Présents :
Jean-Claude Fizaine, Arnaud Laster, Guy Rosa,
Marguerite Delavalse, Caroline Raineri, Jean-Claude Nabet, Christian Porcq, Véronique
Dufief, Josette Acher, Claude Millet, Franck Laurent, Corinne Chuat, Myriam Mayet,
Hélène Labre, Colette Gryner, Laure Esposito, Ludmila Wurtz.
- Tout d'abord, un rectificatif et mille excuses: ce n'est pas Jean-Claude Fizaine, mais Claude Gély qui dirige la thèse de Michèle Fizaine sur "Victor Hugo et l'Evénement".
- Pierre Laforgue souhaite faire, en avril, un exposé sur Chansons des rues et des bois.
- L'édition des Misérables d'A. Laster en "Press-Pocket" vient de sortir. On y trouve beaucoup de choses et en particulier des extraits de Sur les Caves de Lille, texte de Hugo qui ne figure pas encore dans l'édition "Bouquins".
- G. Rosa signale le nombre impressionnant des thèses déposées sur Hugo: 7 en 1991. La raison en serait-elle l'excellent outil de travail que constitue l'édition "Bouquins"?
- Dans le cadre de la manifestation "La Fureur de lire", on signale la projection à la vidéothèque d'un siècle d'adaptations des Misérables au cinéma. Tous les chemins mènent à la lecture.
- Une étudiante de Jean-Claude Fizaine a recensé les traductions arabes des Misérables. Il s'agit d'anthologies plus que d'éditions du texte complet; l'une d'elles, éditée à Beyrouth au début du siècle, constitue une véritable "ré-écriture" intégriste: Monseigneur Myriel y devient le prototype du bon musulman; les citations de la Bible y sont remplacées par des extraits de sourates du Koran. La difficulté même de la traduction du style hugolien en arabe fait souhaiter qu'un travail méthodique sur ce sujet soit entrepris. Dans le même ordre d'idées, A. Laster signale un mémoire de maîtrise en cours sur les adaptations des Misérables destinées aux enfants.
- Mme Feiffer-Perin, conservatrice de Villequier, a fait l'acquisition de 700 autographes des Vacquerie. Un tel fonds permettrait enfin d'entreprendre un travail de thèse sur Auguste Vacquerie. On rappelle que Baudelaire aurait dit des Funérailles de l'honneur d'Auguste Vacquerie que c'était "la plus grande jouissance qu'il eût éprouvée au théâtre", quelques jours après avoir dit de Tannhäuser de Wagner que c'était la "plus grande jouissance qu'il eût éprouvée à l'opéra"...
- A. Laster rappelle toutes les mises en scène dont la production théâtrale de Hugo a fait l'objet cette année: Ruy Blas, dans la mise en scène de Wilson aux Bouffes du Nord; Lucrèce Borgia, avec la remarquable interprétation de Catherine Chevallier dans le rôle-titre; Amy Robsart, mis en scène pour la première fois depuis 1928, avec Martine Chevallier, sur de la précédente, dans la distribution: cette représentation en plein air était des plus honorables; le Roi s'amuse, à la Maison des Jeunes de Gennevilliers, dans une mise en scène tout à fait extraordinaire, mais qui, hélas, est passée inaperçue. Cette jeune compagnie théâtrale, la Compagnie Jolie Môme, loin de céder à la tentation de la parodie, a traité le grotesque avec intelligence, créant un phénomène de distanciation par un maquillage et des costumes clownesques; cette mise en scène provocante était, par moment, réellement poignante. A. Laster fait le projet d'organiser des représentations supplémentaires à Censier; la Comédie Française va, elle aussi, reprendre son Roi s'amuse; enfin, Marie Tudor, dans la mise en scène de Mesguisch, va se jouer à Créteil en janvier.
- Beaucoup d'entre nous ont reçu le Bulletin de souscription au livre de J. Seebacher, sous presse aux PUF: Victor Hugo ou le calcul des profondeurs; qu'ils ne se choquent pas du double emploi fait par sa reproduction, ci-jointe à toutes fins utile.
- Michel Autrand consacre cette année son séminaire sur l'Histoire du Théâtre, à Paris IV, aux "échecs" théâtraux. La première séance, le 3 décembre, à 17h30, esc. C, 2ème étage, est consacrée au prétendu échec des Burgraves, analysé par Patrick Berthier. Prétendu, insiste, A. Laster, car l'échec matériel d'une pièce au moment de sa création ne doit pas être confondu avec l'échec de l'uvre. Il faut se méfier des légendes: Drôle de drame passe pour avoir été un échec complet au moment de sa sortie; en réalité, le film connut un succès immédiat auprès du public, et la critique fut très partagée. De même, on a dit que Hugo avait organisé tapageusement le succès des Misérables: comment expliquer, alors, que tous les journaux aient été contre! Les Burgraves, ajoute J.-C. Fizaine, constitue la fin d'un système. La pièce, par ailleurs, a souffert de la manière dont Hugo organisait jusque-là ses succès, en remplissant la salle d'invités; elle a subi le contre-coup du succès de Hernani. Pourtant, la pièce a bien "marché". J.-C. Fizaine souligne la contradiction qui existe entre le procédé violent, quasi militaire, auquel avait recours Hugo pour organiser le succès de ses pièces, et la figure cuménique et conciliatrice qu'il voulait se donner en tant qu'homme politique.
- L'article de C. Porcq sur Ayrton, le personnage de Jules Verne, a été publié dans Romantisme, n° 76.
- F. Laurent fera, en mars, une communication sur "Hugo et l'Europe" dans le cadre du séminaire "Utopie autrement", organisé par Mme Michèle Desbazeilles.
- C. Descamps a soutenu une impressionnante maîtrise sur la genèse de William Shakespeare. Elle y démontre que le livre Les Génies a été rajouté tardivement, alors qu'on aurait pu croire que c'était le noyau même de l'uvre. S'il y a réellement eu un "William Shakespeare primitif" (question difficile; comment savoir quand se produisent les différentes intercalations?), il ne comportait ni Les Génies ni Shakespeare lAncien. Cette version primitive aurait été plus monographique; ce n'est qu'ensuite que la perspective se serait élargie. Le travail de C. Descamps confirme donc la préface de Hugo. William Shakespeare est, à l'origine, une monographie sur Shakespeare qui a absorbé partiellement la dérive philosophique qu'elle aurait peut-être elle-même générée.
- V. Dufief signale le N° 100 de "Je bouquine" (Laffont), qui comporte une enquête sur l'image de Hugo chez les enfants et les adolescents.
- Dans des pages au vitriol, Baudelaire a violemment critiqué le style de Villemain, qu'il trouvait pléthorique. J.-C. Fizaine s'interroge sur les raisons d'une telle agressivité. Pour F. Laurent, l'attitude de Baudelaire est avant tout politique, c'est une prise de position contre la génération des libéraux - libres penseurs à laquelle appartient Villemain. Pourtant, rappelle J.-C. Fizaine, la critique de Baudelaire est exclusivement stylistique; c'est une critique du "style académique XIXème" tel qu'on l'a pratiqué de Sainte-Beuve à Renan.
- G. Rosa remarque que Hugo se sert beaucoup de l'Histoire de la Révolution anglaise de Villemain pour écrire Cromwell. Il y trouve, notamment, l'épisode où Cromwell entreprend de se faire couronner. Seul Villemain a isolé l'intérêt accordé à cet épisode, négligé en général, et par Guizot en particulier.
- G. Rosa souligne d'autre part l'étonnante familiarité de Hugo avec les fous. La folie est, pour lui, dans la continuité de l'existence raisonnable. Les criminels lui sont plus étrangers que les fous: aussi préfère-t-il penser Henry comme fou que comme criminel. F. Laurent remarque que les trois cas de folie auxquels s'est intéressé Hugo ont en commun une forte charge sociale et politique: il s'agit de deux régicides et d'un ministre de l'Instruction Publique! Hugo décrit le cas Henry comme une "atteinte à la majesté royale", ce qui constitue une distinction importante: le roi n'est pas un individu comme un autre, aussi le régicide n'est-il pas un crime comme les autres. C'est en tant qu'atteinte à la majesté royale que ce crime mérite une punition. Il est intéressant de noter que c'est aussi, précisément, au nom de la majesté royale qu'on a condamné le théâtre de Hugo (Marion de Lorme, Le roi s'amuse, Ruy Blas). Il y a chez Hugo un anti-conformisme qui rend sa position de Pair de France extrêmement instable (plus encore après le flagrant délit d'adultère avec Léonie Biard, qui fait de lui un paria dans la vie politique).
- Pour G.Rosa, l'interprétation du régicide de Henry comme forme indirecte de suicide est une idée qui ne va pas de soi. Cependant, remarque J.-C. Fizaine, la peine de mort a provoqué des suicides indirects: il y a des "récits", des aveux d'assassins qui comportent cette notion. Ce fut d'ailleurs, mais plus tard: dans les années 48-50, l'un des arguments des abolitionnistes. C. Porcq précise que ce phénomène n'a été ni décrit ni remarqué par les médecins contemporains de Hugo. Pour G. Rosa, la notion de suicide indirect est inquiétante: on pourrait alors lire Le Dernier Jour d'un condamné comme un suicide? Mais, répond A. Laster, tout le drame du Dernier Jour d'un condamné, c'est justement que le condamné n'a pas choisi l'heure de sa mort! Cela peut être une forme de suicide pour ceux qui n'ont pas la force de se tuer eux-mêmes, rétorquent G. Rosa et V. Dufief.
- C. Porcq regrette de n'avoir pas le temps de présenter plus longuement un médecin de la Renaissance, Jean Viret, connu pour son traité de démonologie. Viret a lutté pour que les sorcières soient examinées par des médecins avant d'être exécutées. Pour lui, elles présentaient des troubles pathologiques. Viret a été redécouvert par Pinel, traduit par Bourneville en 1865. Hugo en connaissait l'existence: il avait reçu une étude sur Viret.
- C. Porcq demande si le sujet très pointu de son exposé n'a pas rendu certains points de sa communication un peu obscurs pour des non-spécialistes. Pour G. Rosa, le plus embarrassant est la conclusion, dans la mesure où elle tourne autour d'une problématique sans issue pour nous, littéraires: Hugo a-t-il un point de vue d'artiste? de médecin? Il serait plus productif de mettre l'attitude de Hugo face aux "fous" en relation avec d'autres éléments internes de l'uvre. C. Porcq précise que le paradoxe fondamental de la psychiatrie, ce qui la rend précisément sans issue, c'est qu'elle doit être à la fois la plus humaine et la plus scientifique possible. Mais, poursuit G. Rosa, l'idée même d'un sens du délire est très importante. C. Chuat fait remarquer que Flaubert n'a pas le côté empathique de Hugo. son diagnostic est toujours vif, précis, mais dépourvu de la dimension chaleureuse que Hugo sait donner au sien. Cela fait réfléchir sur le sens du discours, conclut G. Rosa: Hugo envisage sans frémir que le discours des fous a un sens.
Ludmila Wurtz
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