Présents : Josette
Acher, Stéphane Arthur, Véronique Cantos, Bénédicte Duthion, Jean-Claude Fizaine,
Pierre Georgel, Delphine Gleize, Jean-Marc Hovasse, Arnaud Laster, Danièle Gasiglia-Laster,
Franck Laurent, Bernard Le Drezen, Claude Millet, Yvette Parent, Marie Perrin,
Jean-Pierre Reynaud, Guy Rosa, Denis Sellem, Agnès Spiquel, Anne Ubersfeld et
François Maille, France Vernier, Vincent Wallez, Judith Wulf.
Arnaud Laster fait part de la sortie (CD) dun opéra créé par Roberto Alagna à partir du Dernier jour dun condamné. Lopéra, dont le livret et la musique furent composés par les trois frères Alagna, fut créé en juillet 2007 au théâtre des Champs-Élysées, et repris à Valencia en Espagne au cours du festival Victor Hugo et Égaux. Arnaud Laster rappelle quil en a analysé le livret : loriginalité par rapport au texte de Hugo réside dans la juxtaposition dun condamné du xixe siècle, celui de Hugo, et dune condamnée daujourdhui, qui adopte une partie du texte du condamné. Cette mise au féminin sexplique par la volonté davoir une cantatrice. Pince sans rire, Guy Rosa sétonne quon nait pas pensé à imaginer une histoire damour entre les deux, et regrette que lon porte à la scène un texte dont la caractéristique réside dans limpossibilité de toute communication (brouhaha de contestation). Jean-Claude Fizaine est attristé de voir que seul Britten ait osé (mais son homosexualité lexplique peut-être) mettre en scène uniquement un homme, dans lopéra Mort à Venise. Danièle Gasiglia-Laster répond que le principe revendiqué était « luniversel » et quaujourdhui, le point de vue féminin est tout aussi important que le point de vue masculin. Arnaud Laster insiste sur lélargissement de la portée du texte et rappelle que Robert Badinter a apporté un soutien sans réserve à cette uvre qui permet encore de nos jours de militer contre la peine de mort.
Jean-Claude Fizaine rapporte la création à Montpellier le 8 décembre 2007 d’une œuvre musicale à partir de poèmes de Victor Hugo, "Chants de Guernesey opus 35" - par Richard Dubugnon. Ce compositeur né en 1968 est artiste en résidence à l'orchestre et opéra de Montpellier. La création a eu lieu au Corum de Montpellier, pendant le festival "Présences" de Radio France. L'Orchestre national de Montpellier était dirigé par Alain Altinoglu, premier chef invité, et l'interprète était la soprano Ana Maria Labin
Arnaud Laster annonce la « création mondiale de la version concert » de La Esméralda de Louise Bertin, sur le livret de Hugo, dans le cadre du Festival de Radio France, le 23 juillet prochain, à lopéra Berlioz de Montpellier. Cette création « concert » prolonge celle donnée lors du festival Victor Hugo Hugo et Égaux (conférence à 11heures le matin dArnaud Laster). Des places à tarifs réduits sont proposées à ceux qui passeraient par le festival.
En outre une représentation de Mille francs de récompense (mise en scène Stéphan Meynet), se tiendra à Lyon les 19 et 20 juin prochain, au théâtre de la Tête dOr. Renseignements au 04 78 62 96 73.
Enfin Francis Huster crée un spectacle qui « par la voix de Hugo nous raconte Waterloo » à la Gaîté Montparnasse à partir du 4 juin.
Bénédicte Duthion rappelle quon peut voir à Rouen une performance intitulée « Gavroche dans la rue », constituée dextraits des Misérables et de textes dAntonin Artaud, et visant prioritairement un public de collégiens.
Claude Millet annonce la tenue dune nouvelle journée détudes consacrée à lanti-romantisme, le 6 juin prochain. Plusieurs membres du groupe Hugo y interviendront : Franck Laurent parlera du rapport entre anti-romantisme et discours colonialiste, Bernard Le Drezen étudiera plus particulièrement le discours de certains orateurs politiques autour de 1848, Dominique Dupart analysera des discours de Lamartine. Arnaud Laster regrette de ne pouvoir venir il est dautant plus intéressé par la question quil a déjà consacré un article à la question de lanti-romantisme dans les manuels de lenseignement scolaire.
Dans le cadre du programme dagrégation 2008-2009, une journée détudes consacrée à Ruy Blas et à Hernani se tiendra le 15 novembre à Paris VII. Une autre, issue dune collaboration entre Paris III et Paris IV, consacrée au même thème, aura lieu le 13 décembre à lamphithéâtre Guizot de la Sorbonne. Enfin la Société des études romantiques annonce pour le 10 octobre la tenue dune journée des préparateurs, sans doute aux Grands Moulins (Paris VII).
Claude Millet présente également le premier numéro (« Émotions ») de la revue Écrire lHistoire, qui vient de paraître aux éditions David Gaussen, et quelle co-dirige avec Paule Petitier. Nombre de collègues du Groupe Hugo, ou proches de celui-ci, collaborent à cette revue, dont la vocation reste cependant dêtre transdisciplinaire et trans-séculaire : David Charles, Jean-Philippe Chimot, Dominique Dupart, Franck Laurent, Muriel Louâpre, France Vernier Claude Millet enverra bientôt une présentation de la revue (et un bulletin dabonnement) aux membres du Groupe Hugo. Elles remercient tous ceux qui soutiendront cette entreprise en sabonnant, ou en abonnant les institutions, bibliothèques, etc., auxquelles ils sont liés
Surtout, elle rappelle lévénement que constitue la parution de Choses vues à travers Hugo, Hommage à Guy Rosa, aux Presses Universitaires de Valenciennes. Ces études, réunies par Claude Millet, Florence Naugrette & Agnès Spiquel, ne sont pas seulement un hommage mais constituent un véritable ouvrage de référence sur Hugo. Guy Rosa, très content de lhommage napprouve pas moins louvrage de référence. Son homogénéité résulte de la conjonction de ces deux aspects. Quant à la qualité, elle reflète sans doute lexcellence des études hugoliennes, mais la dépasse peut-être. Voir, si ce nest pas une illusion vaniteuse, que les auteurs ont donné le meilleur deux-mêmes, lui a fait grand plaisir. Il signale enfin lexceptionnelle réussite de la quatrième partie dont les éléments se complètent et se répondent en un vrai festival dhistoire littéraire.
Delphine Gleize signale quelle a découvert, lors dun vide grenier, une édition Massin à vendre, mais quil faut se déplacer à Lyon si lon est intéressé. La contacter (le cas échéant via Claude Millet)
Olivier Bara aura soutenu son habilitation à diriger les recherches le 3 juin à lUniversité de Lyon II
La communication de Céline Micout, consacrée à la Bibliothèque de Hauteville House, est reportée à la rentrée.
Claude Millet : Ces « idée(s) quelconque(s) » peuvent ne pas apparaître comme très excitantes, mais la poésie doit être scénarisée par des idées connues qui doivent pouvoir émouvoir lensemble de la communauté.
Jean-Claude Fizaine : Je suis toujours émerveillé par lextraordinaire subtilité des interprétations que permet Hugo... Jaime beaucoup ce que tu as fait, qui est autre chose. Le texte doit recourir à des ressources simples, fortes. On retrouvera le même traitement dans Châtiments. Les images simples sont aussi sinon plus importantes que le traitement biblique ou prophétique.
Franck Laurent : Tu es un peu modeste sur ta tripartition quand tu dis « ça ne marche pas avec beaucoup de poèmes de Napoléon. » Même « Bounaberdi » est un héros oublié ! Il y a une manière de scénariser la geste napoléonienne, et ta tripartition ramasse beaucoup.
Quant à la question de lironie involontaire ou pseudo-involontaire de lénonciation, lors de léloge du tyran, il y a des cas de « désambiguïsation », par exemple « Napoléon II » (Chants du Crépuscule), qui est dans un premier temps dramatique (dans un passage qui rappelle le despote oriental, « lavenir est à moi !») puis lyrique (« Non, lavenir nest à personne !/ Sire ! lavenir est à Dieu ! »). De même plus tard dans La Légende des Siècles avec « Inscription », poème dauto-inscription funéraire et déloge qui fonctionne à la lecture comme dénonciation.
Claude Millet : ou encore « Sultan Mourad » où le dispositif est plus net.
Franck Laurent : La bonne poésie sappuie sur des idées solides et communes, mais il y a toujours chez Hugo une manière originale de rajouter sa patte. Par exemple lidée des « héros oubliés » devient une épopée des vaincus, et dans cette « idée », il ny a pas seulement léloge et la déploration des vaincus, mais aussi la volonté de faire de la poésie léquivalent même de la cérémonie funéraire qui na pas été faite (sunt lacrymae rerum) : la poésie doit enterrer les morts qui nont pu lêtre.
Claude Millet : Oui, Hugo fait référence, pour évoquer « le poète dans les révolutions » à Electre et non à Chrysotémis, qui essaie de saccommoder du présent, et veut oublier les morts.
Anne Ubersfeld : Il est frappant de constater lindividualisation des idées de Hugo. En effet c'est toujours un personnage, un nom qui représente quelque chose. Il faut limage dun homme, une figure, pour mettre en mouvement une idée. C'est que la pensée historico-politique de Hugo se croise avec son esthétique dramatique, où chaque particularité de lidée est intégrée à une figure.
Guy Rosa : Lhéroïsation des victimes nest pas une idée si neuve ni si moderne, le martyre ne date pas de la Révolution.
Claude Millet : Oui mais il y a quand même un nouveau regard sur les victimes, me semble-t-il. Par exemple dans les tableaux de Delacroix, qui marquent une évolution de la peinture dhistoire - cf. « le massacre de Chio » et ses corps denfants, de femmes et de vieillards nécrosés.
Franck Laurent : Et « Le Cuirassier blessée » de Géricault ?
Pierre Georgel : Il est beaucoup plus douteux que ce dernier soit perçu comme victime ou martyr Et puis il ne faut pas oublier que le titre dun tableau de Delacroix est « La Grèce sur les ruines de Missolonghi » et non la « Grèce expirant », comme on le dit parfois.
France Vernier : Il faut distinguer les victimes des vaincus et des martyrs. Les victimes sont passives, alors que les martyrs ont revendiqué et désiré leur mort, et que les vaincus ont pu être héroïques et auraient pu gagner, si la fatalité ne sen était pas mêlée.
En ce moment, il faut bien constater comme une « mode » des victimes en tant que victimes.
Guy Rosa : Tu as beaucoup parlé de scénarios ; je vois dans ton trio despote, héros oublié, victimes des personnages, Annie Ubersfeld vient de le dire, plus que des scénarios.
Claude Millet : Ce sont des personnages qui portent les scénarios, doù la banalité (voulue) des rapports.
Guy Rosa : Dautre part, je ne suis pas absolument certain que, dans le passage de la préface de décembre 1822 cité, le mot « idées » ne désigne pas ce quil désigne aussi dans la préface de juin « jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses ». Loppositin entre les « idées » et les « mots » le laisse penser. Quant à ce que tu appelles « idées » leur extrême généralité et leur banalité me semble tenir au fait quelles correspondent exactement à ce que la rhétorique classique appelait de ce nom et rangeait dans la catégorie de linventio. Cétait effectivement des « idée(s) quelconque(s) » et banales, des moyens de mise en uvre du sens et non le sens lui-même. Les personnages que tu identifies relèvent de cette banalité. Ce qui nest pas banal en revanche cest de faire parcourir au même individu historique un chemin où il sassimile successivement à ces trois personnages, ou encore le retournement de lode en satire. Bref, je me demande si le niveau où tu mets loriginalité de Hugo, les quasi scénarii, est le plus approprié et si elle ne se trouve pas plutôt à larticulation entre les idées proprement dites la position politique, idéologique, religieuse, morale aussi et les personnages scénarisés.
Claude Millet : Oui, tu as vraiment raison, jaurais dû approfondir la question de la rhétorique. Mais en 1820 le fonctionnement est le même quen 1840, et dans une France qui se perçoit comme traumatisée, cette problématique de loubli du héros victime, du tombeau manquant, de la faillite du rapport entre vivants et morts comme rapports éthiques, voilà les idées larges, simples, fondamentales, et non les concepts raffinés, qui ont force de frappe sur les contemporains.
France Vernier : La rhétorique est de toute manière la mise en ordre de lidée connue.
Josette Acher : On pense bien sûr en écoutant cette communication aux trois âges dans la Préface de Cromwell. Hugo y parle du drame en fonction du théâtre, mais pas de la dramatisation des Odes, chronologie oblige.
Franck Laurent : Il me semble que la notion de drame, dans la Préface, permet justement de sortir de la logique chronologique pour dire quil y a du drame partout.
Jean-Claude Fizaine : Il faudrait comparer les odes hugoliennes à celles de Claudel, et voir si ta tripartition marche avec elles. On ne peut pas scénariser nimporte quoi.
Jean-Pierre Reynaud : Chateaubriand disaient que les poètes sont comme les oiseaux, nimporte quoi les fait chanter !
Delphine Gleize : Le scénario de la victime et la poétique compassionnelle actuelle sont paradoxalement le symptôme dun dysfonctionnement démocratique -ou républicain. Car les victimes ainsi victimisées perdent leur statut de citoyens à part entière : on pleure leurs malheurs au lieu de réclamer au nom de leurs droits et de la justice. Il y aurait ainsi, pour en venir à Hugo, une contradiction entre dune part louverture démocratique de lénoncé, et dautre part une pratique délection de lénonciation.
Claude Millet : Il y a en effet une vraie contradiction chez Hugo, contradiction que lon retrouvera jusquà la fin de sa vie. Ou quand le compassionnel se met à fonctionner dune manière qui ne permet plus de penser Hugo penseur humaniste de la démocratie.
Delphine Gleize : Oui. Ou, pour formuler autrement : quel peut être le modèle dénonciation pour une voix poétique qui dénonce le despote mais qui par sa voix est elle-même impérieuse ?
Arnaud Laster : Je ne suis pas daccord avec le terme « dironie involontaire » que tu as employé précédemment, Franck. Peux-tu préciser ?
Franck Laurent : Je parlais bien évidemment de lironie involontaire de la part du courtisan ! Pas de la part de Hugo !
Arnaud Laster : Je pense au « chant de fête de Néron », qui est dune ironie cinglante. Loriginalité de ce type dode est de dire quelque chose à quoi on ne pense pas.
Franck Laurent : Béranger aussi fait souvent cela. [Et tout le monde en est baba, car personne na jamais lu une ligne de Béranger.] Est-ce quil y aurait une tradition de ce type dénonciation dans la poésie classique ? En tout cas il est difficile de lexpliquer aux étudiants.
Arnaud Laster : Oui, ce genre de texte attire les malentendus. Ainsi pour le personnage de Torquemada. Un chercheur encore récemment voyait ses tirades comme une sorte de jubilation hypocrite au bord de la sénilité. Or Torquemada na rien dun Tartuffe, il est tout à fait sincère et passionné.
Franck Laurent : Et puis il ne faut pas oublier pour Hugo la question de la grandeur du mal !
France Vernier : On présuppose toujours quil y a collaboration active de lauditeur et de lécrivain. Dans le drame, le spectateur est complice par sa présence. Mais cela peut ne pas fonctionner.
Marie Perrin
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