Présents : Bertrand
Abraham, Josette Acher, Patrick Berthier, Chantal Brière, Brigitte Buffard-Moret,
Françoise Chenet-Faugeras, Bernard Degout, Jean Delabroy, Marguerite Delavalse,
Hagar Desanti, Stéphane Desvignes, Anne Geisler, Pernelle Genlis, Delphine Gleizes,
Sophie Godefroy, Jean-Marc Hovasse, Keti Irubetagoyena, Caroline Julliot, Hiroko
Kazumori, Arnaud Laster, Franck Laurent, Loïc Le Dauphin, Sylvain Ledda, Bernard
Le Drezen, Bernard Leuilliot, Mathieu Liouville, Chloé Melin, Claude Millet,
Claire Montanari, Florence Naugrette, Yvette Parent, Marie Perrin, Sandrine
Raffin, Myriam Roman, Guy Rosa, Jacques Seebacher, Denis Sellem, Agnès Spiquel,
Anne Ubersfeld, Sylvie Vielledent, Vincent Wallez, Judith Wulf, Choï Young.
Devant lassemblée réunie, Arnaud Laster signale quil organise un festival dédié à Victor Hugo, ainsi quà dautres écrivains. Il aura lieu à Paris et en région parisienne à partir du mois de janvier. Les hugoliens ou hugophiles désirant avoir plus de renseignements sur ce festival peuvent consulter le site http://www.festival-victorhugo-egaux.fr. Le festival sera prolongé par une représentation, à Londres, de Lucrèce Borgia.
Claude Millet signale que le conservateur du Musée Victor Hugo à Villequier, Sophie Fourny-Dargère, monte une exposition qui sintitulera « B comme Burgraves » et qui souvrira le 14 octobre.
Séloignant des recherches hugoliennes, mais profitant de la présence de Jean Delabroy à cette séance, Claude Millet conseille dassister aux représentations dIphigénie à Aulis dEuripide, pièce que Jean Delabroy a entièrement retraduite, et qui sera jouée à partir du 4 octobre au théâtre de Gennevilliers en alternance avec lIphigénie de Racine. Jean Delabroy souligne lexcellence du metteur en scène, Christian Esnay. Arnaud Laster clôt laparté en rappelant lintérêt que Hugo accordait à Gluck, auteur dune tragédie lyrique intitulée Iphigénie en Tauride. Il cite une formule de Hugo qui résume assez bien, au fond, lintrigue de la pièce : cest lhistoire dun « père qui sacrifie sa fille pour du vent ».
Guy Rosa, profitant quant à lui de la présence de Patrick Berthier, souligne que ce dernier vient de faire paraître une nouvelle édition dIllusions perdues en poche. Rappelons que le roman de Balzac était dédié à Victor Hugo. Où lon voit que Hugo nest jamais bien loin .
Guy Rosa conseille en outre de lire un article amusant de Jacques Le Rider, paru dans le numéro 132 de la revue Romantisme, qui recense les jugements de Nietzsche sur Hugo. Où lon découvre quun génie peut être pris pour un imbécile, et aussi la très remarquable récurrence de lassociation de Hugo et de Wagner dans les textes où Nietzsche sen prend à linflation de lexpressivité, désastre à ses yeux de lart du temps.
Claude Millet demande aux nouveaux venus de présenter lobjet de leurs recherches :
Hagar Desanti vient de soutenir sa thèse de doctorat sous la direction de M. Noiray. Elle comparait la structure initiatique de trois romans du XIXe siècle, Le juif errant dEugène Sue, Le Comte de Monte-Cristo dAlexandre Dumas, et Les Misérables de Victor Hugo. Arnaud Laster rappelle que le bulletin du XIXe siècle en a produit un résumé fort élogieux.
Pernelle Genlis commence un mémoire de master, sur les conseils de Guy Rosa et sous la direction de Claude Millet sur les figures maternelles des premières uvres de Hugo à Notre-Dame de Paris.
Caroline Julliot prépare une thèse sur le personnage de linquisiteur au XIXème siècle sous la direction de Mme Mélonio. Elle est ainsi amenée à évoquer le personnage de Torquemada.
Chloé Melin, en master 1 à Grenoble, travaillera sur Le Théâtre en liberté.
Keti Irubetagoyena, élève de lENS LSH (Lyon), travaille, pour sa thèse (sous la direction de M. Rivière), à une réduction et à une mise en scène de Cromwell, qui sera représenté à Lyon au mois de juin, mais aussi à Paris.
Claude Millet rappelle que cette année sera en partie consacrée à des exposés portant sur la période1830-1833, « de Juillet à Juliette » - « période sans nom », rappelle Franck Laurent. La vocation du Groupe Hugo linvite cependant à rester ouvert sur toute autre proposition de la part de chercheurs ou de doctorants. Deux numéros de la série « Victor Hugo » chez Minard sont en préparation : lun, dirigé par Florence Naugrette, portera sur le théâtre de Hugo pendant lexil, lautre, dirigé par Ludmila Charles-Wurtz, sera consacrée à son écriture poétique. Claude Millet laisse entendre quun travail sérieux portant sur la période « de Juillet à Juliette » pourrait être publié dans un numéro ultérieur.
21 octobre 2006 : Yvette Parent « Présentation dune lettre de Villemin adressée à Hugo ». Brigitte Buffard-Moret, « Sara la baigneuse, origines et filiations»
18 novembre 2006 : Marie Perrin, Etat des lieux de sa thèse sur « Barbarie et Civilisation dans les romans de lexil ». Caroline Julliot, « Torquemada ».
16 décembre 2006 : Myriam Roman et Agnès Spiquel, « Le récit de la bataille dHernani ».
20 janvier 2007 : Franck Laurent, « Marie Tudor ou le sixième acte dHernani ».
10 février 2007 : Françoise Chenet, « Quiquengrogne ».
17 mars 2007 : Chantal Brière, « Les animaux dans les romans de Hugo », Anne Ubersfeld, « La parole du non-humain dans Le Théâtre en liberté ».
28 avril 2007 : Claire Montanari, « Genèse des Feuilles dAutomne ».
12 mai 2007 : Sylvie Jeanneret, « la rhétorique de la retenue » dans Le Dernier Jour dun condamné et Delphine Gleizes, les adaptations de Lucrèce Borgia et de Marie Tudor par Abel Gance.
16 juin 2007: à préciser. Keti Irubetagoyena, qui se proposait de parler le 16 juin de « la difficulté de monter Cromwell » le fera à la rentrée 2007, après le spectacle que les membres du groupe Hugo sont invités à aller voir soit à Lyon soit à Paris.
Jacques Seebacher évoque Abel, le frère ainé de Victor, et tient à rendre hommage à son uvre. Polygraphe, Abel avait entre autres publié La France pittoresque en trois volumes et La France militaire. Ces ouvrages sont fondés en grande partie sur une accumulation de chiffres et de statistiques. Le dernier morceau de La France pittoresque est consacré aux langues. Le passage où Abel met laccent sur la population des tziganes pourrait être à lorigine du mariage à la cruche cassée dans Notre-Dame de Paris. Quand Victor voyage en France, il emporte les trois volumes de La France pittoresque de son frère.
Le personnage dAbel est malheureusement peu connu. Sa mort, au milieu des années 1850, touche beaucoup Victor. Dans un de ses textes, il met cette mort sur le même plan que celle de Léopoldine. Quand il termine Les Contemplations, la présence du frère est presque magique.
CLAUDE MILLET : Il y a un article de Jacques Hentraye qui réhabilite Abel dans louvrage collectif Hugo et la guerre [et un autre de Bernard Degout, voir sur le site la bibliographie de Jacques Cassier].
FRANCK LAURENT : Comment étaient organisés les volumes de La France pittoresque ?
JACQUES SEEBACHER : Abel étudie les départements les uns après les autres. Tout le monde exploitera ensuite son travail. Les guides de tourisme du XIXe siècle se fondent sur lui. Les différents articles des volumes étaient envoyés par livraison chaque semaine. La petite et moyenne bourgeoisie prenait ainsi possession du territoire de la France.
FRANCOISE CHENET : Ce travail de statistique vient dune demande de Napoléon Bonaparte. Abel a réalisé un travail de compilation passionnant. Hugo utilise non seulement louvrage en lui-même, mais aussi sa bibliographie. On a parfois intérêt à aller voir si les sources de Hugo ne proviennent pas dun des ouvrages cités par Abel.
CLAUDE MILLET, remerciant chaleureusement lauteur de la communication : Vous avez fait preuve, dans votre communication, de la même ambition et de la même précision dans la contextualisation que votre directeur de thèse, Patrick Berthier, et cela nous est très précieux. Les indications que vous avez données sur la mise en scène, la réception et la mode des grandes criminelles de lépoque étaient très intéressantes. Cela me fait penser à un passage de la Jeanne dArc de Michelet. Ce dernier expliquait que, paradoxalement, la littérature courtoise est apparue à une époque de grande brutalité à légard des femmes. Ici, on a peut-être affaire à un phénomène dinversion idéologique comparable. Les débuts du règne du roi bourgeois marqués par la prolifération sur scène de souveraines sanglantes.
GUY ROSA : A partir de quand peut-on dire que la représentation de la mort est admise sur scène ?
SYLVAIN LEDDA : Dès le XVIIIème siècle, les tragédies de Crébillon père étaient sanglantes. Je dirais néanmoins que, pour la période romantique, la venue des acteurs anglais en 1827 a provoqué un choc. Le motif de la mort sur scène devient de plus en plus systématique. Il y avait déjà eu en 1819 les Vêpres siciliennes de Delavigne. Voltaire, auparavant, rêvait dun grand macabre. Il met en place, dans sa tragédie Sémiramis, tout un appareil macabre autour du tombeau, mais doit en modifier certains éléments à cause des bienséances. Houdart de la Motte préconisait de montrer la mort sur scène. Beaucoup de débats tournent autour de la façon de représenter la mort au théâtre. Sous lEmpire, le souci des bienséances redevient très contraignant. Cest à partir de 1830 que la mort sur scène devient le moment-clé du spectaculaire.
GUY ROSA : Dans les exécutions publics, qui sont abolies à lépoque de Lucrèce Borgia, on voyait parfois les criminels aller à pied, tandis que leur cercueil les précédait ou les suivait : il est possible que le dernier acte de la pièce renvoie à ce rituel.
SYLVAIN LEDDA : Sans doute. Ce dispositif est repris explicitement dans La Chambre ardente, dans la scène de lexécution de la marquise de Brinvilliers.
FRANCK LAURENT : Le sang était-il visible sur scène ?
SYLVAIN LEDDA : Oui, mais ce nest pas le cas dans Lucrèce Borgia. Il est dit dailleurs que la robe de Mademoiselle Georges, qui jouait Lucrèce, était noire.
FRANCK LAURENT : Quand y a-t-il eu une mutation de la représentation de la mort au théâtre ?
SYLVAIN LEDDA : Vers 1832. Les gens adoraient se rendre aux exécutions capitales. Le théâtre récupère petit à petit ce qui disparaît de la scène du monde. On observe ici une sorte de phénomène paradoxal : plus la mort se cache dans la vraie vie et devient chose honteuse, plus elle se montre sur les planches du théâtre.
BERNARD LEUILLOT : Je me pose des questions sur lindustrie de la parodie théâtrale à cette époque. Le public qui allait voir les parodies devait bien être, au fond, le même que celui qui allait voir la pièce.
SYLVAIN LEDDA : Pour comprendre la parodie, il fallait en effet avoir préalablement vu Lucrèce Borgia.
BERNARD LEUILLOT : Lexistence de la parodie était-elle lindice du succès des pièces parodiées ?
SYLVAIN LEDDA : Sans conteste. Les pièces les plus jouées ont été aussi les plus parodiées : Anthony, La tour de Nesle, Hernani Les livrets des parodies existent et sont consultables. Il arrivait même que des ballets soient parodiés.
GUY ROSA : Un même auteur pourrait écrire une pièce et sa parodie
FLORENCE NAUGRETTE : Dumas la fait ! Il a écrit une pièce, Charles VI chez ses vassaux, et sa parodie, La cour du roi Pétaud.
SYLVAIN LEDDA : Les auteurs de parodie se pressent souvent pour écrire en premier la parodie dune pièce à succès.
ARNAUD LASTER : Il y a parfois des fuites dans lentourage des auteurs : certaines parodies sont écrites avant même la première représentation des pièces dont elles se jouent.
FLORENCE NAUGRETTE : Sylvie Vielledent a montré, dans un de ses articles, quune parodie de Hernani avait même été jouée avant la représentation de la pièce elle-même.
ARNAUD LASTER : Avant dêtre jouées, les pièces étaient déposées à la censure. Hugo soupçonnait les censeurs davoir vendu la mèche.
BERNARD LEUILLOT : Il ne me semble pas que lon connaisse des réactions négatives de Hugo à légard des parodies de ses pièces.
SYLVAIN LEDDA : Il devait sen accommoder.
ARNAUD LASTER : On a, je crois, des témoignages qui racontent que Hugo a déjà assisté aux parodies de son uvre. La presse le décrit en train dapplaudir.
SYLVIE VIELLEDENT : Oui, cest le cas pour Hernani.
ARNAUD LASTER : Hugo est très au fait des parodies qui reprennent son uvre. Il connaît également le Lucrèce Borgia de Donizetti. Selon Adèle fille, il reproche à lopéra davoir amoindri la fin de sa pièce. Dans le continuum musical, les chants des moines ne peuvent se détacher et créer le même effet que dans la pièce de théâtre.
Pour en revenir à la stricte parodie, il me semble que, dune certaine façon, elle vient à faux, puisquelle est déjà présente dans luvre en elle-même, sublime et grotesque coexistant dans le projet de Hugo.
FRANCK LAURENT : Oui, ils coexistent, mais la parodie joue essentiellement sur la distanciation, à une époque où ladhésion à lillusion théâtrale est à son sommet. Le grotesque parodique coupe lillusion et lempathie. Il ne sagit pas du même grotesque.
PATRICK BERTHIER : Le sel de la parodie, par ailleurs, ne vient pas seulement de la moquerie, mais de tout un ensemble qui relève plutôt de lart du chansonnier. La pièce de Delavigne, Louis XI, a par exemple donné lieu à une parodie savoureuse, Louis Bronze et le Saint-Simonien : cette parodie a gardé le même découpage scénique que la pièce, mais elle prend en même temps la forme dun véritable pamphlet contre les saint-simoniens arrêtés à Ménilmontant. Les parodies font ainsi souvent allusion à lactualité.
SYLVAIN LEDDA : Les parodies de 1830 évoquent ainsi fréquemment Bonaparte et les Jésuites.
PATRICK BERTHIER : Parfois, la forme même de la parodie nest pas la même que celle de la pièce parodiée. Tigresse Mort-aux-rats, pièce qui parodie Lucrèce Borgia, est écrite en vers, et les interventions du public sont rédigées en prose.
ARNAUD LASTER : Ce qui montre le caractère souvent conservateur des parodies. Lucrèce Borgia était écrite en prose. Je me demande si La Folie des grandeurs ne pourrait pas, de même, être analysée comme une parodie un peu réactionnaire ramenant la noirceur de Ruy Blas à un sage mélodrame.
MATHIEU LIOUVILLE : Dans la satire de la poésie romantique, on trouve le phénomène équivalent : la parodie est conservatrice et se moque de la modernité.
SYLVIE VIELLEDENT : Oui, mais il ne faudrait pas croire que la parodie nest que parole réactionnaire. Les parodies ne sont pas systématiquement luvre de classiques qui critiqueraient les romantiques. Les classiques, eux aussi, sont tournés en ridicule. En revanche, cest vrai que les parodies ne sont pas forcément des réécritures : parfois, les personnages sont des spectateurs qui décrivent et commentent la scène. Leur point de vue nest cependant pas toujours celui des classiques.
SYLVAIN LEDDA : Les thèmes des parodies sont, toutefois, souvent conservateurs. Lun des thèmes les plus récurrents est le fait quil ne faut pas emmener son épouse voir des drames romantiques si lon veut veiller à sa moralité.
GUY ROSA : Les femmes pouvaient, à cette époque, lire des romans toutes seules, mais non aller au théâtre !
YVETTE ¨PARENT : Sait-on le nom de lauteur de la parodie, Tigresse Mort-aux-rats ?
SYLVAIN LEDDA : Ils étaient deux : Dupin et Jules.
GUY ROSA : Vous avez évoqué des références laïques pour expliquer la fin de la pièce de Lucrèce Borgia ; on pourrait aussi évoquer le festin de Balthazar et, mieux encore, la Cène. Cela donne à la pièce une résonance violente et blasphématoire.
FRANCK LAURENT : Il me semble que lanticléricalisme de la pièce est en grande partie portée par la critique de linstrumentalisation du clergé par le pouvoir de lEtat. Lucrèce Borgia parle aux pénitents comme à des domestiques. Cette critique de linstrumentalisation de lEglise est-elle seulement présente dans les pièces de Hugo ?
SYLVAIN LEDDA : Non, il sagit dun thème récurrent dans le théâtre de lépoque.
CLAUDE MILLET : Lorsque nous avons travaillé, Florence Naugrette et moi-même, sur la vie théâtrale à Rouen, nous avons trouvé frappante la prolifération des pièces anticléricales sur les scènes rouennaises de 1831 à 1834. Durant cette période, le nombre de pièces anticléricales augmente considérablement, jusquà ce que le préfet intervienne, en 1834 (précisément avec linterdiction de Lucrèce Borgia), dans le contexte global de la reprise en main politique qui a lieu cette année-là.
FRANCOISE CHENET : On peut aussi avoir limpression quà cette époque le phénomène inverse se produit, et que cest lEglise qui manipule le pouvoir.
SYLVIE VIELLEDENT : Les deux critiques existent en effet.
FRANCK LAURENT : Dans Lucrèce Borgia, la critique ne porte pas vraiment sur les mauvais prêtres : ils ne sont pas réellement caractérisés. Hugo met plutôt laccent sur la perversion des sacrements, et lutilisation de lÉglise par le pouvoir tyrannique.
SYLVAIN LEDDA : La scène est dautant plus violente que les pénitents ne parlent pas. Ils nont pas de voix, pas de parole. Ils sont simplement présents sur scène, comme cest souvent le cas du bourreau, qui nest pas un véritable personnage, mais plutôt un fantasme qui apparaît, muet, à la fin.
ARNAUD LASTER : Vous avez comparé les personnages de Marguerite et de Lucrèce, la première étant assimilée à Satan et à un vampire, la seconde nétant limage que de Satan seul. Pourtant, limage du vampire, ou plus précisément du succube, est présente, elle aussi, de façon implicite ; Gennaro dit ainsi à propos de Lucrèce : « ce spectre est mon spectre à moi [ ] Il veut se coucher dans mon lit. »
VINCENT WALLEZ : A propos de montres que dit-on du jeu des acteurs à lépoque ? Est-il considéré comme « monstrueux », touchant au sacré ? On a dit plus tard quon allait voir Sarah Bernhardt comme on allait à la messe. Y avait-il à lépoque le même effet de sidération ?
SYLVAIN LEDDA : Ce nétait pas le cas pour Frédérick Lemaître qui venait du boulevard, et avait un jeu très contrasté, avec des capacités daller loin dans la trivialité, dans des registres donc très éloignés de la sacralité. Mais peut-être y a-t-il un phénomène voisin pour ce qui concerne Mlle Georges, puis Rachel. On dit même de Marie Dorval quelle a quelque chose de mystique dans Chatterton. Il y a une forme dextase dans sa façon de jouer la mort.
FLORENCE NAUGRETTE : Il convient néanmoins de faire attention en lisant les comptes-rendus de la presse, qui utilise très souvent des adjectifs tournant autour du sacré. Les termes ne sont pas toujours à prendre au pied de la lettre.
Je me demande par ailleurs dans quelle mesure la première mise en scène de Lucrèce Borgia sest approchée du mélodrame. On sait que Hugo se sert déléments mélodramatiques, mais quil se détache de la sémiologie immédiate du mélodrame. On peut penser que, quand la pièce est portée sur scène, décorateurs et acteurs utilisent les techniques quils connaissent, et particulièrement celles du mélodrame.
SYLVAIN LEDDA : Il me semble quon tire plutôt la pièce vers le mélodrame musical et que lon met en place une forme desthétique du drame total. Cest pourquoi le livret de Donizetti semblera en comparaison assez faible : Lucrèce Borgia avait déjà, dès le départ, un caractère « opératique ». La mise en scène de lépoque, loin de trahir le sens de luvre de Hugo, en soulignait plutôt le caractère dramatique.
La séance sest achevée de manière heureusement moins dramatique, par un vin dhonneur en hommage à Guy Rosa, à qui les membres du « Groupe Hugo » ont manifesté toute leur gratitude, et le respect quinspire lefficacité et la générosité quil a su montrer en animant le Groupe Hugo durant de longues années...
Caire Montanari
Equipe "Littérature et civilisation du 19° siècle"
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