GROUPE HUGO
Equipe de recherche "Littérature et
civilisation du XIX° siècle"
Présents : J. Acher, J. Seebacher, G. Malandain, F. Naugrette, S. Emmerich, P. Laforgue, Tony James, venu tout exprès de Manchester et que nous remercions de sa présence (avant de le remercier de l'exposé exemplaire qu'il nous a préparé), C. Millet, V. Dufief, S. Haddad, R. Journet, A. Laster, H. Cellier, A. Ubersfeld, G. Rosa, G. Gerstman (étudiante en Ph D de Columbia), C. Aubaud.
E. Zola face au Romantisme, Ed. Complexe, préface de Henri Mitterand, 1989; avec un article sur l'Ane, où Zola manifeste sa délicatesse ordinaire envers Hugo ("gâtisme", etc...). Notons pourtant que les propos de Zola aux Goncourt sur ses ouvrages théoriques doivent faire reconsidérer la portée de ce genre d'écrits.
Torquemada, édition critique par John J. Janc, University Press of America, 1989.
Ce sont les admirateurs de Verdi qui se sont plu très longtemps à opposer la magnifique musique de Verdi et le sujet qui avait inspiré le livret.
T. James a lu avec intérêt nos remarques sur l'"Elephant and Castle" de Londres. De passage, il a mené l'enquête, sur place et à la Bibliothèque municipale. C'est aujourd'hui le nom? sans étymologie connue, d'un pub sans caractère. Avant 1765, il nommait une forge, devenue une auberge. Avec l'extension du site, le nom a désigné tout le quartier, qui a conservé son emblème: un éléphant portant une tour crénelée.
Mme Spiquel a brillamment, et très honorablement de la voix unanime, soutenu sa thèse le 9 décembre dernier.
M. Rosa a reçu M. Yamasaki, représentant d'une association bouddhiste japonaise qui vient de racheter, à un Américain, la maison des Bertin aux Roches, avec les terres nécessaires aux alentours pour reconstituer le parc tel qu'il était. Sera-ce un nouveau musée Victor Hugo? y organisera-t-on des colloques? On songe à fonder un prix Victor Hugo...[G. Rosa, compte tenu de la qualité ordinaire des ouvrages "couronnés" conseillerait plutôt un prix Meurice, ou Vacquerie, ou Burty. A qui donner le prix Homère?]
On ne peut manquer, par association d'idées géographiques, de signaler que Bernard Degout, qui travaille sur VH et Chateaubriand, a désormais ses fonctions à la maison Chateaubriand à Chatenay-Malabry.
En février-mars, un Ruy Blas, mis en scène par Nicolas Lormeau, à Sartrouville.
Nous espérons qu'à la séance de janvier, Dominique Vilar pourra nous faire l'honneur de participer à la discussion de l'exposé de Florence Naugrette.
Philippe Hamon, d'accord pour intervenir lors d'une prochaine séance, souhaiterait que les hugoliens lui indiquent quelques textes de référence pour l'intervention que nous lui avons demandée (la description des objets "irréels"). Le Satyre et La vision d'où est sorti ce livre se prêteraient bien à cet exercice mais toutes autres suggestions seront bienvenues.
Communication de G. Malandain: "Voix et parole du peuple dans Quatrevingt-treize" (voir texte joint)
C. Millet constate qu'il y a beaucoup de cris dans la poésie et dans le roman hugoliens. Mais qu'en est-il du théâtre? Après vérification, A. Laster confirme la présence de plusieurs cris dramatiques très forts dans Le Roi s'amuse ou Marion De Lorme par exemple, sans parler de divers cris inarticulés de la foule (passim).
G. Rosa remarque qu'il n'a pas été question de la parole des enfants et suggère, dans la perspective même adoptée par Gabrielle, une autre description du discours de Lantenac. Plus que l'équivalent "de droite" du discours autoritaire du "décret", c'est une complète subversion de la parole, le degré non pas zéro mais négatif du Verbe [le titre: La parole, c'est le verbe est manifestement ironique]. La parole de Lantenac, sophiste au discours perverti, est l'équivalent de l'enfermement de la parole du peuple dans une langue morte. A l'autre bout de la hiérarchie des discours mise en évidence par Gabrielle, la parole de Lantenac, auprès de Halmalo et de Gauvain, est symétrique et inverse de la parole "poétique" des enfants où se résolvent et se dénouent les contradictions logiques de tous les autres discours.
G. Malandain : Le délire a cependant une cohérence. A la fin, Radoub dit exactement la même chose.
P. Laforgue : Oui, la parole de Lantenac est une parole de l'Ancien Régime, mais elle n'est pas délirante. Lantenac est en colère. Il tient un discours logorrhéique auquel Gauvain ne répond pas, mais qui n'est pas fondamentalement différent de celui de Gillenormand dans Les Misérables. (Inutile de préciser que G. Rosa n'est pas d'accord: Gillenormand n'a jamais tué personne et il ne parle pas pour sauver sa peau contre toute justice.)
A. Ubersfeld rapproche les discours de Lantenac de toutes les paroles folles prononcées au bord de la mort: discours de vaincus, qui n'ont plus de performativité. La parole y roule sur elle-même sans point d'ancrage avec le réel.
J. Seebacher objecte, par exemple, le discours d'Enjolras. Mais il rejoint G. Malandain: en fait, le discours de Lantenac est celui que la Terreur va reprendre: c'est un discours de Salut Public.
G. Rosa ne croit pas qu'on puisse transférer au XIX° siècle notre habitude d'assimiler les "totalitarismes" de droite et de gauche. En revanche, tous les Châtiments disent la monstruosité d'un langage qui fait perdre aux mots leur sens et au discours sa raison; c'est aussi ce qui est dénoncé ici: un usage à la fois délirant et pervers de la parole.
P. Laforgue cite le début du Verso de la page: Marat n'est qu'un cri. Quand il écrit, cela ne peut pas tenir. Son écriture est fragile et précaire comme un cri.
G. Malandain : Le statut de Marat et assez compliqué. Dans la grande scène de la discussion, VH en fait une présentation assez positive, et cependant il est un des auteurs du décret.
Elle souligne [trop modestement] la portée limitée de son intervention: V. Brombert a bien étudié chez la Flécharde et Halmalo la voix du peuple, ancrée dans la terre et forte, directement opposée au langage du décret. Mais il ne s'occupe pas du tout de la IIè partie. Or, la façon qu'a VH d'utiliser l'oralité dans la présentation de la Convention est remarquable dans Quatrevingt-Treize. Ce n'est pas le dicours de Gauvain qui est un modèle, mais bien plutôt le dialogue de la fin, qui agit comme une correction. Il s'agit d'une parole qui ne cesse de chercher son rapport au réel.
Communication de Tony James: "Le "bonnet rouge" de V. Hugo"
L'exposé de James, savant et parfaitement maîtrisé, laisse sans voix son auditoire, ou presque... car:
A. Ubersfeld : La datation de 1834 correspond sans doute à tout ce qu'a dit James, mais peut-être aussi à des événements ponctuels et notamment au feu roulant de la critique de novembre 1833 à avril 1834 : Nisard en novembre 1833, J. Janin et Carrel en janvier 1834, Nisard à nouveau en février 1834, s'attaquent à Hugo, en particulier mais pas uniquement sous le rapport de la langue. Dans Poètes latins de la décadence (avril 1834), Nisard vise VH indirectement, puisqu'il prétend que la poésie française est en décadence, ce qui est en contradiction avec l'avance de la société libérale. Et la résolution de cette contradiction est ingénieuse: les périodes ascendantes des sociétés privilégient les formes où se manifeste l'esprit public: la prose et le discours; la poésie, forme de l'individuel, domine dans les périodes de décadence: de dissolution de la société. La datation de 1834, pour la Réponse à un acte d'accusation serait donc fondée puisque le rapport langue, poésie, efficacité est déjà dans Nisard.
R. Journet : Nisard comprenait beaucoup de choses chez VH, mais il les condamnait. Il comparait notamment les oeuvres de VH au tachisme de Vinci.
A. Ubersfeld : La Réponse à un acte d'accusation dit beaucoup de choses, dont plusieurs en un sens ironique: le romantisme, mon oeuvre, ce n'est pas la Terreur. Mettre un bonnet rouge au dictionnaire n'est pas promener des têtes sur des piques. VH a bien conscience que la "révolution du langage poétique" ne saurait être toute la Révolution et, au passage, il s'amuse de la mauvaise foi ou de l'incurable idéalisme de ceux qui les confondent pour le condamner.
A. Laster signale que M. Brunet a publié 3 volumes sur Le voabulaire de VH, et juge le titre trompeur, puisque ce travail repose sur un corpus très limité, celui du Trésor de la Langue Française. Suit une dicussion animée sur la scientificité de cette étude. T. James, et ce sera le mot de la fin, fait remarquer que le TLF a consacré un article au "grotesque" sans mentionner VH.
V. DUFIEF
P.S. Empêchés, Jean-Claude NABET et Jacqueline LALOUETTE dont les interventions étaient prévues pour aujourd'hui, ont eu l'extrême courtoisie de me faire parvenir leur texte écrit. Il m'a semblé préférable de les entendre eux-mêmes lors d'une prochaine séance.
Tous les voeux de tous à tous!
G.R.
Equipe "Littérature et
civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2
place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.
Responsable de l'équipe : Guy Rosa.