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Séance du 26 septembre 2009

Présents : Josette Acher, Stéphane Arthur, Patrice Boivin, Brigitte Braud-Denamur, Françoise Chenet, Françoise Court-Pérez, Jean-Claude Fizaine, Pierre Georgel, Delphine Gleizes, Caroline Julliot, Arnaud Laster, Franck Laurent, Loïc Le Dauphin, Bernard Leuilliot, Claude Millet, Claire Montanari, Ève Morisi, Christine Moulin, Ayako Murakami, Florence Naugrette, Yvette Parent, Marie Perrin, Martine Pitault, Jean-Pierre Reynaud, Guy Rosa, Denis Sellem, Sylvie Vielledent, Vincent Wallez.


Informations

Événements

Stéphane Arthur soutiendra sa thèse portant sur La Représentation du seizième siècle dans le théâtre romantique (1826-1842), préparée sous la direction de Mme Françoise Mélonio, à la Maison de la Recherche de Paris IV-Sorbonne (D 035), le mercredi 21 octobre, à partir de 9h30. Le jury sera le suivant : M. Patrick Berthier, M. Jean Céard, M. Pierre Frantz, M. Gérard Gengembre, Mme Françoise Mélonio, Mme Florence Naugrette.

 

Marie Perrin soutiendra sa thèse intitulée L’Écriture écartelée. Barbarie et civilisation dans les romans et la prose philosophique de Victor Hugo (Combiner “les lois de l’art” et “la loi du progrès” des Misérables à Quatrevingt-treize), préparée sous la direction de Mme Gabrielle Chamarat, le samedi 31 octobre à Paris X (Paris Ouest – Nanterre – La Défense), à partir de 14 heures (bâtiment B, salle des thèses B016). La thèse sera examinée par le jury suivant : M. Jean-Louis Cabanès, Mme Gabrielle Chamarat, M. Jean-Marc Hovasse, M. Bertrand Marchal, Mme Claude Millet, M. Alain Vaillant.

Patrice Boivin rappelle la tenue d’un congrès intitulé Les religions du XIX° siècle, organisé par la Société des études romantiques et dix-neuviémistes, les 26, 27 et 28 novembre prochains, à la Fondation Singer-Polignac (le 26), à la NBF (le 27) et à l’INHA (le 28). Il y fera une intervention.

 

Publications et travaux en cours :

La thèse de Caroline Julliot (La Naissance du Grand Inquisiteur, Émergence et métamorphose d’un mythe moderne au XIX° siècle) paraîtra chez Champion au cours de l’année universitaire.

 

Guy Rosa et Jean-Marc Hovasse préparent, non sans difficultés éditoriales, l’édition d’Histoire d’un crime de Hugo. Guy Rosa travaille sur le reliquat de l’œuvre.

 

Françoise Court-Pérez aimerait que le bicentenaire de la naissance de Gautier, en 2011, soit l’occasion d’approfondir les relations Gautier / Hugo.

 

Ève Morisi prépare à Princeton une thèse portant sur la représentation de la peine de mort chez Hugo, Baudelaire et Camus, en cotutelle avec Bertrand Marchal. Jean-Pierre Reynaud profite de cette annonce pour dire qu’il a été étonné par le premier chapitre des mémoires de Claude Lanzmann, qui ne parle pas de la peine de mort chez Hugo, alors même que la réflexion de Lanzmann l’appelait directement.

 

Jean-Pierre Reynaud, qui travaille en ce moment sur les rapports entre Bible et littérature, se demande dans quelle édition Hugo lisait la Bible. Il lui semble qu’il la traduit directement du latin, car parfois il suit Sacy et parfois pas. Pour certains, les connaissances bibliques hugoliennes sont de seconde main et proviennent d’articles parlant de la Bible. Jean-Pierre Reynaud rappelle que Pierre Albouy, dans sa thèse, note le point suivant : quand Hugo cite Job dans Notre-Dame de Paris (seule citation biblique de l’œuvre), il tient compte des corrections que Chateaubriand a apportées, dans Génie du Christianisme, à la traduction du Maistre de Sacy. Guy Rosa remarque qu’il faut tenir compte des possibilités d’erreur. Aucun auteur d'article -ou de thèse- ne cite Hugo de manière tout à fait correcte. Jean-Pierre Reynaud signale, sur cette question de l’intertextualité biblique chez Hugo, un excellent article de Claude Millet portant sur l’amour dans Les Travailleurs de la mer (Romantisme, n° 115, 2002).

 

Calendrier

Claude Millet établit avec les présents le programme de l’année.

 

Spectacles :

Arnaud Laster annonce que la prochaine édition du festival « Hugo et Égaux » portera sur Hugo et Shakespeare. Une prolongation se tiendra en août à Grignan, dans le château de Mme de Sévigné, avec une représentation du Roi s’amuse de Hugo. Patrice Boivin se met à la disposition du Groupe Hugo pour toute information sur l’accueil à Grignan.

 

Claude Millet signale une mise en scène de L’Homme qui rit par Laurent Schuh. Le spectacle se joue à Vincennes, Centre Daniel-Sorano, du 18 novembre au 20 décembre.

 

La mise en scène d’Angelo, tyran de Padoue, par Christophe Honoré, montée à Avignon cette année, fait presque l’unanimité. Guy Rosa, Sylvie Vielledent, Vincent Wallez, Loïc Le Dauphin et Florence Naugrette ont apprécié, pas Arnaud Laster. Il y a débat sur la fréquence des représentations de cette œuvre qu'A. Laster dit presque aussi souvent représentée qu'Hernani ou Ruy Blas -de sorte que C. Honoré a tort de se vanter de l'avoir tirée de l'oubli. Guy Rosa prétend qu'il a vu une dizaine de Ruy Blas et que cet Angelo est le premier. -Parle pour toi, s'insurge A. Laster. On manque de statistiques.

 

Claude Millet rappelle que la belle pièce de Jean Delabroy, La Séparation des songes, mise en scène Michel Didym, se joue encore jusqu’au 17 octobre au « Théâtre Ouvert ». Le rapport avec Hugo n’est pas direct, si ce n’est, comme le rappelle Arnaud Laster, que Jean Delabroy place sa pièce sous la tutelle de Chateaubriand et de Hugo – et qu’on y retrouvera la petite valise où Jean Valjean a gardé les vêtements de Cosette enfant... A voir, donc.


Communication de Caroline Raulet-Marcel : Le Bug-Jargal de 1826 : les enjeux d’un dispositif d’énigme caduc (voir texte joint)


Discussion

CLAUDE MILLET : Vous mettez en valeur, dans ce roman du très jeune Hugo, des dispositifs qui sont structurels et traversent toute son œuvre, notamment la facticité des énigmes. Personne ne se demande, dans Les Misérables, qui est véritablement M. Leblanc.

GUY ROSA : Ce n’est pas tout à fait pareil. Il n’y a pas d’énigme du tout dans Les Misérables. Mais dans Bug Jargal, le dispositif est différent : le lecteur n’identifie pas tout de suite le personnage de Bug et ne se rend pas compte que son identité lui a pourtant été donnée d’emblée. La structure d’énigme est plus forte que le dévoilement, l’énigme est maintenue alors même qu’elle est dévoilée.

JEAN-CLAUDE FIZAINE : Il s’agit d’un jeu avec l’énigme.

 

Une situation énonciative romanesque en difficulté sous la Restauration

GUY ROSA : Il faut rappeler la thèse de Caroline Raulet, à laquelle son analyse de Bug Jargal ne fournit qu'un exemple: tous ces jeux de communication manifestent une mise en danger de la communication elle-même, par toutes sortes de procédés. Cela est caractéristique du roman de la Restauration plus que du roman de la Monarchie de Juillet, et disparaîtra ensuite. La structure d’énonciation rappelle celle de Han d’Islande (il y a énigme car on n’y comprend rien, le lecteur est perdu), elle est compliquée, tordue, et met en danger la communication de Bug Jargal ou de Han d’Islande. Cela est moins net dans Notre-Dame de Paris, dont le ton ironique affecte néanmoins la communication (mais pas la structure d’énonciation). Par la suite, on peut parler de communication à « gros tuyaux », exploitée tout uniment et fonctionnant de manière huilée. Cette communication difficile est donc pour Bug Jargal l’enjeu même du texte, plus que le récit lui-même.

FRANCK LAURENT : Je ne veux pas entrer dans ce débat « années 70 », mais voudrais juste préciser que ce problème de communication repose également sur les formes du roman populaire et du mélodrame. La citation de Villemain que nous a donnée Caroline Raulet-Marcel dans son exemplier doit aussi porter là-dessus, peut-être plus que sur une situation de communication qui lui paraîtrait trop complexe. Je voudrais également faire remarquer que d’Auverney meurt très peu de temps après son récit, et non des années plus tard.

 

Énigmes d’identité

CLAUDE MILLET : Je voudrais revenir sur la question des énigmes d’identité qui n’en sont pas. Quand il y a structure d’énigme, on distingue dans le dédoublement une identité authentique et une identité fallacieuse, ce que ne fait jamais Hugo. Voyez par exemple le couple Hernani/Jean d’Aragon : Jean d’Aragon n’est pas une identité plus authentique qu’Hernani. Le parasitage de la structure habituelle de l’énigme autour de l’identité échappe à la logique romanesque du démasquage pour mettre en scène deux moi qui sont aussi authentiques l’un que l’autre, ou pour faire du masque la figure même de l’identité.

BERNARD LEUILLIOT : Il s’agit du problème du roman policier, who’s done it.

CLAUDE MILLET : Les scènes de reconnaissance de personnages sont aussi travaillées par la comédie, dans la mesure où elles appartiennent à sa topique fondamentale.

BERNARD LEUILLIOT : Il y a des prolongements célèbres de ce dispositif, comme dans Le Grand Sommeil de Chandler. On ne comprend pas tout de suite l’identité des personnages. Et puis, ce n’est pas seulement le lecteur mais aussi le critique qui est visé dans Bug Jargal. Je vois le critique en « chien boiteux » qui lève la tête chaque fois qu’il entend le nom de Bug Jargal. L’image du critique est selon moi présente dans le chien Rask : le critique, comme lui, lève chaque fois la tête au nom de Bug.

GUY ROSA : C'est un autre point de la thèse de Caroline Raulet, selon lequel le romancier de la Restauration hésite entre acceptation et refus du modèle de la communication officielle et est tellement embarrassé par la critique qu’il passe son temps tout à la fois à la récuser et à l’accepter.

BERNARD LEUILLIOT : Hitchcock voudra contourner cette recherche du coupable à travers le problème de l’identité. Notons également qu’« autrement dit » est chez Hugo la formule récurrente d’un dévoilement. Enfin, est-ce que quelqu’un comprend la formule « un vrai Gibraltar ? » Personne ne peut donner une explication définitive sur ce point.

 

Sur la figure de l’auteur en griot

BERNARD LEUILLIOT : Le personnage de l’auteur dans Bug Jargal me fait penser à la distorsion qui existe entre l’auteur des Odes et celui qui publie Le Rhin, au moment de la campagne à l’Académie française. Si les Académiciens l’avaient lu de près, ils n’auraient pas voté pour lui. Mais l’auteur de Bug Jargal n’est pas celui des Odes. En cela, la chronologie est importante. Il faut revenir à Han d’Islande. Je soutiens qu’il y a deux campagnes d’écriture pour ce roman, aboutissant à deux textes très éloignés l'un de l'autre. La première traite d’une histoire d’amour édulcorée, la seconde lui fait subir un gauchissement et tire l’intrigue vers le grotesque. Caroline Raulet l'a constaté avec l’invention du personnage d’Habibrah, qui vient ajouter du grotesque à une histoire d’amour plutôt fade.

CLAUDE MILLET : On constate le même phénomène pour les Odes et ballades de 1826, avec l’introduction, dans les Ballades, du grotesque.

BERNARD LEUILLIOT : On s’achemine ainsi doucement vers la Préface de Cromwell, manifeste du grotesque hugolien. En outre, la représentation de l’auteur en griot est ici importante : il s’agit d’une revendication et non de l’autodérision. Je suis comme le griot, dit Hugo, et c'est pourquoi vous n’aimez pas ce que je fais. Le « Hugo nègre », le « Homère Ogu » des Misérables est déjà virtuellement présent.

JEAN-PIERRE REYNAUD : Hugo écrira aussi qu’« Orphée est noir ».

 

Aveuglement et énigme

YVETTE PARENT : Je regrette que vous n’ayez pas utilisé la première version de Bug Jargal, où Hugo n’est pas là (si tant est qu’on puisse être absent d’un texte qu’on écrit), n’intervient pas. Il y a progression dans l’aveuglement chez d’Auverney, que ce soit par rapport à Pierrot puis par rapport à Habibrah. C'est un aveuglement qui fait appel à la question de la négritude. Il y a une relation d’amour entre le narrateur et ce personnage, qui a une peau noire. Delmar aime Pierrot, mais sa civilisation ne lui permet pas de le reconnaître. Alors que dans le texte de 1826, il y a Marie, d’où un aveuglement raciste plus « roublard ». Et puis il y a l’aveuglement vis-à-vis d’Habibrah : c'est le frère qu’il ne reconnaît pas, car l’autre existe, mais le bouffon de l’oncle ne peut pas, pour le narrateur, être griot dans le camp de Biassou. Il faudrait voir à quoi est dû cet aveuglement.

CAROLINE RAULET-MARCEL : J’ai laissé de côté cet aspect, mais je pense que ce qui est intéressant dans la version de 1826, c'est qu’il rajoute une autre énigme. Je sais bien qu’il s’agit d’une structure de roman populaire, mais Hugo joue avec et va jusqu’à donner la solution dès le début.

 

Légitimité politique et poétique

BERNARD LEUILLIOT : Chronologiquement, le texte est contemporain de la question que Hugo se pose sur la légitimité, au sens politique et poétique. Quelle est la légitimité du génie ? qu’est-ce qui fait la légitimité ? Plus tard, Hugo dira que la seule légitimité est celle du créateur sur sa créature [il donnera comme exemple l’exemple de la reine des abeilles dans Philosophie, commencement d’un livre]. Ici, il s’agit d’une légitimité marginale, qui est celle du roi nègre, au-delà de la représentation plus restreinte de la position auctoriale.

 

Une situation d’énonciation dangereuse

GUY ROSA : C'est un point de détail, mais je voudrais tout de même répondre à Franck Laurent au sujet de sa pique sur cette problématique « années 70 ». Elle ne s'applique qu'à la poétique narrative. Les questions d’énonciation appartiennent aux années 1980, quant à l’histoire de la communication littéraire, elle n'a que quelques années et reste presque entièrement à faire. Je ferais néanmoins un reproche à l’exposé (pas à sa thèse où cet aspect est développé) de Caroline Raulet : il passe sous silence la troisième grande transformation qui affecte le texte en 1826 : celle de la situation d’énonciation fictive elle-même qui devient dramatique puisque d’Auverney est à la veille de mourir. Cette mort -et le récit qui la précède- est un suicide puisque d'Auvernay est sous le coup d'une enquête et que son récit, largement hostile aux mesures prises par la Révolution, est un des motifs qui suffiraient à le faire traduire devant le tribunal révolutionnaire s'il n'en anticipait pas le jugement en allant au-devant de la mort dans le combat du lendemain.

BERNARD LEUILLIOT : Il s’agit, dans la note finale, de la première apparition de Cimourdain en ambassadeur à bonnet rouge.

CAROLINE RAULET-MARCEL : La communication n’est pas seulement difficile, biaisée, elle est aussi dangereuse.

JOSETTE ACHER : Je voudrais revenir sur ce qui est dit de la liberté de pensée qui se réfugie dans les camps. Dans son discours à l’Académie française, Hugo dira que cette liberté se réfugie dans les penseurs (il en cite six, dont Benjamin Constant). Beau glissement du militaire aux penseurs républicains.

STÉPHANE ARTHUR : On peut penser à Amy Robsart, notamment par la figure du nain et le jeu avec l’énigme qu’amène la fausse prédiction des alchimistes.

 

Stratégies auctoriales

ARNAUD LASTER : Il y a comme une sorte de filon qui affleure de plus en plus au fur et à mesure que les années passent. Par exemple la Préface de Cromwell s’attache au personnage de Milton, qui est un poète aveugle, et plus tard, dans Les Misérables, on trouve l’expression « Homère Hugo », et l’on sait qu’Homère passait pour aveugle. Dans Amy Robsart, Hugo se cache aussi, n’affiche pas son nom et exécute le programme qu’il annonçait dans son texte sur Walter Scott.

CLAUDE MILLET : On ne peut pas couper Hugo de son temps, analyser la question de l’auteur dans Amy Robsart comme si l’affirmation du dramaturge allait de soi. Hugo est un écrivain de son temps, la pratique de l’anonymat à cette époque n’est pas seulement un geste créateur pour Hugo. Hugo est à situer, s’agissant de l’anonymat de Bug-Jargal, ou de l’écriture à double main d’Amy Robsart, « dans les modalités moyennes de la production de son temps ».

ARNAUD LASTER : Je ne suis pas d’accord. Le mystère de l’identité de l’auteur d’Amy Robsart a continué à planer même après la mort de Hugo. Il s’agissait d’une véritable stratégie. Une autre stratégie qui tourne autour de la personnalité de l’auteur se trouve dans toute cette veine d’autodérision de la postface du Dernier Jour d’un condamné à mort, « Comédie à propos d’une tragédie ».

GUY ROSA : S’il y a un texte où il n’y a pas d’autodérision, c'est bien celui-là !

CAROLINE RAULET-MARCEL : Il s’agit d’une dérision des critiques, non d’une dérision auctoriale. Quant à Amy Robsart, n'est-il pas permis de dire que Hugo se réapproprie un usage d’époque pour en faire un élément signifiant? Car bon nombre de romans de la Restauration mettent en oeuvre des procédés analogues sans qu'on puisse y lire le moindre sens. C'est même, en général, ce qui distingue les "grands" auteurs des petits.

DELPHINE GLEIZES : On peut considérer qu’il y a une « impureté de l’écriture » dans Bug Jargal : un auteur en cours de constitution, un processus génétique lacunaire. L’œuvre ne peut pas être analysée de la même manière que les œuvres d’exil. Les mises au point techniques ne sont pas encore là.

CAROLINE RAULET-MARCEL : C'est une autre manière de récuser le sens. On dit la même chose des œuvres de jeunesse de Balzac. Il faut néanmoins constater qu’il existe déjà chez ces auteurs une réelle maîtrise de l’écriture.

BERNARD LEUILLIOT : Le jeune Hugo est plus maître de son écriture que le jeune Balzac.

CAROLINE RAULET-MARCEL : Il n’y a pas de maladresses dans le traitement de l’énigme chez Hugo, mais une volonté affichée dès le départ.

DELPHINE GLEIZES : La réalité de l'effet d'énigme relève d’une expérience de lecteur difficile à évaluer. Dans W ou le souvenir d’enfance de Georges Perec, tout est aussi dit dès le début, puis on l’oublie…

FRANCK LAURENT : Bug Jargal s’inscrit dans l’histoire littéraire et dans l’histoire des formes : il est héritier du roman populaire mais aussi de roman du XVIII° siècle, dont l’héritage est assumé par le jeune Hugo, notamment à travers des romanciers comme Sterne.

Dans Comédie à propos d’une tragédie, il n’y a pas autodérision mais « auto-confirmation critique », pour ainsi dire. Seul le philosophe tire son épingle du jeu dans cette pièce, car sa critique du Dernier Jour d’un condamné – « J’ai lu cet ouvrage. Il n’est pas bon » – est une posture critique qui est recevable pour Hugo. En effet, si l’on se reporte à la Préface des Orientales, Hugo reconnaissait à la critique le droit de juger ainsi d’un ouvrage (« L’ouvrage est-il bon ou est-il mauvais ? Voilà tout le domaine de la critique. »)

ARNAUD LASTER : Sans qu'on puisse dire que le philosophe a raison. Il est tout de même traité avec ironie, dans le vocabulaire qui lui est donné en particulier.

 Marie Perrin


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