Séance du 3 mai 2025
Présents: Eleonora Bellentani, Patrice Boivin, Samantha Caretti, Jacques Cassier, Françoise Chenet, Marie Daubard-Perrin, Charlotte Despré, Baptiste Dumas-Piro, Ismaël Elkari, Jean-Marc Hovasse, Romain Jalabert, Victor Kolta, Hélène Kuchmann, Arnaud Laster, Loïc Le Dauphin, Katherine Lunn-Rockliffe, Lisa Mekhaldi, Luciano Pellegrini, Didier Philippot, Christine Ponsignon, Olivier Ritz, Guy Rosa, Nicole Savy, Guy Trigalot, Sylvie Vielledent, Vincent Wallez.
Excusés : Gérard Audinet, Florence Naugrette, Myriam Roman.
Informations
Le Groupe Hugo est en deuil : la mort de David Charles, qui y était si attaché, nous frappe tous par sa brutalité et son injustice. Hommage est rendu dans cette page à l’auteur de La Pensée technique dans l’œuvre de Victor Hugo (PUF, 1997), à l’éditeur des Travailleurs de la mer et de L’Archipel de la Manche (Livre de Poche classique, 2002), au codirecteur du Dictionnaire Victor Hugo (Classiques Garnier, 2023). Toutes nos pensées vont à Ludmila et à ses enfants.
Les éditions Calmann-Lévy, qui rééditent depuis quelques années des grandes œuvres choisies de leur catalogue (Les Fleurs du mal en 2021 ; Vie de Jésus en 2023 ; La Dame aux camélias en 2024) viennent de sortir Les Travailleurs de la mer, précédé de L’Archipel de la Manche (publié chez Calmann-Lévy en 1883), avec une préface de Guillaume Sire. À part une évocation de la pieuvre de Victor Hugo sur la jaquette, et en guise de quatrième de couverture une citation d’Émile Zola (« Nous assistons au songe grandiose de cet esprit puissant qui met aux prises l’homme et l’immensité »), l’édition n’est ni annotée ni illustrée, mais bien cartonnée, et suivie sans explication d’un « Reliquat des Travailleurs de la mer » qui se résume à « [La mer et le vent] ».
Communication de Jean-Marc Hovasse et Romain Jalabert : Lamartine, Victor Hugo et les autres poètes du sacre de Charles X (voir texte joint)
Discussion
Jean-Marc Hovasse présente Romain Jalabert, MCF de littérature française à Sorbonne Université, spécialiste de la poésie romantique, des institutions littéraires et de l’histoire de la critique littéraire. Il a notamment publié sa thèse aux Classiques Garnier en 2017, sous le titre La Poésie et le latin en France au XIXe siècle, ce qui n’est pas sans lien avec la Couronne poétique de Charles X, où l’on trouve cinq poèmes en latin. Toujours sous le signe de la poésie latine, il a participé à la nouvelle édition des œuvres complètes de Baudelaire en Pléiade (mai 2024). Il anime depuis cette année (universitaire) le Groupe Baudelaire de l’ITEM. Jean-Marc Hovasse rappelle qu’il a déjà eu le plaisir de travailler avec lui, grâce à l’initiative d’Elsa Courant, dans les merveilleuses archives de l’Académie des Jeux Floraux à Toulouse – où l’on fête aujourd’hui, comme tous les 3 mai, ou presque, depuis 701 ans, le souvenir de Clémence Isaure et la poésie. Mais surtout, et c’est la vraie raison de sa présence ici aujourd’hui, Romain Jalabert réédite cette année chez Droz le recueil collectif de 1825 intitulé Couronne poétique de Charles X, qui réunit 92 poèmes d’environ quatre-vingts auteurs. (Ce qui fait déjà beaucoup, mais reste modeste au regard du corpus des « thuriféraires » étudiés par Corinne Legoy dans sa thèse L’Enthousiame désenchanté, Éloge du pouvoir sous la Restauration, Société des Études Robespierristes, 2010 : quelque trois mille poésies écrites à la gloire des Bourbons entre 1815 et 1830 par près de six cents auteurs, dont seulement onze femmes.) Comme la réédition de la Couronne poétique de Charles X ne sortira qu’à la fin de l’année, Jean-Marc Hovasse fait circuler son édition originale, dont le titre complet est déjà tout un poème : Couronne poétique de Charles X, Recueil des poésies composées à l’occasion de l’avènement au trône et du sacre de S. M. Charles X, Roi de France et de Navarre, par MM. de Lamartine, Denne-Baron, Soumet, de l’Académie française, Ancelot, Guiraud, Victor Hugo, Baour-Lormian, de l’Académie française, Benaben, Mély-Janin, J.-B. Levée, le Comte de Marcellus, le Marquis de Valory, le Comte de Ségur, le Chevalier de Piis, de Chazet, Désaugiers, Théaulon, Mme Amable Tastu, Mlle Delphine Gay, Mme de Boisserolle, etc., etc ., Paris, Chez Bouquin de la Souche, Libraire-Éditeur, 1825. Il est aussi disponible en ligne : http://bdh-rd.bne.es/viewer.vm?id=0000285125 D’autre part, ajoute encore Jean-Marc Hovasse, Romain Jalabert est un des rares spécialistes de Lamartine, dont il a republié aux Classiques Garnier, en 2021, Sur la politique rationnelle (1831). En appendice à sa réédition de la Couronne poétique, il publiera la version manuscrite retrouvée du poème de Lamartine, « Chant du Sacre ou La veille des armes », avec une fin différente contenant pas moins de 55 vers inédits.
Avant de lui céder la parole, Jean-Marc Hovasse rappelle les deux événements actuels en lien avec le Sacre. La très belle exposition, par bien des aspects sidérante, consacrée au Dernier Sacre au Mobilier National (galerie des Gobelins), commissariat Stéphane Bern, Hélène Cavalié, Renaud Serrette, scénographie Jacques Garcia. Il engage tout le monde à aller la voir (jusqu’au 20 juillet 2025), car elle est à la hauteur de l’événement, ce qui n’est pas peu dire. Le second événement est la sortie du livre de Bernard Degout Le Sacre de Charles X, Les derniers feux des Bourbons, Perrin. Bernard Degout avait publié chez Eurédit, en 2003, Victor Hugo au sacre de Charles X, étude centrée sur trois odes écrites par Victor Hugo entre fin mai et septembre 2025 : « Le Sacre de Charles X », « Les Deux Îles » et « Au colonel G.-A. Gustaffson ». Il consacre cette fois une étude plus large à l’événement, dont Guy Rosa résume le propos : cette cérémonie, très attentivement calculée dans le détail de son protocole et réussie dans son principe de relance d’une monarchie modernisée, fut un échec : elle était trop « libérale » pour les conservateurs, trop « réactionnaire » pour les progressistes. Ce qui n’empêcha pas un intéressant moment de communion nationale, précisent Jean-Marc Hovasse et Romain Jalabert avant de passer à leur communication à deux voix pour un bicentenaire : « Lamartine, Victor Hugo et les autres poètes du Sacre ». Compte tenu de sa longueur inhabituelle, elle n’a pas donné lieu à discussions, sauf à propos du fameux vers du poème de Lamartine à propos du duc d’Orléans, futur roi Louis-Philippe, et son père : « Le fils a racheté les armes de son père. » Selon Guy Rosa la mémoire de Philippe Egalité était si entachée par le régicide que ces « armes » en disent tout autant que les « taches » ou « l’iniquité » du manuscrit ou les « crimes » apocryphes adoptés rétrospectivement à partir de 1856. Rien ne servait de corriger ce mot, il fallait supprimer les vers, comme le fait l’une des versions publiées. En réalité, précise Romain Jalabert, Lamartine fut en cette circonstance plus maladroit que critique : il n’avait pas l’intention d’attaquer politiquement les Orléans, dont sa mère était proche. Il est étrange, ajoute Jean-Marc Hovasse, que ce mot qui l’a perdu – car ce poème reste un échec politique pour lui – apparaisse précisément dans son titre : il n’a pas assez veillé à ces armes…
Victor Kolta