Annie Ubersfeld : Victor Hugo et les dieux de la Grèce

Communication au Groupe Hugo du 20 décembre 2003
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La place du souvenir des mythes grecs ‑ des Dieux de l’Olympe-, est immense dans l’œuvre de Hugo, si grande qu'aucune étude limitée comme celle que j'aborde aujourd'hui ne saurait en rendre compte. Je puis seulement tenter de montrer non pas comment les dieux antiques occupent des places pittoresques, comment ils sont lieux de métaphores, ‑ et de toute sorte de figures-, mais comment leur présence joue son rôle dans la pensée de Hugo, dans son rapport avec la nature, avec l'idée de Dieu, avec tout ce qui compose son imaginaire , sa philosophie, sa poésie. Tout en somme.

 

Apprentissages.

Hugo enfant, et très jeune enfant, apprend le latin et le grec sous la férule de M. de La Rivière, dit le père La Rivière (automne 1809, il a sept ans), lequel semble avoir été un excellent guide à travers la mythologie grecque, quoique souvent, il faut le dire, sous les noms latins des dieux. Des héros à dire vrai plus encore que des Dieux, moins immédiatement sensibles que les figures humaines. Témoins ces vers du poème Sagesse (Les Rayons et les Ombres, XLIV, 1840, « Bouquins », p. 1040):

 

Je portais sous mon bras, noués par trois ficelles, [...]

Tout l'Olympe, Thésée, Hercule, et toi Cérès,

La cruelle Junon, Lerne et l'hydre enflammée,

Et le vaste lion de la roche Némée.

 

Le général Lahorie, ami de leur mère qui le cache aux Feuillantines, lui fait lire Tacite: c'est encore l'antiquité. Une antiquité gréco-latine, ici encore plus latine que grecque.

Puis en 1815 ( Hugo a 13 ans), c'est la pension Cordier, qui donnait la première place aux "humanités". Hugo donc continue l'étude du latin et du grec, mais la mythologie figurait au nombre des matières enseignées, immédiatement après les premières qui étaient les langues anciennes. Dès le début de la scolarité, on utilisait le célèbre Dictionnaire abrégé de la fable de Chompré (1753), et le Dictionnaire de la fable de Noël (1801). Ces deux volumes se retrouveront dans la bibliothèque de Hauteville House, en compagnie de plusieurs autres, en particulier La Mythologie et les fables expliquées par l'histoire, de l'abbé Banier (1764), célèbre lui aussi et qui aidait Hugo à penser le rapport de la mythologie non seulement à l'histoire, mais à la vie concrète des hommes et plus précisément à toutes les autres mythologies. Albert Py (Les mythes grecs dans la poésie de Victor Hugo, Droz, 1963), montre de façon très amusante comment, selon toute vraisemblance, le portrait du Satyre en Dieu Pan ( Le Satyre, Légende des Siècles) empruntait des détails à Banier.

Il ne faut pas imaginer le XIX° siècle loin de la culture classique; c'est le contraire qui est vrai, comme si chacun, quelle que soit son option intellectuelle ou politique, avait à cœur de montrer qu'il était partie prenante dans cet acquis des anciens, renouvelé par l'âge classique. Tous les écrivains, un Lamartine, un Vigny, un Sainte‑Beuve plus encore, pris dans sa tâche de critique, ne cachent pas ce qu'il doivent à l'héritage antique. Avec un élément supplémentaire qu'ils doivent sans doute surtout à Creutzer ( Religions de l'antiquité considérées principalement dans leur formes mythologiques, trad. Guignaut, 1823 ‑ le titre allemand est plus expressif Symbolik und Mythologie des alten Völker, 1810), c'est à dire la pensée et le recherche d'un jeu des symboles dans les figures héritées de l'antiquité.

 

Eschyle.

On ne sait quand Hugo rencontre Eschyle et le lit. Ce n'est vraisemblablement pas avant la traduction de Pierron (éd. Charpentier, 1841), mais ce qu'on sait et qu'on ne peut s'empêcher de voir, c'est Eschyle au travail dans toute l’œuvre poétique et dramatique de Hugo avant que, dans William Shakespeare, il lui rende le plus bel hommage : le livre lV de la première partie, intitulé Shakespeare l'ancien : Eschyle "l'aïeul du théâtre" comme il le dit. Nous laisserons à d'autres le soin d'analyser comment Hugo parle du poète, ce qu'il lui doit. Contentons nous de citer ce qui lui paraît caractéristique à la fois d'Eschyle et de la Grèce antique: " Ce mystérieux naturalisme était l'antique Génie de la Grèce. Il s'appelait Poésie et Philosophie." (4,Vlll, « Bouquins », p. 320) Ce "mystérieux naturalisme", c'est ce que Hugo voit dans le panthéon des Dieux grecs. Un détail : Hugo traduit ‑ admirablement ‑ la scène de l'appel de Clytemnestre à Cassandre (Eschyle, Agamemnon ; La Légende des Siècles, »Nouvelle série », V, 1, [2], Cassandre)

Contentons nous de rappeler que Hugo profite d’Eschyle pour rendre hommage à la civilisation grecque et à sa "puissance de dégagement lumineux" qu'il qualifie de « prodigieuse" ; il ajoute ce qui est singulièrement important: "La Grèce ne colonisait pas sans civiliser. Exemple à plus d'une nation moderne. Acheter et vendre n'est pas tout" (I, 4, IX ; p. 322).

 

Le Titan

Mais voilà, les grands Dieux de l'Olympe ce sont d'abord pour Hugo des tyrans et Hugo ne se lassera jamais de le dire. Dans un poème de 1856, sur le rêve du poète autour de l'idée de Dieu, poème repris dans Toute la Lyre, il écrit:

 

Un mont doré surgit dans cet azur terrible;

Là, sans frein, sans pitié, régnait la joie horrible ;

Sur ce mont rayonnaient douze être sereins, beaux,

Joyeux, dans des carquois ayant tous les fléaux; 

La nuée autour d'eux tremblait, et par les brèches

Le genre humain était la cible de leurs flèches ;

[... ]

Une voix dît: Olympe ! Et tout croula. [...].

( « Bouquins », « Poésie 4 », p. 162)

 

Dans le Titan (La Légende... « Nouvelle série », II,3), Hugo va plus loin encore dans le refus des Dieux Olympiens, images de la tyrannie. Les Dieux ayant vaincu les Titans (Les Temps paniques, p. 213),

 

Les Dieux ont triomphé. Leur victoire est tombée

Sur Enna, sur Larisse et Pylos, sur l'Eubée ;

L'horizon est partout difforme maintenant ;

Pas un mont qui ne soit blessé ; [ ... ]

 

Quant au portrait des Dieux de l'Olympe, il n'est pas flatté (Le Titan, I, p. 215):

 

Une montagne emplit tout l'horizon des hommes ;

L'Olympe. Pas de ciel. Telle est l'ombre où nous sommes.

L'orgueil, la volupté féroce aux chant lascifs,

La guerre secouant des éclairs convulsifs,

La splendide Vénus, nue, effrayante, obscure,

Le meurtre appelé Mars, le vol nommé Mercure, [...]

Pluton livide avec l'enfer pour auréole,

L'immense fou Neptune en proie au vague Eole,

L'orageux Jupiter, Diane à l’œil peu sûr [...]

Habitent ce sommet ; [...].

 

Et plus loin (p. 216):

 

La terre est aujourd’hui comme un radeau qui sombre.

Les dieux, ces parvenus, règnent, et, seuls debout,

Composent leur grandeur de la chute de tout. [ …]

Etre horribles et beaux, c'est une double extase;

Comme ils sont adorés! Comme ils sont odieux!

 

Après quoi, le Titan vaincu se dégage de ses liens, fait son chemin à travers la terre qui l'emprisonne, apparaît de l'autre côté du monde, voit l'infini (p. 224):

 

Phtos est à la fenêtre immense du mystère. [...]

Un océan roulant aux plis de ses marées

Des flux et des reflux de constellations ; [...]

 

Le titan voit " l'abîme absolu, l'infini" ; il retourne chez les dieux, sur l'Olympe maintenant "noirci par l'ombre du géant", pour leur faire la grande révélation, celle qui fait passer du polythéisme au monothéisme: "O dieux, il est un Dieu!" Non cependant que Hugo s'en tienne à ce monothéisme sans lui porter quelques corrections : sa religion ne s'identifie à aucun culte connu.

 

Quant à la tyrannie des dieux de l'Olympe, Hugo ne se lassera jamais d'en porter contre eux l'accusation. On le verra dans Le Satyre, et, dans cet admirable poème Dieu - L'Océan d'en Haut, la quatrième voix, celle du Vautour de Prométhée, fait entendre le même discours (« Bouquins », p. 648):

 

Les douze dieux, ayant triomphé, sont tranquilles

Et féroces; ils ont les temples dans les villes,

Les forêts dans la plaine et les rocs sur les monts ; […]

Jupiter est tyran, Cypris est courtisane ;

Phoebus est assassin; Pallas tue ; [... ]

 

Mais il y a quelque nuances intéressantes et particulièrement la place d'un destin femelle origine et maître du panthéon (644):

 

L'univers a sur lui, globe d'ombre mêlé,

Trois déesses qui sont trois aveugles terribles.

Maîtresses du réseau des forces invisibles, [ ...]

Sur la terre Vénus, la grande nymphe nue,

En bas, dans l'âpre lieu des mânes redouté,

Le spectre Hécate, en haut l'ombre Fatalité ; [...]

L'ombre Destin s'adosse au grand ciel constellé. (p.644)

 

Trois déesses femmes, et l'on verra, dans le même poème, le "chaos " obéir 

 

Aux yeux d'une Amphitrite ou d'une Proserpine

Ou de quelque Cybèle au front blond et serein.

 

Vénus.

C'est que le sens même du panthéon grec, pour Hugo, c'est la libération des sens et l'épanouissement de l'amour. En ce sens, il peut bien couvrir de sa réprobation la tyrannie des dieux de l'Olympe, il ne peut oublier que le cœur de cet Olympe, pour lui du moins, n'est pas Zeus mais Aphrodite. Jusque dans Les Chansons des Rues et des bois où le poète cherchant la meilleure chose du monde, la plus noble et la plus belle, s'entend répondre par Psyché: "C'est le baiser ». De même, dans le Groupe des idylles, Archiloque (LDS, « Nouvelle série », XVIII, [1], [3], « Bouquins », p. 437) :

 

Par l'immense Vénus, le monde est parfumé ;

L'amour fait pardonner à l'Olympe la foudre;

L'Océan en créant Cypris voulut s'absoudre, [...].

 

Et dans Théocrite (p. 438) :

 

O belle, crains l'Amour, le plus petit des dieux,

Et le plus grand; il est fatal et radieux ;

Sa pensée est farouche et sa parole est douce;

On le trouve parfois accroupi dans la mousse,

Terrible et souriant et jouant avec les fleurs ; [...].

 

On le voit: Hugo n'a pas peur de l'humanisation des dieux. Et voici Pan, prometteur de l'avenir dans le Satyre : "Muses, vénérons Pan, de lierre couronné." (Aristophane, p. 438)


Un poème tardif, de 1873, intitulé En Grèce, développe avec une verve personnelle l'idée de la Grèce des dieux mère des amours (LDS, « Dernière série », XIII, 4, « Bouquins », p. 642) :

 

Ecoute, si tu veux, puisque nous nous aimons, [...]

Nous irons sous le ciel de Grèce, où sont les Muses. [...]

Viens, nous nous aimerons dans ces fiers paysages

Comme s'aimaient jadis les belles et les sages, [...]

Comme Eschyle,  le chantre immense, aimait Vénus,

Dans l'extase sereine et sainte, dans l'ivresse,

L'héroïsme, la joie et l'espoir ; car la Grèce, [ ... ]

Seule, a de ces amours, avec l'Olympe au fond.

 

Tout se passe comme si les grandes forces naturelles apparaissaient figurées par les dieux grecs: "L'empreinte laissée par l'Olympe au cerveau humain est telle, qu'aujourd'hui encore, après deux mille ans d'empiètement chrétien sur les imaginations, nous avons grâce à l'utile éducation classique grecque et latine, peu d'effort à faire pour apercevoir distinctement au fond du ciel l'éternelle montagne ayant à son sommet la fête de la toute puissance. Là sourient en plein azur douze passions de l'homme, déesses." ( Promontorium Somnii, « Bouquins », « Critique », p. 653) Humanisation des dieux de l'Olympe, dans la mesure où ils sont en même temps images de la nature: "Le paganisme ne choisit pas ; il s'approprie étroitement à l'humanité, à l'humanité toute, et telle qu'elle est. C'est là la qualité et le défaut du symbolisme payen. Grattez le dieu, vous trouvez l'homme." (ibid.) Et toute la nature est comme inscrite dans la figure des dieux : " Qu'est ceci? c'est un arbre ; non, c'est Priape." [...] Si vous naviguez, Poséidon vous guette ; méfiez-vous du Brise-Vaisseaux." (654) De là la richesse poétique de la mythologie, source des métaphores qui sont comme inscrites dans le réel naturel. Les dieux c'est le mouvement même d'Éros la fécondité de la nature.

Un extraordinaire mouvement dans Dieu- L'océan d'en haut (IV :  le Vautour), montre Géo attirant tous les dieux, les hommes, les monstres,

 

L'ours, l'hyène et le tigre et la louve échauffée,

Et derrière ce groupe affreux, le pâle Orphée !

Elle se donne à tous ensemble, [...]." (p.646).

 

Une bonne plaisanterie :

 

L'Olympe a dans l'azur des degrés inconnus ;

Un jour, en descendant cet escalier, Vénus

Tomba, se fit des bleus ailleurs que sur la face,

Et les hommes en bas rirent ; l'effroi s'efface

Quand on peut voir les dieux par leur autre côté.

- Soit, dit alors Vénus, pour leur rire effronté,

Les hommes, ayant eu cette bonne fortune,

Ne verront plus de moi que cela. –

                                                        C'est la lune!

(Toute la lyre, VII, 14 ; p. 454)

 

Il y a chez Hugo un singulier mélange de rêve poétique assaisonné d'humour et de naturalisme panthéiste. C'est à cela que lui servent les noms et les mythes des Dieux grecs. Il arrivera même à Hugo de regretter les dieux et Cythère

 

Où l'ombre disait : J'aime ! où l'herbe avait des sens,

Qu'en a-t-on fait ? Où donc sont‑ils? où donc sont –elles,

Eux, les olympiens, elles, les immortelles?

Où donc est Mars? où donc Eros? où donc Psyché?

(Les Contemplations, II, 5, 20, « Cérigo », « Bouquins », « Poésie 2 », p. 451)

 

Le Satyre

Humains les Dieux grecs, et reflétant les contradictions et les antagonismes : c'est ainsi que Hugo les dit ; et comme il les voit divisés comme les humains, il donne sa voix aux faibles, aux vaincus, au peuple ; il chante les dieux de seconde zone, les dieux peuple, les faunes et les satyres, qui, mieux que les autres, représentent les forces naturelles et sont en situation de faiblesses en face des grands dieux de l'Olympe. Ainsi le poète rêvant à Virgile, chante :

 

Avides, nous pourrons voir à la dérobée

Les satyres dansant qu'imite Alphésibée.

(Les Voix intérieures, VII,  A Virgile, « Poésie 1 », p. 847)

 

Ce que raconte le grand poème de La Légende des Siècles,  Le Satyre, qui commence la grande section SEIZIÈME SIÈCLE – RENAISSANCE ‑ PAGANISME que Hugo voulait appeler d'abord "le mythe païen retrouvé". Pourquoi la Renaissance? C'est pour Hugo une façon de retrouver la Grèce à l'aide de la réflexion nouvelle sur l'univers. Tel est le sens de l'agrandissement cosmique du Satyre.   

D'abord il représente le désir à l'état non pas seulement brut, mais naturel : il est montré adorant non seulement les nymphes ou les femmes, mais les fleurs:

 

Un satyre habitait l'Olympe, retiré

Dans le grand bois sauvage au pied du mont sacré ; […]

Il tenait à l'affût les douze ou quinze sens

Qu'un faune peut braquer sur les plaisirs passants.

Qu'était‑ce que ce faune? On l'ignorait [ ... ]

Tout craignait ce sylvain à toute heure allumé ;

La bacchante elle-même en tremblait ; [ ... ]

Son oeil lascif errait la nuit comme une flamme ;

Il pillait les appas splendides de l'été;

Il adorait la fleur, cette naïveté ; [...].

 

Amené "devant Jupiter par l'oreille", il déclenche le rire irrésistible des immortels.

Mais voilà, ce satyre à demi‑clochard, connu pour ses appétits amoureux devient ce qu'il est, un chanteur, un poète. Jupiter dit:

 

Mais, pour continuer le rire qui te sauve,

Gueux, tu vas nous chanter ton chant de bête fauve.

 

Ce n'est pas un chant de bête fauve, c'est l'invention de la poésie ‑ de l'art. C'est là que Hugo explique l'idée centrale qu'il conçoit de la mythologie grecque: domaine des forces qui ont inventé l'art. C'est Prométhée, victime des dieux d'en haut, et par le don de qui les hommes inventent la céramique et la sculpture. Prométhée que Hugo voit chanté par Eschyle et qu'il imagine libéré par Héraclès, mais avec l'aide d'Orphée.

D'une façon à la fois profonde et pleine d'humour, Hugo montre les Dieux de l'Olympe prêtant leur instrument au satyre qui

 

Dit : « Mes pauvres pipeaux sont tous estropiés ;

Hercule ne prend pas bien garde quand il entre ; [...]. »

Mercure lui prêta sa flûte en souriant.

Comme celui d'Orphée, le chant du Satyre émeut tous les êtres :

Partout, on vit, au fond du bois et du ravin,

Les bêtes qui passaient leur tête entre les branches ; [...].

 Le Satyre chante, et c'est une immense épopée naturelle:

Le satyre chanta la terre monstrueuse.

[ ... ]

La terre où l'homme crée, invente, bâtit, fonde, […]

Est le prodige, ô dieux, le plus proche de vous.

[...]

Phoebus lui dit : " Veux‑tu la lyre?

                                                      ‑ Je veux bien, »

Dit le faune ; et, tranquille, il prit la grande lyre.

 

Le souffle poétique passe des dieux d'en haut au modeste Satyre qui, alors, chante l'Homme et se transfigure pour crier finalement : " Place à Tout! Je suis Pan ; Jupiter! à genoux. "

 

Étonnant éloge de la création au double sens du mot. Nous retrouverons Pan dans un fragment tardif :

 

De Pan, noir tisserand que nous entrevoyons

Et qui file, en tordant l'eau, le vent, les rayons,

Ce grand réseau, la vie, immense et sombre toile

Où brille et tremble en bas la fleur, en haut l'étoile"

(Dernière Gerbe, 14, « Poésie 4 », p. 820)

 

Promenades dans la mythologie

Hugo ne se lasse pas de faire des promenades dans la mythologie, au gré de ces deux éléments que sont parfois les Géants, victimes des Olympiens (ainsi dans Églogue, Les Contemplations, I, 2, 12, p. 309), et surtout les faunes et satyres, chanteurs et poètes, images de l'artiste. Ainsi dans Écrit sur la plinthe d'un bas relief antique :

 

La musique est dans tout. Un hymne sort du monde. [...]

La nature nous dit : Chante! et c'est pour cela

Qu'un statuaire ancien sculpta sur cette pierre

Un pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.

(Les Contemplations, I, 3, 21, p. 359)

 

Même les monstres domptés par Héraclès sont humiliés par cette forme humble de l'art que tricote Le Rouet d'Omphale ( Les Contemplations, I, 2, 4, p. 303) . Il faut dire qu'il y a aussi chez Omphale une sculpture d'un "ouvrier d'Égine''.

 

En 1847 Hugo traduit un fragment de Virgile ( Bucoliques, VI): deux enfants capturent et attachent Silène "au fond d'une grotte endormi" et le contraignent à chanter, un beau chant:

 

Le rocher du Parnasse est moins fier d'Apollon

Et Rhodope et l'Ismare écoutent moins Orphée.

 

Quelques années plus tard (1853), Hugo écrira un superbe petit poème à la gloire de la Grèce, de son art, de sa nature, de sa poésie et de son théâtre :

 

Autrefois, dans les temps de la lumière pure,

L'antique poésie à l'antique nature

Parlait ; [ ... ]

Les antres, les rocher, les lys, les flots marins

Dialoguaient avec Orphée aux yeux sereins ;

Les choses comprenaient le chant profond des hommes ;[...]

[Tous les êtres ]

Venaient pour regarder passer dans la ravine,

Plein de rires, de chants, de masques et d'épis,

Le vieux chariot fou que promenait Thespis.

(Toute la lyre, IV, 1, p. 313)

 

Une conclusion à laquelle ne manque même pas "le Dieu Terme, attendri" .....