Présents : Josette Acher, Amir Biglari, Chantal Brière,
Françoise Chenet, Florence Claval, Olivier Decroix, Jean-Claude Fizaine, Pierre
Georgel, Delphine Gleizes, Jean-Marc Hovasse, Leïla Jarbouai, Franck Laurent,
Arnaud Laster, Bernard Le Drezen, Marie-Laurence Marco, Christine Marzo, David
Marzo, Jean-Noël Marzo, Claude Millet, Danièle Molinari, Claire Montanari,
Yoshihiko Nakano, Yvette Parent, Jean-Pierre Reynaud, Guy Rosa, Nicole Savy,
Victoria Tebar, Denise Vernay, Sylvie Vielledent et Choï Young.
Claude Millet présente Victoria Tebar qui parlera tout à l'heure. Elle enseigne à l’Université des Beaux Arts de Barcelone et est en post-doctorat sous la direction de Pierre Georgel à l’Université Paris-Diderot.
Sylvain Ledda vient de faire paraître aux Presses Universitaires du Mirail un ouvrage intitulé Hernani et Ruy Blas, de flamme et de sang. Florence Naugrette en a écrit la préface.
Claude Millet annonce la journée d'étude organisée le samedi 13 décembre par Arnaud Laster et Bertrand Marchal sur les deux pièces au programme de l'agrégation, Ruy Blas et Hernani. A cette journée d'études s'associe la publication d'un volume aux PUPS : Hugo sous les feux de la rampe. Relire Hernani et Ruy Blas.
Claude Millet est heureuse d'annoncer que Caroline Julliot a soutenu très brillamment sa thèse le mois dernier à l'université de la Sorbonne. Elle a obtenu la mention très honorable avec félicitations du jury.
Guy Rosa signale l'excellente intervention de Jean-Marc Hovasse dans l'émission de Jean-Noël Jeanneney, « Concordance des temps », sur France culture. On peut l'écouter ici.
Un dénonciateur annonce que Jean-Marc Hovasse dédicacera à la Maison de Victor Hugo le 20 décembre, de 15h30 à 17h30, le deuxième tome de sa biographie de Hugo, Pendant l'exil, 1851-1864, qui vient de paraître.
Claude Millet indique que le Forum des images - s'associant à l'exposition Les Misérables, un roman inconnu ? de la Maison de Victor Hugo - diffusera prochainement deux adaptations cinématographiques des Misérables. Les deux premières parties de la version d'Henri Fescourt sont programmées le vendredi 9 janvier 2009, à 14h30 et 16H30. Les troisième et quatrième parties pourront être vues la semaine suivante, le vendredi 16 janvier, aux mêmes heures.La première partie de l'adaptation de Raymond Bernard sera, quant à elle, diffusée le mardi 6 janvier à 14h30. Les seconde et la troisième parties seront visibles les deux semaines suivantes, aux mêmes horaires.
Arnaud Laster évoque la performance de Marcel Bozonnet, ancien administrateur de la comédie française, qui, seul en scène dans un spectacle intitulé Gavroche, rentrons dans la rue, incarne des personnages sous trois masques différents. Le premier représente le visage d'un garde national. Le second ressemble à celui du père Maboeuf. Le troisième évoque plutôt Gavroche.
Guy Rosa indique que les textes critiques (communications, travaux, séances du Groupe) génèrent les trois quarts du trafic. Avec des écarts importants, allant de 6553 accès à la communication de Ludmila Charles-Wurts sur Les Dédicaces poétiques à 118 pour mon intervention sur l'édition des Misérables (plus récente, il est vrai). L'inscription de Hernani et Ruy Blas au programme de l'agrégation n'a pas bouleversé les chiffres. Les visiteurs du site. Ceux-ci ne sont pourtant sans doute pas en grand nombre des collégiens ou des lycéens : Les Dédicaces de Ludmila ont un titre sinon répulsif aux collégiens, du moins peu démagogique.
PIERRE GEORGEL : Je voudrais vous faire part de quelques observations qui ne feront que confirmer ce que vous avez montré dans votre communication. Vous proposez une chronologie des quatre dessins de pendus réalisés par Hugo qui me semble tout à fait recevable. Celui que vous estimez être le dernier a été justement désigné par Hugo pour sa transposition en gravure. Et il a retenu celui que vous situez en troisième position pour l'exposer dans la salle de billard à Hauteville House où affichait quelques-uns de ses meilleurs dessins. On peut considérer qu'il jugeait que ces deux dessins de pendus étaient les plus aboutis et ce sont vraisemblablement les derniers.
Je voudrais aussi dire quelques mots à propos de la transformation des images chez Hugo. Le thème des reflets est constant chez lui. Nombre de ses dessins sont réversibles. Mais vous avez montré que, partant d'une image relativement réaliste de Marine-Terrace, Hugo est parvenu à une composition très différente, qui représente une sorte de despote oriental abrité sous un dais. Cette image du despote s'inspire vraisemblablement d'une photographie prise à Jersey. On trouve, dans la correspondance de Hugo avec Hetzel, une lettre datée de 1853 dans laquelle il est question de réaliser des éditions illustrées. Hugo fait allusion à cette photographie et souligne qu'elle ferait une belle illustration pour les Orientales. Le dessin du despote, au fond, constitue une sorte de relais entre « Les têtes du sérail » et le « Sultan Mourad », dont la gestation est toute proche. Les images lui parlent et produisent des chaînes souterraines d'associations d'idées.
CLAUDE MILLET : Cela confirme ce qu'a vu Franck Laurent, qui fait une analyse textuelle des phénomènes d'intimité de l'Orient. Il montre qu'il y a chez Hugo une intériorisation de l'Orient en même temps qu'une projection de soi dans l'Orient.
Le caractère intérieur de l'Orient s'y retrouve ainsi.
Ce qui me frappe dans votre manière de dresser la chronologie des quatre pendus, c'est que vous considériez que l'évolution de Hugo va vers l'illimitation des formes et vers l'indétermination, le dépouillement, l'effacement de l'accessoire. On pourrait trouver dans l'évolution poétique de Hugo des phénomènes équivalents. L'armature rhétorique du poème d'avant l'exil laisse place, à partir de l'exil, à une sorte de contact avec l'informe. Mais en littérature, parce qu'on se situe dans le langage, l'informe ne passe justement pas par l'effacement du détail. « L'Archipel de la Manche », par exemple, est à la fois visionnaire et foisonnant de détails.
PIERRE GEORGEL : Il y a aussi une évolution inverse vers des dessins de plus en plus chargés. Les grands phares, par exemple, s'ornent progressivement. Même les grands dessins, comme le « Burg à la croix », vont vers plus de détails. Chez Hugo la décantation des formes essentielles n'exclut pas complication du simple et prolifération.
DELPHINE GLEIZES : Le processus d'élaboration des dessins de Hugo devient en tout cas de plus en plus complexe... Je voudrais vous poser une question purement technique à propos des réserves. Vous avez montré que Hugo fait des réserves, puis utilise un pigment sec et lave sa page. Comment le pigment peut-il encore tenir ?
VICTORIA TEBAR : Hugo utilise une poudre de graphite un peu grasse. En outre ses « réserves solubles » faites avec de la gomme arabique, souvent utiliser dans la fabrication de colle, font adhérer le pigment en se dissolvant dans l'eau.
DELPHINE GLEIZES : Vous avez montré comment Hugo produisait des écailles d'encre noire. Qu'y a-t-il sous cette encre ?
VICTORIA TEBAR : Hugo dispose une couche d'encre indélébile sur une couche de matériau soluble.
PIERRE GEORGEL : Il procède un peu comme Courbet lorsqu'il peint sur une couche grasse. Cela fait glisser la couche supérieure.
ARNAUD LASTER : J'admire la précision avec laquelle vous avez rendu compte du travail de peintre de Hugo, qu'on sous-estime parfois. J'ai une petite réserve à propos d'une formulation que vous employez souvent : vous parlez de « messages » contenus dans les dessins. On se trouve alors dans le champ des interprétations, qui peuvent prêter à discussion. Vous avez par exemple dit, à propos de la vue de Marine-Terrace, que les traînées noires, au loin, sur la mer, représentaient la fermeture de l'horizon et l'impossibilité pour Hugo de rentrer en France. Moi j'y voyais plutôt une menace - comme dans les fins de poèmes du sixième livre des Contemplations -, une menace climatérique, comme une tornade, un ouragan en formation qui pourrait tout anéantir.
Pour ce qui est des quatre dessins de pendus, il m'a semblé que, sur celui que vous avez classé en troisième position, il n'y a pas la légende « Ecce ». Est-ce que le retrait de cette légende contribue au dépouillement que vous avez évoqué ?
PIERRE GEORGEL : On ne sait pas pourquoi il n'y a pas « Ecce » sur celui-là. Sur l'exemplaire du Louvre, la légende est présente, mais, inscrite en noir sur le fond noir, on la voit à peine. Ces dessins rendent compte du travail de l'artiste qui essaie des variantes, de ses tâtonnement. De même, dans l'atelier de Jersey, on a les clichés avec les poses définitives des modèles, mais on conserve aussi les autres photographies.
CLAUDE MILLET : A-t-on gardé trace des commandes de matériel que pouvait effectuer Hugo ?
PIERRE GEORGEL : Meurice est chargé d'un certain nombre de commandes, Hugo ne trouvant pas à Guernesey tout ce dont il a besoin. Cette correspondance et parfois les carnets fournissent quelques indications.
CLAUDE MILLET : Y a-t-il eu, à l'époque de Hugo, mutation dans les pigments employés ? Plus généralement, le matériel à la disposition des dessinateurs et des peintres a-t-il changé ?
VICTORIA TEBAR : Depuis le Moyen Age, on utilisait une encre qui avait l'inconvénient de dégrader le papier. Hugo lui préfère l'encre de chine moins corrosive. Le pigment qu'il utilise est parfaitement ordinaire. Vers 1871, il utilise -hélas- une encre de mauvaise qualité, s'efface avec la lumière.
PIERRE GEORGEL : Vous pensez au dessin de Vianden. Il utilise là plus une encre à écrire qu'une encre pour dessinateur.
VICTORIA TEBAR : Les dessins répétés appartiennent à l'époque de Jersey. Ils ont certainement été faits au moment où Hugo avait en tête la publication d'un ouvrage à réaliser avec ses enfants. Il avait sûrement l'espoir de reproduire ses dessins par la photographie.
PIERRE GEORGEL : Le projet, connu par une lettre de Hugo à Hetzel, parle de photographies, de poèmes et de dessins de Hugo. mais nullement de photographies de dessins. Il est vraisemblable que cinq ou six dessins, très poussés, parmi ceux exécutés dans les années 1853-1855, ont été fait en vue de ce projet.
VICTORIA TEBAR : Hugo compare cependant les résultats de la reproduction par gravure et par photographie. Il dit que la photographie est plus efficace.
PIERRE GEORGEL : Oui, mais l'idée de reproduire ses dessins par la photographie lui est passée rapidement. Vacquerie avait pris des clichés des pendus, et les photographies n'étaient pas très bonnes.
VICTORIA TEBAR : On peut se demander s'il ne travaillait pas ses dessins de telle sorte qu'ils puissent être reproduits par la photographie. Car certains effets techniques ne peuvent pas être rendus par une simple gravure.
PIERRE GEORGEL : Hugo correspond avec Paul Chenet qui reproduit les dessins de l'album de 1863. Il en est assez mécontent et signale tout ce qui se perd quand on passe du dessin à la gravure ; mais il ne s'agissait que du travail de Chenay et il évoque aussi ce graveur de 1847 qui, en dépit des difficultés, avait réussi à obtenir d'intéressants effets. Sa réflexion sur la reproductibilité technique du dessin n'a rien de schématique.
CLAUDE MILLET : Quand commence-t-on à reproduire les ouvres d'art par la photographie ?
PIERRE GEORGEL : Cela commence, me semble-t-il, dès le début du second Empire. Auparavant, il y avait eu des photographies d'architecture et de sculpture, mais peu de reproductions de tableaux. A partir des salons de 1852-1853, on publie des albums contenant des photographies de peintures.
Claire Montanari
Equipe "Littérature et civilisation du 19° siècle"
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