Présents : Stéphane Arthur, Patrice Boivin, Brigitte Braud-Denamur,
Chantal Brière, Jacques Cassier, Ludmila Charles-Wurtz, Françoise Chenet,
Jean-Claude Fizaine, Pierre Georgel, Jean-Marc Hovasse, Caroline Julliot,
Franck Laurent, Bernard Le Drezen, Claude Millet, Claire Montanari, Christine
Moulin, Guy Rosa, Yvette Parent, Caroline Raulet-Marcel, Isabel Roche, Agnès
Spiquel, Vincent Wallez, Judith Wulf et Choï Young.
Claude Millet présente le calendrier des futures séances du Groupe Hugo :
- Samedi 20 mars : Patrice Boivin, « Les Tables tournantes ».
- Samedi 29 mai : Olivia Paploray, « La correspondance entre Juliette et Hugo en 1843 ».
- Samedi 19 juin : Pierre Georgel, "Réflexions sur une édition illustrée de La Légende des siècles".
Jorge Juan Vega y Vega, professeur de l’Université de Las Palmas, vient de faire paraître une traduction en espagnol d’un ouvrage d’Eugène Pegot-Ogier, proscrit proche de Hugo pendant l’exil. Cet ouvrage figurait dans la bibliothèque de l’auteur à Hauteville-House – selon Jacques Cassier, Pegot-Ogier l’avait envoyé à Hugo, qui lui avait envoyé un mot de remerciement. La bibliothèque Jacques Seebacher en a reçu un exemplaire.
Une adaptation de L’Homme qui rit se joue à la Courneuve au centre culturel Jean-Houdremont.
Ruy Blas, mis en scène par William Mesguisch, continue à tourner. Il sera, par exemple, du 30 mars au 3 avril 2010, au théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence.
Jean-Marc Hovasse célèbre la mise en scène de Mille francs de récompense faite par Laurent Pelly au Théâtre National de Toulouse. La distribution est particulièrement bien trouvée. Le jeu des acteurs fait ressortir le texte. La pièce a remporté un franc succès et passera à Paris l’année prochaine.
[NDLR : Il chante aussi, depuis et par mail, la louange du spectacle de Jean Bellorini, Tempête sous un crâne, -adaptation des Misérables en deux époques; préférer les séances où est donnée l'intégrale,- qui se joue à la salle des répétitions du Théâtre du Soleil, à la Cartoucherie de Vincennes, jusqu'au 14 mars.]
Un cycle de conférence se tiendra au château de Grignan dans la Drôme. Pierre Brunel parlera le vendredi 5 mars à 19h de « Victor Hugo, l’écriture et l’écrivain », et Pierre Georgel évoquera le samedi 6 mars à 18 h le « musée imaginaire de Victor Hugo ».
Claude Millet remercie les enfants de Jacques Seebacher pour leur don à la bibliothèque. Guy Rosa souligne à quel point les papiers de Jacques Seebacher sont précieux. On sait que la chronologie de l'édition Massin a été faite, dans une large mesure, sur la base d'un grand fichier biographique établi par J. Seebacher. Il avait déposé ce fichier à la bibliothèque; il y est toujours et a sur la chronologie Massin cette supériorité de comporter les références des ouvrages d'où sont tirées les informations. J'avais entrepris, il y a longtemps, d'intégrer ces références à la chronologie informatisée du site; ce travail est à poursuivre. Sont également déposés les dossiers des travaux publiés par J. Seebacher. On trouve aussi dans ses papiers de nombreux mémoires et thèses, soigneusement annotés, et qui seront rendus à leurs auteurs s'ils le désirent.
Claude Millet remercie Guy Rosa pour ce très beau travail, qui prolonge des études isolées – les siennes en particulier – sur la question des rapports de Hugo à l’édition, mais les réarticule et fait penser ces rapports de manière neuve et profonde.
FRANCOISE CHENET : Ce que tu as dit de l’édition chez Hugo me fait penser au Rhin. L’ouvrage est composé d’extraits de la correspondance de Hugo, mais beaucoup de lettres de voyages factices ont été rajoutées par la suite. Elles ne prennent sens que dans l’ensemble que construit l’auteur. Les lettres sont écrites d’après les voyages qu’il a effectués en 1838, 1839 et 1840. Hugo publie ensuite une édition augmentée en 1845 en ajoutant quatorze nouvelles lettres. Il les reconstruit parfois d’après les notes de ses carnets.
PIERRE GEORGEL : Merci pour ton très bel exposé. On peut y ajouter quelques détails. Je ne pense pas, par exemple, que le legs des manuscrits à la BNF n'aboutisse qu'à les sacraliser. L’acte ne se lit pas seulement, et sans doute pas principalement, comme l’érection d’un monument : il permet à Hugo, puisque ces manuscrits sont destinés à être connus, lus, exposés, d’éloigner son œuvre du figé de l’imprimerie. Il lui donne ce que Cézanne appellerait « le frisson de la durée ».
GUY ROSA : C’est tout à fait juste. On réduit ordinairement la présence des manuscrits à une exhibition monumentale (qu’on ne serait pas loin de reprocher à Hugo si ce n’était leur valeur marchande). On a tort et ta lecture du dépôt des manuscrits est bien meilleure.
PIERRE GEORGEL : Je le crois, car le lecteur entretient, comme l’auteur, un rapport physique avec le manuscrit, qui manque à l’imprimé. Ajoutons que, curieusement, Hugo prescrit de rassembler tout ce qui a été écrit et dessiné par lui, mais ne donne de directive de publication que pour l’écrit, laissant les dessins à leur statut antérieur – celui que j’ai tenté d’analyser [NDLR dans « “Pour l’intimité” – Les champs de communication de l’œuvre graphique de Hugo », voir ici communication au Groupe Hugo du 20 avril 1991]. Il reste dans l’objet-dessin une aura qui est constituée du vécu, de la durée, du corps, et il importe de la préserver telle quelle. La publication en évacuerait l’essentiel.
LUDMILA CHARLES-WURTZ : Les stratégies de Hugo pour réunir plusieurs moments de la création ne se déploient pas seulement d’œuvre à œuvre mais aussi à l’intérieur d’un même livre et ce, bien avant Les Contemplations, dès le début de l’œuvre. Je pense en particulier aux « Soleils couchants » dans Les Feuilles d’automne, dont les parties distinctes, numérotées, portent chacune une date différente. Le processus de création est ainsi inscrit à l’intérieur même des poèmes.
FRANCK LAURENT : La mise en scène d’un work in progress résulte d’une stratégie mise en place à partir des Odes et ballades de 1828. Hugo annonce le recueil à venir dans le dernier poème du recueil qu’il publie. Très souvent, cette stratégie est glosée dans la préface.
GUY ROSA : C’est juste. Je me suis surtout occupé du « rétrospectif », mais il est vrai qu’il y a très souvent chez Hugo du « prospectif ».
FRANCK LAURENT : Ce « prospectif » donne au lecteur l’impression que « tout est déjà là ».
GUY ROSA : Tu emploies l’expression « work in progress ». Bernard Leuilliot l’emploie également dans plusieurs de ses travaux. Il a développé la même idée que celle que je viens d’exposer, mais il se place, lui, plutôt du point de vue de la genèse que de celui de la publication. Il rend compte du fouillis inextricable de la genèse, où Hugo écrit plusieurs choses à la fois. Comme créateur, Hugo « fait de l’œuvre », puis, de temps en temps, agence ses écrits pour la publication – non sans variations d’ailleurs. Je vous renvoie aux nombreuses métaphores utilisées par Bernard Leuilliot pour expliquer cela. Il évoque, par exemple, ces « chemins qui se dessinent à mesure qu’on y avance et conduisent où l'on veut aller ».
PIERRE GEORGEL : Cette manière de composer est visible dans les fragments. De nombreux fragments sont passés d’une liasse à une autre. Hugo les déplace au fur et à mesure.
JEAN-CLAUDE FIZAINE : J’ai trouvé ta synthèse très subtile et très solide à la fois. Le mythe de la fatalité de l’inachèvement est très répandu, mais ta communication la rend intelligible.
Je voudrais parler d’un cas particulier que tu n’as pas évoqué, je crois, dans ta communication : Hugo a prévu et écrit pour Les Misérables un chapitre, « Les Fleurs », dont la publication a été différée. Il ne paraît que dans ce qu’on appelle, depuis la collection « Bouquins » les Proses philosophiques. Si on lit ce texte en parallèle avec Les Misérables, il donne beaucoup de sens au roman auquel il était initialement destiné.
CLAUDE MILLET : L’exemple que tu donnes ne constitue pas véritablement un cas particulier. Les Proses philosophiques sont composées de textes primitivement destinés à un livre et qui n'y ont finalement pas été employés. Ainsi en est-il de « La Mer et Le Vent », profondément lié aux Travailleurs de la mer.
JEAN-CLAUDE FIZAINE : A ceci près, tout de même, que « Les Fleurs » est bel et bien un chapitre non publié des Misérables. La même chose aurait pu arriver à « Ceci tuera cela ».
GUY ROSA : Peut-on vraiment dire que « Les Fleurs » est un chapitre retiré des Misérables ? sa suture avec le reste du texte n’a pas été faite.
JEAN-CLAUDE FIZAINE : Si, elle a été faite, mais elle est, en effet, cousue de fil blanc. Hugo avait prévu le point d’insertion de ce passage.
GUY ROSA : Si on admet ce genre de liaison relativement lâche, alors l’exemple de « Fleurs » n’est pas isolé. Un autre est le récit de la rencontre de Cosette avec son père. Il me semble cependant qu’il s’agit là d’événements de genèse, différents de « Ceci tuera cela » ou de « l’Archipel de la Manche », qui sont des événements de publication. Les décisions les concernant sont prises alors que le manuscrit est achevé et en voie de publication.
Reste cependant qu’effectivement, il y a une sorte de dégradé sans vraie solution de continuité depuis les abandons ou les ajouts effectués très tôt dans le cours de la rédaction et ceux qui ont lieu à la veille de la publication, voire après la publication initiale.
JEAN-MARC HOVASSE : Vous avez évoqué Actes et Paroles de manière incomplète. Là encore, il s’agit d’une œuvre qui se construit au fur et à mesure des éditions. Hugo publie deux volumes d’Œuvres oratoires en 1853, puis il publie en 1872 la première version, partielle, d’Actes et Paroles – sans compter la série des Douze discours, Treize Discours, Quatorze Discours de la Deuxième République.
GUY ROSA : Exact. J’ajouterai une note. Là, la chose devient effectivement vertigineuse, puisque le procédé initial de la réitération cumulative des publications antérieures (dans 12, 13, 14 discours) est relayé par une première récollection, incomplète, puis par une seconde qui fonctionne envers la précédente comme une autre réitération cumulative et envers les discours comme une section d’œuvres complètes.
FRANCK LAURENT : Aux œuvres oratoires se mêlent des poèmes. La construction de l’œuvre change. Les textes, dans le premier volume, sont classés par les lieux d’énonciation. Dans le deuxième, ils sont classés par années, de façon chronologique.
GUY ROSA : Le cas d’Actes et Paroles est complexe. Hugo y combine plusieurs formules. C’est une œuvre complète partielle et aussi une œuvre nouvelle, réécrite comme l’est Littérature et philosophie mêlées. Mais Littérature et philosophie ne constituait qu’un ouvrage, alors qu’on a ici une succession de livres.
BERNARD LE DREZEN : Certains textes apparaissent en outre dans des publications détachées. Les discours académiques de Hugo sont, par exemple, publiés dans des brochures.
AGNES SPIQUEL : D’autres sont sortis dans Le Rappel.
GUY ROSA : Vous avez raison et je crois avoir indiqué cela. Il faut d’ailleurs ajouter que la conduite de Hugo n’est pas entièrement originale, du moins jusqu’à Actes et Paroles, puisque les grands orateurs de l’époque publiaient souvent des recueils partiels de leurs interventions politiques.
FRANCK LAURENT : Il ne s’agit en effet pas seulement d’un recueil. Il y a des chapeaux, des chapitres… Les Actes et Paroles constituent les mémoires de quelqu’un qui refuse de faire ses mémoires. Ils ont quelque chose de très autobiographique.
PIERRE GEORGEL : J’avais suggéré, il y a longtemps, une idée à ce sujet. Comme il semble qu’elle n’ait pas été retenue, je crois pouvoir la répéter. Il s’agit du rapprochement à faire entre Actes et Paroles et Les Contemplations. Les deux recueils semblent aussi éloignés l’un de l’autre que possible. Et pourtant. Les Contemplations, on le sait, doivent être lues comme les mémoires d’une âme, mais Actes et Paroles offre l’autre volet du diptyque : les mémoires d’une action. Il s’agit d’une collection de faits et de discours dont l’unité est biographique.
FRANCK LAURENT : Tout ce qui, chez Hugo, a quelque chose d’autobiographique est lié à la politique. Il a trouvé une manière pour ne pas réécrire des Mémoires d’outre-tombe.
PIERRE GEORGEL : Hugo prescrit, dans son testament, de publier tous ses écrits. Mais que sait-on de ce qu’il subsistait de ses papiers lorsqu’il fait cette prescription ? Il a beaucoup détruit. Il est probable, par exemple, qu’il ait fait le ménage – il le note dans un de ses carnets – en 1870. Imaginait-il vraiment qu’on allait publier tout cela ?
GUY ROSA : Je ne crois pas. Le testament est impérieux mais ouvert. Il laisse entendre que les exécutants pourront procéder à un tri.
JEAN-CLAUDE FIZAINE : Lui-même avait commencé de le faire de son vivant. Il avait des projets de publication et avait constitué des dossiers – dont le fameux « Tas de pierres », par exemple.
GUY ROSA : Il est très difficile de savoir ce qu’il projetait de faire de ses écrits fragmentaires. On serait tenté de penser, par exemple, que les fragments portant des corrections méritent davantage publication que ceux de premier et unique jet. Ce serait sans doute erroné : Hugo corrige tout ce qu’il écrit, on dirait de façon maniaque si ce n’était celle d’un écrivain connaissant son métier.
JEAN-CLAUDE FIZAINE : C’est juste. Hugo reformule d’ailleurs souvent ce qu’il écrit dans la foulée. Les corrections sont parfois pratiquement simultanées avec la rédaction: il corrige en rédigeant.
GUY ROSA : Voire rédige en corrigeant. Globalement, on pourrait presque dire que Hugo corrige plus qu’il n’écrit.
PIERRE GEORGEL : Encore nous manque-t-il, malheureusement ; la plupart de ses brouillons.
CLAUDE MILLET : Lorsqu’il pense à publier ses œuvres complètes, Hugo a un grand modèle : Chateaubriand. Il ne reprend cependant pas son système, qui consiste à faire des annotations en bas de page, comme dans son Essai sur les révolutions, au point de construire un texte en partie double, dans la dissociation du passé de la rédaction et du présent de la (re)publication. Ces notes permettent d’intégrer l’œuvre dans la vie mais aussi de créer un effet de lecture : l’œuvre devient l’objet des commentaires. Ce n’est pas ce que fait Hugo. Il décide, quant à lui, de corriger l’œuvre plutôt que de la gloser. Il donne à l’œuvre la possibilité d’évoluer.
FRANCK LAURENT : Dès 1828-1829, Hugo a le projet de publier ses œuvres complètes, soit deux ans après la parution de celles de Chateaubriand.
CLAUDE MILLET : D'autre part, dans William Shakespeare, Hugo n’écrit rien sur l’acte de publication. Sa pensée porte plutôt sur l’écriture et sur les Hommes-oeuvres que sont les génies, comme dans le poème "Un poète est un monde enfermé dans un homme...." Et parler de l’œuvre par le biais d’un discours sur l’homme, c’est parler du devenir organique de l’œuvre.
GUY ROSA : C’est vrai. Il ne cite d’ailleurs que très peu de titres d’ouvrages dans William Shakespeare. Les noms des grands auteurs, eux, sont sans cesse répétés.
CLAUDE MILLET : Ils sont les incarnations d’un processus vital.
LUDMILA CHARLES-WURTZ : De ce point de vue, le concept d’espace autobiographique peut être utile. L’autobiographie se développe là où on ne l’attend pas. Dans presque toutes les préfaces des recueils, Hugo dit explicitement qu’il a mis un peu de lui. En revanche, dans les romans, Hugo procède par allusions autobiographiques. Il construit un vaste espace autobiographique à l’échelle de son œuvre. Son existence créatrice est ainsi unifiée.
CLAUDE MILLET : On pourrait aussi penser les gestes de republication comme des répétitions dues à la pression d’une Histoire répétitive. Je pense par exemple à L’Année terrible. Le Prologue est la republication en 1872 d'un poème de 1870, "Turba", qui lui-même est en grande partie un réagencement du « Verso de la page ». Des textes écrits auparavant sont réemployés car l’Histoire n’avance pas. Ce qui pouvait être dit à propos du plébiscite au début du Second Empire peut être redit dans un autre contexte. La répétition est nécessaire, comme un signe des malheurs du temps.
PIERRE GEORGEL : La réédition de l’Histoire d’un crime en 1877 peut s’expliquer, de même, par le contexte politique.
JEAN-MARC HOVASSE : On sépare souvent – moi le premier – le Hugo d’avant, de pendant et d’après l’exil. Pourtant, il y a des parallélismes saisissants entre la préface d’Hernani, par exemple, et la Légende des siècles. Des liens peuvent se tisser entre les Odes et ballades et les séries de La Légende. L’œuvre ne cesse de se poursuivre. Le tome ajouté à la Légende en 1883 ne s’intitule d’ailleurs pas « dernière série », mais « tome cinquième ».
AGNES SPIQUEL : Hugo ajoute cependant « et dernier » : « Tome cinquième et dernier ».
CLAUDE MILLET : En 1883, Hugo n’écrit plus vraiment seul…
FRANCK LAURENT : Il est vrai qu’on ne le voit pas intégrer seul dans La Légende des siècles « Le Retour de l’Empereur ».
GUY ROSA : Nous sommes tous bien d’accord là-dessus. Je rappelle d’ailleurs que le contrat pour l’édition ne varietur prévoit, pour la rétribution de Meurice et Vacquerie, non seulement un fixe (important), mais bel et bien un pourcentage en droits d’auteur ! Etait-ce, de la part de Hugo, généreux ou exactement calculé ? Quoi qu’il en soit, il faut avouer que Meurice et Vacquerie ont une pratique très conformiste de la littérature. Je me demande toujours comment Hugo pouvait s’entendre avec eux. L’édition de l’Imprimerie Nationale, conduite d’abord par Meurice lui-même, est extraordinairement bégueule. Je le constate en travaillant au reliquat d’Histoire d’un crime. Dans un fragment, par exemple, Hugo décrit les bivouacs : les soldats « baisaient les filles », ils « forniquaient » : ils ne forniquent ni ne baisent personne dans l’IN, qui barre, purement et simplement. De même fait-elle, je vous le rappelle, pour le « La musique n’est presque pas un art » de je ne sais plus quel texte des alentours de William Shakespeare.
CLAUDE MILLET : Va dans le sens de ce conformisme l'édition ne varietur de La Légende des siècles, qui brasse les trois séries en un monument à la gloire de son auteur plus qu'au profit d'une pensée de l'Histoire. Même si on ne sait pas qui exactement fait quoi à cette date...
PIERRE GEORGEL : Meurice et Vacquerie n’étaient certes pas des génies. Meurice surtout, car Vacquerie n’avait pas le rôle qu’on lui prête.
FRANCK LAURENT : Je pense cependant qu’on minimise l’intelligence de Meurice. Ce n’était pas n’importe qui. Il s’agissait d’un grand homme de médias. C’est pour cette raison que Hugo l’écoutait. Il avait le sens du public. Il ne songeait pas, comme Hugo, à la postérité, mais à ce que le public pouvait apprécier dans l’immédiat. Il ne faut pas oublier, d’autre part, ce qu’était Le Rappel. C’était un journal anticonformiste de grand tirage.
CLAUDE MILLET : Pourquoi dites-vous, Pierre, que Vacquerie n’avait pas un grand rôle ?
PIERRE GEORGEL : J’ai travaillé sur les papiers de Hugo. L’activité de Meurice est très perceptible. Celle de Vacquerie ne l’est pas du tout.
JACQUES CASSIER : Vacquerie était cependant un grand journaliste. Il s’est beaucoup consacré au Rappel.
FRANCK LAURENT : Pour nous hugoliens, Le Rappel n’est que le journal dans lequel Hugo s’exprimait. Il ne faut pas oublier qu’il s’agissait d’un organe de presse important à l’époque. Il avait une grande influence et publiait entre trente et cinquante mille exemplaires !
JACQUES CASSIER : Les numéros du Rappel seront bientôt disponibles sur Gallica. Le travail des chercheurs sera ainsi considérablement facilité.
Claire Montanari
Equipe "Littérature et civilisation du 19° siècle"
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