GROUPE HUGO

Equipe de recherche "Littérature et civilisation du XIX° siècle"

SEANCE du 19 juin 1999

Présents : Anne Ubersfeld, Guy Rosa, France Vernier, Florence Naugrette, Bertrand Abraham, Josette Acher, Myriam Roman, Sylvie Vielledent, Jean-Marc Hovasse, Arnaud Laster, Danièle Casiglia-Laster, Sandrine Raffin, Chantal Brière, Vincent Wallez, Marieke Stein, Rouschka Haglund, Stéphane Mahuet, Loïs Cooper, Stéphane Desvignes, Krishna Renou, Claude Millet, Franck Laurent, Valérie Presselin, Marguerite Delavalse, Sylviane Robardey-Eppstein.
Excusés : Jacques Seebacher, Delphine Gleizes, Denis Sellem, Nicole Savy, Véronique Charpentier, Marie Tapié, Maxime Del Fiol, David Charles et Ludmila Charles-Wurtz, Tony James, Junia Barreto, Sarah Jacquet, Florence Codet, Françoise Sylvos.


Informations Publications

Guy Rosa signale : - un article de Rainier Grutman : "'Besos para golpes' : l'ambiguïté d'un titre hugolien", dans Les langues du roman. Du plurilinguisme comme stratégie textuelle, ouvrage collectif publié aux Presses de l'Université de Montréal en 1999 sous la direction de Lise Gauvin.
                              -un article de Myriam Roman, " De L'Homme qui rit à Nana : mythe, roman, poème "- qui part de la comparaison des personnages pour analyser le maniement du mythe dans les deux romans- publié dans Mythe et récit poétique, Presses de l'Université Blaise Pascal- Clermont Ferrand, 1999, sous la direction de Véronique Gély.
                              - et un article d'Agnès Spiquel, " La dissémination du mythe d'Isis dans les romans hugoliens de l'exil " dans le même recueil.

Franck Laurent annonce dans le prochain numéro de Romantisme, dirigé par Paule Petitier et consacré à l'histoire, son article sur la civilisation européenne, avec " un peu de Hugo " ; il ajoute que la journée sur le drame romantique a donné lieu à la publication d'un recueil aux Editions des Quatre Vents.

Site du groupe Hugo

Guy Rosa rappelle l'idée de la séance précédente de publier sur le site du groupe - qui est autonome et connaît un certain succès - les articles de ses membres, du moins ceux qui ont été publiés hors contrat et sont alors pleinement propriétés de leur auteur (cas le plus fréquent). Ils sont à envoyer sur disquette à G. Rosa : ils seront publiés sous leur format d'origine, Mac ou PC, mise en page comprise, et téléchargeables par FTP. Il serait trop longs de les transférer en format HTML -et ils y perdraient leurs notes. La liste des articles donnera, outre le nom de l'auteur et le titre, la référence de la publication -si l'article a été publié. Le site du groupe peut ainsi devenir un outil scientifique utile : la plupart des articles, même publiés dans des revues connues, demandent plus de temps pour leur accès que pour leur lecture.
F. Laurent : Trouvera-t-on un classement par thème ?
G. Rosa : On pourra donner les résumés des articles, mais pas de recherche par mots-clés, ce qui impliquerait une indexation longue et surtout inutile puisque le moteur de recherche sur la totalité du site -comptes rendus de nos séances compris- est déjà en place. Un essai a été fait avec Claude Millet sur le mot " épopée ", qui a donné des résultats satisfaisants.
F. Laurent : Il n'est, en revanche, pas possible de télécharger la chronologie.
Josette Acher : Peut-on faire scanner ses articles ?
F. Laurent : Il est encore très long de scanner et il faut vérifier le texte.
J. Acher : Peut-on consulter le site à la bibliothèque du XIXème siècle ?
G. Rosa : Oui, mais ça n'a pas grand intérêt : tout est sur place et sur papier. En revanche on peut consulter tout le reste, Frantext ou le site de la B.N.F., par exemple, qui propose enfin sur Internet la recherche des ouvrages par BN-Opale. Il est possible d'y effectuer des interrogations par matière, pas seulement par auteur et par titre.

Spectacle

En l'absence d'Arnaud Laster, en retard, Vincent Wallez signale durant tout le mois de juillet une adaptation des Misérables aux arènes de Lutèce, par Denis Llorca et les Tréteaux de France.

A propos de 2002 (suite)

G. Rosa continue le tour de table de la séance précédente afin de connaître les activités prévues par les membres du groupe pour le bicentenaire de la naissance de Hugo.
Claude Millet : L'édition de la première série de la Légende des Siècles au Livre de Poche.
Jean-Marc Hovasse : Je suis en pourparlers avec Fayard pour la biographie, mais je n'ai encore rien de précis.
France Vernier : A force de célébrer le centenaire de tout, pourquoi ne fêterait-on pas le centenaire de la conception de Hugo ? Toutes les minutes, on fête le centenaire de quelque chose.
G. Rosa : Fêter Balzac ou Mallarmé est une méthode comme une autre d'acculturation. D'ailleurs, souvent, l'on célèbre plusieurs centenaires par an, comme cette année ou en 1985.
C. Millet : Y aura-t-il un colloque ?
G. Rosa : " Hugo et le journalisme " est une bonne idée, à retenir : il ne devrais pas être très difficile d'obtenir qu'un tel colloque soit co-organisé par Le Monde ou Libération, qui mettraient à disposition leurs moyens de communication et de financement. Sur le fond, le thème est plus discutable : c'est la seule forme d'écriture dont Hugo se détourne.
F. Vernier : On peut faire un colloque sur un thème qui n'est pas traité par un auteur, en se demandant ce qu'il aurait fait et pourquoi : j'ai l'exemple d'un mémoire de maîtrise sur Platon et l'Egypte qui tournait autour d'une seule citation.
C. Millet : Tout de même, le Hugo des débuts écrit dans des journaux, en fonde; plus tard, il a toujours un journal à son service. Enfin, il y aurait beaucoup à faire sur la réception.
C. Millet : On pourrait donc envisager une journée sur l'écriture journalistique, une sur l'utilisation de la presse (avec l'Evénement et Le Rappel) et enfin une troisième sur Hugo comme objet pour la presse.
G. Rosa : Parfait; c'est comme si c'était fait.

Faut-il songer à un Cerisy? Nous avons un atout important dans le nombre de personnes du groupe puisque, maintenant, on vient à Cerisy avec son public, le lieu ayant perdu le pouvoir d'attraction qu'il avait. Dans ces conditions, le choix du sujet n'importe pas beaucoup : on le choisit assez large pour n'exclure personne.
J. Acher : Cerisy se ferait avant ou après le centenaire ?
C. Millet : C'est un problème et cela dépend de la place disponible.
G. Rosa : A moins que Loïs Cooper, une des plus anciennes du groupe et qui a participé aux prolégomènes du centenaire de 85, n'invite dans son Université, au Massachusetts, ceux qui aiment voyager et communiquer en anglais..
L. Cooper : Des professeurs américains ou canadiens seront-ils invités à Cerisy ?
G. Rosa : S'ils parlent français. Car, beaucoup, désormais, publient en anglais.
Sylviane Robardey-Eppstein : J'ai besoin de suggestions pour organiser la commémoration en Suède car le Centre culturel et l'Ambassade de France à Stockholm sont d'accord sur le principe. Certains membres seraient-ils prêts.
Florence Naugrette et F. Vernier : D'accord !
G. Rosa : " De ta suite, j'en suis ! ". mais nous n'avons pas des propositions d'avance.
F. Vernier : On peut mettre en place une exposition.
S. Robardey-Eppstein : Le financement proviendrait de l'Ambassade, donc du Ministère des Affaires Etrangères, et en partie de la Suède.
F. Laurent : Les services culturels sont toujours à la recherche de manifestations, mais ils ne savent pas de quoi.
C. Millet : Un colloque " Victor Hugo et l'Europe " ?
F. Vernier: Déjà fait !
C. Millet : Ou " Victor Hugo et l'Europe du Nord ".
G. Rosa et d'autres membres du groupe : On peut faire toute l'Europe avec Hugo.
F. Laurent : Il a écrit l'Ode au colonel Gustaffson, le roi de Suède détrôné par Bernadotte. Dans Hugo, il y a tout !
Bertrand Abraham : J'ai des contacts au service culturel français à Gand.
F. Vernier : On peut imaginer, en plus de Stockholm, Amsterdam, Gand.
C. Millet : Le problème n'est pas de savoir où aller mais quoi dire, et trouver des intérêts convergents.
F. Laurent : Nos interventions peuvent prendre une forme plus souple, être moins universitaires.
G. Rosa : Il s'agit surtout de faire un effort d'imagination. En 1985, l'exposition itinérante de Jean Gaudon (des affiches, organisées en un ordre raisonné et faites pour être reproduites) avait très bien marché; l'initiative était risquée et originale.
F. Laurent : A chaque fois, elle donnait lieu à une inauguration, à des manifestations et des apports locaux, de chaque municipalité.
G. Rosa : Il faut trouver des idées originales, sans refaire 1985. On peut concevoir des manifestations chic, comme des lectures par des comédiens et un ou deux commentateurs.
Sandrine Raffin : Et une exposition multimédia ?
G. Rosa : Un Cyber-Victor ou une visite virtuelle de Hauteville House ?
B. Abraham : Comme on fêtera en même temps le centenaire de Berlioz, on pourrait envisager une célébration en commun, des mélodies sur Hugo par exemple. Cela relancerait le Festival Berlioz de Lyon, qui décline.
On peut organiser également un événement à l'Institut néerlandais à Paris et à Amsterdam, avec l'université d'Utrecht.
Anne Ubersfeld : Mais sur quel thème ? Il existe aussi des possibilités de célébrer Hugo au Québec l'année avant le centenaire, pour commodité.
G. Rosa : Mais on travaille très peu sur Hugo au Canada.
B. Abraham : En Suède non plus.
F. Naugrette : Pourquoi pas " Hugo et la langue " ?
G. Rosa : Très bonne idée. C'est un sujet très difficile : une ou deux thèses qui l'abordaient n'ont pas abouti. On peut partir du célèbre travail de Meschonnic: "Ce que Hugo dit de la langue". Je n'en connais pas en cours, sinon celui de Rainier Grutman, qui s'y insérerait très bien.
Plusieurs marques d'approbation et d'intérêt conduisent l'assemblée à décider d'adopter ce sujet comme thème non limitatif mais incitatif pour le groupe Hugo de l'année prochaine.

 

G. Rosa : Mieux vaut éviter de penser la commémoration selon nos désirs de voyages -un thème de colloque pourrait être le carnaval : tournée des carnavals mondiaux !- et réfléchir à des objets : celui de la guerre est assez " mode " mais intéressant ; un " Hugo et la pensée positiviste " serait également utile.
Stéphane Mahuet : Et une nouvelle édition d'Actes et Paroles ?
F. Laurent : La question politique n'est pas définitivement traitée, alors que l'on note un regain d'intérêt du côté des jeunes comme l'a prouvé la participation des 20-25 ans aux élections européennes.
C. Millet : " Hugo et la langue " ou " Hugo et la guerre " sont de bons thèmes.
G. Rosa : Il faudrait que les membres du groupe libres, c'est-à-dire hors thèse, y réfléchissent, se "mobilisent".

 

Autre question : doit-on prendre des initiatives pour une édition des ouvres complètes ? Ce type d'édition a une durée de vie relativement faible: Bouquins arrivait quinze ans après Massin; mais Massin n'était plus commercialisée, Laffont-Bouquins semble l'être encore. Le problème de base est le croisement avec une édition électronique pour laquelle il me semble qu'il est encore trop tôt. Les balzaciens l'ont réalisée trop vite, à un moment où la technique éditoriale (pas le matériel, mais la conception) n'est pas encore au point. Cette perspective bloque l'édition complète papier. Contrairement à 1985, il n'y a pas non plus de volonté politique pour une nouvelle édition, qui coûte cher, sans grand bénéfice politique. Ces raisons me semblent écarter mise en chantier d'une nouvelle édition complète.
En revanche, cela vaudrait la peine de s'intéresser aux adaptations cinématographiques : en 1985 on avait donné, ici et là, plusieurs projections d'anciens films, mais sans perspective concertée de travail.
A. Ubersfeld : Paris III avait réalisé une exposition " Hugo, théâtre, cinéma, télévision " avec de nombreuses photos. Cette exposition existe toujours et serait seulement à enrichir avec tout ce qui a été réalisé depuis.
F. Vernier : Cela serait excellent pour Stockholm.
C. Millet, d'accord avec G. Rosa sur l'intérêt d'une initiative organisée -série de projections -commentées le cas échéant, exposition, journées d'étude- propose de se mettre en contact avec l'Institut Louis Lumière à Lyon. G. Rosa propose d'y associer, s'il le souhaite, l'équipe dix-neuvièmiste de l'université Lyon II, menée par Philippe Régnier. La proposition est bien accueillie.

 

Sont donc retenues les trois idées : la presse, la langue, la guerre. On précisera les choses à la rentrée.


Communication de France Vernier, " La stratégie de l'ajout dans les Misérables " (voir texte joint)


France Vernier précise que cette communication a été faite lors d'un colloque " Linguistique et littérature ", où elle a porté la bonne parole hugolienne.

Débat

G. Rosa : On connaît une édition de poche anglaise ou américaine des Misérables (sans doute Penguin) où " Parenthèse " ne figure pas dans le texte mais à la fin, en annexe.
F. Vernier : De même, les films ne peuvent pas intégrer ces morceaux à leur intrigue, qui ne conserve que l'histoire de Valjean, le plus souvent, et de Cosette : l'adaptation de Marcel Bluwal n'y échappe pas.
A. Laster : En général, on coupe la scène avec Petit-Gervais dans les adaptations.
Sylvie Vielledent : Sauf dans le film de Le Channois.
F. Vernier : Dans L'Education sentimentale, la révolution de 1848 est vue à travers le personnage : cette focalisation permet au lecteur de ressentir ce qu'a ressenti le personnage. Stendhal, dans La Chartreuse de Parme a utilisé le même procédé, Joyce aussi. Chez Hugo, c'est l'inverse : il instaure avec Les Misérables une rupture très moderne.
G. Rosa : Le problème tient au statut des ajouts génétiques : sont-ils ou non des ajouts "littéraires"? Or cela concerne un nombre considérable d'éléments parce que Les Misérables sont écrits par "augmentation" dès avant la seconde phase de rédaction. Sont ajoutés, par exemple, Théodule, Tholomyès, et tout le " double quatuor ". Si bien qu'on constate un dégradé d'ajouts perceptibles, du manifeste jusqu'au non repérable. Un critère de différenciation serait peut-être à chercher dans le fait que les adaptations les suppriment ou non.
F. Vernier : C'est une procédure narrative contraignante.
A. Ubersfeld : L'ajout est aussi une procédure mentale ; elle est à l'ouvre dans tous les poèmes un peu longs : cela dépasse le problème de la structure du roman.
F. Vernier : Ce que tu appelles structure mentale touche au rapport qu'entretient Hugo avec la langue : elle constitue pour lui un langage institué, dont il a la prescience des préjugés.
A. Ubersfeld : Elle implique aussi une façon de voir le monde.
F. Vernier : Son projet excluait ce qu'il était possible de faire, comme sa vision du monde était incompatible avec ce qu'il voulait faire.
A. Ubersfeld : Son mode d'écriture suppose le saut.
F. Vernier : Oui, ou un ajout d'élément qui appartient à un ensemble stratégique.
A. Ubersfeld : Il s'agit du saut d'une méditation critique à un élément du monde ; la méditation peut être appelée par un événement ou pas.
G. Rosa : Il faut rappeler, pour la poésie, l'étude d'Yves Gohin, dans Littérature, sur le genèse de A celle qui est voilée, où il analyse la structure cumulative de l'écriture de Hugo. On sait aussi qu'à partir d'une certaine date, il écrit sur la partie droite de la feuille, celle de gauche étant réservée aux ajouts ultérieurs. Ce dispositif d'écriture s'applique au roman et à la poésie, pas au théâtre, écrit d'un seul jet. A. Laster : Mais il y a des ajouts pour Mille francs de récompense.

 

C. Millet : Un ajout se fait par rapport à une structure romanesque normative. Comme l'a dit France Vernier, une première phrase peut être un ajout. Il est cependant frappant que l'introduction et la justification de l'ajout chez Hugo ne fonctionnent pas du tout de la même façon que chez Balzac, selon les exemples cités. Chez Balzac, l'ajout s'écarte du code de la conversation, et l'auteur s'excuse en quelque sorte d'être cuistre, sur un ton poli. Balzac fait référence à des codes sociaux et non littéraires. Chez Hugo, l'ajout rompt avec la norme romanesque, mais s'inscrit aussi dans le rapport à la question du fini et de l'infini, du chaotique et de ce qui donne de l'ordre. Ainsi l'Archipel de la Manche met en jeu la maîtrise du détail, de l'infiniment petit et divers.
A. Laster : Comme " L'année 1817 ".
C. Millet : D'où les problèmes d'édition de ce texte. La question de savoir où l'ouvre commence et où elle finit est la même : ce texte lui appartient-il ou pas ? Est-ce une addition au sens, ou peut-on (doit-on) le lire de manière autonome ?
Danièle Casiglia-Laster : Les additions de Notre-Dame de Paris (et de Claude Gueux, ajoute A. Laster) sont si importantes qu'elles posent le problème de savoir ce qui est ajouté à quoi.
C. Millet : Mais jusqu'où puis-je ajouter sans que la forme n'éclate ? On voit bien que cela ne concerne pas Balzac.
G. Rosa : Hugo est en cela très embarrassant pour une pensée structuraliste car il propose à la fois le tas et le monument. Il se présente comme un écrivain architecte et un entasseur, deux statuts a priori incompatibles.
A. Laster : Comme il est vu plutôt comme un architecte, avec les métaphores connues du monument et de la cathédrale, public et critique sont déçus.
G. Rosa : La préface " Commencement d'un livre " n'est pas un ajout et n'en contient pas, mais fonctionne comme un entassement. Effectivement, on n'ose guère dire que Hugo entasse.
V. Wallez : Pour construire le monument, il prend dans le tas.
A. Laster : René Journet l'a montré : il prend puis raye.
G. Rosa : Ecrivez-vous par ajout ? Pas moi.
V. Wallez : La grande ouvre réalisée par accumulation et constituée en modèle est la Bible, ainsi que d'autres livres orientaux.
G. Rosa : Oui, comme l'Iliade et l'Odyssée, qui sont des rhapsodies.
V. Wallez : Et aussi des récits enchâssés. Quels sont les auteurs qui prennent dans leurs propres écrits pour créer une autre ouvre : Cohen, peut-être ?
G. Rosa : Chateaubriand.
D. Casiglia-Laster : Marguerite Yourcenar.
G. Rosa : On trouve dans les Mémoires d'outre-tombe, pour l'histoire de Napoléon, un effet de rupture, de décalage, aussi violent que dans les Misérables. Mais d'un point de vue génétique, Balzac pose problème car il écrit par ajouts successifs, contrairement à Flaubert et plus encore que Hugo.
D. Casiglia-Laster : Est-ce que la plupart des écrivains n'écrivent pas par ajout ? Proust est passé de trois à sept volumes de La Recherche en y insérant des romans.
J. Acher : France Vernier n'entendait pas " ajout " en ce sens.
G. Rosa : Il faut faire la différence entre l'ajout qui fonctionne en disjonction et celui qui fonctionne par amplification. En ce sens, il doit y avoir des ajouts négatifs, des trous. Qu'en est-il chez Hugo ?
A. Laster : Le tombeau de Léopoldine dans Les Contemplations.
J. Acher : Ce qu'a fait Thénardier entre Waterloo et Montfermeil.
G. Rosa : Les Misérables le disent : " Rompre le fil semble être l'instinct de certaines familles ".
V. Wallez : Et ce que deviennent les uns et les autres.
G. Rosa : La biographie de Myriel comporte une lacune importante que Hugo signale : le roman de la jeunesse de Myriel reste à écrire.
A. Laster : " Au temps où il s'appelait encore Muriel ", comme l'a écrit une de mes étudiantes.
Stéphane Desvignes : Le deuxième acte de la première partie de Torquemada a été déplacé selon les éditions, du vivant de Hugo. Cet acte a changé de place jusqu'à l'établissement de l'édition Hetzel-Quantin en 1882.
G. Rosa : Et Hugo ne s'en est pas aperçu ?
A. Laster : Ce problème est rappelé dans la préface de l'édition Bouquins.
S. Desvignes : Il faudrait aller voir dans la correspondance de l'époque.
A. Laster : On a beaucoup discuté sur l'opportunité de cet acte : doit-il être intégré ou non ?
V. Wallez : Cromwell aurait-il été écrit par ajouts ?

 

Le groupe regrette le départ trop rapide de la conférencière pour continuer le débat. " Vers la fin de l'après-midi, A. Laster fait des calembours ", tandis que la conversation continue avec des précisions sur le personnage de Hugo orateur, résumées par G. Rosa pour Marieke Stein (que l'on n'a malheureusement plus le temps d'entendre) et avec d'autres anecdotes sur la vie de Hugo.
G. Rosa : M. Stein a fait des découvertes d'histoire littéraire sur Hugo orateur, en lisant les journaux de l'époque : il avait une voix "basse" : faible ou grave? Très beau, il est également très bien habillé, avec une élégance un peu désuète - surtout après 1870. Variations curieuses : Juliette remarque qu'il s'occupe attentivement de sa personne après 1840, et on connaît bien son débraillé de l'exil.
S. Robardey-Eppstein : Est-ce vrai qu'il aimait porter des sous-vêtements rouges ?
Laster : Claude Pasteur le dit, après avoir interviewé ses descendants.
V. Wallez : Richard Lesclide aussi.
Laster : Il s'habillait à La Belle Jardinière.
V. Wallez : Et il se rasait de près dans ses jeunes années, à l'inverse de la mode.
Laster : Il mettait de l'eau dans son vin.
M. Stein : Il aimait les harengs.
J. Acher : Et l'anecdote qui raconte qu'il mangeait les oranges avec la peau ?
G. Rosa : Pour faire rire les enfants; c'est comme le "gribouillis" : un côté ogre et enfant sale.
D. Casiglia-Laster : Il paraît qu'il ramassait les épluchures.
Laster : Il aurait eu une grande discussion avec Balzac sur le guano.
 

Sandrine Raffin

 

La prochaine séance du groupe est fixée le 18 septembre. D'ici là chacun souhaite à tous "bonne écriture" et bonnes vacances.


Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.

Responsable de l'équipe : Guy Rosa.