Présents: Guy Rosa, Bernard Diu, Marie Diu, Arnaud Laster, Anne Ubersfeld, Jacques Seebacher, Myriam Roman, Pierre Georgel, Philippe Andrès, David Charles, Claude Millet, Franck Laurent, Delphine Gleizes, Jean-Pierre Vidal, Stéphane Mahuet, Françoise Sylvos, Thanh Van Ton That, Mme Haglund (nouvelle venue, PRAG à l'IUFM de Versailles et qui entreprend une thèse sur Hugo), Marie Tapié, Olivier Decroix, Franck Ruby (nouveau venu, qui entreprend, sous la direction de J.L. Diaz, une thèse sur l'expérience des limites dans la littérature du XIX°), Krishnâ Renou, Bertrand Abraham, Denis Sellem, Jean-Marc Hovasse.
Excusés : Carole Descamps, Tony James.
J'ai vu l'antre où l'on prie et l'antre où l'on dissèque
Et vos collèges froids dont la bibliothèque
Ainsi qu'une vapeur qui prend forme le soir
A l'étage d'en-haut se condense en dortoir.
L'Ane (v. 129-132)
* Note complémentaire au compte-rendu de la séance précédente sur Nerval et Hugo : l'interprétation à donner aux quelques phrases énigmatiques des Misérables concernant Nerval fait l'objet d'un article de Gabrielle Chamarat-Malandain, "L'individu et la cité : Nerval et Hugo après le coup d'État" (dans Écrire / Savoir, littérature et connaissance à l'époque moderne, ouvrage collectif dirigé par Alain Vaillant, éditions Printer, 1996 ; ou dans Gabrielle Chamarat-Malandain, Nerval, réalisme et invention, Paradigme, " Références ", 1997).
* Rectificatif au compte rendu précédent : " Loin d'avoir émis quelque reproche que ce soit à l'encontre du Victor Hugo de la collection "Découvertes Gallimard", Arnaud Laster a souligné, en réponse aux réserves de certains membres du groupe, les qualités du travail de Sophie Grossiord et de l'information qu'elle diffuse. Il n'y a relevé aucune erreur de fait, ce qui est plus exceptionnel qu'on ne l'imagine. Il ajoute qu'il préfère la "neutralité", que l'on a paru déplorer, aux préjugés et à la malveillance hugophobique qui contaminent tant d'ouvrages encore présents dans la plupart des bibliographies hugoliennes même sélectives ".
* Viennent de paraître, dans Écriture / Parole / Discours : littérature et rhétorique au XIXe siècle, ouvrage collectif dirigé par Alain Vaillant, éditions Printer, 1998, collection "lieux littéraires", trois articles d'un seul coup, qui témoignent de la vitalité et de l'excellence de la réflexion hugolienne :
Delphine Gleizes : "Mirabeau, parole et révolution"
Pierre Laforgue : "Rhétorique et poésie chez Hugo"
Ludmila Wurtz : "Le dialogue amoureux dans la poésie lyrique avant l'exil"
* A Paris 3, M. Azanku vient de soutenir sa thèse, préparée sous la direction de M. Pierre-Louis Rey : La Thématique du salut dans l'oeuvre poétique de Victor Hugo de 1852 à 1856.
* A l'Université d'Uppsala (Suède), Madame Robardey-Eppstein, après une maîtrise consacrée à Amy Robsart, commence la sienne sur le " méta-théâtre " hugolien (théâtre dansle théâtre, intertextualité théâtrale et réflexions sur le théâtre au sein même des pièces). Elle sera des nôtres à la séance de juin et y présenterait volontiers les premiers éléments de son travail.
* A Montpellier, Mme Diodati-Remandet soutient la sienne, préparée sous la direction de Jean-Claude Fizaine : " Victor Hugo et la critique des maîtres en certitudes. L'Ane, pivot d'une réflexion sur la transmission des savoirs (1802-1881) ", le 7 mars.
* Lue dans la Bibliographie de la France cette annonce confondante : Philippe Walcq, L'Énigme de la ville secrète des templiers : Montreuil-sur-Mer, 139 F.
* Cinquante lettres de Juliette Drouet sont publiées par Simone et Jacques Charpentreau aux éditions de la Maison de la poésie, 1997, sous le titre suivant : Je ne veux qu'une chose, être aimée.
Le groupe Hugo reçoit aujourd'hui un éminent physicien, M. Bernard Diu, qui vient parler de la rosée. Guy Rosa, particulièrement intéressé par son génitif latin, lui donne la parole malgré les essais respectifs d'intervention de Jacques Seebacher, qui a à peine le temps de signaler du nouveau sur les rapports entre Victor Hugo et la franc-maçonnerie (une lettre de 1826-27 de l'architecte Robelin, conservée à la Maison Victor Hugo, pour lui donner un rendez-vous dans une loge), et d'Arnaud Laster, qui signale une Anthologie des Misérables, que l'on commentera lors d'une prochaine séance.
La complexité -pourtant toute pédagogique- des propos de M. Bernard Diu et la grande ignorance scientifique du greffier de cette séance font que ce compte-rendu sera bien plutôt un schéma grossier qu'une retranscription fidèle (mais on peut compléter utilement ses connaissances en physique -et en histoire de la physique- en lisant le livre de B. Diu, Les atomes existent-ils vraiment ?, qui s'attache à expliquer non seulement les " transitions de phase " mais plus généralement le passage de la thermodynamique macroscopique à la thermodynamique microscopique (atomique) et conséquemment " statistique ".
L'exposé se proposait d'explorer trois niveaux d'analyse :
1) le niveau encyclopédique.
2) le niveau phénoménologique (terme entendu dans son acception physique, c'est-à-dire la simple étude des phénomènes, autrefois appelée "leçon de choses").
3) le niveau théorique.
Le niveau encyclopédique, à partir des définitions du Nouveau Larousse illustré (1897) et du Grand Larousse universel (1989), tournait essentiellement autour de la question du rayonnement. L'étude se faisant autour de ce que l'on appelle "un corps noir", l'adjectif a permis un passionnant glissement des problèmes de la physique vers les analyses de l'astro-physique et les "trous noirs".
Le niveau phénoménologique était centré sur les transitions de phase (autrefois appelés "changements d'état") : les passages de l'état liquide à l'état gazeux (évaporation), du liquide au solide, du solide au gazeux (sublimation), du gazeux au liquide (condensation), ce dernier étant celui qui se réalise dans la rosée. Sur une question d'Anne Ubersfeld, la problématique transformation de la rosée en givre a été évoquée. A noter, l'actualité de la question posée au Concours général de 1818 où V. Hugo obtient le 5° accessit, puisque le livre de l'anglais Wells, La théorie de la rosée, venait d'être publié (1814). Les changements d'état sont connus mais non théorisés. On est alors dans les balbutiements de la thermodynamique (le second principe sera découvert par Carnot quelques années plus tard et la théorie complète ne sera formulée qu'au milieu du siècle), ce qui n'empêche pas la mise en _uvre pratique de ses phénomènes - la machine à vapeur.
*Le niveau théorique portait sur la thermo-dynamique. Cette théorie s'applique aux objets macroscopiques. Il existe une fonction des variables d'un corps (son volume, son énergie, sa masse) : l'entropie. Cette entropie a pour propriété de tendre vers un maximum, comme l'indiquait Clausius : "L'énergie du monde est constante, son entropie croît sans arrêt". Les trois variables d'un corps pur (volume, énergie, masse) ont un lien intrinsèque avec, respectivement, la pression, la température et le potentiel chimique. Le potentiel chimique d'un corps, qui est une fonction de la température et de la pression, permet de dessiner la courbe de vaporisation (pour un même corps, à pression plus basse, la température d'ébullition est plus basse aussi (= cuire un _uf en montagne) ; à pression plus élevée, la température d'ébullition est plus haute (= cocotte minute)). Au-delà des valeurs de cette courbe, le corps se vaporise ; en-deçà, il se condense. Cette courbe arrive à un point critique, celui où la différence entre liquide et gaz disparaît, car la densité est la même. Dans l'expérience, ce "point critique" se manifeste par ce que l'on appelle "l'opalescence critique". De l'autre côté de la courbe, on a le "point triple". Ce point triple est le point d'intersection de la courbe de vaporisation et de la courbe de solidification (laquelle dépend très peu de la pression, si bien que son apparence est presque verticale, la pression étant portée sur l'axe des X). Le point triple, point d'intersection entre la courbe vapeur/liquide et la courbe liquide/solide, correspond, quand le liquide est de l'eau, au point thermométrique.
Arnaud Laster soumet à Bernard Diu un texte scientifique de Victor Hugo, daté de 1843, sur le rayonnement : est-il scientifiquement aberrant ou raisonnable -et dans ce cas peut-être prophétique ? Globalement, le contenu de ce texte paraît plutôt cohérent, voire visionnaire, et pas du tout fantaisiste -mais il faudrait savoir ce qui était exactement connu à cette date du rayonnement.
Jacques Seebacher et Guy Rosa ne partagent pas la même idée de l'importance des tables tournantes dans la réflexion de Victor Hugo sur les fluides : elle forme un réel élément de réflexion pour le premier, elle est plutôt insignifiante pour le second.
Pierre Georgel profite de cette exégèse pour lancer l'idée d'une année complète de travaux du Groupe Hugo, dans un esprit de collaboration pluridisciplinaire digne de l'université Denis Diderot, sur la question de la science. Car le problème est toujours le même : les textes scientifiques sont inaccessibles aux littéraires. Avec l'évolution du vocabulaire scientifique, dit Guy Rosa, ces textes restent souvent tout autant inaccessibles aux scientifiques, dont la préoccupation principale n'est d'ailleurs pas vraiment l'Histoire des sciences. B. Diu dit son accord sur ce dernier point ; pas sur l'autre pour ce qui concerne la physique : les textes originaux de Galilée sont parfaitement lisibles à un physicien, pas seulement dans leurs résultats mais dans leur problématique.
Arnaud Laster reprend son enquête sur la valeur scientifique des textes de Victor Hugo en lisant quelques passages de William Shakespeare et en évoquant la lettre à Nadar.
Delphine Gleizes voudrait en savoir plus sur la théorie du chaos, à partir d'une lecture de "La Mer et le vent". B. Diu attire l'attention que le " chaos " n'a pertinence scientifique -en mathématiques- que depuis trois ou quatre décennies. Hors de cela, l'idée de chaos ne renvoie qu'à la mythologie ou à l'idée d'une organisation progressive ou soudaine, de toute manière historique, de l'univers. C'est bien ce qui intéresse D. Delphine Gleizes qui observe que, dans le texte qu'elle cite, la réflexion de Hugo sur le chaos ne semble pas soumise à une perspective diachronique. Il dit qu'il y a un ordre humain de la connaissance, mais qu'il peut aussi bien y en avoir d'autres, inintelligibles à l'homme, bref qu'il existe plusieurs ordres différents d'intelligibilité, celui de l'homme lui étant particulier.
Claude Millet rappelle que Hugo ne dit pas toujours la même chose, qu'il hésite souvent entre plusieurs positions, qu'il essaye plusieurs directions...
Jean-Marc Hovasse
La prochaine séance, qui se tiendra samedi 21 mars, sera consacrée à Victor Hugo et l'Allemagne autour de la question du Rhin. L'orateur sera Frédéric Weinmann, qui termine une thèse d'allemand sur la traduction des textes allemands en français entre 1830 et 1870.
Equipe " Littérature et civilisation du XIX° ", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005. Tél : 0144 27 69 81. groupugo@paris7.jussieu.fr
Responsable de l'équipe : Guy Rosa, rosa@paris7.jussieu.fr.