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Séance du 20 septembre 2003

Présents : Guy Rosa, Annie Ubersfeld, Jacques Seebacher, Vincent Wallez, Myriam Roman, Stéphane Desvignes, Brigitte Buffard-Moret, Jacques Cassier, Claude Malécot, Olivier Decroix, Delphine Van de Sype, Colette Gryner, Marguerite Delavalse, Chantal Brière, Françoise Chenet, Bernard le Drezen, Dominique Dupart, Loïc Le Dauphin, Yvette Parent, Ruschka Haglund, Jean-Marc Hovasse, Josette Acher, Franck Laurent, Chantal Brière, Florence Naugrette, Ludmila Wurtz, Isabelle Nougarede, Bertrand Abraham, Judith Wulf, Denis Sellem, Sylvie Vielledent, Laurence Bertet, Mireille Gamel, Marieke Stein, Philippe Andrès, Stéphane Horvath, Florence Naugrette.


Après V. Hugo,  N. Savy et J. Seebacher, le Groupe Hugo compte une quatrième Légion d’Honneur, celle de Jacques Cassier, ainsi publiquement récompensé de ses services au Ministère de l’Economie et des Finances,  et, secrètement, de son concours au Ministère de la Recherche.

J.-M. Hovasse estime que le Groupe pourrait être décoré en tant que tel, « comme le sont les bataillons et les villes martyres » ; G. Rosa se demande si ce serait plutôt l’un ou l’autre.

Informations

Actualités du Groupe Hugo

Chantal Brière soutiendra sa thèse le 8 décembre à Aix-Marseille.

 

M. Zviguilski a confié à D. Sellem un exemplaire des Cahiers Tourgueniev-Viardot-Malibran consacré à Hugo, Tourgueniev et les Droits de l’Homme ; on le trouvera à la bibliothèque.

 

Le programme du Groupe Hugo pour l’année qui commence est fixé de la sorte :

     18 octobre : Claire Montanari, étudiante de l’Université de Tours et auteur, sous la direction de Ludmila Wurtz, d’une maîtrise remarquable consacrée à L’Art d’être grand-père, en présentera quelques aspects dans une communication intitulée « La Genèse poétique chez Hugo ».

    22 novembre : Caroline Raullet (ARM à Paris 7) parlera du rapport de l’auteur-narrateur au lecteur dans Han d’Islande « Hugo ogre de son lecteur : Han d’Islande » et Françoise Chenet interviendra sur "Le paysage et la dialectique du héros dans Quatrevingt-Treize".

     20 décembre : A. Ubersfeld parlera de « Victor Hugo et les dieux de la Grèce », et F. Naugrette des comédiens parisiens en tournée à Rouen.

     24 janvier : Mme Victoria Tebar, de l’Université de Barcelone, élève de P. Georgel, exposera quelques uns des surprenants procédés employés par Hugo dans ses dessins.

     14 février : P. Laforgue présentera « Les odes après les Odes : 1828-1830 »

     13 mars : D. Van de Sype parlera de « l’Aggravation de l’Angoisse » et F. Laurent de l’attitude du Rappel pendant la Commune.

     3 avril : B. le Drezen étudiera la rhétorique et l’orateur dans l’œuvre hugolienne.

     15 mai : J. Wulf décrira l’(les) idiolecte(s) hugolien(s).

Ce programme n’est pas gravé dans le marbre. Des permutations peuvent avoir lieu selon les nécessités ; surtout, l’expérience montrant que nos séances reçoivent aisément deux communications, appel reste fait à d’autres interventions.

 

L’Eloquence au XIXème siècle

Le Groupe accueille Dominique Dupart, doctorante à l’Université Paris IV-Sorbonne sous la direction de Mme Françoise Mélonio. Elle travaille sur les discours politiques de Lamartine et vient présenter le « séminaire d’étudiants » qu’elle organise avec B. Le Drezen sur l’éloquence romantique, ou plus précisément « l’Invention d’une scène éloquente romantique », avec des extensions possibles (et nécessaires) sur l’éloquence politique au XIXème siècle. Ce groupe d’étude sera rattaché à l’Ecole doctorale de Paris IV. Les dates et le programme, fixés dans leurs grandes lignes, restent à préciser. J. Seebacher encourage cette initiative, et souligne l’intérêt des positions politiques de Lamartine pour l’étude de la politique hugolienne –Hugo a été influencé, par exemple, par la volonté de Lamartine de forger lui-même une pensée politique neuve, demandée par l’indigence de la gauche d’alors.

 

Spectacles, lectures

V. Wallez annonce que lui et ses camarades comédiens liront des textes de Hugo, à la Maison de Victor Hugo, les 17 et 18 octobre de 14h30 à 17h30, dans le cadre de l’opération « Lire en fête ». Les textes choisis suivent Hugo en enfer, sous la conduite de Dante et Virgile ; les lectures auront lieu au premier étage, où se tient actuellement une exposition Hugo-Rodin.

 

F. Naugrette a pu voir (tout de même) quelques spectacles en Avignon cet été. Elle raconte un Angelo de Padoue, mis en scène par Philippe Person, dont quelques aspects l’ont frappée : le décor, réduit et noir, avec seulement les quelques objets indispensables –mais ce choix de mise en scène minimaliste est fréquent ; le fait, surtout, que le metteur en scène ait supprimé la Journée grotesque, comme l’avaient fait les premières représentations.

 

Fragments,  manuscrits, érudition et interprétation

G. Rosa a constaté l’intense fréquentation du site du Groupe pour la consultation des Fragments : l’application est si efficace et rapide qu’il ne s’en est pas lassé pendant toutes les vacances ! Il a entrepris de sortir des réserves les papiers de Guy Robert et René Journet, légués à l’équipe (à défaut de pouvoir l’être à la BN) par la famille de René Journet. Après les manuscrits 13425 (Feuilles paginées) et 24791 (Histoire), il s’est attelé à 13 430 (Océan vers – Tas de pierres – Politique) et a découvert que ce manuscrit, partiellement publié dans Fragments tirés des manuscrits « Océan », se trouvait entièrement transcrit et annoté dans les dossiers Journet, prêt à être publié et ne demandant pratiquement plus que la saisie.

 

J. Cassier achève l’établissement d’un inventaire critique des manuscrits de Hugo, avec description précise de leur contenu et, en regard, l’indication de leur publication, complète ou partielle. Guy Rosa admire que cela, qui est pourtant le commencement de la recherche, n’ait jamais été fait !

 

J. Seebacher observe les ravages induits par de telles carences. Il a lu, dans Le Figaro à défaut du Monde, un épisode du feuilleton estival de Raphaëlle Billetdoux, Les grandes ruptures, consacré à Hugo. « ... une pleine page d'insultes contre ce vieux salaud pervers, qui n'est même pas une apologie de la pauvre Juliette : ses 18 000 lettres sont qualifiées de pensum abominable, le malencontreux résultat d'une torture psychologique permanente. » Tant de recherches hugoliennes restées impuissantes… J. Seebacher remarque qu’il n’a encore lu aucune étude sérieuse et approfondie sur cette vie amoureuse répartie entre plusieurs femmes. (Hovasse se demande secrètement s’il manque de sérieux ou de profondeur.) Mais peut-être faut-il moins incriminer le défaut de science hugolienne que des vues convenues de l’amour et de la conjugalité. (Hovasse se demande si c’est à ajouter ou à retrancher du reste.) Autre exemple de cette permanence des poncifs : l’article récent du Monde tendant à une réhabilitation de Napoléon III, qui s’achevait sur l’idée que Hugo n’avait pas pardonné au petit futur Empereur le refus d’un portefeuille ministériel. (Hovasse respire.)

 

Publications, colloques

D. Gleizes annonce la publication des actes du Colloque de Copenhague d’octobre 2002, L’œuvre de Victor Hugo entre fragments et œuvre totale, édités par Hans Peter Lund.

 

M. Rolf Fieguth, de l’Université de Fribourg, cherche des personnes et/ou des institutions prêtes à participer à un projet sur l’histoire de la poésie depuis Gutenberg. Présenter toutes propositions à l’adresse rolf@fieguth.ch.

 

Les 22, 23 et 24 septembre se tient un colloque « (Re)Penser la Restauration » organisé par le Centre d’Histoire culturelle des sociétés contemporaines de l’Université de Versailles. G. Rosa en fait circuler le programme et signale les communications qu’y présenteront B. Degout et P. Laforgue.

 

La publication des actes du colloque L’Oeil de Hugo est en bonne voie, annonce G. Rosa, très satisfait des textes qu’il a relus pour l’occasion : ce sera un très bel ensemble.

 

Il indique également, dans le prochain numéro de Romantisme sur la relation entre « Maîtres et disciples », un article de son excellent collègue José Luis Diaz consacré en grande partie à la royauté tyrannique exercée par Hugo dans le « champ littéraire » des années 30 ; la perspective, largement fondée sur des textes de Janin et de Sainte-Beuve, mérite discussion, mais il est vrai que les hugoliens ont peut-être tendance à faire glisser en amont la persécution de l’exil.

 

 


Communication de Jacques Seebacher : "Hugo et la quadrature des religions" (voir texte joint)


Cette communication prend place dans le débat actuel sur la laïcité. Elle a été prononcée lors du séminaire interdisciplinaire sur l’enseignement du fait religieux organisé par l’Education nationale en novembre 2002 et a été provoquée, en grande partie, par une remarque de Régis Debray, dans une conversation privée, assimilant la religion de Hugo à la « religion naturelle ».

Discussion

J. Seebacher : J’ajoute que lors du colloque où j’ai parlé il est apparu très clairement que la politique préparée serait d’enseigner, non le fait religieux dans sa totalité, mais les trois religions du Livre.

J. Acher : L’enseignement des autres religions devrait justement permettre de relativiser celles-là !

D. Dupart : Pourquoi enseigner le fait religieux à côté de la philosophie ? Cet enseignement va faire doublon avec la philosophie, l’histoire…

J. Seebacher : En effet, il va pénétrer les autres matières. C’est une entreprise générale. De fait, pourquoi les professeurs d’Allemand n’enseigneraient-ils pas le luthéranisme comme fait religieux ?

Y. Parent : M. Seebacher a défendu l’honneur de la laïcité, je l’en félicite. Mais ce débat sur l’enseignement religieux pose d’autres problèmes : en particulier, cette fâcheuse tendance à rompre avec la laïcité comme religion républicaine. La France devient ainsi une mosaïque religieuse, incomplète évidemment, et l’on renonce de la sorte à toute forme d’universalisme. C’est grave ! D’autant plus que la France est le seul pays d’Europe sans religion dominante plus ou moins ouvertement reconnue comme religion nationale, le seul qui soit vraiment laïque. Le problème, c’est qu’avec cet enseignement on va former des élèves qui identifieront religion et monothéisme. L’ancienne culture gréco-latine avait au moins le mérite de suggérer que s’il y a une universalité du « fait religieux », il ne se confond pas avec le monothéisme.

F. Laurent : L’enjeu de cette question est politique. Il faut faire attention au piège dans lequel tombent les défenseurs de la laïcité : une mythification béate de ce qu’a été la culture républicaine laïque au tournant du 19ème siècle. Or elle était saturée d’esprit judéo-chrétien. Les cours d’histoire, dans les représentations textuelles ou iconographiques, ne désavouaient en rien la représentation de la France comme la fille aînée de l’Eglise ; on insistait beaucoup sur la conversion de Clovis ; etc. Il n’y a pas eu de laïcité républicaine idéale ! Et n’oublions pas que l’un des résultats de cet enseignement, ça a été d’envoyer toute une jeunesse se faire massacrer dans les tranchées en 1914 !

L’enseignement du fait religieux est une nécessité : tous les enseignants constatent que plus personne n’a un minimum de culture religieuse, y compris chrétienne. L’idée que l’école ait pour mission de prendre en charge les cultures religieuses, selon sa propre optique, n’est donc pas choquante ! Le problème, c’est l’application : il est, effectivement, délirant de se proposer de n’enseigner que le Christianisme, le Judaïsme et un peu d’Islam. Ces frontières sont complètement caduques, on le constate dans la plupart des classes. Ce choix est la pire des facilités.

Y. Parent : La laïcité que je défends, ce n’est pas celle du passé, de la Troisième République ! Le projet de laïcité républicaine est tombé à l’eau, car il était irréalisable. Clemenceau avait raison de dire que la religion était quelque chose de trop important pour la laisser aux religieux. L’enseigner à l’école, d’accord, mais justement, quelle est cette « optique » de l’école dont parle F. Laurent ? Les professeurs d’histoire ont déjà les faits religieux à leur programme, et ce nouvel enseignement ne peut que produire une redondance funeste.

J. Seebacher : Un souvenir de jeunesse. Précepteur dans une famille de banquiers, j’ai un jour entendu  la mère (une femme très estimable) faire part d’un vrai « scandale » : un professeur avait expliqué à ses élèves de Cinquième que le sacrifice du Christ était une transposition de rituels anthropophages. Il ne disait que la simple vérité, mais quel professeur aujourd’hui oserait la dire ? La liberté est la condition de la laïcité –comme d’ailleurs de l’enseignement.

A. Ubersfeld : J’ai aussi un souvenir de ce type. Juste après la guerre, j’en étais à ma deuxième année d’enseignement, on m’a chargée d’assurer en seconde des cours de français et aussi d’histoire-géographie. La géologie était au programme de géographie. Certains de mes élèves se sont révoltés : « On ne peut pas raconter l’histoire du monde comme vous le faites, me dirent-ils ; on a appris au catéchisme que c’est Dieu qui a tout créé, et Jésus tout changé. Nous ne vous croyons pas, nous croyons le catéchisme ! » Je crois qu’il faut enseigner, en religion, en histoire, en science, les faits, et laisser les élèves construire eux-mêmes les rapports entre ces faits.

J. Seebacher : Un professeur doit pouvoir expliquer ce qu’est la théologie du Saint-esprit, la Sainte Trinité.

 

I. Nougarede : Je voudrais revenir à Hugo, et poser une question sur sa conception de Dieu. Lorsqu’il écrit « Dieu, c’est le moi de l’infini », n’est-ce pas une manière pour lui d’échapper à l’absurdité du monde ? Hugo voyait-il Dieu comme une extension de son propre moi dans la totalité du monde, ou voyait-il une cassure entre ce moi personnel et Dieu ? Pour le dire autrement, se considérait-il en symbiose avec quelque chose qui l’outrepasse, ou ce quelque chose était-il une extension de sa propre conscience ?

A. Ubersfeld : Sur cette question du rapport à la nature, je compare Hugo avec Claudel et son thomisme. Les rapports entre ce que disent Hugo et Claudel sont si flagrants que je me demande si Hugo n’a pas subi, à un moment donné de sa jeunesse, des influences thomistes.

J. Acher : C’est l’inverse : Claudel a un thomisme mêlé de religion hugolienne !

F. Chenet : Claudel critiquait la « religion sans religion » de Victor Hugo, et disait préférer un athéisme qui s’assume à ce mélange oiseux. On trouve à ce sujet un texte plus qu’intéressant et non dépourvu de justesse dans « Sur le vers français », Réflexions sur la poésie. [Elle en donne lecture.]

J-M. Hovasse : On ne peut pas douter qu’il y ait, pour Hugo, un progrès religieux. Dans le Journal d’Adèle, il évoque cette idée d’un progrès spirituel d’une religion à l’autre et le christianisme, par exemple, serait en ce sens, plus pur, plus « vrai » que la religion qui le précède.

G. Rosa : Dans L’Oeil de Hugo, on lira un article très novateur de Jean-Claude Fizaine sur Solitudines Coeli. Ce devait être une conclusion et une synthèse des Contemplations. Tout se passe comme si Hugo en reconnaissait l’impossibilité. Les interventions des quatre premières voix disent, avec une belle énergie, la non-foi. Mais aussi son désespoir qui dément le démenti sarcastique qu’elles infligent aux Contemplations. Si l’on ajoute que les Voix qui interviennent ensuite sont chacune censurée par la suivante, que le texte s’achève sur l’absence de la Vérité –« Et je vis au-dessus de ma tête un point noir. » et que Dieu n’a été ni achevé, ni publié, il faut conclure, avec Fizaine, sur une très singulière tentative de « sortie de la religion ». Pas seulement « des » religions.

J. Seebacher interrompt d’un : C’est ce que je voulais dire : le divin est incontestable, la religion en barre l’accès.

G. Rosa reprend : Je me demande si, aujourd’hui, une « sortie du religieux » n’est pas faite, ou, du moins, en cours. Selon les instituts de statistique, 60 % des Français se disent catholiques et 80 % croient en Dieu ; ceux qui y croient, ou y ont cru, savent bien que ce n’est pas vrai : les 80% ne croient à rien du tout et s’il y a des croyants, ce doit être plutôt dans les 20% qui, incertains de leur foi, préfèrent encore reconnaître qu’ils n’en ont pas. Mais à l’époque de Hugo, cette sortie n’était pas opérée.

J. Seebacher : Et la maçonnerie alors ?

G. Rosa : Ce n’est évidemment pas celle que Hugo souhaitait, l’inverse plutôt. On n’en est pas à l’expérience du divin mais à une sorte de minimum de religion sociologiquement garantie.

D’ailleurs, moi-même, je l’avoue, je ne parviens pas à imaginer Hugo priant. Il dit qu’il le fait et c’est certain ; mais quelle est cette « prière » ? Est-il à genoux ? prie-t-il en vers ?

J. Seebacher : Le fait qu’il prie signifie simplement qu’il avait conscience de la Faute.

F. Laurent : Il prie les morts. G. Rosa en est d’accord mais estime que tout le monde pense aux morts sur le mode de la prière –sans la moindre foi dans l’immortalité de l’âme ; ça n’empêche pas.

I. Nougarede : N’y a-t-il pas chez lui une quête continuelle de Dieu, quête qui ne peut s’achever – d’où le « point noir » de Solitudines Coeli ? On retrouve le « non finito » de Michel-Ange…

J. Seebacher : C’est toute la question des limites. Il y a chez Hugo une pratique fréquente qui consiste à tripoter les limites de l’infini.

G. Rosa  admire la formule et s’y rallie : si la prière de Hugo est « tripotage des limites de l’infini », alors, effectivement... 

 

E. Dupart : Au fait, qu’entendez-vous par « fait religieux » ?

J. Seebacher : Ses formes historiques, ethnographiques, les rites…

F. Laurent : On attribue toujours au mot « religion » une fausse étymologie (« religare » = « relier »). En réalité, l’étymon est « relegere », relire, ou plutôt cueillir, rassembler… Le mot désigne la religion du livre.

G. Rosa : Je me suis toujours demandé d’où vient que Hugo ait une conscience religieuse aussi aiguë et exigeante. Il a pourtant eu la chance, rare à l’époque, d’échapper à toute éducation religieuse. Pourquoi n’en a-t-il pas profité ?

J. Seebacher : Il a conscience de sa culpabilité ! –sans savoir quelle culpabilité…

J-M. Hovasse : Il parle surtout de « responsabilité ».

G. Rosa : Pourtant, la conscience de la faute ne conduit pas ipso facto à la conscience religieuse !

J. Seebacher : J’ai essayé ailleurs de montrer qu’il n’y avait pas de faute de Caïn dans La Conscience. La faute n’est pas mentionnée ! Elle ne l’est pas non plus dans la Genèse qui représente dans l’histoire de Caïn l’invention de l’interdit de l’homicide. Caïn se place à la limite : Dieu avait oublié de penser l’homicide, et donc de l’interdire ; Caïn, premier meurtrier, sert à proclamer l’interdit de l’homicide. Dans la version éloïmique de la Genèse, l’homme n’a aucune responsabilité. Il faut lire la bonne version du texte !

A. Ubersfeld : Le meurtre d’Abel représente le refus de l‘autre : là est la faute. Cet épisode marque surtout l’irruption de la violence, et sa condamnation, nécessaire à la survie des sociétés humaines.

La discussion se poursuivit quelques temps, de plus en plus inspirée et malaisée à transcrire, allant de la question de savoir si c’est l’invention du bronze qui conduit à celle de l’agriculture au néolithique –ou l’inverse- à la traduction exacte des formules sacrées de l’Islam

 Marieke Stein


Equipe "Littérature et civilisation du 19° siècle"
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