Présents : Anne Ubersfeld, Guy Rosa, France Vernier, Florence
Naugrette, Bertrand Abraham, Josette Acher, Myriam Roman, Sylvie Vielledent,
Jean-Marc Hovasse, Arnaud Laster, Danièle Casiglia-Laster, Sandrine
Raffin, Chantal Brière, Vincent Wallez, Marieke Stein, Rouschka
Haglund, Stéphane Mahuet, Loïs Cooper, Stéphane Desvignes,
Krishna Renou, Claude Millet, Franck Laurent, Valérie Presselin,
Marguerite Delavalse, Sylviane Robardey-Eppstein.
Excusés : Jacques Seebacher, Delphine Gleizes, Denis
Sellem, Nicole Savy, Véronique Charpentier, Marie Tapié,
Maxime Del Fiol, David Charles et Ludmila Charles-Wurtz, Tony James, Junia
Barreto, Sarah Jacquet, Florence Codet, Françoise Sylvos.
Guy Rosa signale : - un article de Rainier Grutman : "'Besos para
golpes' : l'ambiguïté d'un titre hugolien", dans Les
langues du roman. Du plurilinguisme comme stratégie textuelle,
ouvrage collectif publié aux Presses de l'Université de Montréal
en 1999 sous la direction de Lise Gauvin.
-un article de Myriam Roman, " De L'Homme qui rit à Nana
: mythe, roman, poème "- qui part de la comparaison des personnages
pour analyser le maniement du mythe dans les deux romans- publié
dans Mythe et récit poétique, Presses de l'Université
Blaise Pascal- Clermont Ferrand, 1999, sous la direction de Véronique
Gély.
- et un article d'Agnès Spiquel, " La dissémination du mythe
d'Isis dans les romans hugoliens de l'exil " dans le même recueil.
Franck Laurent annonce dans le prochain numéro de Romantisme, dirigé par Paule Petitier et consacré à l'histoire, son article sur la civilisation européenne, avec " un peu de Hugo " ; il ajoute que la journée sur le drame romantique a donné lieu à la publication d'un recueil aux Editions des Quatre Vents.
Guy Rosa rappelle l'idée de la séance précédente
de publier sur le site du groupe - qui est autonome et connaît un
certain succès - les articles de ses membres, du moins ceux qui
ont été publiés hors contrat et sont alors pleinement
propriétés de leur auteur (cas le plus fréquent).
Ils sont à envoyer sur disquette à G. Rosa : ils seront publiés
sous leur format d'origine, Mac ou PC, mise en page comprise, et téléchargeables
par FTP. Il serait trop longs de les transférer en format HTML -et
ils y perdraient leurs notes. La liste des articles donnera, outre le nom
de l'auteur et le titre, la référence de la publication -si
l'article a été publié. Le site du groupe peut ainsi
devenir un outil scientifique utile : la plupart des articles, même
publiés dans des revues connues, demandent plus de temps pour leur
accès que pour leur lecture.
F. Laurent : Trouvera-t-on un classement par thème ?
G. Rosa : On pourra donner les résumés des articles,
mais pas de recherche par mots-clés, ce qui impliquerait une indexation
longue et surtout inutile puisque le moteur de recherche sur la totalité
du site -comptes rendus de nos séances compris- est déjà
en place. Un essai a été fait avec Claude Millet sur le mot
" épopée ", qui a donné des résultats satisfaisants.
F. Laurent : Il n'est, en revanche, pas possible de télécharger
la chronologie.
Josette Acher : Peut-on faire scanner ses articles ?
F. Laurent : Il est encore très long de scanner et il faut vérifier
le texte.
J. Acher : Peut-on consulter le site à la bibliothèque
du XIXème siècle ?
G. Rosa : Oui, mais ça n'a pas grand intérêt :
tout est sur place et sur papier. En revanche on peut consulter tout le
reste, Frantext ou le site de la B.N.F., par exemple, qui propose enfin
sur Internet la recherche des ouvrages par BN-Opale. Il est possible d'y
effectuer des interrogations par matière, pas seulement par auteur
et par titre.
En l'absence d'Arnaud Laster, en retard, Vincent Wallez signale durant tout le mois de juillet une adaptation des Misérables aux arènes de Lutèce, par Denis Llorca et les Tréteaux de France.
G. Rosa continue le tour de table de la séance précédente
afin de connaître les activités prévues par les membres
du groupe pour le bicentenaire de la naissance de Hugo.
Claude Millet : L'édition de la première série
de la Légende des Siècles au Livre de Poche.
Jean-Marc Hovasse : Je suis en pourparlers avec Fayard pour la biographie,
mais je n'ai encore rien de précis.
France Vernier : A force de célébrer le centenaire de
tout, pourquoi ne fêterait-on pas le centenaire de la conception
de Hugo ? Toutes les minutes, on fête le centenaire de quelque chose.
G. Rosa : Fêter Balzac ou Mallarmé est une méthode
comme une autre d'acculturation. D'ailleurs, souvent, l'on célèbre
plusieurs centenaires par an, comme cette année ou en 1985.
C. Millet : Y aura-t-il un colloque ?
G. Rosa : " Hugo et le journalisme " est une bonne idée, à
retenir : il ne devrais pas être très difficile d'obtenir
qu'un tel colloque soit co-organisé par Le Monde ou Libération,
qui mettraient à disposition leurs moyens de communication et de
financement. Sur le fond, le thème est plus discutable : c'est la
seule forme d'écriture dont Hugo se détourne.
F. Vernier : On peut faire un colloque sur un thème qui n'est
pas traité par un auteur, en se demandant ce qu'il aurait fait et
pourquoi : j'ai l'exemple d'un mémoire de maîtrise sur Platon
et l'Egypte qui tournait autour d'une seule citation.
C. Millet : Tout de même, le Hugo des débuts écrit
dans des journaux, en fonde; plus tard, il a toujours un journal à
son service. Enfin, il y aurait beaucoup à faire sur la réception.
C. Millet : On pourrait donc envisager une journée sur l'écriture
journalistique, une sur l'utilisation de la presse (avec l'Evénement
et Le Rappel) et enfin une troisième sur Hugo comme objet
pour la presse.
G. Rosa : Parfait; c'est comme si c'était fait.
Faut-il songer à un Cerisy? Nous avons un atout important dans
le nombre de personnes du groupe puisque, maintenant, on vient à
Cerisy avec son public, le lieu ayant perdu le pouvoir d'attraction qu'il
avait. Dans ces conditions, le choix du sujet n'importe pas beaucoup :
on le choisit assez large pour n'exclure personne.
J. Acher : Cerisy se ferait avant ou après le centenaire ?
C. Millet : C'est un problème et cela dépend de la place
disponible.
G. Rosa : A moins que Loïs Cooper, une des plus anciennes du groupe
et qui a participé aux prolégomènes du centenaire
de 85, n'invite dans son Université, au Massachusetts, ceux qui
aiment voyager et communiquer en anglais..
L. Cooper : Des professeurs américains ou canadiens seront-ils
invités à Cerisy ?
G. Rosa : S'ils parlent français. Car, beaucoup, désormais,
publient en anglais.
Sylviane Robardey-Eppstein : J'ai besoin de suggestions pour organiser
la commémoration en Suède car le Centre culturel et l'Ambassade
de France à Stockholm sont d'accord sur le principe. Certains membres
seraient-ils prêts.
Florence Naugrette et F. Vernier : D'accord !
G. Rosa : " De ta suite, j'en suis ! ". mais nous n'avons pas des propositions
d'avance.
F. Vernier : On peut mettre en place une exposition.
S. Robardey-Eppstein : Le financement proviendrait de l'Ambassade,
donc du Ministère des Affaires Etrangères, et en partie de
la Suède.
F. Laurent : Les services culturels sont toujours à la recherche
de manifestations, mais ils ne savent pas de quoi.
C. Millet : Un colloque " Victor Hugo et l'Europe " ?
F. Vernier: Déjà fait !
C. Millet : Ou " Victor Hugo et l'Europe du Nord ".
G. Rosa et d'autres membres du groupe : On peut faire toute l'Europe
avec Hugo.
F. Laurent : Il a écrit l'Ode au colonel Gustaffson,
le roi de Suède détrôné par Bernadotte. Dans
Hugo, il y a tout !
Bertrand Abraham : J'ai des contacts au service culturel français
à Gand.
F. Vernier : On peut imaginer, en plus de Stockholm, Amsterdam, Gand.
C. Millet : Le problème n'est pas de savoir où aller
mais quoi dire, et trouver des intérêts convergents.
F. Laurent : Nos interventions peuvent prendre une forme plus souple,
être moins universitaires.
G. Rosa : Il s'agit surtout de faire un effort d'imagination. En 1985,
l'exposition itinérante de Jean Gaudon (des affiches, organisées
en un ordre raisonné et faites pour être reproduites) avait
très bien marché; l'initiative était risquée
et originale.
F. Laurent : A chaque fois, elle donnait lieu à une inauguration,
à des manifestations et des apports locaux, de chaque municipalité.
G. Rosa : Il faut trouver des idées originales, sans refaire
1985. On peut concevoir des manifestations chic, comme des lectures par
des comédiens et un ou deux commentateurs.
Sandrine Raffin : Et une exposition multimédia ?
G. Rosa : Un Cyber-Victor ou une visite virtuelle de Hauteville House
?
B. Abraham : Comme on fêtera en même temps le centenaire
de Berlioz, on pourrait envisager une célébration en commun,
des mélodies sur Hugo par exemple. Cela relancerait le Festival
Berlioz de Lyon, qui décline.
On peut organiser également un événement à
l'Institut néerlandais à Paris et à Amsterdam, avec
l'université d'Utrecht.
Anne Ubersfeld : Mais sur quel thème ? Il existe aussi des possibilités
de célébrer Hugo au Québec l'année avant le
centenaire, pour commodité.
G. Rosa : Mais on travaille très peu sur Hugo au Canada.
B. Abraham : En Suède non plus.
F. Naugrette : Pourquoi pas " Hugo et la langue " ?
G. Rosa : Très bonne idée. C'est un sujet très
difficile : une ou deux thèses qui l'abordaient n'ont pas abouti.
On peut partir du célèbre travail de Meschonnic: "Ce que
Hugo dit de la langue". Je n'en connais pas en cours, sinon celui de Rainier
Grutman, qui s'y insérerait très bien.
Plusieurs marques d'approbation et d'intérêt conduisent
l'assemblée à décider d'adopter ce sujet comme thème
non limitatif mais incitatif pour le groupe Hugo de l'année prochaine.
G. Rosa : Mieux vaut éviter de penser la commémoration
selon nos désirs de voyages -un thème de colloque pourrait
être le carnaval : tournée des carnavals mondiaux !- et réfléchir
à des objets : celui de la guerre est assez " mode " mais intéressant
; un " Hugo et la pensée positiviste " serait également utile.
Stéphane Mahuet : Et une nouvelle édition d'Actes
et Paroles ?
F. Laurent : La question politique n'est pas définitivement
traitée, alors que l'on note un regain d'intérêt du
côté des jeunes comme l'a prouvé la participation des
20-25 ans aux élections européennes.
C. Millet : " Hugo et la langue " ou " Hugo et la guerre " sont de
bons thèmes.
G. Rosa : Il faudrait que les membres du groupe libres, c'est-à-dire
hors thèse, y réfléchissent, se "mobilisent".
Autre question : doit-on prendre des initiatives pour une édition
des ouvres complètes ? Ce type d'édition a une durée
de vie relativement faible: Bouquins arrivait quinze ans après Massin;
mais Massin n'était plus commercialisée, Laffont-Bouquins
semble l'être encore. Le problème de base est le croisement
avec une édition électronique pour laquelle il me semble
qu'il est encore trop tôt. Les balzaciens l'ont réalisée
trop vite, à un moment où la technique éditoriale
(pas le matériel, mais la conception) n'est pas encore au point.
Cette perspective bloque l'édition complète papier. Contrairement
à 1985, il n'y a pas non plus de volonté politique pour une
nouvelle édition, qui coûte cher, sans grand bénéfice
politique. Ces raisons me semblent écarter mise en chantier d'une
nouvelle édition complète.
En revanche, cela vaudrait la peine de s'intéresser aux adaptations
cinématographiques : en 1985 on avait donné, ici et là,
plusieurs projections d'anciens films, mais sans perspective concertée
de travail.
A. Ubersfeld : Paris III avait réalisé une exposition
" Hugo, théâtre, cinéma, télévision "
avec de nombreuses photos. Cette exposition existe toujours et serait seulement
à enrichir avec tout ce qui a été réalisé
depuis.
F. Vernier : Cela serait excellent pour Stockholm.
C. Millet, d'accord avec G. Rosa sur l'intérêt d'une initiative
organisée -série de projections -commentées le cas
échéant, exposition, journées d'étude- propose
de se mettre en contact avec l'Institut Louis Lumière à Lyon.
G. Rosa propose d'y associer, s'il le souhaite, l'équipe dix-neuvièmiste
de l'université Lyon II, menée par Philippe Régnier.
La proposition est bien accueillie.
Sont donc retenues les trois idées : la presse, la langue, la guerre. On précisera les choses à la rentrée.
France Vernier précise que cette communication a été faite lors d'un colloque " Linguistique et littérature ", où elle a porté la bonne parole hugolienne.
G. Rosa : On connaît une édition de poche anglaise ou américaine
des Misérables (sans doute Penguin) où " Parenthèse
" ne figure pas dans le texte mais à la fin, en annexe.
F. Vernier : De même, les films ne peuvent pas intégrer
ces morceaux à leur intrigue, qui ne conserve que l'histoire de
Valjean, le plus souvent, et de Cosette : l'adaptation de Marcel Bluwal
n'y échappe pas.
A. Laster : En général, on coupe la scène avec
Petit-Gervais dans les adaptations.
Sylvie Vielledent : Sauf dans le film de Le Channois.
F. Vernier : Dans L'Education sentimentale, la révolution
de 1848 est vue à travers le personnage : cette focalisation permet
au lecteur de ressentir ce qu'a ressenti le personnage. Stendhal, dans
La Chartreuse de Parme a utilisé le même procédé,
Joyce aussi. Chez Hugo, c'est l'inverse : il instaure avec Les Misérables
une rupture très moderne.
G. Rosa : Le problème tient au statut des ajouts génétiques
: sont-ils ou non des ajouts "littéraires"? Or cela concerne un
nombre considérable d'éléments parce que Les Misérables
sont écrits par "augmentation" dès avant la seconde phase
de rédaction. Sont ajoutés, par exemple, Théodule,
Tholomyès, et tout le " double quatuor ". Si bien qu'on constate
un dégradé d'ajouts perceptibles, du manifeste jusqu'au non
repérable. Un critère de différenciation serait peut-être
à chercher dans le fait que les adaptations les suppriment ou non.
F. Vernier : C'est une procédure narrative contraignante.
A. Ubersfeld : L'ajout est aussi une procédure mentale ; elle
est à l'ouvre dans tous les poèmes un peu longs : cela dépasse
le problème de la structure du roman.
F. Vernier : Ce que tu appelles structure mentale touche au rapport
qu'entretient Hugo avec la langue : elle constitue pour lui un langage
institué, dont il a la prescience des préjugés.
A. Ubersfeld : Elle implique aussi une façon de voir le monde.
F. Vernier : Son projet excluait ce qu'il était possible de
faire, comme sa vision du monde était incompatible avec ce qu'il
voulait faire.
A. Ubersfeld : Son mode d'écriture suppose le saut.
F. Vernier : Oui, ou un ajout d'élément qui appartient
à un ensemble stratégique.
A. Ubersfeld : Il s'agit du saut d'une méditation critique à
un élément du monde ; la méditation peut être
appelée par un événement ou pas.
G. Rosa : Il faut rappeler, pour la poésie, l'étude d'Yves
Gohin, dans Littérature, sur le genèse de A celle
qui est voilée, où il analyse la structure cumulative
de l'écriture de Hugo. On sait aussi qu'à partir d'une certaine
date, il écrit sur la partie droite de la feuille, celle de gauche
étant réservée aux ajouts ultérieurs. Ce dispositif
d'écriture s'applique au roman et à la poésie, pas
au théâtre, écrit d'un seul jet.
A. Laster : Mais il y a des ajouts pour Mille francs de récompense.
C. Millet : Un ajout se fait par rapport à une structure romanesque
normative. Comme l'a dit France Vernier, une première phrase peut
être un ajout. Il est cependant frappant que l'introduction et la
justification de l'ajout chez Hugo ne fonctionnent pas du tout de la même
façon que chez Balzac, selon les exemples cités. Chez Balzac,
l'ajout s'écarte du code de la conversation, et l'auteur s'excuse
en quelque sorte d'être cuistre, sur un ton poli. Balzac fait référence
à des codes sociaux et non littéraires. Chez Hugo, l'ajout
rompt avec la norme romanesque, mais s'inscrit aussi dans le rapport à
la question du fini et de l'infini, du chaotique et de ce qui donne de
l'ordre. Ainsi l'Archipel de la Manche met en jeu la maîtrise
du détail, de l'infiniment petit et divers.
A. Laster : Comme " L'année 1817 ".
C. Millet : D'où les problèmes d'édition de ce
texte. La question de savoir où l'ouvre commence et où elle
finit est la même : ce texte lui appartient-il ou pas ? Est-ce une
addition au sens, ou peut-on (doit-on) le lire de manière autonome
?
Danièle Casiglia-Laster : Les additions de Notre-Dame de
Paris (et de Claude Gueux, ajoute A. Laster) sont si importantes
qu'elles posent le problème de savoir ce qui est ajouté à
quoi.
C. Millet : Mais jusqu'où puis-je ajouter sans que la forme
n'éclate ? On voit bien que cela ne concerne pas Balzac.
G. Rosa : Hugo est en cela très embarrassant pour une pensée
structuraliste car il propose à la fois le tas et le monument. Il
se présente comme un écrivain architecte et un entasseur,
deux statuts a priori incompatibles.
A. Laster : Comme il est vu plutôt comme un architecte, avec
les métaphores connues du monument et de la cathédrale, public
et critique sont déçus.
G. Rosa : La préface " Commencement d'un livre " n'est pas un
ajout et n'en contient pas, mais fonctionne comme un entassement. Effectivement,
on n'ose guère dire que Hugo entasse.
V. Wallez : Pour construire le monument, il prend dans le tas.
A. Laster : René Journet l'a montré : il prend puis raye.
G. Rosa : Ecrivez-vous par ajout ? Pas moi.
V. Wallez : La grande ouvre réalisée par accumulation
et constituée en modèle est la Bible, ainsi que d'autres
livres orientaux.
G. Rosa : Oui, comme l'Iliade et l'Odyssée, qui
sont des rhapsodies.
V. Wallez : Et aussi des récits enchâssés. Quels
sont les auteurs qui prennent dans leurs propres écrits pour créer
une autre ouvre : Cohen, peut-être ?
G. Rosa : Chateaubriand.
D. Casiglia-Laster : Marguerite Yourcenar.
G. Rosa : On trouve dans les Mémoires d'outre-tombe,
pour l'histoire de Napoléon, un effet de rupture, de décalage,
aussi violent que dans les Misérables. Mais d'un point de
vue génétique, Balzac pose problème car il écrit
par ajouts successifs, contrairement à Flaubert et plus encore que
Hugo.
D. Casiglia-Laster : Est-ce que la plupart des écrivains n'écrivent
pas par ajout ? Proust est passé de trois à sept volumes
de La Recherche en y insérant des romans.
J. Acher : France Vernier n'entendait pas " ajout " en ce sens.
G. Rosa : Il faut faire la différence entre l'ajout qui fonctionne
en disjonction et celui qui fonctionne par amplification. En ce sens, il
doit y avoir des ajouts négatifs, des trous. Qu'en est-il chez Hugo
?
A. Laster : Le tombeau de Léopoldine dans Les Contemplations.
J. Acher : Ce qu'a fait Thénardier entre Waterloo et Montfermeil.
G. Rosa : Les Misérables le disent : " Rompre le fil
semble être l'instinct de certaines familles ".
V. Wallez : Et ce que deviennent les uns et les autres.
G. Rosa : La biographie de Myriel comporte une lacune importante que
Hugo signale : le roman de la jeunesse de Myriel reste à écrire.
A. Laster : " Au temps où il s'appelait encore Muriel ", comme
l'a écrit une de mes étudiantes.
Stéphane Desvignes : Le deuxième acte de la première
partie de Torquemada a été déplacé selon
les éditions, du vivant de Hugo. Cet acte a changé de place
jusqu'à l'établissement de l'édition Hetzel-Quantin
en 1882.
G. Rosa : Et Hugo ne s'en est pas aperçu ?
A. Laster : Ce problème est rappelé dans la préface
de l'édition Bouquins.
S. Desvignes : Il faudrait aller voir dans la correspondance de l'époque.
A. Laster : On a beaucoup discuté sur l'opportunité de
cet acte : doit-il être intégré ou non ?
V. Wallez : Cromwell aurait-il été écrit
par ajouts ?
Le groupe regrette le départ trop rapide de la conférencière
pour continuer le débat. " Vers la fin de l'après-midi, A.
Laster fait des calembours ", tandis que la conversation continue avec
des précisions sur le personnage de Hugo orateur, résumées
par G. Rosa pour Marieke Stein (que l'on n'a malheureusement plus le temps
d'entendre) et avec d'autres anecdotes sur la vie de Hugo.
G. Rosa : M. Stein a fait des découvertes d'histoire littéraire
sur Hugo orateur, en lisant les journaux de l'époque : il avait
une voix "basse" : faible ou grave? Très beau, il est également
très bien habillé, avec une élégance un peu
désuète - surtout après 1870. Variations curieuses
: Juliette remarque qu'il s'occupe attentivement de sa personne après
1840, et on connaît bien son débraillé de l'exil.
S. Robardey-Eppstein : Est-ce vrai qu'il aimait porter des sous-vêtements
rouges ?
Laster : Claude Pasteur le dit, après avoir interviewé
ses descendants.
V. Wallez : Richard Lesclide aussi.
Laster : Il s'habillait à La Belle Jardinière.
V. Wallez : Et il se rasait de près dans ses jeunes années,
à l'inverse de la mode.
Laster : Il mettait de l'eau dans son vin.
M. Stein : Il aimait les harengs.
J. Acher : Et l'anecdote qui raconte qu'il mangeait les oranges avec
la peau ?
G. Rosa : Pour faire rire les enfants; c'est comme le "gribouillis"
: un côté ogre et enfant sale.
D. Casiglia-Laster : Il paraît qu'il ramassait les épluchures.
Laster : Il aurait eu une grande discussion avec Balzac sur le guano.
La prochaine séance du groupe est fixée le 18 septembre. D'ici là chacun souhaite à tous "bonne écriture" et bonnes vacances.
Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.
Responsable de l'équipe : Guy Rosa.