GROUPE HUGO
Equipe de recherche
"Littérature et civilisation du XIX°
siècle"
Extrait des papotages
Retour des Etats-Unis,. Seebacher informe de son voyage, de la popularisation du Dernier Jour d’un condamné à laquelle il s'est consacré -avec succès, de la misère américaine. Il donne la clef des événements boursiers récents : s’étant, le matin, promené devant Wall Street, les cours s'effondraient deux heures plus tard. ,
René Journet communique la teneur de sa correspondance avec les héritiers de la famille Dubois de Gennes dont un des membres était le "soldat d’Afrique", un peu maltraité aux bataillons disciplinaires, pour qui Hugo intervint auprès du ministre de la Guerre, en 1847.
(Extrait anticipé) Le CNL, je l'apprends aujourd'hui, accepte de subventionner un volume supplémentaire Laffont, de manière à publier en deux volumes les Chantiers et Océans réunis par R. Journet.
Index de l’édition Laffont
L'émotion suscitée par la réception des listings nous a laissés muets. Provisoirement.
Communication de Pierre Malandain : "Un prêtre marié et Les Misérables" (publié dans Cahiers Barbey d'Aurevilly, n° 12, Minard)
Discussion
Après une brillante, ironique, baroque, inutile (car notre
bienveillance n'avait pas besoin d’être captée, lui
étant acquise), beaucoup trop modeste, accusatrice (nous ne lisons pas
tout ce qui parait sur Hugo, contrairement à ce que nous
prétendons) présentation de son propos, Pierre Malandain expose
-avec toutes sortes de commentaires, de questions, d'excitations et de mises en
déroute de l’auditoire que je regretta de ne pouvoir reproduire car
nous y avons passé un bon moment.
Se croyant
-à tort?- encouragés par les derniers mots de l'exposé:
"La poésie vaut quelquefois la science pour trouver", les
intervenants sont nombreux dans une longue discussion qu'on tente de
résumer. –
P.
Malandain précise que l'examen du manuscrit devrait permettre de savoir
avec précision quelles modifications -nécessairement mineures, car
la texte est achevé avant la publication des Misérables- ont pu
être apportées au Prêtre marié postérieurement à- et en fonction de la lecture des Misérables. On ne peut exclure que telles
analogies de détail -les mains larges comme des roues de charrette par
exemples s’expliquent de la sorte.
Mais
l'essentiel n’est pas là. Il est dans l'analogie de structure des
"histoires": un homme mûr et fort, chargé d’un
passé abyssal, élève avec amour une jeune fille; il fait le
sacrifice douloureux de sa présence en la donnant à l'homme
qu'elle épouse; c'est à lui -et à lui seul- que le
héros confie la secret de son passé.
Il
s'agit, généralement, d'une problématique de l'expiation
dans les deux romans et elle est à l’origine de la genèse du
Prêtre marié comme des Misérables, mais qui s'inscrit dans
des récits dont la trame est étrangement semblable alors
même que les visées idéologiques explicites, mais aussi le
soubassement éthico-psychologique- sont diamétralement
opposées. -A. Ubersfeld et J. Seebacher illustrent diversement le
phénomène très général de la rencontre ou de
l'analogie d'entreprises esthétiques simultanées. Au
théâtre, il y eut dernièrement l'année des baignoires
sur la scène, et celle des W.C. (Annie dit autrement) aussi. Trois
spectacles, dont les créateurs ne s'étaient pas concertés,
disposaient la même année un espace scénique identique et
très particulier: deux scènes étagées en profondeur
et séparées par un vitrage, Ou encore on vit, il y a peu, le
même jeu sur les dimensions des objets chez les metteurs en scène
et chez les peintres de la nouvelle figuration.
La
question est donc celle de la raison de ces rencontres. Et il n'y a rien de
surprenant -ce serait plutôt l'inverse qui le serait en un sens- à
ce que des réponses analogues soient données aux questions
semblables pour tous que pose à chacun l'état du monde à un
moment donné. Si en effet les individus ont la maîtrise des
réponses, ils n'ont pas celle des questions ni même des termes dans
lesquels elles sont posées
Mais, d'ordinaire ce
sont les productions courantes qui présentent entre elles les plus fortes
analogies. Nous les ignorons presque entièrement; elles sont nombreuses
et les créateurs baignant dans il leur eau tiède; il y a fort
à parier que l'armature des intrigues du Prêtre marié et des
Misérables se trouve dans les schémas des romans populaires: Sue
par exemple.
A quoi
P. Malandain répond que la perplexité du cas présent vient
du fait que les textes n’appartiennent pas à la production courante
et que leurs analogies vont au-delà du topos. Le schéma narratif
qu'on vient de dire est fort précis. Qu’on cite d'autres textes qui
y obéissent.
Si bien qu'on n'est pas
entièrement satisfait même par les propositions, complètes
et précises, de Marc Angenot. Celui-ci distingue deux plans: celui de la
culture commune, des modèles communs, etc…, celui de la
co-présence de discours divers. Pour la penser on dira que le corpus
n'est plus ici le texte mais le discours social plus vaste qui est la matrice
commune aux textes. Si bien que des discours qui s'opposent peuvent avoir une
complicité réelle. C'est bien ce que nous avons dit du
Prêtre marié et des Misérables, mais cela n'épuise
pas les analogies narratives: l'identité du schéma
général de l'intrigue.
Saisissant au bond le thème de la virginité virile qui
passait par là - Marius et Néel- Jacques 5, note que, le 19ème étant ce qu'il était, sa
critique ne pouvait plus passer par les moyens hérités du 18ème, la Raison et l'ironie. A l'horreur, il
fallait répondre par l’horreur et Shakespeare exerce une influence
bien compréhensible.
Quant à Barbey, il y
a un papier de Hugo rappelant quel dans le groupe de ses amis, son nom
était prononcé comme celui de Sibour ou de Custine, à cause
des mœurs qu'on lui prêtait, à tort ou à
raison.
R.
Journet observe que la présence dans les deux textes d'un même
matériel, mais réduit et employé très
différemment, n'empêche pas qu'ils soient lus sans qu'on
n'établisse entre eux aucun rapport, Il existe des hasards.
A quoi P. Malandain répond que ce serait
effectivement des hasards S'ils n'étaient pris dans une
problématique générale semblable: celle du rachat, dans une
sorte de paternité sublime et monstrueuse, d'un individu absolument
exclu.
La discussion se serait poursuivie s'il n'avait été temps d'entendre A. Laster, à propos des relations entre Zola et Hugo.
Communication d'Arnaud Laster : "Note sur les relations de Hugo et Zola après 1870" (résumé ci-après)
L'histoire en reste à écrire. Elle n'est bien établie que pour deux épisodes: + celui qui concerne la réception de l'Assommoir par la critique "de gauche" -les amis de Hugo en particulier- qui donna lieu à une longue controverse (compte rendu féroce de l'Ane et des Quatre Vents de l' esprit par Zola publiée pour la circonstance, dans Le Figaro);(cf P. Boutan) + celui, initial, de l'attitude des deux auteurs devant la Commune où Ripoll (Les Cahiers du naturalisme) voit l'origine de leurs divergences Zola ne pardonnant pas à Hugo son choix et son action en faveur de l'amnistie.
L'objet du présent propos n'est pas de retracer cette histoire, mais d'en éclairer un autre moment par la lecture du Ventre de Paris.(1873) A la date du 20 avril 83, le Journal des Goncourt rapporte une conversation qui atteste que le rapprochement était couramment fait entre Le Ventre de Paris et Notre-Dame de Paris.
A juste titre. Il s'était en effet d’abord de plusieurs analogies implicites portant sur des éléments de l'intrigue ou sur la définition des personnages. La petite Cadine, par exemple, très jeune, bohémienne, gourmande, sensuelle n'est peut-être pas tout à fait sans rapport avec Esmeralda. Il y a aussi un bagnard retour de Cayenne, et également un personnage, Marjolin, qui est aux Halles ce que Quasimodo est à la cathédrale.
Surtout, Le Ventre de Paris s'apparente --et s'oppose- à Notre-Dame de Paris par le rôle et la signification donnés au monument central: les Halles. Elles sont à la fois une image allégorique de l'Empire -société disgestive et manducatoire- et une réalisation de l'art nouveau. Industriel, moderne$ réaliste, matérialiste, il s'oppose à l'art romantique comme celui-ci, dans Notre-Dame s'oppose à l’art théologique et Zola retourne contre Hugo lui- même son "Ceci tuera cela". La fonte des Halles tuera les vieilles pierres de Saint-Eustache .
En ceci le rapprochement est certain, établi explicitement par Zola lui- même qui cite Hugo. Mais du coup on peut -et sans doute on doit- lire les évocations des Halles en parallèle avec celles de Notre-Dame. A la symphonie des cloches répond la symphonie des légumes ou des fromages. C’est dire que le texte de Zola ne va pas en cela sans ironie. Mais une ironie cette fois fraternelle. Car le règne de la charcuterie décrit pas Zola n'est pas considéré d'un autre œil que la "réduction de l'homme à la bête humaine" ne l'est dans l'extraordinaire passage de William Shakespeare consacré à Rabelais et au "ventre". Tous deux visent également l'Empire et par la même métaphore.
Bref en 1873, très pou de temps donc après les splendides articles consacrés à L’Homme qui rit, Zola se trouve dans une position ambiguë envers Hugo. Ambiguïté lisible dans ce roman. D'un côté leur lecture de l'Empire est étonnamment proche, non seulement politiquement mais aussi fantasmatiquement et Zola, en quelque sorte, l'avoue. D'un autre, Zola plaide déjà -même s'il ne reprend pas entièrement à son compte ce plaidoyer prononcé par un personnage passablement dévalué- en faveur d'une conception de l’art et d'une pratique artistique explicitement opposées à celles de Hugo. L'ancien accord et la future hostilité entre les deux écrivains coexiste déjà - encore dans Le Ventre de Paris.
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Responsable de l'équipe : Guy Rosa.