Présents :
Caroline Raineri, Guy Rosa, Anne Ubersfeld,
David Charles, Christian Porcq, Agnès Spiquel, Pierre Laforgue,
Jean-Claude Nabet, Florence Naugrette, Claude Millet, Franck Laurent,
Pierre Georgel, Jacques Seebacher, Jean Delabroy, Josette Acher, Gabrielle
Malandain, Catherine Treilhou-Balaudé, Bertrand Abraham, Camille Aubaud,
Laurène Bergeron, Myliam Roman, Claudine Lafollet, Marguerite Delavalse,
Serge Lureau, Géraldine Garcia, Carole Descamps, Hélène Lazar, Ludmila
Wurtz.
Excusés: Jean-Claude Fizaine; Frédérique
Remandet; Véronique Dufief (qui déménage...); Annie Authenac; Arnaud Laster;
Bernard Leuilliot.
Présentations: Laurène Bergeron commence un mémoire de maîtrise sur la topologie dans Les Travailleurs de la mer, L’Homme qui rit et Quatrevingt-treize; Myriam Roman prépare un D.E.A. sur l'esthétique romanesque de Victor Hugo: il s'agit de montrer que le roman hugolien met en œuvre une vérité abstraite, des personnages allégoriques, et que l'on peut en dernière analyse parler de roman philosophique; Hélène Lazar, auteur à France-Culture d'une émission sur Hugo, prépare une thèse sur l'écriture de l'histoire dans Les Misérables; Claudine Laffolet travaille, en thèse à Paris III avec M. Philippe Hamon, sur la réception du Théâtre en Liberté dans la presse; Serge Lureau, qui a appartenu à l'illustre faculté de Caen, prépare un D.E.A. sur les représentations de l'écriture dans Les Travailleurs de la Mer et William Shakespeare; Géraldine Garcia se présente comme une passionnée de Hugo; Carole Descamps travaille, en maîtrise, sur la genèse de William Shakespeare .
-La compagnie "La lune et les feux", sous la direction de Julien Téfany, jouera Mangeront-ils ? au théâtre Clavel (rue du même nom, Paris 20ème) les 3, 4 et 5 novembre. Jacques Seebacher se réjouit de la culture de Franck Laurent, qui signale que "La lune et les feux" fait référence au titre d'une nouvelle de Pavese.
-Florence Naugrette annonce que Jean-Luc Boutté va monter Le Roi s'amuse à la Comédie Française. Daniel Mesguish, lui, monte Marie Tudor au théâtre dit de la Métaphore, à Lille, à partir du 10 octobre. Jean Delabroy rappelle que c'est Mesguish qui jouait le rôle du premier Victor Hugo dans le feuilleton diffusé par France-Culture en 1985 et déclare l'avoir trouvé sublime.
-Guy Rosa propose une sortie collective du Groupe pour Les Misérables à Mogador. Proposition accueillie avec le plus grand enthousiasme. Séance tenante, Christian Porcq est nommé standardiste et coordinateur; on s'inscrit en masse. Jacques Seebacher voudrait des places pour la première ou la générale en qualité de "spécialistes". Guy Rosa, sceptique, souhaite modestement qu'il nous en reste.
Dernière minute: Christian Porcq, agissant en diligence, nous a réservé 45 places contiguës sur trois rangs à Mogador pour le 25 octobre. Il ne sera peut-être pas impossible aux retardataires d'obtenir une place pour le même jour, soit par leurs propres moyens, soit grâce à son aide.
Diverticule:
Bibliographie: dans la revue La Part de l'œil, Bruxelles, 1984, un article de Serge André intitulé: "Joyce-le symptôme, Hugo-le fantasme": un compromis entre Moreau, Ubersfeld et Lacan. Serge André y affirme que la religion, chez Hugo, est la garantie du sur-moi. Anne Ubersfeld reste médusée devant cette "invention de génie"...
-Guy Rosa, sur le reproche qu'on lui fait de sa "discrétion" dans le Groupe Hugo, signale qu'il fera en mars une communication sur l'emploi du vers dans Le Théâtre en Liberté, dans le cadre du colloque organisé à Paris IV par Michel Autrand sur "Le dernier siècle de théâtre en vers". Jacques Seebacher rappelle que Bendit de Cornulier, professeur de versification à Nantes, a mis tout cela sur informatique.
-Josette Acher rend compte du colloque international de Nohan sur la correspondance de George Sand, auquel ont participé Nicole Mozet et José-Luis Diaz. Les communications étaient de très haut niveau. A une question, elle répond qu'elle n'a pas rencontré de préfet.
-Le projet de travail de Mlle Descamps sur William Shakespeare, signalent les anciens, reviendrait sur une tâche déjà remplie: par Mlle Françoise Lambert, dont A. Ubersfeld pense qu'elle n'a pas abandonné son édition critique de William Shakespeare sans l'avoir achevée.
-Catherine Treilhou-Balaudé prépare une thèse sur l'influence de Shakespeare sur le romantisme français. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sujet n'a jamais été traité. Anne Ubersfeld souligne son importance: sans la pensée de Shakespeare, il n'y aurait pas de théâtre symboliste à la fin du XIXème siècle.
-Guy Rosa informe des nouvelles que lui donne Galia Gerstman, ancienne du Groupe. Renonçant à travailler sur Satan, elle adopte un nouveau sujet: "L'art comme entreprise maudite et maudissante dans les romans de Victor Hugo". Guy Rosa trouve que le point de départ de ce travail, à savoir la représentation de l'artiste comme échec, est paradoxale, mais plusieurs interventions lui font rentrer cet avis dans la gorge.
Il fait part d'une lettre de l'éditeur de la traduction anglaise du Dernier Jour d'un condamné. Cet éditeur a pris pour édition de référence les Œuvres Complètes parues dans la collection "Bouquins", notamment Roman I, publié par "the admirable Seebacher".
-Franck Wilhem annonce la prochaine soutenance de sa thèse sur la littérature luxembourgeoise de langue française. Elle inclut l'étude du rapport des poètes luxembourgeois à Hugo. Parmi les "inédits", un poème qu'un poète luxembourgeois nommé Clavrau envoie et dédie à Victor Hugo en 1842. G. Rosa en donne lecture et propose d'y mesurer ce qu'un écrivain conformiste pouvait comprendre à Fonction du Poète: croyant reformuler les idées de Hugo, l'apprenti-poète convertit le prophétisme hugolien en une supériorité méprisante pour le reste de l'humanité. J. Seebacher remarque que, de la figure mondaine et publique de Hugo en 1842, on pouvait avoir cette vision médiatique du "génie". G. Rosa rétorque qu'elle est imméritée. J. Seebacher insiste: les caricatures de Hugo-le-génie, nombreuses, montrent bien que cette image de Hugo était répandue à l'époque. G. Rosa dit qu'il serait intéressant d'étudier la réception de Hugo à travers des textes de ce genre: il y a beaucoup de poèmes dédiés à Hugo, dont l'un superbement intitulé: "A V. Hugo l'Homme-Peuple". Il signale à ce propos que l'Association Internationale de Recherche sur l'Epistolaire fait à Paris 7 un séminaire sur la lettre à l'écrivain. Une séance consacrée à Hugo est prévue, tenue par Jean Gaudon.
-Anne Ubersfeld, Pierre Georgel et Claude Millet parlent de la censure. Ils rappellent que le livre de Krakovitch, Hugo censuré, est en réalité consacré à la censure au théâtre et ne traite que très brièvement du Roi s'amuse. C'est sous la pression d'un éditeur - sans scrupule -, au moment du centenaire de Hugo, que l'auteur a consenti à mentionner Hugo dans le titre de son ouvrage. Pierre Gorgel complète la bibliographie par le nom d'un auteur américain, Goldstein, sur la censure de la caricature politique. Claude Millet, à l'occasion de ses recherches sur L'Année Terrible, a consulté les archives de la censure pour les années 1870-1885, et s'étonne de n'y avoir trouvé que trois feuillets.
-David Charles demande à Guy Rosa ce qui se dira dans le séminaire de D.E.A. que lui et Paule Petitier consacrent cette année au thème du travail.
G. Rosa: Foucault dit que la nouvelle épistémè du XIXème siècle se met en place autour de trois notions: la vie, la langue et le travail. C'est le XIXème siècle qui unifie dans une notion unique, le travail, des activités que personne, auparavant, n'aurait eu l'idée de penser sous la même catégorie. Le cloisonnement social en "états" en est le signe, le moyen et l'effet. Au XIXème siècle, on substitue le travail à la population, ou à la superficie de terre cultivée, comme mesure de la richesse des nations. Cette mutation intellectuelle est manifeste chez les économistes ou les "essayistes" du XIXème - chez lesquels Foucault l'observe et l'analyse; elle l'est beaucoup moins dans la littérature. Les écrivains se présentent volontiers comme "travailleurs de la pensée", mais les textes n'intègrent pas - ou mal - la nouvelle assimilation des activités autrefois disjointes. De là ma perplexité: pourquoi la littérature est-elle "en retard" sur ce mouvement de la pensée?
Hugo, qui a la doctrine de création poétique la plus religieuse (J. Seebacher se dit surpris), emploie pour désigner son activité de poète le mot "travail". Il parle des "travailleurs de la pensée", le penseur est un "athlète": ce vocabulaire revient sans cesse. Mais l'effort intellectuel des Travailleurs de la mer me semble très isolé, sinon unique.
J. Seebacher remarque à ce propos que dans le film de Leos Carax, Les Amants du Pont-Neuf, il y a un "effet": un clochard-cracheur de feu dit plusieurs fois, pour parler de son activité de cracheur de feu, "Je vais travailler". Cela surprend.
Claude Millet dit que, dans les histoires de l'humanité du XIXème siècle, le travail est considéré comme un moyen de sauver et libérer le peuple. J. Seebacher ajoute qu'il est aussi senti comme une machine à broyer les êtres, les enfants surtout. La physique est le modèle de l'économie politique dans la première moitié du XIXème: la notion de travail vient de là.
Anne Ubersfeld remarque que la notion physique de travail est redéfinie dès le début du XVIIème siècle. C'est le passage à la notion sociologique de travail qui est complexe.
G. Rosa revient à son idée: chez les théoriciens, l'idée de travail est en œuvre. Mais les écrivains sont en retard sur l'élaboration intellectuelle de cette notion. Balzac, Jules Verne offrent une représentation archaïque du travail. Chez Balzac, l'essentiel des activités des personnages sont des activités politiques, juridiques ou commerciales, mais loin du négoce. Le groupe "actif" de l'intrigue, dans Pierrette, est composé d'un juge, d'un avocat, d'un procureur et de deux retraités: le militaire et le mercier. Il y a une césure franche entre l'activité "travailleuse" du mercier et son activité romanesque: il ne rentre dans le roman que quand il sort du travail.
A. Ubersfeld fait remarquer qu'il y a des cas inverses: Le Curé de campagne, David Séchard. Serge Lureau dit que, dans ce roman, c'est plus l'inventeur que le travailleur qui est le héros. D'ailleurs son entreprise commerciale fait faillite.
G. Rosa: chez Jules Verne, dans Les Indes noires, par exemple, être ingénieur est plus une qualité sociale qu'une activité. Non seulement le travail est rarement pris comme objet du texte, mais de surcroît, la distribution des personnages, la mythologisation des lieux de travail vont à contre-sens de l'unification des différentes activités sous la notion de travail.
A. Ubersfeld: chez Balzac, on sort du travail pour y retourner, pour donner au travail sa place.
Franck Laurent: le travail, et surtout le travail artistique, se définit comme une énergie exercée sur la matérialité pour la transformer.
P.Georgel se demande si la notion de travail contient nécessairement celle de production.
J. Seebacher pense que oui. P. Georgel ajoute que la notion de travail dans les arts n'apparaît pas non plus avant le XIXème siècle: tout l'âge classique oppose les Beaux Arts aux Arts et Métiers.
G. Rosa: dans Les Travailleurs de la Mer, les relations entre les personnages, le détail du texte unifient l'activité manuelle et commerçante de Mess Lethierry, l'activité spirituelle de Giliatt et son "labeur". Cette unification s'oppose à d'autres activités qui, elles, ne sont pas absorbées dans le travail: l'activité militaire en est un exemple. Cette unification des activités n'existe pas chez Balzac. De même, dans Germinal, on trouve quelques pages documentaires sur le travail: le reste est un roman sur le non-travail.
A. Ubersfeld: Il y a tout de même Le Ventre de Paris. J. Seebacher cite également Au Bonheur des Dames.
G. Rosa: Dans Les Indes noires, le fait que les héros vivent au fond de la mine ne va pas dans le sens de l'englobement de cette activité dans le travail. D'ailleurs, dans la première scène du roman, la mine ferme. Les Travailleurs de la Mer, au contraire, contribuent fortement à établir la notion de travail. Hugo, en cela, est plus moderne que Balzac.
J. Seebacher se demande si le roman se serait intitulé Les Travailleurs de la Mer si, quelques années auparavant, il n'y avait pas eu la fondation de l'Association Internationale des Travailleurs. Ce titre participe de la même entreprise politico-idéologique. En 1864, Michelet publie la Bible de l'Humanité: elle comporte une analyse extraordinaire du mythe d'Hercule sur les rapports des mythes de la lumière, de la Grèce, etc... et de Hercule comme mythe du travail. Le titre du roman de Hugo est contemporain de cette lutte commune pour transformer le siècle.
G. Rosa: Hugo choisit d'ailleurs un cas difficile en mettant en scène des marins. Il y a, pour reprendre la définition antérieure au XIXème, des "états" difficiles à assimiler dans la notion de travail: le militaire, le marin...
J. Seebacher: Cela constitue aussi une mise en garde aux utopistes et aux socialistes. Il y a un caractère anti-marxiste dans ce choix des marins pour héros des Travailleurs de la Mer. Hugo montre qu'il y a du travail bien ailleurs que dans l'industrie, et pas archaïque pour autant. La physique est la notion essentielle qui permet de joindre le travail du penseur, celui des ouvriers, et même celui des sous-paysans de Quatrevingt-treize: à leur point de jonction, il y a le mythe d'Hercule. De ce point de vue, ces années-là sont belvédériques .
"Belvédérique". C'était le mot qu'il fallait pour lancer la discussion sur le programme de nos séances.
-Jacques Seebacher propose d'inviter des intervenants extérieurs: Judith Schlanger, par exemple, enseignante cette année à Paris 7 et auteur d'un ouvrage remarquable sur les métaphores de l'organisme. Ou bien encore Jules Brody: il serait intéressant d'étudier quel rapport Hugo entretient avec le XVIIème siècle. C'est, en effet, un grand admirateur de Boileau, un passionné de Régnier.
-Jacques Seebacher propose également, à la cantonade, le sujet d'exposé que traitera finalement Agnès Spiquel: Hugo dans le Larousse. Comment y est-il présenté? Dans quels articles est-il mentionné? Cela constitue un excellent mode d'accès à la discussion critique. Tous les curieux sont donc priés de signaler à Agnès Spiquel les articles où il est question de Hugo. Il s'agira d'une "moisson collective" dans cette "caverne d'Ali Baba" qu'est le Larousse... Pierre Georgel rappelle à ce propos que des Morceaux Choisis du Larousse vont être publiés, par thèmes, sous la direction de Pascal Ory, et signale que le Larousse est classé dans les usuels depuis un mois à la Bibliothèque Nationale.
-Jacques Seebacher pense qu'il y a un rapport privilégié entre le dictionnaire dont Lachâtre est l'auteur-éditeur vers 1860 et Victor Hugo. Considéré comme un mauvais dictionnaire, cet ouvrage est néanmoins politiquement et idéologiquement proche de Hugo. C'est un outil indispensable pour éclairer les allusions que fait Hugo à certains sens des termes, qui ne sont répertoriés par aucun autre dictionnaire. Pierre Georgel signale que Madeleine Réberioux fait référence à ce dictionnaire dans une communication à paraître dans les Actes du colloque de Castres. Elle y remarque que Lachâtre utilise les mêmes planches pour illustrer les articles consacrés à Louis Blanc et au Capital, ce qui est une manière pour le moins surprenante de réconcilier ces frères ennemis.
19 octobre: "L'auto-censure de Hugo dans le manuscrit du Roi s'amuse", A. Ubersfeld. 16 novembre: "Hugo dans le Larousse", A. Spiquel.
14 décembre: "Politique et géopolitique dans Les Orientales", F. Laurent.
18 janvier: "Les expériences scolaires de Hugo et leur incidence sur sa réflexion pédagogique", F. Remandet.
15 février: "La déraison et le "mort-vivant", C. Porcq.
21 mars- "Shakespeare dans William Shakespeare", C. Treilhou-Balaudé. 11 avril: "Les tables parlantes", J.-C. Fizaine.
16 mai: "Les rapports entre l'intertexte technique et la constitution des personnages", B. Abraham.
20 juin: "Limites et Hasard dans les dessins de Victor Hugo", P. Georgel.
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