Les notes qui suivent s’apparentent seulement, à divers titres, à William Shakespeare. Mais d’autres, barrées en croix, que nous n’avons pas pu déchiffrer, pourraient avoir été employées à sa rédaction.
V. H.
raconté
par un témoin de sa vie
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[noter la similitude de la présentation de cette page de titre avec celle de William Shakespeare au carnet 13454]
Quel spectacle ! Toute cette humanité, multitude du présent, peuple de l’avenir ! Tous ces grands fronts [?] dans l’ombre, tous ces peuples, les uns ténébreux qu’il faut éclairer, les autres endormis qu’il faut réveiller ! [une ligne non lue] et toutes ces langues de feu qu’on voit, venues d’on ne sait quel mystérieux souffle, se poser sur toutes ces têtes dans les ténèbres.
f° 5 v° [barré d’un trait vertical]
Parler, écrire, imprimer, publier, |ce sont là des identités,| ce sont là les cercles concentriques de l’intelligence s’élargissant sans cesse, et ce qu’on pourrait appeler les ondes sonores du droit de penser [var : « de la pensée »] .
*
Plusieurs notes prouvent que l’accueil fait aux Misérables a déclenché des réflexions souvent très proches de celles qui trouveront place dans William Shakespeare.
Littérature et presse officielle. On a pour moutons des écrivains menés par des chiens et par un valet spécial, un peu écrivain aussi. Cet être a de l’importance. C’est moi qui suis Guillot berger de ce troupeau. [La Fontaine, Le loup devenu berger, Fables, III, 3] Gillot est devenu grand.
f° 6 v° [barré d’un trait vertical]
Qui donne tout à l’humanité est quitte envers l’individu.
B. d’Aurevilly, Granier [?], CarB. [?]
On a des agents de police littéraire qu’on récompense avec la croix d’honneur.
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…
Depuis Villemessant jusqu’à Barbey d’Aurevilly. Remarquons ici en passant la syllabe vil on ne peut mieux placée.
Les critiques n’admirent que près d’eux.
*
Dans le même temps, se dessinent des linéaments de 93. Par exemple,
93
Damiens
Ces cendres du régicides, où le vent les emportait ? dans quelle ombre furent-elles dispersées ? à quelles respirations se mêlèrent-elles | dans les ténèbres |? Robespierre – Marat – Danton –
Au f° 1 au crayon : « Carnet n° 8 1862 (B) », à l’encre rouge : « Carnet de 62 ff 24-VI-49 ») ; au v° du f° 1 de la main de VH : « 8 9bre 1862 ».
Le terminus a quo est fixé par cette date. Une seule autre datation directe est fournie par le dessin d’un bateau au f° 29v°, daté : « 14 février 1863 ». Le terminus ad quem serait donné par le billet à Lamartine, du 19 avril 1863, dont une ébauche figure au f° 18v° :
« Il faut être Michel-Ange pour avoir le droit de répondre à Raphaël.
Je me borne à remercier.
V.H. »
Mais il s’agit là d’un emploi tardif du carnet, déjà plein à cette date, puisque ces lignes sont écrites à l’encre en surcharge d’un texte antérieur inscrit au crayon et qu’elles ont été préparées par une exploitation inverse de la même idée, notée au crayon au f° 4v° : « Je voudrais être Michel-Ange pour avoir le droit de remercier Raphaël. » Et, de fait, tous les autres éléments de datation indiquent, pour ce carnet, une plage d’emploi courant antérieure. Les textes dont il contient des ébauches s’échelonnent du 17 novembre 1862 au 11 février 1863. Au f° 25v°, les six lignes au crayon, qui commencent par « Cher Pelletan » et s’achèvent par « J’ai hâte de vous le dire. », sont le brouillon de la lettre que Hugo charge Vacquerie de transmettre à E. Pelletan, le 15 janvier 1863 : « …Serez-vous assez bon pour transmettre ce mot à M. Plouvier, et l’autre à notre excellent Pelletan, dont j’ignore l’adresse. » De même les six vers du f° 18r°:
« Sur cet album je veux me taire
Pourtant je vous l’offre aujourd’hui
+ + + +
Et subissez surtout d’avoir
L’obsession involontaire
Du premier peintre malgré lui. »
ne peuvent guère concerner autre chose que l’album Chenay-Castel, publié le 6 décembre 1862.
Décisif puisque la page de titre du futur William Shakespeare y est dessinée, le folio 17v° peut recevoir une datation indirecte assez précise. Hugo, d’une part, y dessine un fauteuil et d’autre part y note le mode d’emploi d’une machine à café :
« Faire chauffer l’eau – bouillante
passer l’appareil à l’eau chaude
mettre le café
puis le filtre sur le café
visser l’entonnoir
verser l’eau bouillante dans l’entonnoir
prendre une tasse au robinet et la +
au café –
dévisser l’entonnoir et le replacer en couvercle ».
Or cette cafetière s’identifie avec quelque vraisemblance soit à l’une de celles qui sont achetées et essayées les 7 et 8 décembre 1862 – carnet 13451, f° 116 : « 7. Essayé du café le matin. Fait pour la première fois mon café dans l’appareil à siphon (cafetière romaine) / 8. rendu à Giffard son appareil et payé … 1 / acheté l’appareil d’Agnew (payé) … 12 » –, soit à celle qui remplace la précédente détruite par explosion le 19 janvier 1863 – carnet 13456, f° 5r° : « 19. Le petit appareil a café a éclaté – un peu à ma figure. Il faut s’abstenir de ces bombes dans l’intimité. / […] / Acheté chez Agnew un nouvel appareil à café dit hydrostatique…7, 70 ». Il est essayé le lendemain. Hugo est ici écrivain naturaliste : « petite cafetière » se dit alors par opposition aux machines destinées aux établissements, les premières à avoir été mises en usage. Quant aux désignations « à siphon » et « hydrostatiques », elles recouvrent effectivement les deux catégories de cafetières de l’époque, et celle à siphon est réputée plus explosive. On ne peut cependant aller plus loin : malgré – ou en raison de – l’abondance, sur le web, des explications et des dessins, nous n’avons pas identifié précisément les machines employées par Hugo.
Quant au dessin du fauteuil, il prépare très vraisemblablement la tapisserie des sièges achetés le 15 janvier 1863 ; carnet 13456, f° 5r° : « Commandé au menuisier de l’esplanade trois fauteuils (prix convenu : 3 £ chaque. 72 fr) Je fournirai l’étoffe qui les recouvrira. »
*
Ce carnet contient des notes de toute sorte dont nous regrettons qu’un trop grand nombre, d’écriture très hâtive, nous soient restées indéchiffrables. Certaines sont barrées, signe de leur emploi ultérieur ou immédiat dans un texte achevé. Beaucoup, sans rapport avec aucun texte connu et qui ne sont pas rayées, enregistrent l’inspiration à l’état brut, parfois canalisée vers une rubrique fourre-tout, « comédie » ou « épitres » (f° 37v°). En voici, pour le plaisir, quelques échantillons : « Elle était éclatante. Quand les bretonnes se mettent à être belles, elles ne se connaissent plus. » (f°5v°); « Les moutons mangent leur paradis en herbe. » (ibid.); « Quelle chair ! un marbre ! une mamelle sur laquelle on pourrait briser le crâne du nourrisson. » (f° 15v°) ; « Vous êtes, Madame, entre des hommes murs. Intra muros. » (f° 16v°). Et encore ce dialogue (f° 19v°) :
« – Vous n’avez pas eu de cosaques en 1814, vous père Galvau.
– J’ n’en ai pas eu ! J’en ai eu quatre avec les jevaux qui mangeaient dans ma mai [variante : « mon auge »]. Ils chiaient, ils pétaient, ils faisaient brou ou ou ! Ah ! j’en ai eu des cosaques ! »
Ou cet utile avertissement : « Méfiez-vous de votre corps caverneux. » (f° 33)
Quelques fragments semblent réagir à l’injustice de la critique devant Les Misérables :
« Après ma mort.
Allons ! laisserez-vous tranquille l’homme sombre !
O calomniateurs ! je dors. Respectez l’ombre. » (f° 7v°)
Mais le plus grand nombre, sans que leur destination soit toujours indiquée, sont des ébauches se rapportant aux textes en cours de rédaction ou projetés. Sont ainsi esquissés des formules ou des développements pour des interventions plus tard recueillies dans Actes et Paroles : celle intitulée Genève et la peine de mort du 17 novembre 1862 (« La guillotine pour la guillotine, c’est de l’art pour l’art. », « Il s’est lavé les mains de tout le sang qu’on lui a fait verser. », « La corde dans le sac de nuit du bourreau Calcraft » (f° 3)) ; celle en faveur de Rosalie Doise du 2 décembre 1862 (f° 13v°) ; l’appel A l’armée russe du 11 février 1863 :
« Soldats russes, redevenez des hommes.
Cette gloire vous est offerte aujourd’hui. Saisissez-la.
Fraternisez, ne combattez pas.
Pendant qu’il en est temps encore, écoutez la voix d’un européen [ ?]. » (f° 12v°, la suite au f° 14v°, également aux folios 23 - « Vous avez devant vous, non l’ennemi, mais l’exemple. » -, 23v°, 25v°, 61.)
Enfin, outre les fragments soigneusement écrits à l’encre et portant au coin « Lég. des s. » qui ont été publiés par Mlle Lambert, plusieurs folios, au crayon et très hâtifs, portent des ébauches de strophes pour l’Epopée du ver de décembre 1862.
Restent deux ensembles inégalement problématiques. Celui formé de textes explicitement destinés au projet d’un 93 ou qui peuvent lui être rattachés n’est pas surprenant : ils s’inscrivent dans la continuité de ceux des carnets antérieur et ultérieur, et la réalité de cette entreprise est attestée par la correspondance et par d’autres fragments depuis octobre 1862 jusqu’à mai 1863 (voir sur ce point B. Leuilliot, « Quatrevingt-Treize et le Journal de Barbier »). Ce qui étonne plutôt, c’est leur petit nombre. Les voici tous :
f° 4v° [barré d’un trait oblique]
93
…
un homme de cette qualité pouvant être porteur de quelque chose de +
Marat 1744 Robespierre 1759 Danton 1759
Damiens ? 26 8bre
1759
Danton et Robespierre incarnent la révolution française, l’un dans son génie, l’autre dans sa logique. Sans la révolution ils n’ont pas de raison d’être, et seraient deux avocats obscurs, l’un rugissant à Arcis sur Aube, l’autre chicanant à Arras, à peine éloquents. La révolution les gonfle et en fait deux hommes énormes. Puissance des souffles.
Marat est autre. Marat n’appartient pas spécialement à la Révolution. Marat est un type antérieur, profond et terrible. Si vous voulez savoir son vrai nom, criez ce mot Marat dans l’abîme, l’écho du fond de l’infini, vous répondra [« presque à voix basse » barré] : Misère!
f° 19r° [au crayon :]
93
Le duc, sur ce, eut un mouvement étrange, il tira son mouchoir de sa poche, et fut effaré [?], on le regarda, il cria :
- Plaignez-moi, je suis en train de manquer un éternuement.
f° 20r° [au crayon :]
93
Personne n’est + + + + [ligne ajoutée]
Le roi, M. le duc, M. de Chartres, M. de Charolais, M. de Dombs, excepté M. de Conti les princes sans exception, tout cela est [var. « était »] garçon.
____________________________________________
[D’une écriture différente :]
En trois mots, Voltaire (1725) a caractérisé toute cette époque
le roi Louis XV, la noblesse féodale et la noblesse courtisane.
– Madame la présidente Bernière [?], grande nouvelle. Hier le roi a déclaré son mariage, et, à cette occasion, il a fait baiser son pied à M. d’Epernon et son cu à M. de Maurepas.
f° 22r° [au crayon :]
Soit, la révolution s’appelle la Terreur, la monarchie s’appelle l’Horreur.
f° 34r° [au crayon :]
93
…
Ici le duc s’interrompit, et dit en se grattant le cou [« le cou » : addition] sous sa cravatte de dentelles avec l’ongle du médius de la main gauche : – Je sens quelque chose qui me démange à la clavicule.
– Sur ce, je vous demande pardon, M. le duc. Je crois en Dieu.
f° 43r° [au crayon :]
pour 93
Mot de juge (Perignon)
– J’ai rendu de la justice sous tous les gouvernements.
*
Moins attendu est le nombre des notations qui se rattachent, parfois très directement, à William Shakespeare. Les voici :
f° 3r° [barré d’un trait sinusoïdal]
il a sur le front [variante sans choix : « dans l’œil »] la réverbération |sinistre| des agonies [?],
il est marqué du signe de Caïn,
[cf : « [Jean de Pathmos]…la réverbération de Jehovah est dans l’œil de cet homme… » (WS, I, 2, 2, §9)]
Siècle de L. 14
Sur les encouragements prodigués aux lettre par le grand roi, consulter les souliers éculés du vieux Corneille et le savetier de la rue de la Parcheminerie. [épisode biographique légendaire de la vieillesse de Corneille, contraint de faire ressemeler ses chaussures au lieu d’en changer]
[au crayon et barré à l’encre :]
Finir le paragraphe ainsi :
O terre ! trône de la bêtise ! [formule reprise à la fin de WS, III, 1, 2]
f° 13r° [au crayon et barré de deux traits verticaux à l’encre :]
Les grands hommes de la pensée pure laissés dans l’ombre, toute la lumière sur les traîneurs d’armée et les hommes d’action. [motif central du livre III de la troisième partie]
[Au-dessous, non barré :]
Les biographies [variante : « dictionnaires »] jusqu’à ce jour inclusivement prononcent à peine quelques noms antiques exceptés [« quelques… » : addition] les noms des philosophes, des +, des +, des penseurs, etc. Shakspeare meurt en 1616 ; Voltaire parle de lui pour le première fois en 1720 ou 24. Ce nom a mis plus d’un siècle à passer le détroit. Moreri, le catalogue universel, ne nomme dans son Dictionnaire ni .., ni .., ni .., ni.. Un contemporain même, un contemporaine illustre, ce n’est qu’un poëte, il ne le voit pas. Moreri ignore Corneille. [un blanc] Molière. Ce nom lui crève les yeux, il ne sait pas que Molière existe.
[Ecrit à 90° des deux autres textes :]
le titre ainsi
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V.H.
--
Shakspeare
[Sur la même page, le mode d’emploi de la cafetière examinée ci-dessus]
Faire chauffer l’eau – bouillante
passer l’appareil à l’eau chaude
mettre le café
puis le filtre sur le café
visser l’entonnoir
verser l’eau bouillante dans l’entonnoir
prendre une tasse au robinet et la +
au café –
dévisser l’entonnoir et le replacer en couvercle
[un autre texte :]
Il prépare son argent longtemps d’avance, dix livres qu’il met sou à sou dans du papier.
[Et le dessin (tracé à 180° des deux textes) d’un fauteuil capitonné, dessin repris au f° 20v°.]
Le f° 18r° note le mot « teatotaller » (répété deux fois avec une autre orthographe), employé, dans la rédaction initiale, en II, 3, 5. Dans le carnet 13 456, à la date du 26 mai 1863, cette note : « Pentecôte. Promenade des teatotalers dans la ville. »
[à l’encre]
L’imagination a des aspects innombrables.
Une de ses mille définitions possibles + :
l’imagination est la rêverie fixée. De là | musique -
| vers[?]
| poesie - poème [?] » [« De là… » est en addition]
f° 38r° [au crayon et barré de traits verticaux, une première rédaction de la dernière phrase de William Shakespeare :]
Et la prodigieuse constellation, comme une gloire de diamants célestes, resplendit dans le clair de l’horizon et monte, mêlée à cette aurore immense Jésus-Christ !
[écrit en sens inverse :]
Ier fabriquant de corsets. Son enseigne – Je soutiens les faibles, contiens les superbes et ramène les égarés.
f° 40v° [deux textes au crayon s’enchevêtrent, barrés ensemble de grands traits sinusoïdes, mais on y distingue quelques uns des mots du dernier paragraphe de William Shakespeare :]
[…] de l’engloutissement et de la +, l’effrayant + penche avec le blêmissement sinistre de la disparition
f° 54v° [à l’encre et au-dessus d’un texte antérieur au crayon]
Simplicité, chasteté, sobriété, sans doute ces qualités sont précieuses. Mais ceux qui ne les ont point ne sont pas de petits compagnons. [« Mais ceux… » : corrige « Pourtant, hélas !»] Tu n’es pas simple, ô Piranèse ! tu n’es pas chaste, ô Rabelais ! tu n’es pas sobre, ô Shakspeare ! [thème du chapitre II, 1, 5 de William Shakespeare]
[dans un autre sens de la feuille :]
La critique + + + a certes du bon. Pourtant il ne faut pas s’exagérer la portée des éloges à la mode dans ce monde un peu délicat et poitrinaire.
Ces bons éloges à la mode ne lui vont pas. Jamais personne ne s’avisera de louer « la sobriété » de Shakspeare. Jamais on ne dira : Shakspeare est sobre.
[Sur le même folio, en sens inverse, un autre texte de six lignes, barré, non lu.]
*
Mais les frontières entre inspirations sont poreuses, plus encore entre textes projetés. On a vu que le même folio 19 porte un fragment noté « 93 » et une réflexion concernant l’imagination qui a ses échos dans William Shakespeare. Les œuvres elles-mêmes témoignent de cette intrication et que rien n’est plus étranger à l’esprit de Hugo que le rangement des idées dans des casiers étiquetés. La lettre-discours Genève et la peine de mort (novembre 1862) contient un petit dérapage discursif qui mène directement de la peine de mort à William Shakespeare.
« […] Quoi, plus d’échafaud, et en même temps plus de guerre ! ne plus tuer personne, je vous demande un peu si cela a du bon sens ! qui nous délivrera des philosophes ? […] qu’est-ce que tous ces faiseurs de réformes ? des poëtes. Gardons-nous des poëtes. Ce qu’il faut au genre humain, ce n’est pas Homère, c’est M. Fulchiron.
Il ferait beau voir une société menée et une civilisation conduite par Eschyle, Sophocle, Isaïe, Job, Pythagore, Pindare, Plaute, Lucrèce, Virgile, Juvénal, Dante, Cervantes, Shakespeare, Dante, Milton, Corneille, Molière et Voltaire. Ce serait à se tenir les côtes. » (Actes et Paroles, II, vol. « Politique », p. 548)
Il contient des notes de voyage et quelques unes où la permanence de la préoccupation de 93 voisine avec les ensembles de vers marqués au coin « Leg. des S. ».
93 – une colère de quinze mois pour une oppression de quinze siècles.
Ils font la solitude et disent : c’est la paix. [Traduction d'une formule de Tacite employée dans une addition de I, 2, 2, §2]
Ce bon Beyle dit Stendhal qui admirait l’eau [« or » ?] du Carrousel et mettait Canova au-dessus de Michel-Ange.
f° 1r° [à la suite d’autres indications concernant les préparatifs du départ, sous la date du 14 août :]
La grosse malle aux manuscrits reste dans la chambre de Victor.
La petite caisse cordée contenant (entr’autres) Dieu et Satan est chez Mme Drouet.
Je confie à Suzanne un dossier spécial cacheté contenant (entr’autres) Shakespeare. [L’orthographe du nom reporte avant ce départ tous les textes portant l’orthographe initiale, Shakspeare.]
f° 3r° [sous la date du dimanche 16 août, après l'indication d'un autre envoi, à Charles :]
– Ecrit à Victor les bases de mon traité possible avec Pagnerre. 11 ans de jouissance. Pas de réimpression la dernière année. Tous les formats. Toutes les langues. Pourtant droit réservé pour moi de joindre, après les deux premières années de jouissance de M. Pagnerre, ce volume à toutes les nouvelles éditions que je ferais de mes œuvres complètes. 1200 fr. la feuille, autant de 1200 fr. que de feuilles (étalon, la feuille belge in octavo des Misérables) le dernier fragment de feuille payé comme feuille entière. Le paiement se ferait moitié argent comptant la veille de la mise en vente, l’autre moitié en un effet payable à six mois de la mise en vente. Le volume [« serait intitulé » barré en correction cursive] ne porterait que mes initiales. Il serait intitulé :
V. H.
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Shakespeare
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On pourrait ajouter peut-être en très petit texte :
(pour servir d’introduction à une nouvelle traduction de Shakespeare)
[peut être ajouté, en tout cas d’une autre encre :] (Il reste à régler le nombre d’ex. d’auteur 30 1ère ed. puis 5 par mille)
A la date du 5 août 1863 : « sec. à Victoire ----- 2 (elle est très misérable. Je vais lui donner de la copie pendant trois jours à 2 f par jour.)
A la date du 20 octobre : « Je me remets au travail. »
A la date du 2 décembre (mais c’est un ajout entre les lignes, donc peut-être postérieur) : « Aujourd’hui 2 Xbre, j’ai fini Shakespeare. »
A la date du 10 décembre : « J’ai retrouvé la copie de mon manuscrit de Shakespeare, faite par Julie et Victoire, et que j’avais égarée. »
A la date du 12 décembre : achat d’encre rouge chez Barbet.
Le 18 décembre : date de réception au bureau de Saint-Hélier, du télégramme envoyé de Londres: « J’arrive demain matin avec Ulbach. Albert Lacroix. Royal Hôtel ». Ils arrivent effectivement le 19 et doivent repartir « après demain lundi ». Hugo ajoute : « ils dineront et déjeuneront tous les jours avec nous. » Leur départ est noté le 21.
14 janvier 1864. « J’ai fait enregistrer à la poste et partir pour Bruxelles la 1ère partie du livre W. Shakespeare (62 feuillets de la copie) »
17 janvier 1864. « Julie a fini la copie de mon manuscrit William Shakespeare. »
30 janvier 1864: « – Fait enregistrer le paquet contenant la 2° partie de Shakespeare que j’envoie à Bruxelles »
Une récapitulation des comptes de frais d’envois remboursables à Lacroix mentionne les dates des 14, 27, 28, 30 et 31 janvier 1864 et 16, 17, 18, 21, 22 février, une ou deux dates en mars, l’envoi de la Conclusion au 16 mars et, en avril, l’envoi du frontispice.
6 mars – « J’ai mis à la poste et fait charger la fin du manuscrit Shakespeare (Conclusion) pour Bruxelles. »
14 avril « – Mon livre Shakespeare a dû paraître aujourd’hui. »
16 avril « – Le premier exemplaire de William Shakespeare est arrivé à Guernesey. »
19 avril « Les journaux arrivent pleins du livre Shakespeare. – Payé le gaz. »
21 avril : note de l’envoi de 250 f (« 125 pour moi, 125 pour Victor ») à M. Dixon de sa contribution à la souscription au monument Shakespeare à Londres.
22 avril « Le banquet de Shakespeare à Paris, que mon absence devait présider, est interdit par ordre expres de B. »
1er mai « Le premier paiement de 17500 fr. (moitié du prix 35000) fait par mes éditeurs pour le William Shakespeare a été employé par moi à acheter huit nouvelles actions de la Banque Nationale (j’en avais 231. Cela fera 239). Ces huit actions, achetées par l’agent de change R. Coumot de Bruxelles, ont coûté ensemble 16 405fr 90c »
5 mai « – Son testament et le mien. / – Le même jour, la poste m’a apporté le testament de mon arrière-grand oncle Hugo, évêque de Ptolémaïs, copié dans les archives d’Epinal par M. Bury, ancien notaire. »
21 mai 1864 : « – J’ai fait le rangement des papiers et le ménage des copeaux qui me restent de mon livre Shakespeare.
- C’est la fête de JJ. »