Présents :
Mme Murphy -hugolienne franco-américaine, étudiante aux temps du Colloque de Cerisy,
maintenant collègue d'une université de New-York-, D. Charles, V. Dufief, K. Carmona,
L. Wurtz, C. Porcq, A. Spiquel, A. Laster, C. Millet, J.-C. Nabet, S. Emmerich
-en partance pour l'Afrique: que Dieu lui vienne en aide-, P. Georgel, C. Aubaud,
B. Leuilliot, J. Delabroy, F. Laurent, G. Rosa, J. Acher.
A. Laster apporte les rectifications convenables au compte rendu à propos de Mille Francs de récompense:
-Il y a des coupures: le texte est débité très vite, mais la représentation dure 3/4 d'heure de moins que dans la mise en scène de René Loyon à Gémier en 85.
-Il y a de la parodie, qui porte essentiellement sur les personnages féminins mais aussi sur celui d'Edgar Marc, avec des rappels de Daumier et de la famille Fenouillard.
P. Georgel estime que la mise en scène procède à juste assez de parodie pour que "cela passe" aujourd'hui, parodie d'ailleurs implicite dans le texte. C'est aussi l'avis de C. Millet: Hugo s'est bien amusé.
Mais A. Laster ne croit pas que ce parti pris, qui reprend celui adopté par Téphany-Meyrand and C°, soit toujours juste. Au moins ne l'est-il pas pour ce qui concerne les amoureux. Leur discours est pauvre, mais il l'est par nature et il en va de même dans tous les échanges amoureux chez Hugo: il y a là une vérité du discours et des sentiments qui est ignorée dès lors qu'on la parodie.
G. Rosa pense. Il pense que la parodie est le moyen du sens: de ce point de vue désabusé, et sombre, dont A. Ubersfeld avait parlé et qui met en cause la possibilité non seulement d'agir contre la misère mais même de la saisir dans un discours adéquat. Elle permet de dire: de cela, nous ne savons pas parler. Et cette lecture de la pièce n'est pas fausse -au moins est-elle soutenable.
A. Laster n'en disconvient pas mais juge que cette signification serait mieux mise en évidence si la fin n'était pas décalée dans un sens optimiste: cette évasion possible de Glapieu, avec les gendarmes lancés à ses trousses au lieu de le remorquer à leurs menottes, reconduit à la première scène alors que, dans le texte, Glapieu paye de sa liberté le succès de son dévouement.
A. Spiquel a retrouvé la référence de la citation perdue: "L'histoire a sa vérité, la légende a la sienne. La vérité légendaire est d'une autre nature que la vérité historique. La vérité légendaire, c'est l'invention ayant pour résultat la réalité. Du reste l'histoire et la légende ont le même but, peindre sous l'homme momentané l'homme éternel./ La Vendée ne peut être complètement expliquée que si la légende complète l'histoire; il faut l'histoire pour l'ensemble et la légende pour le détail." C'est le premier chapitre de la seconde partie de Quatrevingt-treize.
[Pas du tout. C'est bien le premier, mais de la troisième!]
C. Porcq signale que les différences entre le manuscrit et l'imprimé qu'il a évoquées à propos de Verne ne concernent pas L'Ile mystérieuse mais Vingt mille lieues sous les mers.
Une officine vend -pour 9F- deux "cassettes-livres": Les Misérables de V. Hugo, "sans engagement d'aucune sorte" (ô Sartre! ô Victor!), "offre promotionnelle limitée à 15 jours et à un envoi par foyer". Avec, dans la publicité, cette indication: "...nous avons demandé à une équipe de spécialistes de la littérature (Agrégés de l'Université) de nous présenter les plus grands chefs-d'uvre autrement [souligné dans le texte]...".
Que les coupables se dénoncent!
Romantisme publie dans son numéro 69 un dossier Hugo contenant la transcription de l'entretien de Vitez en 1985 et la pile des compte rendus de l'édition "Bouquins".
Dans le cadre d'un atelier "Poésie, Philosophie" à l'ENS de Fontenay-St Cloud, Jean Maurel intervient le lundi 3 décembre: "Poésie et pensée: quelques idées contemporaines à l'épreuve de V. Hugo".
Le Centre de formation à la profession d'avocat donnait en T.P. le procès de l'auteur des Misérables, pro et contra.
Petit regain de hugophobie à l'occasion du livre de P. Seguin sur le second empire.
J. -F. Kahn aurait mieux fait de ne pas publier son Monologue d'un ancien stalinien sur le tombeau du führer d'Allemagne, qu'il croit avoir écrit à la manière de V. Hugo.
F. Chenet intervient sur Waterloo dans un séminaire consacré à la catastrophe, le 9 janvier, 17h., salle 224 du Centre Censier.
Le Colloque sur "Lamartine et le féminin" a entendu plusieurs hugoliens, grâce à J.-P. Reynaud qui l'organisait à Dijon. Deux communications doivent être signalées ici: celle de J. Maurel qui visait l'articulation de La Chute d'un ange et de La Fin de Satan et celle de J.-C. Fizaine qui comparait les mises en uvre lyriques de l'intimité -du deuil de la fille et du thème de Gethsémani- chez Lamartine et Hugo. Mais nous n'étions pas les seuls à rendre hommage aux travaux pionniers de J. Gaudon sur la thématique féminine dans l'uvre de Lamartine.
Les Misérables de Fescourt seront projetés le 12 janvier à 16h. au Centre culturel de la ville de Malakoff. La version de R. Bernard, avec Harry Baur, C. Dullin, C. Vanel, a été mise en cassettes et est en vente.
Une séance du "Salon de poésie" à la Comédie française est consacré à Hugo le jeudi 13 décembre (18h.-20h.) au Foyer du public (et A. Laster se serait entremis pour faire bénéficier les hugoliens d'une invitation si ce compte rendu avait été diffusé à temps).
Enfin, pour nous rapprocher de l'exposé qui va suivre, la seule étude générale sur Hugo et Verne est celle de M. Mercier, Minard, Revue des Lettres Modernes, série J. Verne dirigée par F. Raymond, 1978 ou 79.
A. Delabroy fait part de sa réticence devant certains jeux anagrammatiques. C. Porcq estime que les fluctuations de la mode en matière de critique ne doivent pas faire jeter le bébé avec l'eau du bain: les jeux verbaux, chez Verne, ou ceux avec les dates, sont systématiques, organisés, et donnent valeur symbolique, très vraisemblablement volontaire, à leurs objets. Leur emploi dans l'investigation de la question traitée serait effectivement anecdotique s'il n'était gagé sur la dette personnelle -pas entièrement consciente, elle- de Verne envers Hugo et sur l'analogie des investissements idéologiques communs aux deux uvres. On n'a pas parlé, par exemple, du contraste entre misère et classes riches, mais il y aurait un parallèle à faire entre les deux auteurs sur ce point, qui s'appuierait principalement sur la comparaison entre Petit bonhomme et L'Homme qui rit.
C. Millet interroge C. Porcq sur la présence de la préhistoire chez Verne. Il est omniprésent, répond- il, en particulier dans Voyage au centre de la terre. Et le passage de la légende à l'histoire, qui intéresse plus spécialement C. Millet, est, lui aussi, commun à Hugo et à Verne: voir l'un des derniers romans: Maître du Monde. Sur ce dernier point, J. Delabroy renvoie aux premières pages de Vingt mille lieues sous les mers et, surtout car c'est là le centre du livre-, au Château des Carpates.
A. Laster demande ce qu'il en est de l'influence de Hugo sur les pièces de théâtre écrites par Verne et, d'abord, si on en connaît le texte. -On les connaîtrait si ceux qui les détiennent le voulaient bien: Verne n'a pas imité Hugo en léguant ses manuscrits à la B.N. -de là quelques problèmes...
A. Laster s'étonne que Hugo puisse être pour quelque chose dans la rédaction de "tragédies". -Sans doute, mais la dette est ici avouée, et nous ignorons les textes.
C. Millet se souvient que, selon Todorov, ce que nous nommons science fiction s'appelait, au XIXème siècle, "merveilleux scientifique". Qu'en est-il?
C. Porcq reconnaît que notre lecture moderne opposerait les deux termes chez Verne ou ailleurs -plutôt qu'elle ne les combinerait. Mais il n'en est pas de même sur le champ et Zola compare Verne à Perrault. Sans doute est-ce un scientisme ultérieur -ou contemporain de Verne mais auquel il n'adhère nullement- qui a mis ces termes en opposition. Ce qui est sûr, et acquis par la critique vernienne depuis déjà assez longtemps, c'est que l'uvre de Verne est très réticente, pour le moins interrogatrice, devant la science -et l'interview évoquée tout à l'heure met clairement en contraste la fascination devant les machines en marche et l'indifférence devant la science proprement dite. Sur ce point encore l'attitude de Hugo, telle qu'elle vaut à l'auteur de L'Ane les virulences de Zola, est partagée par Verne.
D. Charles demande si Verne a participé et à quel titre à la Société d'encouragement pour la locomotion aérienne, à laquelle Hugo s'est intéressé (cf. la lettre à Nadar de 1864). - Il en était membre; mais la création de la société se place à une époque de la vie de Verne -1857-63- qui est très mal connue.
P. Georgel complète ces considérations en rappelant ces auteurs nombreux et importants, tels Flammarion et Figuier, qui développent un scientisme d'imagination: non pas de la science fiction mais une vision imaginative des acquis scientifiques dont il n'y a sans doute pas d'exemples ultérieurs.
Passant à un autre point, il rappelle la présence, dans l'engin de Némo, de la gravure du dessin de Hugo publié pour J. Brown. Or elle se trouve dans une galerie d'hommes illustres, pas dans la salle muséographique du Nautilus. Y a-t-il des indices d'un intérêt de Verne pour l'uvre graphique de Hugo, et de quelle nature? -Il y a effectivement une brève allusion, dans un roman; texte exact? oublié; on le retrouvera.
G. Rosa, revenant sur les débuts de cette discussion, note un problème de méthode. Aussi fondés soient-ils, les rapprochements ne sont vraiment pertinents que s'ils sont fonctionnels. Que le nom, le personnage et l'uvre de Hugo soient familiers à Verne, comme à beaucoup d'autres, c'est certain; que ses "thèmes", d'ailleurs souvent communs à bien d'autres auteurs, interviennent dans l'uvre de Verne, c'est probable; mais cette présence et ces réemplois n'ont de valeur que s'ils sont porteurs de signification. Quel est par exemple le statut de la date de la mort de Hugo dans le Billet de loterie? Simple clin d'il -à usage interne ou externe- ou moyen nécessaire du sens?
P. Georgel: calcul ou travail de l'inconscient?
C. Porcq: Calcul à coup sûr. D'abord parce que les textes de Verne sont très travaillés -ce genre de "détails" particulièrement; d'autre part parce qu'on ne gagne rien, au contraire, à postuler la non- reconnaissance du travail de l'inconscient dans le texte; enfin parce que, dans certains cas au moins, l'intervention volontaire est certaine. Ainsi des illustrations -ce qui autorise le commentaire que j'en fais: on sait que Verne donnait des directives précises à ses dessinateurs. Des fragments de correspondance le prouvent. Mais il est vrai que leur rareté interdit de savoir lesquelles.
Quant à la pertinence des rapprochements, elle me semble au moins assurée au niveau personnel: Hugo a joué, pour Verne, le rôle d'une autorité tutélaire, d'une instance fondatrice de l'identité, à coup sûr réparatrice. Ainsi l'emploi-t-il en remède à la blessure affective du mariage d'Herminie et aussi, dans Le Billet de loterie, en conjuration de l'angoisse et de la mort. Dans l'interview de 1894, il date la mort de sa mère, survenue en 1887, de 1885.
P. Georgel conclut en notant l'importance d'une étude de ce type, au moins pour ce qui intéresse ses propres préoccupations: elle est la seule, à sa connaissance, qui permette de commencer à dessiner avec précision cet aspect particulier -et décisif- de la "gloire de Hugo": l'image intérieure qu'en avaient les contemporains et la nature des recours inconscients qu'ils y faisaient.
15 déc. L'"affaiblissement de la pensée", chez VH, par J. Delabroy.
26 jan. Faust dans Hernani et Ruy Blas, par F. Naugrette.
16 fév. L'exercice poétique comme outil d'exploration du cosmos par A. Ubersfeld./ Herméneutique et esthétique par F. Chenet.
23 mars: Exposé non encore déterminé, mais en rapport avec le désir de connaissance chez VH par V. Dufief.
20 avr. Le voile de la vérité par A. Spiquel. / Images pour soi par P. Georgel.
25 mai Le résidu par P. Laforgue.
22 juin Les voix de la vérité par L. Wurtz.
L'Association des amis de J. Seebacher vient d'apprendre de Mme Béatrice Didier, qui dirige la collection "Ecriture" aux P.U.F., que cette maison a accepté le principe de la publication, dans cette collection vraisemblablement, d'un volume contenant les principaux articles de J. Seebacher consacrés à V. Hugo. Du temps d'Homère, cela se serait appelé une rhapsodie, et du temps d'Horace, une "satura"; on dit maintenant, mot convenable, un "mégamix".
L
Equipe "Littérature et civilisation du 19° siècle"
Bibliothèque Jacques Seebacher, Grands Moulins, Bâtiment A, 5 rue Thomas Mann, 75013 Paris. Tél : 01 57 27 63 68; mail: bibli19@univ-paris-diderot.fr. Bibliothécaire: Ségolène Liger ; responsable : Paule Petitier
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