Présents : Josette
Acher, Françoise Chenet-Faugeras, Marguerite
Delavalse, Hagar Desanti, Guillaume Drouet, Dominique Dupart, Bénédicte
Duthion, Jean-Marc Hovasse, Caroline Julliot, Franck Laurent, Loïc Le Dauphin,
Bernard Leuilliot, Stéphane Mahuet, Claude Millet, Claire Montanari, Marie Perrin,
Laurence Revol, Sylviane Robardey-Eppstein, Myriam Roman, Yvette Parent, Guy
Rosa, Denis Sellem, Sylvie Vielledent, Mélanie Voisin, Vincent Wallez, Choï
Young.
Claude Millet fait circuler deux articles de Guillaume Drouet. Le premier, paru dans le numéro 140 de la revue Poétique en octobre 2004, est intitulé « Le Bâton de Jean Valjean ». Lautre, paru dans le numéro 143 de la revue Littérature en septembre 2006, porte le titre surprenant de « Cosette Retournepeau ».
Guy Rosa évoque louvrage qui vient dêtre publié chez Gallimard par Olivier Decroix et Marie De Gandt, Le Romantisme. Il lestime « intelligent et bien fait ».
Nicole Savy a indiqué à Claude Millet la parution dune étude sur Desnos et Hugo qui a peut-être échappé à lattention des « hugoliens » dans lannée très chargée du bicentenaire 2002: Cahiers Robert Desnos n°7, dir. Fabien Musitelli, éditions des Cendres.
Lexposition sur Juliette Drouet à la Maison Victor Hugo est reconduite jusquau 18 mars 2007. Le programme des manifestations organisées par la Maison Victor Hugo à loccasion du Printemps des poètes est en ligne.
Claude Millet annonce que la bibliothèque du XIXème siècle a été provisoirement installée dans une salle du site des Grands Moulins. Elle se trouve au 6ème étage, salle 685C.
La prochaine réunion du Groupe Hugo aura lieu le 17 mars dans le Bâtiment Condorcet du nouveau site de Paris 7 (voir plan) salle 50A, de 9h45 à 13h. La salle se situe au rez-de-chaussée, à gauche quand on entre. Les séances suivantes se tiendront ensuite vraisemblablement à la Halle aux farines, puis aux Grands Moulins.
BERNARD LEUILLOT : Où peut-on trouver les lettres de Hugo et de Chevalet que vous avez évoquées ?
FRANCOISE CHENET : Elles sont citées par Chevalet dans la préface de son roman Quiquengrogne. Hugo na pas désavoué cette correspondance. Il semble donc quelle soit authentique.
BERNARD LEUILLOT : On peut en effet difficilement en douter. Avez-vous lu le roman de Chevalet ? De quoi parle-t-il ?
FRANCOISE CHENET : Je lai parcouru rapidement. Il sagit dun mélodrame. Lhistoire se situe à lépoque dAnne de Bretagne, épouse de Charles VIII, puis de Louis XII. Pour répudier sa femme, Jeanne de France, le roi proclame que son mariage na pas été consommé, ce qui est faux, puisque sa femme est enceinte. Elle cache néanmoins sa grossesse, et seule la nourrice connaît son secret. Le fils quelle met au monde devient ensuite corsaire. Sensuit une banale histoire damour. Le jeune homme tombe amoureux dune jeune fille quaime aussi le fils du gouverneur. La fin se révèle tragique.
BERNARD LEUILLOT : Tout cela est assez rocambolesque : vous me faites presque regretter de vous avoir posé la question ! Mais revenons à Hugo. Je ne suis pas sûr que son projet pour Quiquengrogne ait été très approfondi, au point quil se serait inspiré de la tour de Quiquengrogne pour décrire la Tourgue dans Quatre-vingt-treize. Lorsque Hugo écrit Quatre-vingt-treize, il y a longtemps quil a délaissé le projet de Quiquengrogne. Il ny a en tout cas pas de preuve qui nous permette daffirmer que lun a profondément inspiré lautre.
YVETTE PARENT : Le lien entre les deux tours est cependant possible. Les carnets des années 1830 sont remplis de dessins de tours.
CLAUDE MILLET : Oui, mais il sagit dune figure générique chez Hugo.
YVETTE PARENT : La tour représente effectivement la féodalité dans ce quelle a de plus répressive. Il suffit de songer à la Bastille dans Notre-Dame de Paris.
JOSETTE ACHER : Vous avez évoqué létymologie du nom des Bourbons, qui viendrait de boue ou de bourbier. Il me semble quil y a le même sens dans lorigine du nom de Paris, je ne sais plus exactement comment.
FRANCOISE CHENET : Lutèce vient du latin « lutum » qui veut dire « boue ».
DOMINIQUE DUPART : Votre exposé était très intéressant. Il ma fait songer aux ouvrages que jai lus sur les enfants sauvages. Je pense en particulier au livre de Lucienne Strivay, paru au printemps dernier. Elle suit une méthode anthropo-historique et montre que la représentation de lenfant sauvage change en fonction des époques mais perdure néanmoins. Il ma semblé que la figure de lenfant sauvage telle que vous lavez décrite était plus proche de lenfant sauvage de lAncien Régime que de celui du XIXe siècle. Lidée de lenfant qui naît et qui est proche des morts est plutôt représentative de lAncien Régime. On peut se demander si Les Misérables ne créent pas plutôt une nouvelle forme denfant sauvage.
GUILLAUME DROUET : Votre question est double. Vous posez dabord le problème de la datation historique de ces figures. Je ne pense pas que lenfant sauvage tel que je lai décrit soit propre à lAncien Régime. Les références que jai citées sur les contes de tradition orale datent toutes du XIXe siècle. Amélie Bosquet, par exemple, publie son ouvrage en 1845. On est encore dans un « long Moyen-Âge ». La culture paysanne perdure en France jusquaux années 1950. Il sagit dune tradition de longue durée. Il y a néanmoins des figures propres au XIXe siècle : le changelin est une figure attestée depuis le Moyen Age mais qui trouve des représentations particulières au XIXe siècle.Vous vous interrogez en outre sur la part de création de Hugo. Il ne faudrait pas penser que ce dernier est uniquement dans la mimesis quand il sinspire des traditions et des superstitions. Le fait quil utilise une masse de traditions crée quelque chose de particulier à son uvre. Le personnage de Cosette est singulier, dans la mesure où il est à la croisée de toutes les traditions.
FRANCK LAURENT : Votre communication ma beaucoup intéressé. Jai travaillé il y a quelques années sur Les Feuilles dautomne. Un des motifs les plus récurrents du recueil porte sur la crise de la relation entre les vivants et les morts, et non sur la représentation de linterrogation sur la mort. Hugo met laccent sur le mauvais rapport aux morts dont certains font preuve. Cest une question qui parcourt luvre poétique. La structure lyrique mime la relation de parole entre les vivants et les morts.
Vous avez souligné le rôle du parrain permettant de façon paradoxale de réhabiliter le vagabond, ennemi par excellence des communautés paysannes. Vous avez à ce sujet cité un conte qui met en scène un enfant partant dun mauvais pied dans la vie, mais qui croise un envoyé du diable agent de son salut, et qui, en retour, intercède en sa faveur. Cette structure romanesque est très courante dans le roman populaire du XIXe siècle. On peut ainsi songer à Oliver Twist ou aux Contrebandiers de Moonfleet. Il y a ici une forme dinvariance du schéma narratif.
YVETTE PARENT : On pourrait aussi songer à Sans Famille dHector Malot.
BERNARD LEUILLOT : Tout ceci est à relier à louvrage de Marthe Robert, Origine du roman, roman des origines.
FRANCOISE CHENET : Le matériel utilisé par les romanciers vient des antiquaires qui constituent au XIXe siècle des sociétés savantes pour étudier les traditions et les superstitions. Je pense que Hugo connaissait leurs travaux. Il sintéresse en tout cas à cette matière, qui comporte une dimension anthropologique certaine. George Sand, quant à elle, cite louvrage dAmélie Bosquet, dont vous avez parlé dans votre communication. Charles Nodier fait aussi des recherches dans ce sens. On peut penser en outre aux travaux dAchille Jubinal. Hugo pouvait, par la communication orale, avoir connaissance de leurs études. Il faudrait citer aussi La France pittoresque dAbel Hugo. Victor a largement pillé son frère. Il a du moins les mêmes sources car il consulte la bibliographie fournie par le livre dAbel. GUILLAUME DROUET : Cest très juste. Jai beaucoup travaillé sur cet ouvrage, qui constitue un point de contact entre culture littéraire et culture folklorique. Hugo retravaille et réinterprète ensuite ses sources.
FRANCOISE CHENET : Jai trouvé la source dun des chapitres des Misérables, intitulé « Où on lira deux vers qui sont peut-être du diable ». Hugo a vraisemblablement utilisé un conte quil a connu par lintermédiaire des folkloristes.
GUY ROSA : Certaines études fondées sur lethnologie procèdent par associations didées, par analogies, ce qui pose problème. Ce que japprécie dans votre étude, cest quelle napporte rien au sens du texte mais au contraire quelle le rejoint, le double en quelque sorte. Les phénomènes que vous observez sont lisibles sans que lon fasse appel aux croyances que vous dites; cela en garantit la justesse. Vos travaux n'ont évidemment pas que ce bénéfice négatif: vous contribuez à rendre compte du retentissement du texte en retrouvant ses résonnances imaginaires dans un arrière-fond anthropologique très ancien et très profond.
Je voudrais ajouter quelques remarques pour aller dans le sens de votre communication. Vous avez dressé, au début de votre étude, la liste des personnages commençant par mourir avant de vivre, mais vous avez omis dévoquer les religieuses du Petit-Picpus, explicitement mortes-vivantes.
A propos de la mort de Fantine: "Sa tombe ressembla à son lit" dit le texte, fameux et connu de tous. On peut retourner la phrase : son lit ressemblait à une tombe.
Marius. Hugo, avant dadopter ce prénom, nomme le personnage Thomas, l'apôtre incrédule, celui qui refuse de croire au passage de la mort à la vie.
Les enfants. Vous les dites liés au monde des morts. Quantité de textes de Hugo mettent en oeuvre une représentation de l'enfant comme existant, auprès de Dieu, avant sa naissance et gardant encore quelque temps après sa venue sur terre quelque chose de cette existence antérieure quasi divine. Dans les représentations actuelles on nait et on meurt : rien avant et rien après. Hugo croit très sincèrement à une existence continue, éternelle peut-être, dont la vie sur terre n'est qu'une phase. La fameuse "métempsycose" n'est qu'une image de cela, grossière d'ailleurs et que Hugo abandonne immédiatement après semblé l'adopter.
FRANCK LAURENT : Cest en particulier le cas dans Quatrevingt-Treize.
CLAUDE MILLET : Ce thème est aussi très présent dans LArt dêtre grand-père.
FRANCK LAURENT : Le plus souvent, dailleurs, la proximité de lenfant avec lau-delà nest pas un danger, mais une chance : elle lui donne sa valeur incomparable. Hugo craint la séparation radicale des vivants et des morts plutôt que leur indistinction. Lenfant lui permet de conjurer cette angoisse.
GUY ROSA : On pourrait dire que Hugo bénéficie de la faiblesse de son éducation religieuse. Il est accessible à dautres cultures que celle de la tradition catholique. Ce que dit Dominique Dupart est très vrai. Hugo en lui-même sest substitué comme source anthropologique à toutes ces croyances.
GUILLAUME DROUET : Un écrivain est aussi un homme de culture dans une culture. Il a ses propres préoccupations ethnologiques. Jai évoqué la notion dacculturation : on se trouve dans un phénomène dinterpénétration des cultures.
DOMINIQUE DUPART : Il me semble que la figure de lenfant sauvage napparaît pas seulement dans la culture traditionnelle. Sous la monarchie de Juillet, le problème des enfants trouvés est très prégnant.
GUILLAUME DROUET : Cest juste. On comprend alors que le folklore, comme la littérature, se fonde sur des préoccupations réelles.
DOMINIQUE DUPART : Oui, mais la question des enfants trouvés pose, sous la monarchie de juillet, un souci administratif nouveau.
FRANCK LAURENT : La logique administrative dominante est assez univoque, elle ne pense pas les effets dambivalence, de retournement des valeurs. Le corpus des contes, en revanche, constitue une culture qui accueille lambivalence, et en ce sens est plus proche de la façon dont écrit Hugo.
GUILLAUME DROUET : Il est vrai que les élites cherchent constamment à chasser lambivalence.
BERNARD LEUILLOT : Je me suis instruit en écoutant votre exposé. Ma première remarque portera sur ce que Guy a dit à propos du fait que les personnages commencent par mourir avant dentrer dans la vie. Cest effectivement le cas au couvent, puisque la seule façon dy entrer est den sortir dans un cercueil.
Vous avez parlé de labsence de solution de continuité entre la mort et la naissance. Cela ma fait penser à ceux que lon appelle les « revenants », les enfants naissants après la mort dun premier-né. Léopoldine est une « revenante », puisquelle naît après la mort de Léopold, premier-né du couple de Victor et dAdèle. On na, au passage, jamais retrouvé la sépulture de lenfant. Le premier-né de Charles, Georges, meurt et est suivi dun « revenant », appelé, lui aussi, Georges. Le Victor Hugo raconté insiste sur le fait que Hugo nétait pas viable lorsquil est né. Il était « grand comme un petit couteau ». La mortalité infantile, à lépoque, était très importante. Limage de lenfant revenant dun monde inconnu lié au monde des morts disparaît lorsque la mortalité infantile baisse.
STEPHANE ARTHUR : Votre communication, très intéressante, permet de refaire une lecture stimulante de Notre-Dame de Paris, dans lequel le rôle du soulier est important, puisquil permet la reconnaissance. Esmeralda vit dans le monde des enfers ; Quasimodo est bossu, boiteux et borgne. Tous deux sont prédestinés à la réunion finale.
CAROLINE JULLIOT : Votre interprétation pourrait sappliquer aussi à Torquemada, mais avec une structure inversée. Dona Rosa et Dom Sanche sont élevés en dehors du monde. Torquemada se situe hors du monde des vivants. Il dit : « Nous sommes deux, Satan et moi ». Dom Sanche délivre Torquemada du cachot où il était enfermé. Cest le filleul qui fait renaître le parrain à la vie, puis le parrain qui fait passer le couple à la vie éternelle en les brûlant.
GUY ROSA : Il faut néanmoins faire attention à ne pas lire le texte en fonction de critères quil refuserait.
JOSETTE ACHER : Jai assisté, dans les années 70, à un séminaire de Lévi-Strauss sur lidentité. Javais, à cette occasion, appris que lon qualifiait souvent dalouette lenfant trouvé, abandonné dans le sillon. Javais alors immédiatement pensé à Cosette. Peut-être Hugo sest-il référé à cette tradition.
YVETTE PARENT : Je voudrais apporter une touche dironie. Il me semble que Hugo est diabolique dans la mesure où il subvertit les schémas traditionnels. Vous vous demandiez le lien quil pouvait y avoir ente la structure ancienne des enfants morts et le dix-neuvième siècle moderne. Je pense à Quasimodo dans Notre-Dame de Paris. Petit, il est exposé à Notre-Dame puis recueilli. Les femmes qui le voient sexclament : « cest le diable ». Hugo samuse de cette culture populaire composée de paganisme, danimisme et de christianisme. Le parrain de lenfant est Frollo, le personnage le plus sombre du roman. Son filleul le tue. On se trouve ici à lopposé du schéma libérateur. LEglise ne joue pas le rôle de séparateur entre la vie et la mort. Elle est une sorte de facteur morbide qui cause la mort du parrain et de son pupille. Les schémas folkloriques sont donc tenus à distance.
GUILLAUME DROUET : Ils sont certes tenus à distance, mais
avec beaucoup dambivalence. Il y a à la fois distance et engagement. Je
pense à cette phrase dans Les Travailleurs de la mer : «Les crédules
ont tort, sans doute, mais à coup sûr les positifs n'ont pas raison."
Il est possible que, dans Les Misérables, Hugo prenne moins de distance
à légard du folklore que dans Notre-Dame de Paris. Parler de « folklore »
me semble dailleurs presque péjoratif. Il convient de voir ce quil
y a de légitime dans ce fond dirrationnel.
GUY ROSA : Vous avez parlé de Cosette, qualifiée d « enfant-garou » par une femme qui la voit traverser le village, la nuit tombante. Cette qualification est un ajout de lexil. Cosette était déjà « enfant-garou » avant que le texte le dise explicitement, mais Hugo a pris soin de le souligner. On peut supposer quil sagit là dune forme de critique à légard de la femme qui nomme ainsi Cosette. Plutôt que de lappeler ainsi, elle aurait pu, comme Jean Valjean, laider, la soutenir. GUILLAUME DROUET : Hugo a à la fois un regard condescendant et attiré. Il fait preuve dethnocentrisme, de même que nous, qui voyons les superstitions de façon négative. Il faut se départir de notre ethnocentrisme.
FRANCOISE CHENET : Il y a en tout cas chez Hugo un grand intérêt pour la tradition populaire. Je pense que le personnel proche des enfants lui permet de connaître un fond folklorique. Je voudrais revenir sur la question du parrainage non institutionnalisé, non effectué par lEglise. On peut penser au compagnonnage qui utilise les rites du parrainage.
GUILLAUME DROUET : Votre remarque est intéressante. LÉglise recouvre souvent les croyances païennes dun vernis chrétien.
FRANCOISE CHENET : On assiste en effet au dix-neuvième siècle à la reprise en main dune France encore très païenne.
Dans le Promontorium somnii, la superstition a quelque chose de positif. Hugo est contre les religions, du moins contre celles qui servent à abrutir. Il y a en revanche des superstitions « aimables » pour lesquelles il a de lintérêt.
CLAUDE MILLET : Les Proses philosophiques disent autre chose Jaime beaucoup, pour ma part, votre expression, lorsque vous dites que vous cherchez à « reculturer le texte ». On sy retrouve, même si vous éclairez les choses différemment. Vous donnez à la scène où lon voit Cosette chercher de leau une perspective qui nétait pas la mienne mais qui fonctionne parfaitement. Les détails du texte se mettent à faire sens grâce à votre lecture. Votre étude peut alimenter la réflexion sur le rapport au christianisme du roman. Certains détails donnent limpression que lauteur est catholique, mais en réalité la frontière entre catholicisme et paganisme est très floue. Elle peut aussi éclairer le fait que le roman a fonctionné comme un roman populaire. Il est complexe, mais témoigne dune proximité culturelle avec le peuple.
GUILLAUME DROUET : Cest vrai. Un paysan ny voyait sans doute pas la même chose quun lettré parisien.
CLAUDE MILLET : Une chose cependant ma gênée dans votre exposé : on bascule dobjets de folklore recensés en particulier par Amélie Bosquet à un substrat symbolique fondamental, qui nest plus objet, mais biotope, monde culturel environnant. Dun côté, Hugo est englobé dans le monde, de lautre, il reprend des objets folkloriques comme il reprendrait Homère. Jai parfois eu du mal à savoir si vous parliez de culture populaire englobante ou dun savoir constitué par le folklore. Et puis Hugo aime tellement dire les mots qui sortent du commun que je me demande par exemple pourquoi il sest privé du plaisir du mot « changelin ».
GUILLAUME DROUET : Quand Lévi-Strauss étudie les cultures éloignées et leurs croyances, il revient à un substrat, à un invariant, quil estime inconscient pour ceux qui vivent les coutumes. Hugo nest pas forcé de parler du parrainage explicitement. Les personnages ne sont pas nécessairement conscients de leurs rôles. Les ethnologues disent que les participants ne sont pas conscients du rituel auquel ils participent. Si on prend conscience du rituel, celui-ci na plus lieu dêtre. Le texte fonctionne sur deux plans. Ce nest pas lorsquil cite explicitement le folklore quil est le plus intéressant. Ce qui attire mon attention, cest plutôt le dispositif rituel coutumier qui ne dit jamais son nom. Si on le disait, il ne fonctionnerait plus.
GUY ROSA : Si Valjean disait « je suis parrain », il serait en effet tiré daffaire ! Lintérêt du roman vient justement du fait quil est à la fois père, mère, amant, ami
FRANCOISE CHENET : Cette instabilité du rôle de Valjean est la condition même de lefficacité du texte. Sa mort elle-même nest pas datée. On sait juste quelle intervient à la fin de lété.
GUILLAUME DROUET : Par recoupement, on devine quil meurt près de la Saint Jean. Linstabilité dont vous parlez vient du fait que lon na pas affaire à un document régionalisant, mais à un texte littéraire qui joue sans cesse sur lambivalence et le sous-entendu.
Claire Montanari
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