expression directe des sentiments. Toute poésie primitive est précieuse parce qu'elle offre un monument de cette époque vraiment poétique où la poésie n'était pas l'ouvre consciente d'un auteur mais le fruit collectif de tout un peuple. Comme les peuples et les goûts diffèrent selon les temps et les lieux, Herder proclame que la littérature doit être nationale et il propose pour modèle la poésie populaire, miroir fidèle du caractère national. Ces théories, par le biais des romantiques allemands, se développent dans les milieux intellectuels français parce qu'elles permettent de décrier l'esthétique classique, tandis que se répand la mode des recueils de chansons « populaires », mêlant en fait chansons purement lettrées, dans le style de la poésie fugitive du temps, et vieilles rondes folkloriques.

A ce désir de retrouver une poésie primitive et authentique, s'ajoute chez les romantiques une nostalgie nouvelle pour l'enfance qui construit la personnalité créatrice de l'artiste, et pour les souvenirs qui s'y rattachent et Rousseau, Chateaubriand, Nerval ou George Sand lient tous les chansons populaires à leurs souvenirs d'enfance. Naïveté de ce qui se rattache au monde de l'enfance ainsi que de ce qui appartient au passé : ces idées préconçues et tenaces font que pour les romantiques « les chansons populaires ou les ouvres des trouvères et des troubadours, c'est tout un ; [.] tout cela se confond en une seule et même entité : la vieille chanson »[9].

Chez Hugo, cet amalgame est flagrant dans les chansons dans Notre-Dame de Paris. Dans ce roman qui se déroule à la fin du XVe siècle, il n'est fait état d'aucun rondeau, d'aucune ballade que pourrait composer le poète Gringoire. Ne figurent que des chansons, dont la plupart ont sans doute été inventées par Hugo, à l'exception de deux chansons d'Esmeralda tirées du Romancero traduit et publié par Abel Hugo. Or le narrateur souligne à plusieurs reprises le caractère ancien et populaire de ces airs. Ainsi, une des chansons d'Esmeralda :

       

        Mon père est oiseau,

        Ma mère est oiselle.

Je passe l'eau sans nacelle,

Je passe l'eau sans bateau,

        Ma mère est oiselle,

        Mon père est oiseau.[10]

 

est dite chantée « sur un vieil air » ; les deux écoliers Jehan du Moulin et Robin Poussepain chantent :

 

le vieux refrain populaire

Une hart

Pour le pendard

     Un fagot

Pour le magot.[11]

 

Le même Jehan, avant d'être tué par Quasimodo, chante :

 

la chanson alors populaire

Elle est bien habillée

La fille de Cambrai.

Marafin l'a pillée.[12]

 

Certes, au XVe siècle ont fleuri des recueils de chansons rustiques aux archaïsmes souvent fabriqués, mais Hugo ne va pas puiser à ces recueils, qui ne seront vraiment connus que par le recensement qu'en fera Gaston Paris en 1875. Ses créations doivent sans doute beaucoup plus aux pastiches des romances et pastourelles de la fin du XVIIIe siècle et au fonds de chansons populaires à partir duquel il fabrique ses propres « vieilles chansons ».

Lorsque Alceste, dans Le Misanthrope, chante la « vieille chanson » du roi Henri, il précise que « la rime n'est pas riche », faisant allusion entre autres à la rime impure ville / mie et à la différence de graphie entre donné et quitter. Mais Hugo, dans ses créations de chansons populaires, reste respectueux de la rime, sans aucun doute parce qu'« on n'a jamais voulu admettre dans les livres des vers composés sans souci de la rime », pour reprendre les mots de Nerval à propos des « chant[s] des vieilles provinces »[13]. Seule la chanson de Quasimodo est composée de « vers sans rime ». et sans mètre « comme un sourd en peut faire »[14] :

 

Ne regarde pas la figure,

Jeune fille, regarde le cour.

 

Le cour d'un beau jeune homme est souvent difforme.

Il y a des cours où l'amour ne se conserve pas.

 

Jeune fille, le sapin n'est pas beau,

N'est pas beau comme le peuplier,

Mais il garde son feuillage l'hiver.

 

Hélas ! à quoi bon dire cela ?

Ce qui n'est pas beau a tort d'être ;

La beauté n'aime que la beauté,

Avril tourne le dos à janvier.

La beauté est parfaite,

La beauté peut tout,

La beauté est la seule chose qui n'existe pas à demi.

 

Le corbeau ne vole que le jour

Le hibou ne vole que la nuit,

Le cygne vole la nuit et le jour.

 

En dehors de cette chanson bien à part, les chansons « populaires » de Hugo sont régulièrement rimées. Dans ses romans, le système rimique se caractérise le plus souvent par sa simplicité : les rimes plates[15] y prédominent, comme c'est le cas dans les quatrains de nombreuses chansons populaires - ainsi la Chanson de Jean Renaud ou Complainte de Saint Nicolas. Il ne faut pas, en outre, perdre de vue que les segments de chansons qui interviennent dans le récit sont brefs : peu de chansons sont citées en leur totalité. Les mètres en sont courts, souvent impairs et le narrateur de Notre-Dame de Paris signale souvent la présence d'un refrain.

Cette simplicité rimique et métrique ne se retrouve pas dans les Ballades de Hugo. Vigny avait introduit le quatrain en rimes plates dans plusieurs de ses Poèmes antiques et modernes : La Fille de Jephté, La Neige, Le Cor. Ces deux derniers poèmes portaient à l'origine en sous-titre la mention de Ballade et ils comportent tous trois un procédé de bouclage par répétition, les premiers vers étant repris en fin de poème, ce qui les rattache au genre de la chanson. Hugo dédaigne cette forme, peut-être parce que trop proche de la poésie non strophique, et recherche la complexité métrique et rimique : aux chansons des romans, qui sont censées être chantées, se substitue une poésie non chantée dont, depuis le XVIe siècle, « la Rime [est] encore une plus expresse marque de Chant : et par conséquent, de Poésie »[16].  Hugo ne s'inspire pas pour ces « chants » de « troubadours » de la poésie savante médiévale, ne veut pas « écrire avec ce qui a été écrit, mais avec son âme et son cour »[17], et il souhaite créer, à partir de formes poétiques d'époque diverses, des formes inédites qui vont marquer les poètes contemporains.

Ainsi on peut considérer que Hugo reprend pour La Chasse du Burgrave en la décomposant sur deux vers (1 octosyllabe + 1 vers d'une syllabe), dans une association vers long-vers court qu'il affectionne, la rime couronnée ou redoublée pratiquée au XVe siècle par les Grands Rhétoriqueurs et également par Marot, qu'il connaît sans doute par Nodier :

 

Daigne protéger notre chasse,

            Châsse

De monseigneur saint-Godefroy,

           Roi ![18]

 

Mais cette structure rimique et métrique, telle qu'elle est employée dans sa ballade, figure aussi chez Vadé, Sedaine ou Pannard. Or Vadé et Pannard sont salués dans Les Misérables quand Hugo évoque les « catéchismes poissards »[19] et l'argot du peuple. Autant que son aspect archaïque, c'est son aspect plaisant, présent déjà chez les poètes-chansonniers du XVIIIe siècle[20], qui pousse Hugo à l'utiliser à plusieurs reprises. Cette structure se rencontre également dans deux ballades de Cromwell[21], la première à la scène 1 de l'acte III :

 

Pourquoi fais-tu tant de vacarme,

          Carme ?

Rose t'aurait-elle trahi ?

          - Hi ![22]

 

la seconde à la scène 7 de l'acte V :

 

C'est surtout quand la dame abbesse

          Baisse

Les yeux que son regard charmant

          Ment.[23]

 

La référence à la poésie médiévale se teinte ainsi d'humour et la ballade hugolienne prend des allures inédites de chanson légère du XVIIIe siècle. Elle reprend aussi les thèmes gaillards de la chanson mondaine du siècle précédent[24], La Chasse du burgrave se terminant par une histoire de mari trompé. Le succès de cette strophe fut considérable : il y eut beaucoup d'imitations et Hugo en fut considéré comme l'inventeur.

Hugo utilise aux mêmes fins plaisantes un vers court et impair, inusité en isométrie, le vers de trois syllabes, dans la Ballade douzième, Le Pas d'armes du Roi Jean. Les échos rimiques sont d'autant plus rapprochés que figurent trois mêmes rimes à la suite (abab cccb). De plus s'ajoutent de fréquentes assonances intérieures, comme dans cette 5e strophe :

 

Ma vieille âme

Enrageait ;

Car ma lame

Que rongeait

Cette rouille

Qui la souille,

En quenouille

Se changeait.[25]

Ces diverses correspondances sonores, engendrant par moment une véritable cacophonie, s'associent ici à la truculence du poème, en décalage par rapport au ton de l'Ancienne chronique qui sert d'épigraphe au poème et dont l'origine est inconnue.

Les répétitions d'échos rimiques sont associées dans plusieurs ballades à des répétitions de vers ou de parties de vers. Une même strophe ouvre et ferme le poème, sans variation dans la Ballade première, Une fée, ou avec une variation qui affecte une des rimes dans la Ballade sixième, A un passant :

Strophe 1 :

 

Voyageur, qui, la nuit, sur le pavé sonore,

De ton chien inquiet passes accompagné,

Après le jour brûlant, pourquoi marcher encore ?

Où mènes-tu si tard ton cheval résigné ?

 

Strophe 5

 

Voyageur isolé, qui t'éloignes si vite,

De ton chien inquiet la nuit accompagné,

Après le jour brûlant, quand le repos t'invite,

Où mènes-tu si tard ton cheval résigné ?[26]

Ce procédé de bouclage figurait dans plusieurs des Poèmes antiques et modernes de Vigny, parus en 1826. Hugo avait dit son enthousiasme pour ces ouvres, dont la veine antique, biblique, espagnole et gothique ne pouvait que séduire sa propre imagination. Parmi ces poèmes à bouclage figurent Le Cor et La Neige qui eurent pour sous-titre « Ballade » quand il parurent en pièces séparées, l'un en 1823, l'autre en 1824. Or Hugo cite précisément les premiers vers de La Neige - qui en sont donc aussi les derniers - en épigraphe générale de ses Ballades dans l'édition de 1826 :

 

Qu'il est doux, qu'il est doux de conter des histoires,

        Des histoires du temps passé !

 

Certaines structures sont ainsi dans l'air du temps et propices à donner un genre ancien au poème dans lequel elles figurent.

Un autre système de répétition est celui du refrain, comme dans la Ballade treizième, La légende de la nonne[27]. Un dernier procédé de répétition en ouvre dans le premier recueil de Hugo est l'anaphore avec variation en début de strophe, dans la Ballade neuvième, Ecoute-moi, Madeleine :

 

Ecoute-moi, Madeleine !

L'hiver a quitté la plaine

Qu'hier il glaçait encor.

Viens dans ces bois d'où ma suite

Se retire, au loin conduite

Par les sons errants du cor !

 

v.1 strophe 2 : Viens ! on dirait, Madeleine,

v. 1 strophe 3, 4 : Si j'étais, ô Madeleine,

v. 1 strophe 5 : Si j'avais, ô Madeleine,

v. 1, strophe 6 : Quand ton sein, ô Madeleine,

v. 1 strophe 7, 8, 9 : Si tu voulais, Madeleine,[28]

Hugo pour ses ballades ne cesse donc d'emprunter aux structures des chansons. Il a également introduit dans six de ses Ballades des quintils, strophes jusque là essentiellement présentes dans la chanson légère et remises à la mode par Lamartine sous la forme abaab, celle que Hugo utilise le plus. Mais ces quintils ne figurent pas uniquement dans les ballades : ils sont déjà très présents dans les Odes. Entre ballades, chansons et odes, les frontières sont poreuses, comme elles l'ont certes été auparavant entre l'ode et la chanson. Mais la nouveauté est que Hugo érige cette porosité en principe, avec, comme caractéristiques de ce premier recueil, la variété des formes et le refus de séparation des genres.

Cela semble à première vue s'opposer aux déclarations de l'auteur dans sa préface de 1826 qui commence par ces mots :

 

Pour la première fois, l'auteur de ce recueil de compositions lyriques, dont les Odes et les Ballades forment le troisième volume, a cru devoir séparer les genres de ces compositions par une division marquée.[29]

 

C'est en fait du point de vue de l'inspiration qu'il les distingue, disant « qu'il a mis plus de son âme dans les Odes[30], plus de son imagination dans les Ballades ». En même temps, la suite de la préface 1826 semble relativiser ces distinctions, puisque Hugo continue en disant :

 

On entend tous les jours à propos de productions littéraires, parler de la dignité de tel genre, des convenances de tel autre, des limites de celui-ci, des latitudes de celui-là ; la tragédie interdit ce que le roman permet ; la chanson tolère ce que l'ode défend, etc. L'auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n'y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est beau et vrai partout.[31]

 

Plusieurs des épigraphes que Hugo ajoute à ses poèmes dans l'édition de 1828 semblent confirmer ce mélange des genres. Elles proviennent sans doute de la lecture par le poète du Tableau historique et critique de la Poésie française et du Théâtre français au XVIe siècle de Sainte-Beuve et des Ouvres choisies de Ronsard que Sainte-Beuve publiait en même temps. Y figure en effet la chanson des Amours de Marie citée dans l'épigraphe de l'ode vingt-deuxième :

 

Quand ie voy tant de couleurs

          Et de fleurs

Qui esmaillent un riuage,

Ie pense voir le beau teint

          Qui est peint

Si vermeil en son visage.

 

Quand ie sens, parmi les prez

         Diaprez,

Les fleurs dont la terre est pleine,

Lors ie fais croire à mes sens

         Que ie sens

La douceur de son haleine.[32]

 

Dans le commentaire que Sainte-Beuve ajoute à cette chanson dans son Tableau historique., il fait également allusion au poème de Belleau, Avril, de même schéma strophique, cité dans l'épigraphe de l'ode vingt-quatrième de Hugo :

 

L'aubépine et l'églantin,

          Et le thym,

L'oillet, le lys et les roses,

En cette belle saison,

          A foison

Montrent leurs robes écloses.

 

Le gentil rossignolet,

          Doucelet,

Découpe, dessous l'ombrage,

Mille fredons babillards,

          Frétillards,

Aux doux sons de son ramage.[33]

 

et, à la suite de celui-ci, Sainte-Beuve consigne son propre poème A la Rime « comme un hommage offert au grand inventeur lyrique du XVIe siècle », poème dont deux strophes sont citées en épigraphe de l'ode vingt-troisième :

 

Sur ma lyre, l'autre fois,

          Dans un bois,

Ma main préludait à peine,

Une colombe descend

          En passant,

Blanche sur le luth d'ébène.

 

Mais, au lieu d'accords touchants,

          De doux chants,

La colombe gémissante

Me demande par pitié

          Sa moitié,

Sa moitié loin d'elle absente.[34]

 

Parallèlement, Hugo met en épigraphe à sa Ballade quatrième - ballade en hommage au Trilby de Charles Nodier - , deux strophes tirées de la pièce initiale des Jeux rustiques de Du Bellay, « D'un vanneur de blé au vent », qu'il rebaptise cavalièrement « Vieille chanson »[35] :

A vous, ombre légère,

Qui d'aile passagère

Par le monde volez,

Et d'un sifflant murmure

L'ombrageuse verdure

Doucement esbranlez,

 

J'offre ces violettes,

Ces lys et ces fleurettes,

Et ces roses ici,

Ces vermeillettes roses,

Tout fraischement escloses

Et ces oillets aussi.

               Vieille chanson

 

Il  invite donc ainsi à rapprocher l'ode de la chanson. et de la ballade, puisque, en outre, l'Ode douzième du quatrième livre, Le Chant du tournoi, d'inspiration médiévale, a pour épigraphe, nous l'avons vu, une « Ancienne ballade », probablement de l'invention de Hugo, que l'ode dix-huitième du même livre, Aux Ruines de Montfort l'Amaury, en a une, tirée du poème de Vigny, Madame de Soubise. Ce poème chez Vigny est certes sous-titré « Poème du XVIe siècle » mais comporte des clichés médiévaux[36]. Quant aux deux vers de Du Bellay qui figurent en épigraphe de la partie consacrée aux Ballades, ils sont extraits de l'« Ode du premier jour de l'an au seigneur Bertran Bergier », ode de tonalité légère qui célèbre « le vin, l'amour »[37], comme le fait également la chanson du XVIe siècle : le mélange des genres est donc total.

Les poèmes cités dans ces épigraphes, rajoutées seulement en 1828, n'ont sans doute pas influencé Hugo pour son premier recueil, puisqu'il a dû les découvrir cette même année ou l'année précédente, date de publication des premiers articles de Sainte-Beuve sur la poésie du XVIe siècle, alors que beaucoup de ses pièces avaient déjà été composées ; mais le désir de Hugo de les faire figurer en tête de certains de ses poèmes nous renseigne à la fois sur ce qui l'attire dans la poésie antérieure et sur sa propre conception des différents « genres » poétiques. Ce sont les chansons qui ont sa préférence -  celles  de Belleau, de Ronsard - et il n'hésite pas à transformer en « vieille chanson » le poème de Du Bellay. Certains des passages choisis se signalent par leur veine marotique, avec notamment la présence de diminutifs : rossignolet, doucelete, frétillards chez Belleau, fleurettes, vermeillettes chez Du Bellay. La chanson de Ronsard et de Belleau, dont la structure est aussi celle de Sainte-Beuve, a un schéma rimique et métrique complexe, avec son alternance d'heptasyllabes et de vers de trois syllabes et ses échos rimiques rapprochés entre vers long et vers court. C'est le vers court qui domine, tant chez Du Bellay, avec l'hexasyllabe, que dans l'extrait de la strophe de Madame de Soubise de Vigny, composée de pentasyllabes. Hugo semble avoir donc retenu de la poésie du XVIe siècle aussi bien que des poètes qui le précèdent immédiatement, leurs liens avec la chanson, leurs jeux métriques et rimiques élaborés et leur inspiration bucolique et galante du « bon vieux temps ».

En mettant des épigraphes de cet esprit, y compris à ses odes, il affirme implicitement que « ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe »[38] et que l'ode peut également, sans perdre de sa « dignité »[39] devenir chanson. Hugo a commencé son ouvre poétique par des odes parce que - il s'en explique dans la préface de sa 2e édition des Odes et poésies diverses de 1823 - c'est « sous cette forme que les inspirations des premiers poètes apparaissaient jadis aux premiers peuples »[40]. Il signale que l'ode française est « généralement accusée de froideur et de mélancolie » mais qu'il a cru découvrir que « cette froideur n'était point dans l'essence de l'Ode, mais seulement dans la forme que lui ont jusqu'ici donnée les poëtes lyriques »[41]. Mais quelle est-elle, cette « forme » ? Dans la même préface, Hugo parle de « l'abus des apostrophes, des exclamations, des prosopopées et autres figures véhémentes que l'on prodiguait dans l'Ode »[42], ce qui constitue une analyse formelle orientée - Hugo s'attaque au « stile impétueux » et au « beau désordre »[43] que prônait Boileau - mais limitée.

Quand, dans la préface de 1828, Hugo définit de nouveau le type d'ouvre qu'il publie, c'est pour distinguer non plus les odes des ballades, mais les « Odes relatives à des événements ou à des personnages contemporains » - ce qu'il désigne quelques lignes plus loin par les termes d'« Odes historiques » - et les « pièces d'un sujet capricieux », c'est-à-dire « le quatrième et le cinquième livre des Odes, l'un consacré aux sujets de fantaisie, l'autre à des traductions d'impressions personnelles »[44], ainsi que la partie consacrée aux Ballades, qu'il avait définies dans la préface de 1826 comme des ouvres d'« imagination » : il y a dans l'ode hugolienne, comme dans celle de ses prédécesseurs, une inspiration tantôt sublime, tantôt légère, rattachant l'ode à la tradition pindarique d'une part, horacienne et anacréontique de l'autre.

La caractéristique formelle essentielle des odes hugoliennes est leur extrême variété. Si les schémas rimiques sont récurrents et privilégient l'ouverture du poème sur une rime féminine et sa fermeture sur une masculine, dans la plus pure tradition des odes du XVIIe siècle[45] - ce qui est moins systématique dans la suite de l'ouvre hugolienne[46] -, les types de strophes sont divers puisque l'on trouve, sur un ensemble de 72 odes, 1 strophe de 19 vers (Les Vierges de Verdun), 1 strophe de 12 vers (Louis XVII), 13 types de dizains (dont 10 dans Les Vierges de Verdun), 1 neuvain (Premier soupir), 3 types de huitains (ex. : L'Antéchrist), 4 types de septains ( ex. : Premier soupir), 12 types de sizains (ex. : La Mort de Mademoiselle de Sombreuil), 10 types de quintils (ex. : Au vallon de Cherizy), 8 types de quatrains ( ex. : A toi), 1 tercet (Epitaphe).

A titre de comparaison, on rencontre dans les trois recueils des Méditations de Lamartine, c'est-à-dire sur 65 poèmes, 2 types de dizains, 1 type de septain, 3 types de quintils, 3 types de sizains, 3 types de quatrains.

Le nombre de strophes différentes au sein d'un même poème est lui aussi extrêmement variable et ce sont les poèmes à strophes variées qui sont les plus nombreux. A côté de 34 poèmes comportant un seul type de strophe, on rencontre 38 poèmes alliant des strophes différentes qui se répartissent ainsi :

-          strophes de 2 types (21 poèmes), comme dans Le Baptême du duc de Bordeaux ;

-          de 3 types (4 poèmes), comme dans A la colonne de la place Vendôme ;

-          de 4 types (4 poèmes), comme dans La Chauve-souris ;

-          de 5 types (4 poèmes), comme dans L'Ame ;

-          de six types (La Lyre et la harpe) ;

-          de sept types (L'Antéchrist) ;

-          de 8 types (Epitaphe) ;

-          de 11 types (Au vallon de Cherizy) ;

-          de 12 types (Les Vierges de Verdun), ce dernier poème comportant des strophes toutes différentes les unes des autres.

Les structures des poèmes sont donc très diverses. Cette variété interne tranche par rapport aux ouvres des poètes contemporains, et si Hugo, à l'Académie des Jeux Floraux de 1819, n'obtient pas le lys d'or mais une « amarante réservée » pour Les Vierges de Verdun, c'est à cause de cette fantaisie métrique. Le secrétaire perpétuel de l'Académie, Pinaud, explique de la manière suivante pourquoi cette ode n'a pas eu tout le succès escompté :

 

Vous vous y êtes affranchi de la contrainte d'un rhythme égal pour toutes les strophes, et si vous avez acquis par là un grand moyen de varier le caractère de votre poésie et de l'assortir aux divers effets que vous vouliez produire, vous avez violé un usage auquel les lyriques français se sont généralement soumis et dont tout le mérite n'est peut-être pas dans la difficulté vaincue.[47]

 

Par le reproche qu'il lui adresse, Pinaud à la fois montre le classicisme formel que recherchent ces concours poétiques et perçoit que cet affranchissement de la contrainte correspond chez Hugo à un véritable programme poétique.C'est donc sous le signe de la variété métrique que s'ouvre l'ouvre de Hugo, qui ne compose des Odes, comme les poètes lyriques qui l'on précédé, que pour « renouvel[er] aussi toute vieille pensée », comme le rappelle l'épigraphe des Ballades. Ce renouvellement de l'idée passe par un renouvellement de la forme et par une évolution au cours du recueil : les odes « historiques », les plus longues, les plus solennelles, où se rencontrent les structures les plus complexes, occupent les trois premiers livres, les plus courts puisqu'ils regroupent 29 poèmes ; les deux derniers livres consacrés aux « sujets de fantaisie » et à des « traductions d'impressions personnelles » comportent 43 poèmes. C'est dans ceux-ci que l'on trouve les 10 types de quintils répartis dans 18 poèmes, ainsi que quatre poèmes à bouclage par répétition de la strophe d'ouverture, et les poèmes les plus courts, comme La Demoiselle qui comporte 10 vers, et 20 poèmes qui ont moins de 50 vers contre 5 dans les trois livres précédents. Quant à la dernière ode, Rêves, dont la thématique emprunte à l'imagerie médiévale, elle est écrite en hexasyllabes, organisés en quintils et semble annoncer la première Ballade, qui a la même thématique et qui est, elle aussi, en quintils d'heptasyllabes, autre mètre rattaché à la tradition de la chanson. Son goût de la fantaisie éloigne donc progressivement Hugo de tout ce que l'ode a d'académique et lui fait créer ces odes « rêveuses » dont parle Sainte-Beuve, odes qui pourraient tout aussi bien s'intituler ballades ou chansons. Les classifications ne sont plus à l'ordre du jour chez Hugo qui ne se soucie plus d'avoir « violé les usages » que défendaient les Académies. Comme il le réaffirme dans la préface des Orientales de janvier 1829 :

 

L'art n'a que faire des lisières, des menottes, des bâillons ; il vous dit : Va ! et vous lâche dans ce grand jardin de poésie, où il n'y a pas de fruit défendu. L'espace et le temps sont au poète. Que le poète donc aille où il veut, en faisant ce qui lui plaît ; c'est la loi. [.] qu'il soit antique ou moderne ; que sa muse soit une Muse ou une fée, qu'elle se drape de la colocasia ou s'ajuste la cotte-hardie. C'est à merveille. Le poète est libre.[48]

 

Dans les recueils qui suivent celui des Odes et Ballades, la chanson ne cesse de réapparaître. Le poète semble souvent inviter son lecteur à considérer ses poèmes comme des chansons, en reprenant dans ceux-là des procédés métriques et stylistiques que la tradition associe à la chanson, ou en tissant un réseau subtil de références à des poèmes - de lui ou d'autres auteurs - intitulés « chansons ».

Ce peut être, cas le plus simple, le titre qui évoque la chanson. Il en est ainsi de la Romance mauresque des Orientales, avec son épigraphe tirée du Romancero general . même s'il n'existe pas dans la littérature espagnole de romance de tradition mauresque. Parfois, dans une première version figurait un titre explicite sur le genre du poème, qui a été biffé. C'est le cas de Canaris[49], dans les Orientales, qui eut comme premier titre Chant grec, titre auquel fut préféré le nom du plus connu des héros de la guerre d'indépendance grecque. Sans doute la structure des quatrains associant vers courts et vers longs (12s 6s 12s 6s) semblait suffisamment liée au genre de la chanson pour Hugo. Dans le même recueil, Hugo reprend pour Sara la baigneuse la structure strophique commune aux poèmes de Ronsard, Belleau et Sainte-Beuve qu'ils citaient en épigraphes dans Odes et Ballades.

D'autres schémas strophiques constituent également une référence à la chanson, comme le quintil qu'utilise Hugo dans deux pièces des Orientales, La Sultane favorite et Nourmahal la rousse[50], qui chantent deux figures féminines, et qu'il reprend dans Les Feuilles d'automne pour le poème « oriental » - et chantant ? - « Contempler dans son bain sans voiles. », ainsi que dans la Prière pour tous du même recueil, où un passage du poème qui s'inspire du Cantique des Cantiques est composé de quintils en pentasyllabes, mètre lui aussi culturellement associé à la chanson :

 

O myrrhe ! ô cinname !

Nard cher aux époux !

Baume ! éther ! dictame !

De l'eau, de la flamme,

Parfums les plus doux ![51]

 

Les poèmes intitulés « chansons » ou qui semblent s'apparenter à la chanson sont ainsi composés le plus souvent de mètres courts. Si on prend l'exemple du recueil Chansons des rues et des bois, dont est absent tout procédé de répétition, c'est uniquement le choix de mètres courts qui associe ces poèmes à des chansons. Ce sont principalement des octosyllabes et les autres mètres sont encore plus courts - heptasyllabes, hexasyllabes, pentasyllabes et même vers de quatre syllabes, comme dans Réponse à l'esprit des bois :

 

Nain qui me railles,

Gnôme aperçu

Dans les broussailles,

Ailé, bossu ;[52]

 

Le seul décasyllabe utilisé à plusieurs reprises par Hugo est le 5-5s. Il est présent notamment dans une pièce des Chansons des rues et des bois : « J'ai vu ton ami, j'ai vu ton amie. ». Plusieurs fois il est associé à un 5s. On en trouve deux exemples dans Châtiments, dans la Chanson IV de la section VI :

 

Nous nous promenions parmi les décombres

          A Rozel Tower,

Et nous écoutions les paroles sombres

          Que disait la mer.[53]

 

ainsi que dans Le Chasseur noir, qui, avec son refrain, s'apparente clairement à la chanson, et un autre exemple dans le poème XXVIII de la section III des Contemplations qui traite du mal et de son châtiment. L'allure de chanson que donne le schéma strophique n'est paradoxal qu'à première vue, puisque Hugo a décidé ici de traiter du  problème de manière brève - contrairement à ce qu'il fait  dans la Bouche d'ombre par exemple - et en partant de choses familières :

 

J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,

          Parce qu'on les hait ;

Et que rien n'exauce et que tout châtie

          Leur morne souhait ;[54]

 

Enfin, un dernier procédé fréquent dans les poèmes aux allures de chanson est le redoublement dans plusieurs vers de suite d'un même timbre rimique, qui apparaît tout d'abord dans les longues chansons non strophiques de Trick, d'Elespuru et de Gramadoch dans la scène I de l'acte III de Cromwell. Dès le Moyen Age, ce procédé a appuyé la ligne mélodique de la canso, il fut pratiqué aussi bien par les poètes, comme Marot, que par les chansonniers. Hugo l'utilise à plusieurs reprises dans ses Ballades, puis notamment dans La Captive des Orientales.

La répétition d'une même sonorité peut se faire entre la rime et la césure : dans Les Chansons des rues et des bois, la première strophe de « Dénonciation de l'esprit des bois » comporte, à ces endroits, des équivalences sonores, créant des rimes batelées, lorsque la fin du vers rime avec le mot qui est à la césure du vers suivant, et des vers léonins, lorsque les deux hémistiches riment ensemble. Les hémistiches des décasyllabes 5-5s apparaissent ainsi dotés d'une plus grande indépendance et s'apparentent davantage aux pentasyllabes des chansons :

J'ai vu ton ami, j'ai vu ton amie ;

Mérante et Rosa ; vous n'étiez point trois.

Fils, ils ont produit une épidémie

De baisers parmi les nids de mon bois.[55]

Dans la première strophe de Vieille chanson du jeune temps, le deuxième vers, comporte une sorte de rime interne entre « bois » et « moi » :

Je ne songeais pas à Rose ;

Rose au bois vint avec moi ;

Nous parlions de quelque chose,

Mais je ne sais plus de quoi.[56]

Or cette « rime » rappelle celle d'une chanson populaire intitulée La Rose au boué :

Mon père ainsi qu'ma mère

N'avaient fille que moué (bis)

N'avaient fille que moué.

La destinée,

La rose au boué (bis)

N'avaient fille que moué.

La destinée au boué.[57]

Il semble donc bien que Hugo ait souvent voulu faire entendre quelque chose qui rappelle la chanson, mise à l'honneur dès son premier recueil, et ce, pas seulement dans les poèmes intitulés « chansons ». C'est d'ailleurs seulement dans les Chants du crépuscule qu'apparaissent pour la première fois deux poèmes intitulés « chanson » : Nouvelle Chanson sur un vieil air et Autre chanson. On peut se demander ainsi si la pièce XXI des Contemplations : « Elle était déchaussée, elle était décoiffée. » ne peut pas être mise en rapport avec la chanson. Sa thématique est celle de la pastourelle (avec la rencontre du poète et de la « belle fille [.] sauvage ») et des nombreuses chansons qui traitent de la rencontre de la « Bergère » et du « monsieur »[58], et, s'il n'y a pas à proprement parler un système de bouclage par répétition, il y a une reprise, dans la dernière strophe, de la thématique de la première :

Strophe 1 :

Elle était déchaussée, elle était décoiffée,

Assise, les pieds nus, parmi les joncs penchants ;

Moi qui passais par là, je crus voir une fée,

Et je lui dis : Veux-tu t'en venir dans les champs ?

 

Strophe 4 :

Comme l'eau caressait doucement le rivage !

Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,

La belle fille heureuse, effarée et sauvage,

Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.[59]

 

Nombreux sont donc les poèmes qui chantent chez Hugo, mais liberté est laissée au lecteur d'établir ou non un lien entre le poème et le genre de la chanson. Entre les « chants », les « voix intérieures » et les « chansons », les frontières sont ténues : « toutes paroles mises en vers [ne sont-elles pas] chansons »[60] ?


[1] Du Bellay, Ouvres poétiques, recueils lyriques, Paris, Droz, 1912, t. 3, p. 28.

[2] Titre d'un ouvrage de C. Noblot, paru en 1740 chez H.-L. Guérin.

[3] Sous-titre d'une nouvelle édition faite par Lacurne de Sainte-Palaye en 1752, de l'Histoire ou romance d'Aucassin et Nicolette (l'intitulé « histoire ou romance » est aussi dû au traducteur.

[4] Les Troubadours modernes, ou amusements littéraires de l'armée de Condé, Constance, 1797.

[5] Victor Hugo, préface de 1826 des Odes et Ballades, dans Ouvres poétiques, Paris, Gallimard, 1964, t. 1, p. 279.

[6] Cf. Henri-François Bauer, Les Ballades de Victor Hugo, Paris, 1935, p. 1-34.

[7] A.-J.-U. Hennet, La Poétique anglaise, 3 volumes, Paris, 1806, cité par Paul Bénichou, Nerval et la chanson folklorique, Paris, Corti, 1970, p. 102.

[8] Victor Hugo, Ode douzième, Odes et Ballades, dans Ouvres poétique, t. 1, p. 434.

[9] Julien Tiersot, La chanson populaire et les écrivains romantiques, Paris, Plon, 1931, p. 44.

[10] Notre-Dame de Paris, II, 7, dans Ouvres complètes, Roman I, présentation, notices et notes de Jacques Seebacher, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1985, p. 566.

[11] Ibid., VI, 4, p. 658.

[12] Ibid., X, 4, p. 802.

[13] Gérard de Nerval, Les Filles du Feu, « Chansons et légendes du Valois », dans Ouvres complètes, t. 3, p. 569.

[14] Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, IX, 5, p. 768-769.

[15] L'agencement des trois vers de « Elle est bien habillée. » (aba) rappelle celui des trois vers (aba) de la chanson de Béranger Ma Grand-Mère (Béranger, Ouvres complètes, t. 1, p. 17), cité dans Les Misérables :

Mon bras si dodu,

Ma jambe bien faite,

Et le temps perdu.

(Victor Hugo, Les Misérables, 4e partie, Livre 8e, ch. 4, dans Ouvres complètes, Roman II, notice et notes de Guy et Annette Rosa, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1985, p. 805).

[16] Jacques Peletier du Mans, Art poétique, dans Francis Goyet, Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, p. 286.

[17] Victor Hugo, Préface de 1826, dans Ouvres  poétiques, t. 1, p. 283.

[18] Dans Victor Hugo, Ouvres poétiques, t. 1, p. 522.

[19] Victor Hugo, Les Misérables, 5e partie, livre 6, ch. 1, p. 1076.

[20] Une chanson de Béranger de 1814, La Grande Orgie, joue également de ces timbres rimiques rapprochés :

Le vin charme tous les esprits ;

        Qu'on le donne

              Par tonne.

Que le vin pleuve dans Paris,

Pour voir les gens les plus aigris

                  Gris.

(Béranger, Ouvres complètes, t. 1, p. 89).

[21] Dans Cromwell, d'ailleurs, elle ne peut être reliée à une inspiration médiévale, puisque l'action de la pièce se situe au XVIIe siècle. 

[22]Victor Hugo, Cromwell, III, 1, p. 1444

[23] Ibid., p. 875.

[24] Il peut y avoir aussi une allusion à une chanson de Béranger, intitulée La Double Chasse, publiée en 1816 sur le même thème du mari trompé et qui se terminait par ce couplet :

Chasseur, tu rapportes la bête,

Et ton cor enfle le son.

Tonton, tonton, tontaine, tonton.

L'amant quitte alors sa conquête,

Et le cerf entre à la maison.

Tonton, tonton, tontaine, tonton.

(Chanson mentionnée  par Pierre Albouy dans Victor Hugo, Ouvres poétiques, t. 1, p. 1292).

[25] Victor Hugo, Ouvres poétique, I, p. 528.

[26] Ibid., p. 521-522. Les termes en gras sont ceux qui diffèrent d'une strophe à l'autre.

[27] Ibid., p. 535-540.

[28] Victor Hugo, Ouvres poétiques, I, p. 519-520.

[29] Victor Hugo, Préface de 1826, Ouvres poétiques, p. 279.

[30] L'édition de 1828 des Odes comportait en épigraphe la citation suivante de Hafiz : « Ecoutez : je vais vous dire des choses du cour. »

[31] Victor Hugo, Oeuvres poétiques, I, p. 280.

[32] Victor Hugo, Ouvres poétiques, I, p. 484. Sur l'ode de Ronsard, cf. ci-dessus, p. 71.

[33] Ibid., p. 487.

[34] Ibid., p. 486.

[35] Il a tout aussi cavalièrement modifié le premier vers dont l'original est : « A vous, troupe légère. »

[36] Il s'agit de la sixième strophe du poème :

La voyez-vous croître,

La tour du vieux cloître,

Et le grand mur noir

Du royal manoir ?

[37] Du Bellay, Ouvres poétiques, recueils lyriques, Paris, Droz, 1912, t. 3, p. 28.

[38] Victor Hugo, Préface de 1826, dans Ouvres poétiques, I, p. 280.

[39] Ibid.

[40] Ibid., p. 266.

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] Boileau, Art Poétique, chant II, vers 71-72.

[44] Préface de 1826, dans Ouvres poétiques, I, p. 284.

[45] Ménage, dans ses Observations sur Malherbe, écrit : « Les rimes masculines ferment mieux la période que les féminines » (Cité par Georges Lote, Histoire du vers français, t. V, p. 268).

[46] Une telle structure rimique n'est pas non plus aussi systématique dans les Méditations lamartiniennes.

[47] Cité par Pierre Albouy dans Victor Hugo, Ouvres poétiques, I, p. 1231.

[48] Victor Hugo, Préface de l'édition originale des Orientales, dans Ouvres poétiques, I, p. 577.

[49] De la même façon, « Les Bleuets », dans Les Orientales (ibid., p. 663), a porté le titre raturé de  « Chansonnette ».

[50] Ibid., p. 625 et 651. Le titre de Nourmahal la Rousse n'est pas sans rappeler la chanson Jeanne-La-Rousse de Béranger, que connaissait certainement Victor Hugo.

[51] Ibid., p. 798.

[52] Ibid., p. 131. Voir aussi « A la belle impérieuse », p. 112.

[53] Victor Hugo, Ouvres poétiques, II, p. 151.

[54] Victor Hugo, Ouvres poétiques, II, p. 611.

[55] Victor Hugo, Ouvres poétiques, III, p. 130.

[56] Victor Hugo, Ouvres poétiques, II, p. 520.

[57] Marc Robine, Anthologie de la chanson française, p. 739. Il y a plusieurs variantes de cette chanson, comme me le rappelle (en m'en chantant une ! ) Annie Ubersfeld.

[58] La première strophe du poème de Hugo rappelle un certain nombre d'incipits de chansons : « Le long de ce rivage, le long de ce ruisseau, j'aperçois à l'ombrage la jeune Isabeau », « L'autre jour à la promenade le long de ces, turlututu, le long de ces, mironton tontaine, le long de ces verts prés, j'ai rencontré une bergère, une jeune beauté », « Bonjour Nanon, belle bergère, que fais-tu dans ce vallon, assise sur la verte fougère. » (dans Patrice Coirault, Répertoire des chansons françaises de tradition orale, Ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Yvette Fédoroff et Simone Wallon, Paris, Bibliothèque de France, t. 2 : « La vie sociale et militaire », 2000, p. 45-63).

[59] Victor Hugo, Ouvres poétiques, II, p. 521.

[60] Dante Alighieri, De l'éloquence en langue vulgaire, Dante Alighieri, De l'éloquence en langue vulgaire, II, 2, traduction d'André Pézard, dans Ouvres complètes, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1965, p. 599.