Equipe de recherche "Littérature et civilisation du XIX° siècle"
Présents: Guy Rosa, Marieke Stein, Olivier Decroix, Marie Tapié, Ludmila Wurtz, David Charles, Bernard Leuilliot, Jacques Seebacher, Pierre Georgel, Arnaud Laster, Vincent Wallez, Delphine Gleizes, Colette Gryner, Chantal Brière, Sandrine Raffin, Jean-Marc Hovasse, Philippe Andrès, Jean-Luc Gaillard, Bertrand Abraham, Marguerite Delavalse, Sylvie Vielledent, Franck Laurent.
Excusés: Anne Ubersfeld (à Athènes), Josette Acher (en Turquie), Stéphane Mahuet (retenu par la journée du Patrimoine), Gérard Pouchain, Françoise Chenet (en chemin de retour du Japon et qui souhaite parler à Cerisy), Denis Sellem (à peine de retour de Saint-Pétersbourg), Zenghou Cheng (revenu chez lui et qui adresse au groupe toutes sortes d’aimables témoignages de sympathie), Myriam Roman (souffrante et en villégiature dans ses provinces), Junia Barreto (de retour au Brésil), Claude Rétat (atterrissage comme Denis Sellem), Bernard Degout (retenu par les obligations d’un père de famille à la rentrée scolaire).
Marie Tapié soutiendra à Paris 3 dans la seconde quinzaine de janvier 2001 sa thèse sur les adaptations cinématographiques de Notre-Dame de Paris, dirigée par P. Hamon et A. Laster.
La
journée du patrimoine ne retient pas Stéphane Mahuet à la Maison des Roches
sans de sérieux motifs ; il y présente au public, outre d’autres
richesses, cinq manuscrits ou ensemble de manuscrits importants :
1- Les Misérables.
Épreuves corrigées par Victor Hugo, 1862, 7 vol in-12 et 1 vol in-8 dans 7
étuis. Provenance Bibliothèque de Juliette Drouet ex-libris de Pierre Duché. Il
s’agit des placards de l’œuvre, connus par ouï dire et dont l’existence même
restait douteuse. Leur intérêt a déjà été signalé au Groupe.
2- Les Contemplations. Bruxelles,
Leipzig, Kiessling Scnée et Cie éd., 1856. épreuves avec corrections
autographes de Victor Hugo et de Noël Parfait. 2 tomes en 1 volume. Provenance
Gaston Dreyfus, ex-libris de Irwin Laughlin. Les éditions savantes
connaissent-elles ces épreuves ?
3- La Légende des Siècles. Tome 1 Paris,
Michel Lévy éd., 1859. Tome 2 Bruxelles; Méline Cans et Cie éd., 1859.
Exemplaire d'épreuves corrigées par VH reliés par ses soins pour être offert à
Juliette Drouet, avec une très longue dédicace. Provenance : Collection Eugène
Planès. Deux ex-libris : Louis Barthou, DWS. Même interrogation, adressée tout
particulièrement à Claude Millet.
4- Pensée autographe signée, le 19 mai 1885,
"Aimer c'est agir. Victor Hugo" ultime pensée écrite par Victor Hugo,
1/2 p. in-8.
5- Manuscrit autographe, projet de décret
[entre 1876 et 1881] en faveur de l'amnistie général des communards 3/4 de page
grand in-folio. Cela mérite une recherche dont G. Rosa se charge volontiers.
J. Seebacher soumet au groupe une question concernant le village de Civrieux, dans l'Ain, que Hugo mentionne dans Les Misérables, deuxième partie, livre III, ch. XI, “ Le numéro 9430 reparaît, et Cosette le gagne à la loterie ”. A quoi cette référence fait-elle allusion ? Tous les toponymes de ce chapitre comportent des significations intéressantes : Périgueux, la Chapelle-Gonaguet, ou Brunies dont le château appartient au général Pinoteau, compagnon d'armes de Louis Hugo. Hugo y serait venu avec son oncle et Abel s'y serait réfugié en 1831-1832. L'allusion, ici, à la fois personnelle et familiale, renvoie à la clandestinité. Hugo se souvient également de ses voyages en Provence ou dans les Pyrénées, multipliant les lieux frontaliers. Le texte mentionne ainsi “ Accous ” (“ au lieu dit la Grange-de-Doumecq ”), dernier village de la vallée d'Aspe avant l'Espagne, en Pyrénées-Atlantiques, et !non pas “ Accons ”, selon la (fausse) leçon du manuscrit.
D. Charles citant Les
Travailleurs de la mer demande ce que signifie un "quartier" dans
l'expression, "un propriétaire taxé à 80 quartiers". Cette question,
aux yeux des uns, relève du droit anglo-normand, un des plus ardus qui
soit ; pour J. Seebacher, le "quartier" est une unité de surface
comme l'arpent. La solution est de se reporter au dictionnaire
français/anglo-normand.
Le même D. Charles poursuit : “ Et l'expression "une robe
de soie en pièce", pièce étant au singulier? ”
J. Seebacher : La robe serait faite d'un seul morceau de tissu.
(“ un coupon, donc ” dit F. Naugrette).
V. Wallez, répondant lui-même à la question qu'il avait posée lors d’une séance précédente, indique qu'un Louis Hugo faisait effectivement partie en tant que colonel de l'Etat-Major général de Napoléon à Waterloo (source : Histoire des derniers jours de la Grande Armée, H. de Mauduit, Editions Dion-Lambert, Paris, 1854, tome 1). Il semble (J. Seebacher) que ce Hugo-là n’ait aucun rapport avec ceux de la famille de Victor Hugo.
G. Rosa signale un excellent article d'Alain Vaillant, “ Ire, non ambire : la marche et l'écriture ”, dans Le Corps en mouvement, études réunies par A. Vaillant, Centre d’études comparatistes, Publications de l’Université de Saint-Etienne, Saint-Etienne, 1996. L’étude n’est pas exclusivement hugolienne, mais intéresse Hugo au premier chef ; elle analyse, avec une singulière profondeur, la métaphore du mouvement de la marche, et de la halte (Halte en marchant), pour celui de l’écriture et de la pensée.
De même, un article de Frank Wilhelm, “ Victor Hugo touriste et réfugié politique dans le grand-duché de Luxembourg ”, dans Dialogues of Cultures, Ed. Peter Lang, 2000.
Le compte rendu du 20 mai 2000, a provoqué une réponse du Conservateur Général de la Maison de Victor Hugo et de Hauteville-House, Mme Danielle Molinari, dont G. Rosa donne lecture.
« Paris, le 3 juillet 2000
« Cher Monsieur,
« Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement et de mon très
vif mécontentement à la lecture du compte rendu de votre séance du 20 mai.
« Les propos tenus par les membres de votre groupe au sujet des
conférences données à la Maison de Victor Hugo sont d’une malveillance qui me
confond, car de plus ils révèlent une ignorance totale de la réalité de la
situation.
« Comment peut-on dire, sans chercher à nuire, que nos conférences
se situent « entre le ras des pâquerettes et le dessous de la
ceinture. » Un tel propos, d’une réelle bassesse, ne grandit pas celle qui
le profère.
« Je voudrais donc vous apporter quelques précisions concernant nos
conférences.
« Constatant que le niveau n’était effectivement pas toujours à la
hauteur de l’image de notre maison, j’ai impulsé, peu de temps après ma
nomination en 1997, la création d’un service culturel et pédagogique. Les
conférenciers que nous avons sélectionnés sur test préalable, sont d’un niveau
universitaire allant de la maîtrise au CAPES de lettres. Ils sont tous formés
par l’un de mes collaborateurs. Lorsqu’un groupe nous demande un conférencier
c’est à l’un d’entre eux que nous nous adressons désormais.
« Lorsqu’il s’agit de scolaires et que le professeur désire faire
lui-même la conférence nous lui envoyons les éléments, dont une publication
préparant à la visite qui a été rédigée par un enseignant de lettres sous mon
contrôle.
« Lorsque, par contre, un groupe désire venir visiter la maison
avec son conférencier, nous ne pouvons le refouler. Là, nous ne devons pas être
tenus pour responsables de la qualité du discours. Ces conférenciers peuvent
alors professer au Louvre mais la Maison de Victor Hugo qui est un musée de la
Ville de Paris ne travaille pas directement avec les conférenciers du Louvre.
« Si Monsieur Laurent a relevé « une liste accablante
d’erreurs chronologiques » qu’il en informe donc notre service. Si cela
s’avère exact nous veillerons à ce que ce ne soit plus. Je crois que c’est
ainsi que nous pouvons ensemble travailler et non pas en mettant sur le site
Internet des propos qui nous desservent tous, vous également. Je réagis
d’autant plus vivement que vos comptes rendus étant désormais sur votre site
des gens s’étonnent du peu de qualité de nos relations.
« Pour votre information nos budgets ne sont pas directement en
relation avec la fréquentation du musée.
« J’aimerais préciser aussi que si les tableaux de notre collection
sont désormais présentés de façon plus large et plus homogène au Ier étage, les
dessins ne sont pas présentés dans l’appartement. Ils le sont, par roulement également, dans une salle du Ier étage.
« Enfin l’effort que nous avons fourni sur le plan textile concerne
la chambre mortuaire. Il n’a pas porté sur la couleur qui était déjà celle d’un
damas de soie rouge, mais sur le tissu lui même qui est celui qui se trouvait
dans la chambre où mourut Victor Hugo, Avenue d’Eylau. Ce tissu dont nous avons
retrouvé un morceau dans nos archives a été retissé à l’identique avec une
fibre de soie traitée au préalable anti feu.
« Voilà, cher Monsieur, ce que je voulais vous dire. Les erreurs
vous le voyez ne sont pas toutes du fait de la Maison de Victor Hugo.
« Je vous demanderais donc d’avoir la courtoisie de retirer au plus
vite ce compte rendu du site, ceci pour éviter un rectificatif qui ne pourrait
être que délicat.
« Dans l’attente, et en espérant que vous veillerez à ce que les
propos nous concernant tenus par votre groupe restent courtois et en vous en
remerciant par avance, soyez assuré, Cher Monsieur, de mes plus sincères
salutations. »
G. Rosa indique l’orientation de sa réponse. Notre site n’a pas de « compteur », mais tous les serveurs conservent le « journal » de leur activité : on peut donc estimer le nombre des connexions ; sans être nul, il n’est pas tel qu’il faille craindre la publicité donnée aux critiques dont il s’agit par la publication de nos comptes rendus sur le web. L’audience du site du groupe Hugo reste sans commune mesure avec celle de la Maison de Victor Hugo. Quant à retirer ce passage du compte rendu publié sur Internet, il n’a pas cru devoir le faire par réticence devant tout ce qui pourrait s’apparenter à une censure. Mais il offrait, évidemment, à Mme Molinari, l’exercice d’un très légitime droit de réponse.
P. Georgel: Je peux parler de ce problème de l'intérieur, en tant que
Conservateur du Musée de l'Orangerie. Le mien comme les autres éprouve les plus
grandes peines à corriger et à améliorer la qualité des conférences. Il faut ne
pas connaître la longueur, la constance et la difficulté de cet effort pour stigmatiser
l’insuffisance de ses résultats en des termes de nature à laisser penser
qu’elle résulte d’une négligence. Ma collègue Madame Molinari n’a pas
tort : le groupe Hugo et tous les enseignants doivent au contraire
soutenir les efforts en ce sens de la Maison de Victor Hugo et entretenir avec
ses responsables de bonnes relations.
Guy Rosa rappelle que la discussion du 20 mai n’avait pas ignoré ce que
vient de dire Pierre Georgel. Une ou
plusieurs interventions –en tout cas la sienne- avait indiqué que la qualité
des conférences faisait problème dans tous les musées et que toutes les
conservations ou services culturels s’efforçaient de l’améliorer, -celle de la
Maison Hugo en particulier, nous le savions et l’avons dit-, non sans
rencontrer toutes sortes d’obstacles : le poids des habitudes acquises, la
faiblesse des rémunérations, l’attente même du public. Sa réponse à Mme
Molinari rappelait aussi ce point.
J. Seebacher regrette ce différend. Il est inutile, injuste et nuisible.
La Maison de Victor Hugo est une ressource capitale pour les chercheurs, et
pourrait l’être plus encore.
Franck Laurent précise les circonstances qui l’ont fait parler. Ce sont
celles d’une déception, assez vive pour avoir nourri une parole peut-être trop
énergique. Il avait organisé une visite à la Maison Hugo pour ses étudiants du
Mans. Cela prend du temps. Lorsqu’on se trouve ensuite dans l’obligation
professionnelle soit de rectifier longuement, soit d’effacer tout ce qui a été
dit et entendu, on est bien près de regretter l’initiative qu’on a prise.
Doit-il se résoudre à l’idée que c’était une erreur, qu’il aurait dû prendre
ses précaution, qu’il ne recommencera pas ? Aurait-il dû employer des
termes plus modérés ? La modération, outre qu’elle ne s’apprend pas en
lisant du Hugo, n’est souvent que l’équivalent du silence. Et pourquoi se
tairait-on ? La Maison Hugo est un service public comme les autres ;
tous sont critiqués –souvent très durement. L’autocensure n’est pas meilleure
que la censure.
G. Rosa croit aussi qu’il vaut mieux que les débats institutionnels
soient publics. Que n’entendait-il pas, il y a plusieurs années, sans jamais
savoir si c’était médisance ou calomnie, à propos de tel manuscrit (pas de
Hugo) longuement tenu sous le coude par les conservateurs de la BN qui avaient
la responsabilité de le rendre accessible aux chercheurs ! Lorsqu’un
contrat entre la B.N. et la maison Gallimard a eu pour conséquence de gêner
considérablement, sinon d’interdire, tout travail de génétique littéraire hors
des formes, des conditions et des personnes choisies par cet éditeur,
n’était-il pas bon que la discussion soit publique ? Le groupe Hugo émet
très souvent des jugements aussi péremptoires et peut-être plus injustes sur
les adaptations cinématographiques ou théâtrales. Au reste, ce n’était en rien
la Maison Hugo, son personnel encore moins, qui était en cause ; ses
conférenciers ne l’étaient pas eux-mêmes personnellement : chacun sait que
les conférences et visites guidées répercutent un discours qui les déborde,
celui de la réception dans son ensemble, et dont les conférenciers sont
plus victimes que coupables. Il voudrait, pour conclure, que Mme Molinari et ses collaborateurs tiennent
toute cette discussion pour un encouragement : elle indique que les
conférences de la Maison Hugo méritent mieux que de l’indifférence ou un
dédaigneux silence ; elle peut, le cas échéant, servir d’argument aux
responsables de la Maison lorsqu’ils invitent leurs conférenciers à plus
d’exactitude -ou plutôt à plus d’exigence envers leur public, dont nous savons,
hélas, combien il est difficile de lui plaire sans renoncer à l’instruire.
A l'un des présents qui estime inopportunes et la lecture et la publication de
la lettre de Mme Molinari, G. Rosa répond qu’il le fait non seulement avec son
accord, mais à sa demande expresse.
Sans commune
mesure, et plus symptomatique de notre époque, l'émergence des nouvelles
adaptations de Victor Hugo. On laissera de côté, pour cette séance, la
discussion sur Les Misérables version Didier Decoin et Josée Dayan (TF1,
4 épisodes, dès le 4/09/2000), faute de temps. Mais on ne passera pas sous
silence celle qu'annonce Le Figaro du 1er septembre 2000, qui confirme
les informations données l'année dernière par F. Naugrette. G. Rosa distribue
les copies d’une coupure de presse communiquée par J.-M. Hovasse. (Lecture.
Mouvements divers.)
Jean-Claude Carrière et Claude Allègre vont
donc signer un scénario sur la bataille d'Hernani destiné à la
télévision (TF1). La fin de l'article indique qu’on enrichira la bataille de
« détails sur les coulisses et sur le monde du théâtre et de la politique
au XIX° siècle ». Plusieurs frémissent, voyant se profiler Sainte-Beuve
et, -pourquoi pas ? ce n’est qu’un léger anachronisme plein d’intérêt pour
les téléspectateurs -, Juliette Drouet. G. Rosa observe que le même
producteur qui fournit en ce moment Les Misérables, Bérénice
(texte retouché par Jean-Claude Carrière) et, bientôt, Ruy Blas et Notre-Dame
de Paris, est aussi celui annoncé pour le scénario Allègre-Jean-Claude Carrière.
Il en conclut que le poids des phénomènes institutionnels tend à alourdir les
positions prises par chacun d’entre nous d’une charge politique et idéologique
sérieuse.
A. Laster
s’interroge sur la sévérité qu’il perçoit envers ce projet. Il est arrivé au
groupe Hugo d’être plus indulgent. En 1985, l’entreprise du Victor Hugo raconté par Adèle Hugo
comporta même de la complaisance envers la biographie d’A. Decaux. G. Rosa
rectifie. Ce n’était pas complaisance mais échange, en rien secret, de bons procédés
: nous communiquions à Decaux la dactylographie au VHRA ; il nous donnait
son appui auprès de sa maison d’édition –Les Presses de la Cité- pour la
publication. Le contrat a été respecté ; on lui doit l’impression du V.H.R.A
(depuis mis au pilon). Même
indulgence indue, continue A. Laster, pour le Victor Hugo par lui-même de
Henri Guillemin, cité dans toutes les bibliographie avec éloges. G. Rosa, P.
Georgel et J. Seebacher disent en chœur l’excellence, le génie de ce
livre ; il a joué un rôle capital
dans les études hugoliennes –ou, plus simplement, l’amour de Hugo-, détruisant
l’image jusqu’à lui dominante du satyre pompeux et du menteur verbeux, ouvrant
toutes les questions sur sa pensée, sa politique, son « âme ». Q’il
figure dans toute bibliographie correcte, je veux ! A. Laster soutient
qu'il est extrêmement discutable voire truffé d'erreurs, malgré les
améliorations apportées aux éditions récentes et le fait indéniable qu'il soit
intéressant.
Mais, demande P. Georgel, quelle autre biographie recommander ? Les
réponses divergent (de "aucune!" à celle d’Annette Rosa), puis
convergent gaiement, à la confusion de l’intéressé, vers l’avenir : celle à laquelle J.-M. Hovasse travaille.
J. Seebacher: Jean Gaudon et Max Gallo travaillent également en ce
moment à une biographie de Hugo.
G. Rosa: Ajoutons la chronologie de Jean Massin qui constitue en soi une
biographie, parce qu'il opère des choix, hiérarchise et rédige. On s’en rend
mieux compte lorsqu’on la compare avec ce que la nôtre veut être et devient :
une base de données chronologiques exactes, vérifiées et référencées. Une fois
ajoutées les 750 fiches, dues à Evelyn Blewer, pour la présence et l’action de
Hugo au sein de la SACD et les 600
tirées cet été de la maîtrise de Mlle Héry sur les activités parlementaires de
Hugo sous la II° République, l’information donnée est beaucoup plus complète et
précise, mais, si l’on voulait écrire la biographie de Hugo aux années 40-50
sur la seule base du fichier, elle ressemblerait plus à celle de Thiers que de
Hugo ! –Ce qui ne serait pas faux, murmure J. Seebacher.
G. Rosa ajoute qu’Evelyn Blewer, inlassable et vraiment généreuse,
entreprend, pour la Société des gens de lettres le même travail que celui donné à la Chronologie pour la SACD
Revenant sur la diffusion des Misérables-Decoin, G. Rosa
et J.-M. Hovasse en signalent quelques dommages collatéraux : un article du Nouvel Observateur
apprend aux foules étonnées qu’un incendie est la cause du déménagement de Hugo
de la Place des Vosges ; le texte du roman est publié par TF1 en gros
volume cartonné, sans notes ni préface mais avec cahier de photos du tournage
et abondance de fautes ; un livre est consacré aux Misérables,
à ses adaptations : Philippe Durant,
L’épopée d’un mythe télévisuel, Dreamland, 2000.
A. Laster: Le soir de la diffusion du deuxième épisode (le 11/09/2000),
Europe 1 a consacré une émission aux réactions du public, vers 22h30-23h. Les
téléspectateurs posaient des questions à la réalisatrice Josée Dayan, qui se
retranchait souvent derrière son adaptateur. Il serait très intéressant de
réécouter cette émission et de l'analyser : les reproches faits à
l'adaptation étaient souvent très justes et témoignaient d'une connaissance
réelle du roman.
J. Seebacher: Didier Decoin me paraît très superficiel.
A. Laster: Si l'on en croit la presse - dont il faut toujours se méfier
-, Didier Decoin aurait affirmé vouloir
réhabiliter Thénardier parce qu'il s'est battu pour la France. C’est fort, mais
quoi, Hossein en son temps s'était bien vanté d'avoir réalisé l'adaptation des Misérables
sans avoir relu le roman... Le mieux est qu’elle n’était pas pire !
Naugrette: Ne pleurons pas : la bibliographie de l’article du Nouvel
Observateur nomme en toutes lettres le groupe Hugo comme éditeur des œuvres
complètes en collection Bouquins.
D. Gleizes (et d'autres): Tant mieux, mais de nombreux volumes sont
épuisés. Il devient difficile de recommander cette collection aux étudiants. Un
tour de table confirme. J. Seebacher indique qu’il interviendra auprès des éditions
Laffont.
G. Rosa signale qu’il a eu l’occasion de recommander aux responsables du
programme Gallica à la B.N d’envisager l’achat de la saisie Laffont –comme ils
l’ont fait pour La Comédie humaine auprès du producteur du CD
établi par l’équipe du GIRB (Groupe International d’Etudes Balzaciennes) et
l’équipe Balzac de Paris 7. De cela
aussi J. Seebacher parlera aux responsables de Laffont.
Utilité du web et générosité des amateurs : le Groupe a été contacté par l’actuelle propriétaire de la maison des Metz (à Jouy-en-Josas) [pour plus de détails, consulter une bonne biographie –s’il y en a- ou la chronologie], qui nous en communique quelques photographies anciennes et actuelles. G. Rosa les fait circuler.
A. Laster: Cet été, un Ruy Blas s'est joué à La Napoule, dans une mise en scène de Jean-Louis Martinez. Il va sûrement se donner ensuite à Paris, comme l'année dernière sa Lucrèce Borgia, remarquable. Je suis beaucoup plus réservé sur cette nouvelle pièce : le seul acteur à tirer son épingle du jeu est Georges Descrières en Guritan.
- Lucrèce Borgia du 15/09 au 8/10/2000 au Théâtre des Amandiers, les fins de semaine uniquement. Elle est jouée par la troupe du Théâtre amateur, constituée d'habitants de Nanterre (V. Wallez). Celui-ci ajoute que différents acteurs jouent le même rôle, dont le rôle-titre: parti pris esthétique neuf. Hélas, la publicité faite pour ce spectacle n’est pas aussi novatrice, par exemple dans L'Officiel des Spectacles : "Deux monstres sacrés : Victor Hugo et Lucrèce Borgia"...
- La chaîne câblée Cinéstar diffuse Quasimodo d'el Paris le 9 septembre prochain.
-Ernani de Verdi se joue en ce moment à Vienne (Autriche).
A. Laster: L'Association des Amis de Victor Hugo tiendra son assemblée générale le 2 octobre prochain. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Jean-Claude Carrière ; il se dit favorable à la création du Ruy Blas mais nie y être partie prenante.
F. Laurent: On a beaucoup discuté à propos de l'ajout ou non par Hugo d'un "H" à Ernani. Il faut signaler que le nom de ce village prend un "h" en basque. De même, il n’est peut-être pas inutile de préciser que le nom complet de Doña Sol est "Doña Maria de la Soledad" : son patronyme renvoie à la solitude, pas au soleil.
A. Laster signale un cycle de conférences, "Les grands livres de l'humanité", organisé par Bernadette Bricout (de Paris 7) à l'Institut d'Etudes politiques. Au programme, la Bible, A la Recherche du temps perdu,... et Les Misérables. Le titre de cette conférence, ajoute G. Rosa qui doit la faire, « Les Misérables ou Job insurgé », se justifie, entre autres, du prix de l’entrée (600 F. –mais pour tout le cycle).
Gratuite au
contraire la série de conférences données au Centre d'Action sociale de la
Ville de Paris, Hôtel de Coulanges-Maison de l'Europe, à 14h30 :
- "Actualité de Victor Hugo", par A. Laster, le 27 septembre
2000.
- "Victor Hugo dessinateur", par Marie-Laure Prévôt, le 28
septembre 2000.
-"Victor Hugo, sa vie, son œuvre", par Christian Gros, le 29
septembre 2000.
[Le 19/09, toutes les places, disponibles sur présentation de
justificatifs, ont été réservées.]
L'importante exposition "Du Chaos dans le pinceau", produite conjointement par le Museo Thyssen-Bornemisza, La BNF et la Maison de Victor Hugo et déjà présentée à Madrid, le sera à la Maison Hugo, du 12 octobre prochain au 7 janvier 2001.
Après discussion, le calendrier des séances de l'année est le suivant:
- 21 octobre, communication de L. Wurtz : « Décrire l’invisible ;
la coupure des Contemplations »
- 25 novembre
- 16 décembre : communication de Marie Tapié : Les adaptations
de Notre-Dame de Paris au cinéma.
- 20 janvier
- 3 mars, communication de S. Raffin sur "Le centenaire de la mort
de Victor Hugo en 1985"
- 31 mars, communication de F. Naugrette sur "La reprise d'Hernani
en 1867"
- 28 avril, communication de V. Wallez sur "Les Fragments
dramatiques"
- 19 mai
- 16 juin (date est modifiable)
Toutes les
propositions de communication, à soumettre à G. Rosa, sont les bienvenues.
Celle de F. Sylvos est acquise pour le sujet “ Hugo et l’utopie ”, sa
date restant à fixer (Françoise Sylvos, en poste à La Réunion, ne vient pas
à Paris chaque week-end).
J. Seebacher: On aurait tout intérêt à se reporter à ce que dit Girardin
de l'actualité de 1840 : n'est-ce pas la date de la fondation par
Louis-Philippe du Musée de l'Histoire de France ? Ce musée réunit pour la
première fois toutes les gloires nationales, en tentant d'instaurer une
cohérence historique qui irait jusqu'à la royauté. De même, Hugo veut créer une
cohérence littéraire. L'étude de la réception dans la presse (et dans La
Presse) de la brochure à propos du retour des restes de l'Empereur, dont le
tirage a été énorme, apprendrait beaucoup.
F. Laurent: On sait que le roi et la famille royale ont été très
mécontents de l'organisation de la cérémonie par le gouvernement : il
existe une éternelle rivalité entre le roi et le gouvernement, surtout à
l'époque de Thiers. Hugo, lorsqu'il a été proche du régime, l'était davantage
de la famille royale que du gouvernement.
J. Seebacher: Et plus de Guizot que de Thiers. La conduite de Hugo a
consisté à évacuer son bonapartisme louis-philippard de 1840 par la figure même
de Napoléon : cette figure - destructrice - fonctionne comme une
aspiration ; elle devient une structure a priori de la pensée où
peut s'engouffrer une figure à venir comme le peuple ou la poésie. De même, on
peut expliquer ainsi l'opinion de Hugo concernant le neveu de cet empereur.
S'il le soutient (avec Girardin), il le voit comme un cadre vide où la France
moderne peut s'inscrire. D'où dans Les Misérables, la phrase :
"Pour que le grand siècle advînt, il fallait que le grand homme
disparaisse". Napoléon chez Hugo fonctionne comme un système
d'évacuation : il est le pneumatisme même de l'histoire.
G. Rosa: D’une part un minime ajout : lors du vote à
l'Assemblée législative d’un crédit pour l'achèvement des travaux de sépulture
de l’Empereur aux Invalides, Hugo vote pour –à la différence d’une bonne partie
de la gauche dont il fait partie à cette date.
F. Laurent: Vous trouverez dans les Actes du colloque des Invalides, où
j'ai fait cette communication, un article qui répertorie les différents votes
(selon les régimes) concernant les bas-reliefs de la chapelle Napoléon, de la
Monarchie de Juillet jusqu'au Second Empire.
G. Rosa: D’autre part, l’analyse irréprochable des textes par Franck
mérite peut-être sinon un correctif du moins un contrepoint. Car l'action réelle de Hugo ne va pas
exactement dans le même sens. De la Chambre des pairs à la Constituante, il
vote régulièrement pour la levée des diverses mesures qui barraient la route à
Louis-Napoléon : exil, interdiction de séjour, inéligibilité, etc. Et la
discussion de ces mesures montre que les intentions de Louis-Napoléon étaient
claires depuis longtemps ; Lamartine le dit et le répète dès la Monarchie
de Juillet, multipliant les mises en garde et votant régulièrement contre la
position qui est celle de Hugo, alors même qu’ils sont très proches pour tout
le reste. Bref, l'actualisation de la gloire napoléonienne dans un second
Napoléon n'a pas toujours été refusée par Hugo dans les faits, et peut-être
même dans les textes directement politiques. Chacun savait que Louis-Napoléon
s’était toujours soigneusement abstenu de renoncer publiquement à être
« prétendant » et de prendre aucun engagement en ce sens.
P. Georgel: Il a pourtant prêté serment à la Constitution.
F. Laurent: Dans Actes et paroles, Hugo rapporte son intervention
lors de cette prestation de serment : les honneurs rendus ne s’adressent pas à
« son rang », comme l’avait dit le Président de l’Assemblée, mais à
“ ses fonctions ”.
G. Rosa: Malheureusement, cette sortie ne figure pas dans le Moniteur.
Bref, la pensée de Hugo concernant le bon usage de la gloire
napoléonienne n’est pas, dans l’action publique, aussi parfaitement continue et
linéaire que tu le dis.
F. Laurent : Effectivement, car à l’époque des interventions
politiques, les textes littéraires sur Napoléon disparaissent. Le reste forme
un ensemble cohérent et finalement peu soumis aux fluctuations : ce qui
fait la gloire de Napoléon (auto-légitimité, gloire militaire, image de grand
nomade dévastant l’Europe) doit demeurer unique et appartenir au passé. Mais il
est vrai qu’une hésitation subsiste sur l’opportunité d’un Bonaparte au
pouvoir.
G. Rosa : Sans doute ; Hugo respecte Napoléon sur le
mode : “ un bon empereur est un empereur mort ”. Et ton exposé
corrige l’erreur commune qui veut que Hugo n’ait fondamentalement modifié sa
perspective sur Napoléon qu’en fonction des événements et après coup. Effectivement, il est important de
comprendre que la structure logique de L’Expiation était prête
dès avant le coup d’Etat et depuis longtemps. S’il en avait été autrement, Hugo
n’aurait guère eu moyen d’inventer sur le champ le « Napoléon le
Petit ». Reste que les deux plans de réflexion demeurent longtemps
distincts, celui de l’action immédiate ne s’ajustant pas avant 1850 à celui de
la perspective historique.
F. Laurent : J’en conviens : je n’ai envisagé que le premier,
de bout en bout stable et cohérent ; mais qui ne doit pas être confondu
avec l’autre.
V. Wallez : Dans son journal, Adèle Hugo rapporte les propos de Hugo expliquant que Louis-Napoléon a mal joué son propre jeu : modeste, moins dépensier, plus proche du peuple, il aurait été très vite rappelé au pouvoir s’il avait accepté de le quitter. V. Wallez lit le passage du Journal d’Adèle Hugo [tome II, présenté et annoté par Frances Vernor Guille, Lettres modernes, Minard, 1971, pp. 257-258]. Mme de Girardin parle :
“ Voilà ce que M. de Girardin dit aux gens de la droite :
-Vous attaquez
L[ouis] B[onaparte], et c’est vous qui l’avez fait. Autrefois L[ouis]
B[onaparte] était un homme dévoué aux idées généreuses, au socialisme ; il
croyait le régime arbitraire impossible en France ; il me l’a dit à moi.
(…). C’est vous qui lui avez tourné la tête, et qui l’avez fait ce qu’il
est.
Victor Hugo
L[ouis] B[onaparte] n’a pas compris son rôle. L[ouis] B[onaparte] < moyennant > son nom et sa position aurait pu s’éterniser. Il aurait dû vivre avec les douze cent mille francs qu’il recevait, en consacrer six cent mille à la < loi civile >, en garder douze cents pour lui, vivre avec la plus grande simplicité, et ni titre et ni décoration, s’en aller au jour convenu, dire : Maintenant, mon temps est fait ; choisissez un autre. Et tout le monde lui aurait dit : Restez, restez, et L[ouis] B[onaparte] se serait éternisé. ”
F. Laurent : Mais Hugo a voté contre la proposition des questeurs
(mettre la force armée à la disposition du Président de l’Assemblée nationale).
G. Rosa : La circonstance n’est guère significative : la moitié de
la droite vote avec la moitié de la gauche contre l’autre moitié de la gauche
votant avec l’autre moitié de la droite. Cela s’explique : Dupin étant
donné, impossible de savoir à quoi contre quel bord sera tourné l’emploi de la
force armée.
A. Laster : Je suis
d’accord avec F. Laurent et G. Rosa. F. Laurent a parfaitement montré ce qui
était en puissance dans la pensée de Hugo (“ plus qu’en puissance :
en texte, sinon en actes ”, dit G. Rosa). Il a pu ainsi en tirer toutes
les conséquences une fois confronté aux événements réels. Cela ne signifie pas
que sa pensée est toute faite ; au contraire, elle est progressive ;
il prend peu à peu conscience de ses erreurs successives.
F. Laurent : C’est très net en ce qui concerne la gloire militaire
de Napoléon.
A. Laster : Hugo a eu du mal toute sa vie à se
“ désintoxiquer ” d’un certain nombre de fascinations ; il n’y
est peut-être parvenu qu’en 1878. Le discours du centenaire de la mort de
Voltaire constitue un point d’aboutissement de sa pensée, finalement dégagée de
nombreux préjugés.
F. Laurent : Hugo pense en fonction de la nature de
la situation : en 1878, la République est installée, d’où un certain
apaisement. La pensée hugolienne, quand elle est de nature idéologique, est
intimement liée à ce qu’il perçoit de la configuration politique du moment.
P. Georgel : Je suis frappé par le caractère nuancé et équilibré de
cette pensée ; Hugo est peut-être intoxiqué mais jamais aveuglé. C’est
clair en matière de goût : fasciné –comme Marius- ou non par Bonaparte,
Hugo a toujours détesté le goût Empire. En matière de Beau du moins, sa
position est immédiate et rectiligne.
B. Leuilliot : Il existe, dans Choses vues [Le Temps présent I, Laffont-Bouquins, « Histoire », p. 816-817], un texte étrange et beau. Trois mois après avoir assisté aux funérailles de l’Empereur, Hugo revoit l’Esplanade des Invalides. Le spectacle de scènes diverses contraste mélancoliquement ou plaisamment avec le souvenir de la cérémonie et de l’Empereur. Mais, à la fin, un petit événement se produit, qui fait changer le ton et s’inscrit comme le début d’un roman.
« Au moment où je quittais l’Esplanade, vers trois heures, un petit
groupe marchant lentement la traversait.
C’était un homme vêtu de noir, un crêpe au bras et au chapeau suivi de
trois autres dont l’un couvert d’une blouse bleue tenait un jeune garçon par la
main. L’homme au crêpe avait sous le bras une espèce de boîte blanchâtre à demi
cachée par un drap noir qu’il portait comme un musicien porte l’étui dans
lequel est renfermé son instrument , je me suis approché. L’homme noir,
c’était un croque-mort, la boîte, c’était la bière d’un enfant.
Le trajet que faisait le convoi, parallèlement à la façade des
Invalides, coupait en croix la ligne qu’avait suivie il y a trois ans le
corbillard de Napoléon. »
La signification de ce spectacle affleure à peine à la conscience : comme si Hugo, à ce moment, n’était pas en mesure de tirer toutes les conséquences de ce à quoi il assiste. Mais le texte accepte cette méditation sans but, cette pensée « à tâtons », ce signe obscur et certain qui croise les chemins de la gloire vaincue et de l’enfant mort-né.
Quant au coup d’Etat, Hugo partage l’aveuglement de ses contemporains et
n’y croit pas jusqu’à la dernière minute.
G. Rosa : On ne peut pas dire ça : de nombreux textes de
l’époque ne s’interrogent que sur la date d’une initiative certaine –d’ailleurs
ouvertement annoncée par les agitateurs de la Société du 2 décembre.
B. Leuilliot : Mais Hugo n’y croit pas.
F. Laurent : Hugo croirait davantage à une restauration monarchique
qu’à un coup d’Etat de Napoléon. D’où le risque de prolonger le mandat
présidentiel.
B. Leuilliot : La situation est devenue ingouvernable à
l’Assemblée. A partir du moment où les monarchistes et les républicains se sont
alliés, le coup d’Etat était inévitable.
A. Laster : Le discours du 17 juillet [1851] dénonce d’avance le
coup d’Etat. On le présente toujours ainsi et on a raison : que veut dire
d’autre le fameux
«Quoi ! parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que
nous ayons Napoléon le Petit !»
B. Leuilliot : Dans le privé, Hugo dit qu’il existe de nombreuses
forces de résistance et compte sur elles.
A. Laster : Et Histoire d’un crime ?
B. Leuilliot : Ce livre a été écrit a posteriori :
Hugo connaît alors la fin. Sa réécriture se situe davantage du côté de la
légende que du mythe. Cela n’a rien d’exceptionnel : dans La Fin de
Satan, plus particulièrement dans “ Le Gibet ”, il affirme que le
Christ n’a été crucifié que pour que les hommes racontent sa légende. Ce
développement est stupéfiant : la légende dépasse à la fois l’histoire et
la religion. De même, le passage sur Waterloo dans Les Misérables pose
la question du sens de l’histoire au XIXème siècle : est-ce de l’inconnu,
du hasard ? Des apories se mettent en place, et Hugo reconnaît son
impuissance.
A. Laster : Il est très intéressant de voir comment Hugo, en
récupérant son bonapartisme, tente de recycler sa pensée, alors que dans Les
Contemplations (par exemple), il fait l’éloge du reniement… De même, dans Les
Misérables, lorsque Marius chante la gloire de l’Empire, il réutilise son
discours à l’Académie. Il recycle la matière d’avant l’exil pour en faire un
livre de 1862.
F. Laurent : Hugo assume en permanence sa pensée complète, mais pas
avant 1827 - “ L’Ode à la colonne ”. A. Laster : Ou Cromwell.
F. Laurent : Il assume tout, sauf sa jeunesse monarchiste.
B. Leuilliot : On peut se reporter à la préface de 1853 des Odes :
lors de la réédition, il ne dit pas “ j’ai changé ”, mais “ j’ai
songé ”.
F. Laurent : Il dit aussi qu’il a grandi. Son progrès idéologique
n’est pas linéaire : autour des années 1850, il ne soutient pas les mêmes
positions politiques dans les premières années de Choses vues.
B. Leuilliot : C’est l’écart entre le possible et le réel, entre
Gauvain et Cimourdain. En ce sens, la réception de Quatrevingt-treize
est très édifiante, si l’on va au-delà de la revue critique, surtout
hagiographique, de l’édition de l’Imprimerie nationale. Ce livre est considéré
comme “ au-dessus des partis ” par le clan Hugo et par la critique de
gauche, qui cherche à consolider la République à venir et à rallier le plus
grand nombre. La critique de droite, elle, ne s’y est pas trompée.
F. Laurent, avec l’approbation de G. Rosa qui « croit s’entendre » : Il ne faut pas confondre stratégie de conciliation
et consensus social : dès 1848-1849, Hugo veut l’union de la gauche, le
problème étant de réunir républicains et socialistes. En 1870-1871, Gambetta
veut avant tout l’union des républicains, y compris la portion libérale des
orléanistes. Et cela a fonctionné. Hugo veut être le socle républicain autour
duquel tous peuvent se rallier. Il est d’ailleurs toujours sur le devant de la
scène, à notre époque, aux périodes de grands rassemblements républicains,
durant le Front populaire ou pendant la Résistance –et aussi au moment de l’ »union
de la gauche ».
Prochaine séance : samedi 21 octobre, communication de L. Wurtz.
Sandrine Raffin
Equipe "Littérature et
civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2
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Responsable de l'équipe : Guy Rosa.