Présents :
Guy Rosa, Jacques Seebacher, Annie Ubersfeld, Arnaud Laster, Rouska Haglund,
Junia Barreto, Jean-Marc Hovasse, Stéphane Mahuet, Delphine Gleizes,
Franck Laurent, Florence Naugrette, Sylvie Vielledent, Vincent Wallez,
Denis Sellem, Myriam Roman, Marieke Stein, Laurent Fedi, Jean-Pierre Vidal,
Bertrand Abraham, Carole Descamps, Vital Philippot, Françoise Chenet,
Agnès Spiquel, Stéphane Desvignes, Colette Gryner, Chantal
Brière.
Excusés :
David Charles, Ludmilla Charles-Wurtz, Sandrine Raffin (encore au Canada),
Marie Tapié, Bernard Degout.
- Agnès Spiquel, bien connue des moins jeunes; sa thèse (publiée chez Champion) était consacrée sur la figure d'Isis chez Hugo. Elle travaille aujourd'hui sur la période 1872-1877 et les conditions politiques de la genèse de l'Art d'être grand-père.
- Laurent Fedi, philosope. Il avait fait une communication remarquable au Groupe en 97, "Victor Hugo de Charles Renouvier à Walter Benjamin" (consultation Web); il fait entrer la philosophie, autant que faire se peut, dans les jeunes têtes de Douai.
- Carole Descamp fait de même, pour "le français" à Lille. Sa maîtrise et son DEA forment ensemble l'édition critique -pour la partie proprement génétique- de William Shakespeare (déposée à la Bibliothèque).
- Vital Philippot doit soutenir sous peu un D.E.A. (dirigé à Paris 4 par Michel Autrand) sur la construction du pathétique dans les drames de Hugo.
- Guy Rosa fait circuler le n° 4 de la série consacrée à Victor Hugo, tout récemment sorti chez Minard : Science et technique, avec des commentaires très admiratifs pour les textes de Myriam Roman (qui signe deux publications), D. Charles, C. Millet, E. Blewer (très pertinent et "modèle du genre"),Paule Petitier, Véronique Sanchez -entre autres. Mais l'ensemble aussi du numéro est une réussite, équilibre très soigneux d'études convergentes et de varia moins austères.
-Deux travaux de maîtres, très différents mais également magistraux dans la maîtrise de leur objet : l'article de Franck Laurent : " Penser l'europe avec l'histoire. La notion de civilisation européeene sous la Restauration et la monarchie de Juillet." -dans le dernier numéro de Romantisme (104, sept. 1999) et un livre de Claude Gély, Paysages de Victor Hugo, de Claude Gély -aux éditions interuniversitaires (1998).
- " La Bible : format Bible, papier Bible, contenu biblique " : Guy Rosa jubile à la parution de la thèse de Myriam Roman - Victor Hugo et le roman philosophique, du " drame dans les faits " au " drame dans les idées ", Paris, Champion, 1999. Un index précieux figure à la fin de l'ouvrage. Le livre est à la Bibliothèque (ce qui n'est pas inutile vu son prix).
-(exception à notre hugocentrisme exclusif): Lorenzaccio édité en Garnier-Flammarion par Florence Naugrette, et que Jacques Seebacher qualifie de " petite merveille de pédagogie efficace ".
-Déjà signalée mais maintenant à la Bibliothèque, la thèse de M. Mohammed Chetoui : travail très impressionnant et ardu sur la versification des Contemplations (sous la direction de M. Cornullier-Lucinière, c'est tout dire). Guy Rosa remercie M. Chetoui d'avoir fait parvenir pour le Groupe une saisie du texte des Contemplations qui autorise toutes sortes d'interrogations -et sera installée sur le site du Groupe pour téléchargement.
- On retiendra tous ses samedis de décembre en prévision des soutenances de thèse de J.M. Hovasse et D. Gleizes.
Et l'on rappelle celles, de maîtrise, de Mlles Sarah Jacquet (sur l'utopie) et Florence Codet (sur le prophétisme).
Guy Rosa fait part au groupe des courriers reçus.
- Sylvie Jeanneret : elle interviendra le 20 novembre à propos de " la parole dans l'oeuvre romanesque de Victor Hugo ".
- Olivier Decroix toujours en Turquie, à Ankara, rentre heureusement en janvier prochain.
- M. A. Glinoer, étudiant à l'Université libre de Bruxelles, vient d'y soutenir son mémoire de maîtrise sur le petit Cénacle.
- Bernadette Lintz a répondu très aimablement à l'appel d'informations joint à l'envoi du dernier compte rendu. Elle a retenu avec intérêt l'annonce du travail de M. Roman sur Hugo et Zola : elle même a présenté au grand colloque des dix-neuviémistes aux USA une communication intitulée " des Châtiments à Nana : des intertextes polémiques chez Victor Hugo et Zola " et donnera un second volet de ce travail à un prochain colloque sur Zola, à San Francisco. Elle se propose pour 2002 de travailler sur les rapports entre la rhétorique et l'imaginaire de la contamination dans l'écriture de l'histoire à partir de l'exil. Le sujet lui semble -à juste titre- entrer dans notre perspective "Hugo et la langue". Quant aux initiatives américaines pour le centenaire, elle en déplore l'actuelle timidité, à l'exception de Kathryn Grossman qui se consacre aux Travailleurs de la mer. Enfin, elle demande aux membres du Groupe s'ils sont d'avis qu'il est possible que certains textes philosophiques posthumes (comme les Fleurs) aient été portés à la connaissance d'un certain public (comme Zola) avant 1885, par le biais de de lectures, par exemple.
Guy Rosa observe qu'on a de nombreux exemples de lectures de textes poétiques ou de théâtre, mais, apparemment, d'aucun de texte en prose. J. Seebacher se souvient avoir eu connaissance -mais où?- de lectures, chez les Girardin, de passage de Littérature et philosophie mêlées. Mais Girardin est très proche de Hugo, pas Zola.
Les neuf premiers volumes
de la chronologie Massin (--> 1855), déjà sur Internet, ont
été copiés, avec le logiciel d'interrogation, sur
cédérom (emploi sur PC seulement). G. Rosa distribue les
six premiers exemplaires -d'autres suivront si les réactions de
ceux qui ont reçu les premiers laissent penser que c'est utile.
Dans le menu, trois modes
d'interrogation: par date (une date ou une fourchette), par critères
cumulés (toutes les fiches réunissant le nom de Juliette
et celui de Léonie par exemple; il y en a 8), par critères
alternatifs (les fiches où figurent soit Juliette soit Léonie;
il y en a 289. Cela permet, par exemple, une interrogation sur toutes les
pièces de théâtre.). On peut ensuite éliminer
les fiches inintéressantes et imprimer le résultat pour avoir
une chronologie de travail commode. Chaque fiche est consultable soit en
mode abrégé (ce que donne la chrono. Massin : une date et
un fait) soit en mode complet (auteur de l'information, source, commentaire
(200 signes), rubrique, dates limites pour l'interrogation). Enfin une
commande permet d'éditer une page modèle pour y consigner
soit la matière d'une nouvelle fiche, soit les corrections à
apporter à une fiche existante. On l'imprime, on la dépose
à la bibliothèque, elle sera vérifiée puis
entrée dans la base de données.
Répondant à
une question d'F. Laurent, G. Rosa précise que les modifications
apportées à la chronologie Massin seront apparentes. Ainsi,
de la correction dont nous fait bénéficier Sylviane Robardey-Eppstein
à propos de la première de Henri III et sa Cour, qui
n'a pas eu lieu le 11, mais le 10 février 1829.
A. Laster signale un problème
concernant la date de naissance d'Adèle : la lettre de Hugo à
Nodier propose une date erronnée lorsqu'on la compare à l'acte
de naissance officiel.
G. Rosa ajoute que -l'avantage
de la chronologie informatisée est de permettre une lecture non
suivie, et donc d'ajouter presque autant d'information qu'on le souhaite
; on est surpris à la consultation de la base actuelle de son exiguïté
-et pourtant, la Chronologie de Massin fait environ 500 pages: c'est beaucoup
pour un livre (et pour une mémoire humaine), peu pour une base informatique.
- la désinstallation
ne fonctionne pas toujours (dans l'hypothèse improbable où
quelqu'un voudrait se défaire de sa chronologie, il faudrait procéder
manuellement) ; (défaut corrigé depuis)
- une assistance technique
est disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par e-mail ou téléphone
auprès de Guy Rosa.
Qui rappelle
J. Seebacher précise
le contenu du livre qu'il avait fait circuler lors d'une séance
précédente : Cet exemplaire contenait quatorze discours de
Hugo et trois oeuvres de Girardin, ainsi que leurs portraits à tous
deux, le tout édité par Girardin. Même s'il ne s'agissait
que d'une reliure de lecteur, cela conforte la piste consistant à
regarder de très près l'association entre Hugo et Girardin
autour de l'Evénement. D'abondants documents sur ce sujet
se trouvent à la Maison Hugo.
En 1829, Hugo envoie les
bonnes feuilles des Orientales à Girardin, qui les publie.
Par ailleurs, dans une grande lettre de 1833, Girardin expose à
Hugo tous ses projets intellectuels, civilisationnels, politiques, qui
seront dès lors discutés entre les Girardin et Hugo - et
ce au moins jusqu'en 1877 et leur association pour faire tomber Mac-Mahon.
J'ai lu des oeuvres de Girardin
cet été -c'est J. Seebacher qui parle. C'est passionnant.
Ce personnage d'agitateur apparaît amusant, et en même temps
sérieux dans sa documentation sur la misère ou la condition
ouvrière. Au total émerge une politique à la fois
socialiste et conservatrice, qui gouverne Girardin... et aussi Hugo, qui
veut éviter l'anarchie et le communisme (le couvent laïque)
et qui souhatite en même temps une politique de liberté générale,
à la fois individuelle et collective (libres négociations
entre partons et syndicats, où l'Etat se contente de fixer un seuil
minimum). Les différences d'analyse entre Hugo et Girardin portent
essentiellement sur l'éducation, que seul Hugo veut gratuite. En
somme, Girardin représente le libéralisme intégral
et Hugo, les difficultés du libéralisme intégral.
Mais les rapports entre eux sont constants.
En outre, ils dialoguent
aussi sur les notions d'étrangeté et de bâtardise,
et réfléchissent tous deux sur l'exil (celui des descendants
de Bonaparte, par exemple). A ce propos, il existe une lettre de Madame
de Girardin qui organise son arrivée chez les exilés comme
une possibilité pour Victor Hugo de rentrer en France.
Je signale qu'il existe
une thèse (dont j'ignorais l'existence il y a peu de temps encore)
sur L'Evénement, signée par Mme Fizaine. Ce travail
remarquable (consultable à la Bibliothèque N.D.L.R.) contient
une foule de dates et de faits tout neufs.
A. Laster : Dans l'album
Hugo publié chez Bellefont (A.Laster, Victor Hugo, Bellefont,
1984), on trouvait un passage de l'Evénement annonçant
une sorte de conjonction entre les discours de Girardin et les publications
de Hugo.
Cependant, si Hugo refuse
bien le communisme (et constamment), il évolue dans ses idées
sur l'anarchie. Au moment de l'Evénement, il est contre -et
"anarchie" désigne alors les très fréquents et très
divers "désordres" de rue, mais ensuite on trouve chez lui un critique
ironique de la peur de l'anarchie (qui serait une véritable autocritque
si le mot avait gardé tout à fait le même sens). Communisme
et anarchie ne sont donc pas strictement sur le même plan.
F. Laurent : Je viens de
relire la Gloire de Victor Hugo : dans les années 1849-1850, les
rapports entre Girardin et Hugo deviennent clairs aux contemporains. On
voit en effet une caricature où Girardin fait boire le socialisme
à Hugo (lequel se trouve souvent affublé de signes maçonniques,
par ailleurs).
Vallès, dans l'Insurgé,
fait le portrait de Girardin, présenté comme un impitoyable
meneur d'hommes, fascinant pourtant, notamment lorsque devant l'interdiction
de La Presse par Napoléon III, il continue à faire
face.
A propos des rapports entre
socialisme et conservatisme, il faut noter une tendance très forte,
sous la Monarchie de Juillet, à penser que l'équilibre politique
est atteint. Dès lors, toute évolution ne conduirait qu'à
un effritement, à la décadence. Hugo pense, lui, que c'est
si on bloque tout que la révolution sera inévitable. La seule
vraie manière d'être conservateur est alors de canaliser l'évolution
de la société.
Sur l'anarchie, il faudrait
se rappeler que la théorie anarchiste n'est longtemps connue en
France que par Proudhon, qui apparaît plus comme un repoussoir que
comme un modèle. Enfin, l'idée de méfiance envers
l'Etat, en revanche, est très présente chez Hugo, qui refuse
le pouvoir centralisé et programme même un dépérissement
de l'Etat. Il a pour objectif l'administration de la société
par elle-même, sur la base de la commune. C'est qu'en 1870-1871,
l'Etat est déconsidéré ; les fonctionnaires en place
sont toujours ceux de l'empire et semblent inamovibles de fait. Cela n'a
pas du tout le même sens que le "moins d'Etat" demandé, mais
jamais pratiqué, par la bourgeoisie depuis la Révolution
-alors en réaction contre l'étatisme de la monarchie absolue
(voir Tocqueville).
F. Chenet : Je signale qu'il
existe un fond Girardin aux Archives. Il serait utile d'étudier
les journaux appartenant au groupe Girardin. On retrouverait, dans cette
presse destinée aux communautés rurales, cet intérêt
pour les communes.
J. Seebacher : Oui, il a
beaucoup servi la presse provinciale et se trouve même à l'origine
de l'agence Havas (l'agence de presse). (fondée en 1835 -NDLR après
consultation instantanée)
F. Chenet : Le prospectus
de la Presse a disparu de la B.N.F., et personne ne s'en était
aperçu avant moi. (Oh! Ah! sur tous les bancs) Par ailleurs,
il existe un article capital de Girardin, daté d'août 1849,
qui promeut l'idée des Etats-unis d'Europe, en s'apppuyant sur deux
arguments majeurs : d'abord, la paix, bien sûr ; puis la nécessité
d'unifier les législations sociales européennes (pour obtenir
la journée de dix heures en France, il faut qu'elle soit aussi imposée
en Allemagne). Ce très bel article sera repris par Hugo.
J. Seebacher : En fait,
tout se fait en même temps : Hugo et Girardin entretiennent un dialogue
constant.
A. Laster : Les anarchistes
ont défilé aux obsèques de Hugo sous le drapeau noir...
J. Seebacher : ... comme
les prostituées, mais sous un autre drapeau. A ce propos, je signale
que, suivant le corbillard à pied, juste derrière Georges,
se trouvait Robelin, le vieux camarade de Hugo, qui apparaît
ici comme faisant partie de la famille.
J.M. Hovasse : Il est très
souvent invité à dîner par Hugo après l'exil.
A. Laster : Je reviens d'un mot sur les Misérables représentés aux arènes de Lutèce, pour en souligner les qualités.
R. Haglund : Jean Valjean
m'a semblé... pénible. Mais les acteurs jouaient à
l'évidence avec bonheur.
A. Laster : Avec peu de
moyens matériels, la mise en scène tentait de rendre compte
de l'ensemble du texte ; et malgré ellipses et omissions, quelque
chose d'intense passait.
F. Laurent : Le cinéma
de minuit diffuse, depuis plusieurs semaines, des adaptations des Misérables.
A. Laster : Le texte de
l'adaptation signée Bluwal a été intégralement
publié dans l'Avant-scène cinéma.
V. Wallez : La cassette
est actuellement disponible à la vente.
J. Seebacher : Il y a eu
dans un numéro de l'Arche un très bel entretien entre
Annie Ubersfeld et Marcel Bluwal.
A. Ubersfeld : Je l'avais
complètement oublié.
A. Laster : Des adaptations
télévisées de Notre-Dame de Paris et des Misérables,
avec Gérard Depardieu, sont en préparation.
A. Ubersfeld : La Maison
Victor Hugo va ouvrir une exposition consacrée au théâtre
de Hugo. Si des gens ont des idées...
G. Rosa : ... ils vont se
les garder. Une idée, c'est trop précieux.
J. Seebacher : En lisant
la dernière biographie de Musset (Frank Lestringant, Musset,
Paris, Flammarion, 1999), j'ai découvert des choses. Musset déclare
qu'il a vu Hugo dans les années 50 ; qu'il est fou et qu'il se voit
bientôt président de la République.
G. Rosa : Il devait être
encore ivre.
A. Spiquel : Audiberti affirme
cela au moins dix fois à propos de Hugo pour l'année 1849.
G. Rosa : Mais non ! On
ne trouve pas de texte de Hugo disant qu'il veut être ministre, ni
même le suggérant ou le laissant vaguement entendre.
A. Laster : L'argument était
: le coup d'Etat l'a privé d'être président, et c'est
pour cela qu'il l'a condamné. C'est ignominieux !
J. Seebacher : Tout Paris
parle d'un possible ministère Hugo après la chute du premier
ministère Napoléon.
G. Rosa : Ce n'est pas la
seule des calomnies qui couraient sur Hugo. Mais il y a des textes qu'on
peut observer et comprendre. Ceux de Choses vues racontent toutes
ses rencontres -les dîners en particulier- avec le président.
Au premier, il s'entretient avec lui; dès le second (19 mars 1849),
il est évident que Hugo se met ou est totalement mis à l'écart.
Cela constitue un signe clair de sa situation politique.
F. Laurent : En 1852 doit
en principe avoir lieu une nouvelle élection présidentielle,
à laquelle Louis-Napoléon Bonaparte ne peut se représenter.
Or il faut un candidat pour la Montagne ; et qu'on ait pour songer, et
que Hugo ait pu songer...
G. Rosa : Oui, j'ai aussi
songé à être président de Paris IV. Sérieusement,
il ne me semble pas que la question du candidat de gauche se soit jamais
posée; la question était de savoir quand et comment se ferait
un coup d'Etat et par qui (Changarnier est sur les rangs). Les notes de
Hugo en sont pleines.
J. Seebacher : Les articles
de l'Evénement soutenant la candidature de Louis-Napoléon
sont parlants. L'un d'eux porte Lamartine au pinacle... pour expliquer
qu'il ne peut être le bon candidat parce qu'il n'a pu éviter
les journées de juin. Cela désigne une place à prendre,
celle d'inspirateur du pouvoir. Le terrain, en cas se trouvait préparé
pour quelqu'un comme Hugo, qui affirmait vouloir l'influence, et non le
pouvoir.
G. Rosa : L'influence n'est
pas la magouille.
J. Seebacher : L'influence,
c'est la présidence de la République.
G. Rosa : Cela ressemble
plutôt au pouvir. L'influence, c'est l'autorité qu'on peut
avoir sur les esprits en écrivant.
J. Seebacher : C'est être
le principal conseiller des ministres ou d'un ministre.
G. Rosa : Hugo avait tout
de même d'autres ambitions.
A. Laster : L'Evénement
a commencé à soutenir Lamartine puis Louis-Napoléon.
J. Seebacher : En fait,
c'est plus nuancé : il n'apporte pas de soutien positif à
Lamartine...
G. Rosa : ... et pas non
plus à Louis-Napoléon, pas de soutien entier et sans restrictions,
en tous cas. De plus, ce n'est pas Hugo qui écrit l'Evénement.
F. Laurent : Oui, mais il
a l'influence sur l'Evénement. L'influence (et non le pouvoir)
passe aussi par la presse.
G. Rosa : Il y aurait des
travaux à faire sur les rapports entre Hugo et l'Evénement.
J'ai toujours pensé qu'il disait lui-même ce qu'il avait à
dire.
J. Seebacher : J'ai trouvé,
à la Maison Hugo, une lettre de Juliette Drouet, jalouse (mais elle
ne sait pas encore de qui), envoyant à Hugo son portrait, où
il prend une pose qu'il adoptera à nouveau par la suite. La lettre
se termine par " Vas-y, pousse ta pointe. "
23 octobre : Myriam Roman
et David Charles : les langues étrangères et la traduction.
20 novembre : Sylvie Jeanneret
: La parole dans les romans de Hugo: écrire, c'est faire"
11 décembre : séance
encore libre
22 janvier : Chantal Brière
: le langage architectural dans les romans.
26 février : A. Ubersfed
: le problème de l'individualisation de la langue dans le théâtre
des années 30.
25 mars : A. Spiquel : 1872-1877
: Hugo et le Rappel
22 avril : A.Laster : le
problème de l'individualisation de la langue dans le Théâtre
en liberté.
20 mai : Colette Gryner
: sujet à préciser sur Les Contemplations.
17 juin :
A. Laster annonce que le 22 janvier sera jouée à nouveau la Lucrèce Borgia avec Marie-José Nat, que André Dussolier lira du Hugo à la Maison de la poésie à partir du 20 avril, et que P. Brunel a publié un Monsieur Victor Hugo. Il ajoute que Madame Molinari lui a signalé deux expositions de dessins de Hugo à venir : la première, en 2000, se tiendra à la Maison Victor Hugo ; la seconde sera organisée en 2002 par la B.N.F.
G. Rosa rappelle les entreprises
en cours -outre "Hugo et la langue". Nous avions parlé de "La guerre",
sujet pour lequel Claude Millet avait dit son intérêt; par
ailleurs, si le CD Théâtre semble abandonné, Vincent
Wallez et Folrence Naugrette avaient évoqué la possibilité
d'un numéro de la revue Théâtre aujourd'hui.
V. Wallez : Je compte finir
mes recherches sur les fragments dramatiques en décembre ou en janvier,
et à partir de là il me faudra en retirer les fruits. A propos
d'une collaboration à un numéro de Théâtre
aujourd'hui, il faudrait examiner ce qu'il conviendrait de faire et
qui ne ferait pas double emploi avec l'exposition de la Maison Victor Hugo.
On pourrait axer notre travail sur les représentations contemporaines
de Hugo, par exemple.
G. Rosa propose de constituer des groupes de travail, en sus des réunions du Samedi, où des équipes plus restreintes pourraient se constituer chacune autour de l'un de ces projets : la langue, la guerre, le théâtre.et la chronologie. Une feuille circule où s'inscrivent les membres du groupe qui souhaitent être informés de la réunion de travail sur le théâtre qu'organisera Florence Naugrette.
A. Laster : Je buvais du
petit lait. Enfin je trouve quelqu'un pour affirmer ce que je dis depuis
longtemps, à savoir que la question du vers est secondaire. Il est
bon qu'on le redise.
G. Rosa : J'ai travaillé
tout seul... Effectivement, sur ce point, le Lagarde et Michard est extraordinaire
: il commence par distinguer catégoriquement drames en vers (dignes
d'examen) et drames en prose (vraiment trop proches du mélodrame).
On passe aux textes et, pour chaque pièce, l'idée est qu'elle
est bien mélodramatique!
A. Laster : Dans le numéro
d'Europe consacré à Hugo en 1985, j'avais écrit
un article ("L'antiromantisme secondaire et sa principale victime : le
théâtre de Hugo") qui allait dans le même sens.
A. Ubersfeld : Depuis que
je travaille sur le théâtre de Hugo, je n'ai jamais considéré,
en effet, que cette distinction était intéressante.
A. Ubersfeld : Remarquez
qu'on trouve par exemple chez Corneille de très nombreux vers où
la césure est violée. L'oreille des spectateurs n'a donc
pas été tellement bouleversée par les vers des drames
hugoliens.
V. Wallez : Les acteurs
enchaînaient les alexandrins sans pause, au point que les rimes elles-mêmes
devaient être difficilement repérables.
G. Rosa : Il faut distinguer.
Les revues de presse de l'IN -dont on n'a pas de raison de penser qu'elles
changent de comportement d'une pièce à l'autre ou d'une époque
à une autre- ne reproduisent aucune observation faite par la critique
(qui pourtant fait flèche de tout bois) sur le vers ni sur sa diction
par les acteurs jusqu'à l'exil. En revanche, elles sont de plus
en plus nombreuses, tant pour le texte que pour la représentation,
à partir des reprises des dernières années de l'Empire.
C'est à partir de ce moment que l'on admire le vers hugolien au
théâtre et aussi qu'on se met à reprocher à
tel acteur de ne pas très bien les dire. On est tenté de
penser que c'est lorsque le vers se perd qu'il s'impose et se trouve surévalué
du même coup. Le succès d'un Rostand tient à cela :
il rappelle l'utilisation du vers à des gens qui l'ignorent et s'en
ébahissent.
A. Laster : La fin de ton
exposé me semble un dérapage. Tu retombes dans l'ornière
du préjugé.
G. Rosa : Je ne crois pas
: les personnages féminins sont bien dominants dans les pièces
en prose. Je rejoins ainsi ce qu'à montré Annie : les pièces
en prose sont écrites pour leurs futures actrices mais pas pour
leurs acteurs et les pièces en vers ne sont destinées à
personne en particulier. D'autre part, Annie en donne de nombreux signes,
Hugo a appris le langage féminin en écoutant et lisant Juliette
Drouet, qui parle en prose.
A. Ubersfeld : Il y a une
exception à cela : Marion parle. Son discours au roi est en vers.
G. Rosa : Mais il n'est
pas bien long. Je n'ai pas dit que, dans les pièces en vers, les
personnages féminins étaient nuls, mais que leurs rôles
sont brefs et que l'accent ne porte pas sur eux.
A. Laster : Il faut faire
attention à l'utilisation des critères quantitatifs : souvent
le personnage principal n'est pas celui qui parle le plus.
G. Rosa : Il reste que lorsque
la dimension héroïque n'est pas au premier plan, ce sont le
féminin et la prose qui l'emportent.
F. Laurent : Il est vrai
que Hugo est favorable à l'éducation des femmes, mais qu'il
tire de la différence entre les sexes la nécessité
d'une éducation différenciée. Les garçons apprendront
le latin et le grec (qu'on peut estimer plutôt du côté
de l'héroïque et du sublime) tandis que les filles apprendront
les langues vivantes (du côté de la communication). On pourrait,
par analogie, superposer cette distinction à celle qui sépare
vers et prose.
F. Laurent : Par ailleurs,
il ne faudrait pas oublier que Hugo est avant tout un poète, et
donc qu'il a une prédilection pour le vers.
G. Rosa : Poète ne
signifie pas faiseur de vers.
F. Laurent : Certes, mais
l'idée du poème en prose lui est étrangère.
Ce n'est pas par hasard que Mallarmé dit de lui que " il a été
le vers personnellement ". Finalement, en effet, pour Hugo, le théâtre
n'a pas de parenté linguistique avec la poésie. L'expression
"poésie dramatique " cesse d'être opératoire à
partir du théâtre de Hugo, qui nie la continuité entre
théâtre et poésie.
G. Rosa : Oui, si on identifie
la poésie au vers... mais tout le romantisme dit le contraire.
A. Ubersfeld : Les Misérables
contiennent des poèmes en prose.
F. Laurent : Mais pas écrits
comme tels.
A. Ubersfeld : En vingt
ans de travail sur le théâtre de Hugo, je ne me suis jamais
posé la question des raisons profondes de l'opposition entre vers
et prose. Ce que tu dis, Guy, du théâtre joué, n'est
pas confirmé par le Théâtre en liberté,
où le choix entre vers et prose n'a pas la même signification.
G. Rosa : Ce choix correspond
aux caractéristiques intrinsèques de chaque pièce,
et non à des catégories préétablies. Le sous-genre
" drame en vers " est fabriqué par l'histoire littéraire
contre Hugo, et contre ce qu'il dit explicitement.
V. Wallez : Hugo dit que
la poésie est aussi dans la pensée, laquelle doit toruver
sa forme la plus juste. Le vers ou la prose correspond à la nuance
de la pensée elle-même dans sa production. Peu importent le
vers ou la prose, pour lui.
A. Ubersfeld : Au moment
de la conception du Roi s'amuse et de Lucrèce Borgia,
Hugo a certainement eu la volonté de faire jouer à la Comédie
française un drame en vers (les comédiens français
savaient les dire) mais essentiellement grotesque, tandis qu'un autre théâtre
donnerait une tragédie de princes, mais en prose. Ce traitement
croisé du drame romantique permet à Hugo d'obtenir un théâtre
pour tout le public et pour tous les théâtres. Son choix paraît
orienté par le désir d'investir par le drame tout le champ
du théâtre. Ce point d'histoire littéraire ne répond
pas, pourtant, à la question du choix entre vers et prose.
G. Rosa : La préface
de Lucrèce Borgia affirme qu'il s'agit de la même pièce
que Le Roi s'amuse : au drame de la paternité succède
un drame de la maternité. La division des sexes rend compte aussi
de la séparation entre vers et prose. Les deux explications ne s'excluent
pas.
F. Laurent : Ecrire en vers
constitue un choix essentiel. La coupe dans le vers (surtout si elle est
enjambante) ajoute un accent supplémentaire ; de même, la
césure surajoute un accent. L'alexandrin fait donc qu'au lieu d'une
accentuation très faible, il donne à entendre une accentuation
syntaxique et une accentuation métrique. Il arrive assez fréquemment
qu'on compte six ou sept accents dans un vers de Hugo : la langue devient
hyperexpressive. La question revient alors à savoir pourquoi une
telle langue paraît à Hugo moins essentielle au théâtre
qu'en poésie. Peut-être la réponse est-elle à
chercher dans les habitudes du temps : une pièce ne peut contenir
qu'un seul mètre (exception faite des chansons) alors que la poésie
romantique multiplie les mètres différents. C'est dire que
l'hyperexpressivité des vers est relativement faible dans les limites
imposées par le théâtre de l'époque. Dès
lors, Hugo est amené à considérer que la différence
entre prose et vers au théâtre n'est pas tellement importante.
A. Ubersfeld : Il y a dans
l'écriture du vers un système de pensée différent,
lié en particulier à la multiplication des tropes et au fonctionnement
phonique. Aucun texte en vers dans le théâtre n'y échappe.
Pour autant, il est très difficile de savoir pourquoi Hugo choisit
le vers ou la prose.
G. Rosa : Les fragments
dramatiques mélangent parfois vers et prose.
A. Ubersfeld : Ce n'est
pas contradictoire avec ce que je dis : Hugo commence à écrire
en prose, puis ce mode d'écriture ne correspond plus à sa
pensée, et il passe en vers.
G. Rosa : N'oublions pas
que notre rapport au vers est faussé parce que nous ne savons plus
les dire. Encore moins les faire -tout bachelier, aux années 30,
était capable d'écrire en vers -latins de surcroît.
Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.
Responsable de l'équipe : Guy Rosa.