Equipe de recherche "Littérature et civilisation du XIX° siècle"
Présents : Florence Naugrette, Philippe Andrès, Bertrand Abraham, Josette Acher, Myriam Roman, Sylvie Vielledent, Jean-Marc Hovasse, Delphine Gleizes, Sandrine Raffin, Chantal Brière, Véronique Charpentier, Junia Barreto, Jean-Pierre Vidal, Marieke Stein, Denis Sellem-Bassov, Christine Mercandier-Collard, Bernard Degout, Stéphane Desvignes, Krishna Renou, Guy Rosa, Laurent Fédi, Marguerite Delavalse, Marie Tapié, Stéphane Mahuet, Florence Codet, Franck Laurent.
Excusés : Arnaud Laster, Jacques Seebacher, Vincent Wallez, Anne Ubersfeld, Claude Millet, David Charles, Ludmila Wurtz, Rouschka Haglund (qui précise que la version de lHomme qui rit de Paul Léni proposée à la Cinémathèque était une réussite).
Deux titres de grande presse affichent Victor Hugo en première page, Le Nouvel Observateur (n°1790, 22/01/1999) qui titre " Victor Hugo superstar ", et Maisons Côté Ouest (n°20, février 1999) qui propose une promenade à Guernesey. Le premier, avec un retard comparable à celui qu'il avait 15 ans plus tôt, présente un Hugo tout en cuir, " punk ", identique à son image de 1985, année où, pour la commémoration du centenaire, le même journal vilipendait le vieux poète "ringard" de la Troisième République. Côté Ouest donne de très belles photos de Hauteville-House (et multiplie les erreurs factuelles).
La Revue du Musée dOrsay, printemps 1999, n°8, qui
vient de paraître, contient un article de G. Rosa : " Hugo
en 1848 : de quel côté de la barricade ? ".
Sylvie Jeanneret signale la publication de Variation,
revue de luniversité de Zurich (Literaturzeitshrift der
Universität Zürich) et envoie le numéro 1 de 1998. Les
collaborations des membres du groupe sous la forme de commentaire
savant, de texte de création ou de compte rendu sont les
bienvenues, pour le prochain numéro sur les mouvements dada et
néo-dada. Elle présentera au groupe Hugo (quelle remercie
de son accueil) les résultats de ses recherches en automne
prochain.
Dans le cadre de lexposition au musée dIxelles à
Bruxelles, Victor Hugo, dessinateur, une conférence est
donnée le jeudi 25 mars à 18h à la Maison du Grand-Duché du
Luxembourg par Frank Wilhelm, responsable du Centre dEtudes
et de Recherches Francophones, " La vie de Victor Hugo au
Luxembourg et en Belgique ". Une visite de lexposition
suivra.
Lucrèce Borgia
Arnaud Laster propose des places à tarif réduit pour la nouvelle mise en scène de Jean Martinez, au Nouveau Théâtre Mouffetard (avec Marie-José Nat, jusquau 25 avril).
La chronologie informatisée avance: actuellement 5285 dates, de
1699 à 1843. Une première version de l'application permettant
la consultation sur le Web est prête.
Le site Internet du groupe Hugo (http://www.groupugo.univ-paris-diderot.fr)
sera muni dun "moteur de recherche" (capable de
parcourir tous les comptes rendus et grâce à lindexation
automatique de tous les mots, de restituer à volonté les
références de n'importe quel nom ou mot).
Le tout basculera prochainement sur le site propre de l'équipe
XIX° de Paris 7: http://www.groupugo.univ-paris-diderot.fr.
Guy Rosa communique la correspondance de Jacques Seebacher rappelant que le mérite revient à Y. Gohin de la découverte d'une origine possible du nom de Madeleine (pour le cas où celui de la sainte femme ne suffirait pas). C'est le surnom, dans Splendeurs et misères des courtisanes, du compagnon de chaîne et futur amant de Vautrin, Théodore Calvi. J. Seebacher ajoute deux autres rapports possibles avec Les Misérables : un cambriolage impossible, sans effraction, est accompli par une femme fluette (sorte de petit ramoneur savoyard), passant par la cheminée; la mention du Mexique (p. 1080 de l'ancienne Pléiade), pouvant préfigurer la destination finale des Thénardier.
Dans une autre lettre, Jacques Seebacher dit avoir apprécié larticle de Guy Rosa sur 48, mais regretté l'absence de références à Girardin [mieux valait pour Girardin, commente G. Rosa : les témoignages sur son rôle, assez trouble, en février 48 ne sont guère à son honneur], Alton-Shée et au marquis de Boissy. Il donne également une première liste des errata de lédition de Notre-Dame de Paris au Livre de Poche -voir en annexe ci-dessous, avec les rectificatifs du précédent compte rendu- et se déclare prêt à accueillir toutes les rectifications.
Claude Duchet demande au groupe des précisions sur une Victor Hugo Encyclopedia (1998, 350 p.). Réponse de Sandrine Raffin : auteur: John-Andrew FREY, éditeur : Greenwood Publishing Group, prix 75 $ (60 euros!).
Laurent Fédi présente le contenu de sa lettre (jointe en annexe) sur la réception de Hugo en 1870, à la suite de la défaite. Il s'agit d'un texte donné en annexe à un article dans la revue de philosophie Critique philosophique en octobre 1873. L'article est anonyme, peut-être de Charles Renouvier. Lauteur réaffirme son admiration pour Hugo et -chose plus rare- la supériorité de ses uvres récentes sur ses uvres de jeunesse mais déplore son actuel anti-germanisme. Le curieux est que ce ne sont pas les intérêts de la paix qui sont invoqués, mais tout au rebours de la position de Hugo, ceux de la civilisation et du progrès : "L'Allemagne a pris, sur le continent européen, la tête des nations qui luttent pour la science et pour la liberté de l'esprit contre le jésuitisme et la théocratie. La France semble condamnée à rester la dernière citadelle de l'esprit-prêtre, qui fera d'elle une proie pour les césars." Cette prise à contre-pied exact de Hugo n'est peut-être pas très fréquente; elle mérite d'être signalée en raison de l'importance de la revue dans les débats de l'époque.
Guy Rosa fait part de lentretien quil a eu avec Mme
Danielle Molinari, Conservateur en chef de la Maison de Victor
Hugo. La Maison Victor Hugo prépare une exposition sur le
théâtre de Hugo (prévue initialement pour 2000, plus
vraisemblablement pour 2002). Pour le catalogue de cette
exposition, un éditeur a proposé de l'assortir d'un CD, mais
qui ne ferait rien d'autre que d'en reprendre le contenu. Mme
Molinari, apprenant que le groupe Hugo avait le projet d'un CD
sur même sujet, a voulu explorer les possibilités d'en faire un
projet commun: cela dépasserait de beaucoup la simple
transcription sur CD du catalogue de l'exposition de la Maison de
Victor Hugo. Léditeur qui offrait ses services pour le
catalogue ne peut prendre en charge cette initiative beaucoup
plus ambitieuse, mais ni le Musée de la Maison Hugo ni
l'éditeur qui lui est statutairement lié, Paris-Musée, ne
reculent devant l'exploration de cette éventualité. Reste à
trouver un éditeur et, le cas échéant, un diffuseur.
Une telle collaboration aurait de grands avantages. La Maison
Hugo comme notre Groupe auraient une position plus forte face aux
éditeurs dont les exigences ne sont pas toujours les plus
favorables à la science, à l'art, à la culture. Plusieurs
hugoliens doivent travailler avec la Maison de Victor Hugo, -Anne
Ubersfeld, Florence Naugrette et Arnaud Laster; il paraît normal
que cette collaboration s'élargisse.
Guy Rosa sest informé. Linvestissement dans la
création dun CD effarouche les éditeurs (150000 à 3
millions de francs contre 50 à 100000 pour un livre) et le
marché est incertain. Si bien qu'il existe actuellement deux
voies pour la réalisation et la diffusion d'un CD. L'une est
qu'un éditeur prenne en charge la fabrication et la diffusion.
Ici, trois possibilités : un éditeur "généraliste"
(on ne voit guère que Hachette), un "éducatif"
(Nathan, engagé dans cette voie), un spécialiste des éditions
d'art (actuellement rien d'autre, ou presque, que la RMN).
L'autre, qu'une société -petite en général- assure la
conception et la fabrication, la distribution étant, au vu du
résultat, prise en charge par un "grand éditeur".
Incertaines des débouchés de leur production, ces sociétés
s'efforcent d'obtenir assez de subventions pour que leur tâche
soit rémunérée avant même tout contrat de distribution.
Cela conduit souvent à un cercle vicieux: les organismes
n'accordent de subventions qu'à des projets déjà assurés d'un
distributeur
Quoi qu'il en soit, rien ne se fera tant que le groupe des
personnes intéressées par le projet n'aura pas élaboré une
maquette, un scénario, une déclaration d'intention, quelque
chose d'écrit à présenter soit à ces petits fabricants, soit
aux grands éditeurs, soit aux organismes susceptibles
daccorder des subventions. Et, d'abord, à nos amis et
collègues de la Maison de Victor Hugo. Les conditions sont
réunies pour que ce projet avance; il faut maintenant y
travailler. Que le groupe de travail soccupe de la partie
conceptuelle, artistique et scientifique ; je me charge des
démarches administratives et contractuelles.
-Franck Laurent : Il faut tout dabord savoir quel sera
le contenu de lexposition envisagée par Danielle Molinari.
Elle a peu de chances dêtre multimédia.
-Guy Rosa : Je ne crois pas. Il est évident quà cause du
peu de place dont dispose la Maison de Victor Hugo, l'exposition
sera surtout visuelle -costumes, maquettes de décors,
manuscrits. Mais le projet du CD ne dépend pas du contenu de
l'exposition -sinon pour éviter les chevauchements et les
redites. En revanche, il est certain que la recherche
documentaire des Conservateurs de la Maison Hugo mettra au jour
beaucoup plus de matériau qu'il n'en sera finalement retenu. De
là une partie de l'intérêt qu'ils trouvent au CD, susceptible
d'élargir les débouchés de leurs recherches et de les
affranchir -en partie- des contraintes liées à l'exiguïté de
l'espace dont ils disposent pour une exposition.
-F. Laurent : Dans ce cas précis, il faudrait abandonner le
matériau traditionnel et se servir largement de la vidéo, pour
montrer une histoire de la mise en scène.
-G. Rosa : Cest peu praticable à la Maison de la Place des
Vosges. Mais, justement, le CD (ou le DVD: il est probable qu'en
2002, il n'y aura plus de CD, sans que personne ne s'aperçoive
de la différence) peut comporter des images animées et du son.
-F. Laurent : Si la vague dhugolâtrie continue, on peut
prévoir un public nombreux, surtout en 2002. Cest à nous
de déterminer un marché, en fixant un prix de vente abordable,
150 ou 200F, plus raisonnable que le prix du CD-ROM du Louvre. Et
ajouter des images animées coûte cher à la réalisation, donc
augmente le prix de vente.
-G. Rosa : Je ne crois pas que ce doive être notre démarche.
Cela concerne les distributeurs et ils nous le dirons assez
clairement. Notre métier à nous est de répondre du contenu, de
lidée. Si nous n'en avons pas, faisons autre chose -ou
rien. Nathan, Hachette et autres ont à leur disposition
quantité de gens sans idées et n'ont pas besoin de notre propre
carence pour donner cours à la leur. Ne tenons pas compte des
réalités, des contraintes matérielles; les éditeurs et les
distributeurs seront toujours là pour nous les rappeler;
préoccupons nous de ce que nous voulons dire.
-F. Laurent : Mais les moyens quon se donne à la
conception influent sur le contenu et le résultat final : on ne
peut pas envisager de montrer lintégrale des mises en
scène de Hugo.
-G. Rosa : Ce nest pas notre problématique. Notre idée
ou notre propos doit être à lorigine et
demander les moyens de sa réalisation.
-F. Laurent : Ou notre " concept ", comme on dit en
marketing.
-G. Rosa : Un "concept" est une idée de vente, de
marché. Je parle, moi, d'"idée intellectuelle" (comme
dit Myriam Roman). Il faut faire tourner le CD-ROM autour
dune idée, par exemple: lensemble et le détail, le
personnage (si l'on veut rester traditionnel); " la
spatialisation romantique ", la scène et la salle, les
choses et les hommes, la parole ...
-Josette Acher : Verra-t-on des interviews de spécialistes ?
-Florence Naugrette : On peut envisager de travailler autour de
la réception des uvres de Hugo, en montrant combien elle
change selon les époques.
-G. Rosa : Cest une idée.
-F. Naugrette : Le public est peut-être plus intéressé par les
adaptations que par le théâtre lui-même.
-G. Rosa : La dérivation vers les adaptations nest pas
exclue demblée.
-Bertrand Abraham : Pourquoi ne pas concevoir pour 2002 un
coffret des opéras tirés des livrets de Hugo ? On propose
actuellement, avec un disque de Mozart, un CD-ROM de
lhistorique des représentations.
-G. Rosa : Si lon se situe du côté éducatif, on peut
traiter des esthétiques théâtrales appliquées à Hugo, en
distinguant les moments selon le choix des pièces, la lumière,
le décor, la distribution
Cest un parti pris
défendable et élémentaire. Mais on peut trouver plus inventif.
Il faut y travailler; une "idée" demande, en
général, un minimum de travail.
-B. Abraham : A-t-on pris contact avec Arte ? La chaîne a un
créneau dans la fabrication des CD-ROM.
-Sandrine Raffin : Le Salon du Livre peut être un moyen de
contacter de petits éditeurs multimédia.
-D. Sellem : Le réalisateur Axel Clévenot ma proposé de
travailler, avec le groupe, sur un synopsis qui serait le point
de départ historique et scientifique dun documentaire de
52 minutes sur la vie de Hugo, prévu pour 2002. La projection du
film pourrait donner lieu à une soirée thématique, avec des
interventions. Axel Clévenot a déjà réalisé un triptyque sur
les droits dexil qui a reçu le prix Europa.
- G. Rosa demande que les initiateurs du projet, qui ont un
moment donné l'impression de l'avoir abandonné, se concertent,
se réunissent, désignent parmi eux un responsable, convoquent
les autres membres du Groupe qui avaient manifesté leur
intérêt et poursuivent cette discussion, bref, fassent avancer
les choses.
Myriam Roman précise que ces communications ont été préparées dans le cadre dun séminaire de DEA, animé par Mme Saminadayar à luniversité Jean Monnet de Saint-Etienne, sur la coupure de 1848 en tant que " révolution du discours ". Elle sintéressera à la représentation de 1848 dans les textes postérieurs (jusquen 1851) tandis que Delphine Gleizes parlera de Choses vues et des textes écrits sous la Seconde République.
-G. Rosa : Nous sommes impressionnés. Je ne suis pas là pour distribuer critiques et éloges, mais il est difficile de ne pas revenir sur telles foudroyantes formules. Par exemple celle de Myriam Roman : " la conception dune histoire telle que la nécessité de la juger conduit à en abstraire les hommes comme ses acteurs ", ou celle de Delphine Gleize sur "lopportunisme de léchec" de Hugo et sa manière de "toujours retourner sa veste du mauvais côté ". La synthèse de Myriam Roman est étayée par la revue de détail de Delphine Gleizes -et réciproquement. Les deux communications, complémentaires, montrent la cohérence des textes de Hugo, des "sous-écrits" (notes de Choses vues ou discours parlementaires) aux grandes uvres.
Un tout petit désaccord, de termes, sur lemploi de la
" rhétorique " et de ses catégories, pathos et
logos, chez Myriam Roman. Il est gênant de recharger de
valeurs ce terme miné comme il est difficile de savoir quelle
signification lui donne lauteur de la communication.
-M. Roman : Jentends " rhétorique " comme "
usage de la parole visant à laction " et non comme
forme vide.
-G. Rosa : Ouf! Mais sa définition classique est " ornement
du discours ".
-F. Laurent : Parce quelle sinscrit dans un moment
historique où les données de lénonciation ont changé.
-G. Rosa : Mais la rhétorique prétend s'appliquer à tous les
cas
-F. Laurent : Non, mais pour Hugo elle fonctionne
particulièrement, surtout du point de vue de lethos.
-M. Roman : En excluant la définition (répandue) de la
rhétorique comme conception instrumentale du langage, on peut
envisager une étude rhétorique de Napoléon le Petit.
-F. Laurent : Cette étude pencherait alors du côté de la
pragmatique et des conditions de réception.
-G. Rosa : J'ai aussi été gêné par " Hugo constitue
le 2 décembre en discours " ? Au contraire, dans Châtiments,
le coup d'Etat est représenté comme laconisme et silence : acte
sans paroles (quitte à laisser les journalistes de robe courte
faire du bruit).
-M. Roman : Je voulais parler de la parole de Hugo, pas du
silence des acteurs du coup d'Etat. Napoléon le Petit est
constitué " comme " un discours : lévénement
est présenté à travers un acte de parole.
-G. Rosa : J'avais mal compris. Mais, inversement, Delphine
Gleizes fait apparaître clairement une solution inédite à la
question du droit à la parole, solution limite : se taire. Choses
vues doit effectivement être compris
de cette manière: une parole non pas privée mais tue.
-Jean-Marc Hovasse : Hugo avait commencé avant 1848.
-G. Rosa : Dans lensemble, si je comprends bien Delphine
Gleizes, Hugo répond à une situation politique, marquée par
labsence de sens et limpossibilité de la parole
libre, celle de 1848, mais commencée dès avant. Lattitude
hugolienne de lépoque, une variante du silence, a pour
origine cette situation de parole impossible.
-D. Gleizes : Il a choisi une solution malléable, non sans
failles.
-F. Laurent : Dans Le Journal de ce que japprends
chaque jour, Hugo se présente comme intégré à
linstitution et met en scène ses nouvelles relations avec
ses pairs. Ce texte nest pas du tout du même type que Le
Journal dun révolutionnaire de 1830. En 1848, Hugo
réutilise des événements et des fragments de discours
antérieurs, sans engager son rapport au lecteur, en restant dans
une fausse objectivité. En racontant lanecdote des "
Rateliers nationaux ", il reprend en réalité le discours
de la droite de lépoque. Et lorsquil cite la parole
de lenfant pour qui mourir pour la patrie cest se
promener avec un drapeau, il utilise le discours issu du peuple
pour en faire une arme contre lui.
-B. Abraham : Il est nécessaire de se reporter au contexte :
juste après cette anecdote, Hugo parle des " braves et
généreux ouvriers quon égare avec des mots ".
-F. Laurent : Il est tout de même très suspect que Hugo se
place du côté du fait pur, du pur élément de discours.
-G. Rosa : Mais on peut faire de ces extraits une autre lecture :
de gauche, voire anarchiste : les " Rateliers nationaux
" sont le futur abattoir du peuple, mouton ou veau.
-B. Abraham : Ce " r " rajouté à linitiale est
mentionné plus loin, en tant que signifiant (le 25 août 1848) :
il caractérise la prononciation de Caussidière.
-D. Gleizes : Il est vrai que se pose une question éditoriale,
voire génétique : le motif " mourir pour la patrie "
défini par lenfant prend place juste après la mention de
quatre hommes avec un drapeau noir et avant un fragment de
discours où il circule par prétérition. Tout se passe comme si
Hugo laissait les choses se confronter à elles-mêmes, dans
leurs propres contradictions : toutes les interprétation sont
possibles.
-F. Laurent : Ce type décriture rend possible la
réutilisation de discours et linversion de leurs valeurs.
-D. Gleizes : Hugo raconte lhistoire de larrestation
de Blanqui par M. Yon (septembre 1848). Blanqui, au moment où on
lemmène, avale des papiers. Le commissaire, autre Javert,
considère que sil les avale, cest quil
sagit de papiers sans importance
-Josette Acher : Cette mise en scène de léchec
est-elle simultanée ou postérieure à léchec politique
de Hugo, quand il sait quil nentraînera pas
l'Assemblée ?
-G. Rosa : Au moins pour le "Discours sur la misère",
Hugo écrit les réactions de lAssemblée avant de parler :
il rédige le récit de l'hilarité de l'Assemblée et de sa
propre indignation avant même qu'elles ne se produisent!
-F. Laurent : Il est nécessaire de repenser la place de la
Seconde République dans les enjeux énoncés ici comme dans
lhistoire littéraire et dans lhistoire tout court.
La faille de 1848 reste traditionnellement le point de rupture de
lhistoire du XIXème : Dolf Oehler [dans Le Spleen
contre loubli : juin 1848 ; Baudelaire, Flaubert,
Heine
, Payot, 1996] ne sécarte pas davantage de
cet héritage, dans son discours comme dans ses méthodes. Mais
la Seconde République ne dure pas seulement quatre mois, de
février à juin, mais quatre ans, même si tout est programmé
dès le départ.
Maurice Agulhon a eu le grand mérite de poser cette question :
et si le 2 décembre avait eu lieu en 1848 ? Combien
limpact et la réalité de la période républicaine
auraient été différents ! La droite se souviendra de ce type
de gouvernement comme une forme vide permettant le jeu des
institutions : Thiers, qui considérait la République comme le
régime qui divise le moins, fut linitiateur des
négociations pour le ralliement des orléanistes. La gauche,
après un travail nécessaire dacclimatation à la
République, trouve des forces vives du côté de la campagne :
en 1849, elle envoie 150 députés socialistes à la Chambre. Il
a fallu le temps que le parti se forme, que des réseaux
dinfluence fonctionnent : la République a ainsi
suffisamment duré pour toucher les mentalités.
Attention donc à ne pas accorder une importance
disproportionnée à lannée 1848 dans luvre de
Hugo. Durant ces années, il mûrit lentement, prend le temps de
repenser ce quil a vu et écrit. Lélément
déterminant dans son virage politique, très cohérent en
réalité, est lutilisation par la droite du discours
légaliste et civilisationnel - quand le sien est sincère -
pendant la répression de juin. Hugo a également compris très
tôt que laffaire de Rome de juin 1849 était une
manuvre de la droite.
-M. Roman : La Seconde République, minée de lintérieur
dès le début, se délite très vite.
-F. Laurent : Oui, mais lopposition parlementaire continue.
En 1852, aux élections législatives, la droite fait courir le
bruit du péril rouge parce quelle a peur de la victoire de
la gauche, et cela jusquau coup détat. Et Delphine
Gleizes a raison en disant que Hugo joue toujours perdant : en
1848, il est doublé par Lamartine. Avec le temps et surtout
après 1873, Hugo apprend à se constituer des appuis et des
relations. Grâce à ces attitudes politiques plus réalistes, il
peut faire voter lamnistie des communards et réussir là
où Lamartine a échoué.
Mais je ne suis pas daccord sur un point : la prostituée
peut incarner la République chez Hugo comme elle lincarne
chez Delacroix, où elle est déjà fort incorrecte avec ses
seins nus et ses poils sous les bras.
-M. Roman : Ce n'est pas tout à fait la même chose, surtout
comparé au reste de l'uvre de Hugo (où les femmes nues
n'abondent pas); ici lobscénité est manifeste.
-G. Rosa : C'est une allégorie impossible de la République.
L'imagine-t-on sur les billets de banque et les timbres?
-D. Gleizes : Elle est radicalisée dans Choses vues :
dans le texte, la répétition du même geste (par les deux
femmes) interdit la caractérisation symbolique.
-F. Laurent : On trouve chez Hugo un discours légaliste
le peuple se soulève contre lui-même qui est le
discours de tout le monde, surtout celui de la droite. Selon
Cavaignac, il faut laisser la Révolution grossir jusquà
son autodestruction. Les socialistes Flocon ou Ledru-Rollin ont
la même attitude que Hugo : ils ne veulent pas de
linsurrection.
-J. Acher : Hugo a ajouté le texte Révolution de la misère,
révolution du droit en 1870 : il serait intéressant de le
réétudier dans ses perspectives.
-G. Rosa : Pour parler de tout autre chose, je relève, à propos de Choses vues, une idée déjà explorée par D. Gleizes à propos de la genèse des Travailleurs de la mer et qui ne me semble pas banale: que Hugo ne part pas du sens, mais travaille à partir de labsence de sens et donne du sens au chaos initial. En tout cas qu'il n'a pas peur de l'absence de sens. Or, la période elle-même, 1848, est caractérisée par un sentiment de perte de sens du discours; Flaubert l'éprouve, mais avec des conséquences inverses.
-F. Laurent : Dire " nous sommes tous des ouvriers " est un topos absolu à droite, repris par Dambreuse et Frédéric. Mais quel est le contexte précis dans Choses vues ? Hugo est alors perçu comme un homme de droite : il est pair et favorable à la régence. Peu à peu il bénéficie de la sympathie du peuple parisien qui voit en lui liconoclaste des valeurs de la droite et épargne sa maison de la place des Vosges lors des émeutes.
Sandrine Raffin
Prochaine séance
Samedi 10 avril : communication dArnaud Laster sur Rigoletto
et la transposition en opéra de luvre de Hugo.
Rectificatifs aux comptes rendus précédents et annexes
Jacques Seebacher relève des imprécisions dans le compte
rendu du 23 janvier : le bateau qui a servi à lexpédition
de Louis Napoléon Bonaparte n'est pas le Splendide mais
le Edimbourg Castel ; la mode anglaise de se baigner sans
caleçon concerne uniquement les hommes ; et au Luxembourg, Hugo
soccupait à mettre son caleçon quand il a été
interpellé, dans son rêve, par un sergent (allait-il seulement
se baigner ?).
A propos du Journal de lexil de Juliette et du fils
de M. Rose, Jacques Seebacher précise qu'il n'est pas certain
que lamoureux dAdèle II soit le jeune sauvage qui
survit dans les rochers : faut-il supposer deux fils à M. Rose ?
Delphine Gleizes ajoute : le capitaine Rose, également armateur,
a racheté la machine de lEdimbourg Castel qui
mouille au port. Mais ce monsieur Rose, propriétaire de Marine
Terrace, avait un autre bateau dont, échoué, son fils tente de
récupérer la chaînerie avec laide de gens du village. Ce
jeune Rose-là nest effectivement sans doute pas le même
que celui qui courtisait Adèle.
Arnaud Laster rectifie plusieurs fausses attributions :
C'est lui qui a apprécié le spectacle de marionnettes tiré de Notre-Dame
de Paris et non Vincent Wallez qui ne lavait pas vu,
mais qui, en général, apprécie les spectacles de marionnettes.
De même pour la rencontre de E.T. avec Quasimodo, et aussi pour
le caractère peu traditionnel du Ruy Blas de Raymond
Rouleau, et encore pour le succès de la Lucrèce Borgia de cet été, et finalement pour les goûts de
Gide. Inversement, la réflexion sur les duos amoureux dans le
théâtre de Hugo était faite par Vincent Wallez, pas par A.
Laster. Aux dernières lignes du compte rendu, il ne faut pas
lire : " Les metteurs en scène refusent de prendre en
compte la scénographie romantique et ils font du
spectacle." mais juste le contraire : " Les metteurs en
scène refusent de prendre en compte la scénographie romantique
et de faire du spectacle."
Par ailleurs, létudiante qui travaille sur
ladaptation de Cocciante et Plamondon est Annie Langlois et
non Marie Tapié.
Errata à l'édition de Notre-Dame de Paris dans Le Livre de Poche
p. 47, ligne 17 : ajouter "de" [l'il] à la fin
de la ligne
p. 164, note 1 : le Roi n'avait que quinze [et non dix] ans
p. 326, note 2 : 1429 [et non 1430]
p. 426, note 2 : la famille de Sainte-Marthe [et non de sainte
Marthe]
p. 485, note 2 : sept ans après le sacre et six après
l'exécution [au lieu de six et cinq]
p. 561, note 5 : à remplacer presque entièrement par une notule
problématique sur le siège de Philippsbourg.
p. 573, note 1 : à remplacer aussi, et de même, par référence
à I, 1, p. 61 (et après consultation de la Chronique)
p. 597, note 4 : et non pas rabotée [au lieu de et non rabotée]
p. 617, note 1 : (p. 302 et ici p. 628) [références de la
gravure en question dans Du Breul et dans la présente édition]
L'année 1864 manque à tort dans la Chronologie.
Dans la discussion (vraiment intéressante) de la séance de
décembre, il fut question de l'Alsace-Lorraine, des positions
politiques de Hugo dans les années 1870, et de la réception des
uvres publiées durant cette période.
Voici une modeste contribution à ce dossier.
Il s'agit d'un jugement sur Hugo placé en annexe d'un article
non signé paru le 2 octobre 1873 dans la Critiques
philosophique sous le titre simple mais percutant "La
question d'Alsace-Lorraine". L'article est peut-être de
Renouvier, mais c'est loin d'être une certitude, et le jugement
sur Hugo est probablement du même auteur, mais il pourrait aussi
s'agir d'une pièce rapportée
De toutes façons, les
idées développées dans cet article sont parfaitement conformes
aux vues de Renouvier, elles reflètent la position officielle du
néocriticisme. Ces idées, en résumé, sont les suivantes:
Puis on lit ceci:
"Le génie de M. Victor Hugo éclate comme toujours en
traits de feu, dans les vers qu'il vient de publier sur la
libération du territoire, et qui se vendent au profit des
Alsaciens-Lorrains. Cette poésie éblouissante que certains
affectent de mépriser, et que d'autres ont le malheur de ne pas
sentir, est d'une beauté de forme supérieure à toutes les
louanges. Vers sublimes, vers familiers, vers aimables, vers
d'une coupe saisissante, infiniment variée, expressions fortes
et vibrantes, mots terribles, images qui ravissent, qui font tout
vivre, mythologie étonnante, toute d'inspiration et de
création, une langue enfin qui n'a pas encore été parlée avec
ces splendides périodes d'un nombre absolument neuf, voilà ce
que M. Victor Hugo déploie devant le monde stupéfait. L'enfant
sublime né quand "ce siècle avait deux ans" produit,
dans sa vieillesse, des uvres plus belles que les
uvres de sa jeunesse et de sa maturité. Tel est, sur ce
grand poète, le jugement auquel la critique même est obligée.
Mais, poëte, qui chantez les destinées futures de l'humanité,
comment est-il possible que vous preniez pour agents de
civilisation et de paix ces missions de nations qui sont des
haines de nations? N'est-ce pas ce que fait Guillaume de Prusse?
Et vous l'imitez, vous qui le haïssez! Pourquoi chercher
toujours l'avenir de la France dans les grandes tueries des
batailles? Pourquoi verser du vitriol sur les blessures de la
patrie? Pourquoi, comme disait le vieux Pythagore, attiser le feu
avec l'épée?
L'Allemagne a pris, sur le continent européen, la tête des
nations qui luttent pour la science et pour la liberté de
l'esprit contre le jésuitisme et la théocratie. La France
semble condamnée à rester la dernière citadelle de
l'esprit-prêtre qui fera d'elle une proie pour les césars. Il
n'y a plus maintenant que deux grands partis en Europe. Si notre
patrie embrasse définitivement celui du passé; pour se venger
de ses défaites, elle s'expose aux pires dangers : elle
n'échappe au sort de la Pologne, jadis nation aristocratique et
catholique comme elle, que pour tomber dans le culot européen,
dans le caput mortuum des civilisations progressives. Si
elle choisit le parti de l'avenir, son devoir est d'envisager
dès aujourd'hui sa réconciliations future avec l'Allemagne. La
méditation des égorgements, le rêve contagieux des
interminables représailles ne sont pas des pensées saines en
face du futur allié nécessaire de notre raison."
Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.
Responsable de l'équipe : Guy Rosa.