Monsieur Maurice Mauviel nous invite à (re)publier une lettre de Hugo adressée à Clémentine de Como Viallet, dont il éclaire la personnalité et la carrière dans les lignes qui suivent.

 

Lettre de Victor Hugo (Hauteville-House) à Clémentine de Como Viallet, datée du 9 janvier 1866, parue le vendredi 9 février 1866 dans le journal de Turin Un Soldo, giornale del Buonumore (communément appelé Il Bounumore) animé par le journaliste républicain, romancier et historien Giuseppe Beghelli[1](Briga Marittima, aujourd’hui La Brigue, Alpes-Maritimes, 1847, Turin, 1877).

Beghelli a souvent consacré des chroniques favorables aux mouvements féministes et il n’est pas étonnant que Clémentine de Como, auteur d’une superbe autobiographie intitulée Emancipation de la Femme (Turin, 1853, en langue française avec de délicieux italianismes), se soit adressée à diverses reprises aux journaux fondés ou dirigés par Beghelli. En 1872 elle fit paraître dans le Ficcanaso de Turin, dont il était le Rédacteur et Directeur politique, une annonce informant le public qu’elle donnait des leçons de langue française à son domicile ou chez ses pratiques.

Clémentine de Como, née dans le Vaucluse au début du Premier Empire, a connu une vie très mouvementée à Bonnieux, Montpellier, Lyon… Après avoir fui le couvent (elle n’avait pas prononcé ses vœux), elle partit pour Nice et s’installa au Piémont, voyagea à Milan et Florence, courtisée et séduite par un poète qui l’abandonnera pour épouser une autre femme. Son émouvante et vivante autobiographie retrace ses aventures jusqu’en 1853.

Elle a écrit, outre son Emancipation de la Femme et Pauvres Enfants ! (inspiré par son expérience de responsable de maisons d’enfants) deux ou trois romans, dont Blanche aux Indes, conservé dans une des petits villes du Piémont où elle a vécu, une pièce de théâtre en langue italienne, des poèmes dans diverse revues dont certains sont repris dans Emancipation de la Femme. Il est probable qu’elle ait écrit d’autres livres non repérables aujourd’hui.

Elle s’est mariée vers 1860 et je perds sa trace à Turin en 1872 où elle habitait alors. Elle est totalement oubliée dans son Vaucluse natal : sa mère, native de Bonnieux, mourut assez jeune et elle-même échoua, en dépit des efforts déployés à partir de l’Italie vers 1850, à retrouver la trace de son père, à Marseille et dans le Vaucluse. Aucune de ses œuvres n’est repérable dans une bibliothèque publique en France, son œuvre a sombré dans l’oubli. Comme les écrivains et historiens de langue italienne de l’ancien Comté de Nice (quatre siècles d’une culture originale), Clémentine de Como est devenue une apatride.

 

Hauteville-House, le 9 janvier 1866.

Votre livre, Madame, est de ceux qui mouillent les paupières. Il gagne sa cause par l’émotion. Cette logique qui sort du cœur avec une larme n’est pas la moins vraie ni la moins puissante. J’ai pleuré, me voilà désarmé.

Vous avez bien voulu, Madame, mettre mon nom en tête de ce touchant livre, si féminin par l’observation, si mâle par l’enseignement.

Je remercie votre noble esprit.

Je suis etc.

Signé Victor Hugo.

 

Le journal précise :

Pauvres Enfants ! de Clémentine de Como-Viallet (auteur de l’Emancipation de la Femme) roman philanthropique dédié à Victor Hugo, publié très récemment ; prix 3,50, per le poste italiane 3,80.

 

1. Voir Maurice Mauviel : Un Garibaldien niçois dans la tourmente européenne : Giuseppe Beghelli 1847-1877. A paraître.

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