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Séance du 24 mai 2003

Présents : Guy Rosa, Agnès Spiquel, Arnaud Laster, Jacques Seebacher, Jean-Marc Hovasse, Stéphane Desvignes, Myriam Roman, Jacques Cassier, Marguerite Delavalse, Sandrine Raffin, Yvette Parent, Mireille Gamel, Loïc Le Dauphin, Franck Laurent, Vincent Wallez, Florence Naugrette, Brigitte Buffard-Moret, Denis Sellem, Junia Barreto, Josette Acher, Mireille Gamel, Marieke Stein, Vincent Laisney, Denis Pernot, Roushka Haglund.


A. Laster excuse également Michaël Ferrier, qui n'a pas pu venir annoncer la première réunion de la Société japonaise des études hugoliennes, à Tokyo.

Informations

Rectificatif

La nouvelle sur la « dame de fer » évoquée par Y. Parent lors de la précédente séance –et intitulée La Squaw, publiée dans un recueil sous le titre L’Invité de Dracula en 10/18, 1992-, imputée à tort à Edgar Poe, est l’œuvre de Bram Stocker.

 

Publications

G. Rosa annonce la publication des actes du colloque « Hugo 2003-1802 – Images et transfigurations » organisé par le Collège de sociocritique de Montréal, chez Fidès, Montréal, 2003.

Une premières ébauche de publication électronique des Fragments a été mise en place sur le site du Groupe Hugo ; elle est accessible par la page de titre, puis par la rubrique « textes, documents... » ; cela marche –sauf lorsque la requête engendre une réponse trop lourde (mais on s’occupe de corriger)[NDLRGR. C'est fait.].

 

Colloques

J. Seebacher annonce le colloque (sans rapport direct avec Hugo) consacré à l’histoire culturelle de la presse française au XIX° siècle, à Montpellier. Les organisateurs du colloque, Marie-Eve Thérenty et Alain Vaillant, ont déjà publié un bon livre sur la Presse de Girardin, (1836, L’An un de l’ère médiatique.

S. Raffin appelle à quelque geste de piété sur la tombe de Mme de Girardin, au cimetière Montmartre, complètement oubliée et décrépite.

 

Question

A. Spiquel demande dans quel texte Hugo donne l’étymologie de la Sorbonne « soror bona ». Un collègue, qui recherche cette référence, ne l’a pas trouvée dans Frantext. G. Rosa attire l’attention des hugoliens sur la bizarrerie de Frantext : si l’on veut une réponse différente de 0 (qui surprend lorsqu’on interroge, par exemple, sur Napoléon) il ne faut pas mettre de majuscule aux mots recherchés, même lorsqu’il s’agit de noms propres. L’Inalf, ajoute-t-il, a considérablement accru sa base de textes de Hugo à l’occasion du bicentenaire, la faisant passer d’une vingtaine à plus de 60 ; mais ils n’ont pas été confiés à la BNF pour Gallica, où l’on ne peut toujours consulter que les vingt textes d’avant 2002.

J-M. Hovasse, pour répondre à la question d’A. Spiquel, dit avoir lu cette étymologie dans une anecdote rapportée par Berret (édition de La Légende des siècles), dans une note racontant une conversation de Hugo et des Goncourt. G. Rosa pense que cette étymologie se trouve dans un grand texte de Hugo, peut-être Paris. (En effet : « école […] que le pape Léon III qualifie Soror bona (Sorbonne, n’en déplaise à Robert Sorbon.)», Laffont, « Politique », p. 8. NDLRMS).

 

Théâtre

L. Le Dauphin annonce des représentations de Torquemada, par la compagnie de collégiens « Les Petites tréteaux », du 28 mai au 19 juin ; les représentations auront lieu, entre autres, au Plessis-Robinson, Loches, Rivières… et en plusieurs endroits de Paris, dont l’école Guéménée, à côté de la Maison de Victor Hugo (le 17 juin).

A. Laster signale que l’on pourra voir le Torquemada de Jean-Pierre Loche le 14 juin à Bougival, dans le cadre d’une après-midi où M. Zviguilsky présentera les actes du colloque « Victor Hugo, Tourgueniev et les droits de l’homme », fera visiter le Musée Tourgueniev et présentera le rarissime « Gavroche » soviétique.

 

Bonne nouvelle

Après la naissance de Victor, Sylvie Vielledent continue de nourrir cette rubrique : elle vient d’être élue Maître de conférence à l’Université de Nancy II –ce qui mérite toutes nos félicitations, envieuses de cette implantation si hugolienne.

 


Communication de Vincent Laisney : "On est étonné de lire dans M. Goethe..." - A propos de la note 11 de la Préface du Cromwell (voir texte joint)


 

Discussion

J. Acher :A propos de la vérité morale et de la vérité littéraire, dès 1820 Hugo écrit dans le Conservateur littéraire : « Peu m’importe la vérité historique, pourvu que la vérité morale soit observée. »

A. Laster, soupçonneux,  discerne chez Vincent Laisney une grande admiration pour Goethe, et une admiration moindre pour Hugo : il utilise des termes péjoratifs pour désigner son attitude envers Goethe : « mensonge par omission », « animosité »… C’est répondre  à la place de Goethe, qui s’en est bien chargé lui-même !

V. Laisney, battant en retraite, confesse qu’il a un peu forcé le trait, tordant le bâton en sens inverse (Lénine) pour faire mieux comprendre la note 11…

 

F. Naugrette : Cette note pose une question fondamentale, qui est celle de l’utilité de l’histoire au théâtre. Elle propose donc un déplacement de la réflexion : non plus quels sont et doivent être les caractères objectifs des oeuvres, mais à quoi sert l’histoire pour le public ? Ce peut être, dans la plus pure tradition classique, à trouver dans le passé des modèles de mérite et de vertu, des exempla, permettant au public de s’élever moralement ou, comme c’était le cas dans le théâtre des périodes révolutionnaire et impériale, de juger les événements et les hommes de l’Histoire. On peut aussi demander au théâtre d’enseigner l’histoire et c’est ce qu’entreprend Dumas –dans ses romans mais aussi dans ses drames et cet enseignement populaire est la vocation du « Théâtre historique » qu’il fonde à grands frais en 1847. Dans le même esprit, mais avec une destination sociale différente, les « scènes historiques ». La représentation théâtrale de l’histoire peut également être destinée à représenter les grands personnages de l’histoire de manière à en montrer le rôle et, plus souvent, à en défaire le mythe : c’est aussi ce que fait Dumas, et, d’une autre manière, Hugo, avec Marie Tudor par exemple ou le Richelieu de Marion de Lorme. L’histoire enfin peut être montrée au théâtre pour éclairer le public sur son présent par la compréhension de son passé - comment survient une révolution ? qu’est-ce qu’un souverain ?, etc.-, et poser ainsi les questions de philosophie de l’histoire…

G. Rosa : Ces différentes utilités se cumulent plus qu’elles ne s’excluent et sont souvent invoquées ensemble, non seulement dans la doctrine du théâtre historique mais aussi dans celle du roman historique.

F. Naugrette : ...Les questions d’esthétique sont dès lors subordonnées à l’utilité de la représentation de l’histoire, susceptible, selon ses buts, d’exiger des modes d’écriture spécifiques.

 

A. Laster (à V. Laisney ) : Vous semblez dire que Hugo s’en prend à Goethe parce qu’il est libéral ; c’est inexact : pendant l’exil, il attaquera Goethe justement comme symbole du conservatisme !

V. Laisney : Goethe n’est pas libéral, mais confisqué par les libéraux. Ce qui m’a poussé à forcer le trait, c’est la virulence des propos de Hugo contre Goethe. Les divers éloges de Goethe qu’il a écrits sont purement conventionnels, et un vrai problème ce cache derrière.

A. Laster :Pas si problématique que cela : Hugo n’aime pas Goethe et ne l’a jamais aimé. Il est vrai qu’avant que vous attiriez notre attention sur cette note, on pensait que tout commençait entre Hugo et Goethe avec l’attaque, virulente, de Notre-Dame de Paris par Goethe, réputée avoir déterminé la froideur de Hugo à son endroit. 

 

J. Seebacher. Hugo -ou son informateur- supprime l’adjectif « moral » parce qu’en français le mot peut prêter à confusion, alors qu’en allemand, sittlich veut dire « relatif aux mœurs » et non « conforme aux bonnes mœurs. » Quant à l’ensemble de la note 11, mon interprétation diffère de celle de V. Laisney : je crois qu’elle est plus ironique que vindicative. Elle a peut-être pour but de titiller le grand homme pour qu’il réponde, tout simplement !

V. Laisney : C’est possible.

G. Rosa :Le « monde moral » ne désigne rien d’autre que le « monde qu’il a conçu » ; Hugo, en supprimant l’adjectif, évite simplement le pléonasme « monde moral qu’il a conçu », et ne modifie pas le sens de la phrase ; de même, passer du singulier au pluriel pour « personnage historique » ne change pas grand chose. La question que pose cette note est de savoir s’il existe une poésie intrinsèque à l’histoire, que l’écrivain aurait charge de capter mais non de produire.

A. Laster : Je crois pour ma part que Hugo est plus retors et se délecte de la citation de Goethe, avec laquelle il est d’accord ! Il feint de s’attaquer au propos de Goethe, mais ironiquement, pour taquiner les libéraux en leur disant que « leur » Goethe prend, comme lui, des  libertés avec l’exactitude historique ! A mon avis, Hugo aime cette citation, si bien qu’il la reprend, vers 1868-1869, dans un manuscrit de Torquemada, toujours  avec cette référence en allemand que vous avez citée.

G. Rosa : Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne méthode de partir d’une pointe d’épingle, comme vous le faites avec cette note 11, car cela assimile la question à un point d’érudition mineur. Or la question de l’écriture de l’histoire est l’objet d’un débat très vaste et très fourni durant toutes les années 20 ; elle nourrit toute la critique de la tragédie à qui est reprochée non pas son esthétique mais son incapacité à dire l’histoire ; elle nourrit aussi tout l’effort de renouvellement de l’épistémologie de l’histoire. La Préface de Cromwell  toute entière prend position et sens dans ce débat, bien au-delà de la note 11 !

Je voudrais ajouter qu’en 1830 il y avait, en France, beaucoup d’Allemands ; à Paris, une dizaine de journaux en langue allemande. Par là, l’Allemagne était proche plus qu’aucun autre pays d’Europe. En répondant à Goethe, Hugo ne s’adresse pas à une référence prestigieuse et lointaine, mais à l’un des participants à la vie intellectuelle et artistique contemporaine. Cela importe plus que de savoir comment il a pris connaissance du texte de Goethe –sur lequel son attention a pu être attirée par quantité de personnes et de quantité de manières.

Surtout, je n’ai pas clairement compris votre propos, tant vous ménagiez, dans le souci d’être exact, de précautions et de distinctions subtiles. Vouliez-vous dire que Hugo est plutôt d’accord avec Goethe ou avec Manzoni ? Il m’a semblé que, dans votre esprit, il est plutôt d’accord avec Goethe, mais qu’il n’ose pas le dire à cause d’une animosité personnelle envers lui et envers les libéraux (les gens du Globe) qui l’affichent comme leur maître à penser. S’il en est ainsi, je dois dire mon désaccord. On ne peut pas dire que la Préface de Cromwell s’oppose aux thèses libérales, bien au contraire. Le drame et sa préface ont été interprétés sur le champ comme un ralliement aux positions politiques et esthétiques libérales –le critique de Cromwell dans Le Globe –Rémusat- dit clairement : « Nous ne serions pas étonnés, dit-il en substance, que M. Hugo pense maintenant différemment sur... ».

D’autre part, l’accord avec Manzoni me semble complet. Certes, Hugo écrit qu’il est plus important de reproduire les mœurs que les faits, mais c’est là la thèse historiciste libérale par excellence, qui critiquait l’histoire événementielle –celle des bataille, des traités et des actes de gouvernement des « grands » et des princes. La note 11 prend clairement position dans le sens manzonien d’une poésie inhérente à la réalité historique ; le paragraphe de la Préface où se situe l’appel de la note 11 n’est pas ambigu : «Le théâtre est un point d’optique [sur la réalité de l’histoire]... Ainsi, le but de l’art est presque divin : ressusciter s’il fait de l’histoire, créer s’il fait de la poésie. ». Cette résurrection est bien le programme de Manzoni, contre Goethe pour qui l’art « crée » quel que soit son objet, historique ou non.

La note s’en prend donc sérieusement à Goethe –du moins à celui-là de ses écrits. Car par ailleurs, mais accessoirement, elle s’amuse de signaler que les libéraux du Globe devraient être plus attentifs avant de présenter Goethe en modèle : Goetz von Berlichingen remplit peut-être leur programme, mais ailleurs Goethe, pas à une contradiction près, dit tout le contraire !

 

F. Laurent : Si le rapport du théâtre à l’histoire est important, le rapport de l’histoire au théâtre l’est tout autant jusqu’aux années 1850-1860. Vu les changements profonds que connaît la science historique après la Révolution, les historiens, comme Augustin Thierry, reconnaissent leur dette envers Walter Scott, par exemple, qui a intéressé le public à l’histoire. A l’autre extrémité de la période, Michelet, toujours en rivalité positive ou négative avec les écrivains, a été intéressé par le projet d’un théâtre historique populaire. Comment interpréter cela ? Les historiens avaient conscience que leur révolution disciplinaire impliquait une révolution des modes d’écriture de l’histoire, et se sont intéressés pour cette raison à la littérature, susceptible de leur apporter, dans le récit en particulier, les moyens nouveaux dont ils avaient besoin. L’entreprise, d’ailleurs, était politique autant qu’épistémologique. Ils mènent une réflexion sur la mission sociale de l’histoire, sur son rapport au public, bien conscients qu’elle peut et doit accélérer l’évolution démocratique de la société.  Les relations, certes tumultueuses mais éttroites, entre la littérature et l’histoire ne vont s’interrompre qu’avec le positivisme, dans le dernier tiers du siècle : l’histoire se détache alors de la littérature, malgré quelques retours en arrière plus ou moins conscients. Et il faut voir comment l’Institut s’en prend au Flaubert de Salammbô.

G. Rosa : Ajoutons que le débat sur le rapport entre histoire et littérature ne se circonscrit pas au théâtre, loin de là. Il concerne autant sinon plus le roman historique où les Français prennent le parti, contraire à celui de Walter Scott, de faire figurer au premier plan les grands personnages historiques réels…

Cela dit, la conduite de Hugo n’est pas constante. Jusqu’à l’exil, son oeuvre, théâtrale et romanesque, relève très largement de l’historicisme libéral classique ; la Légende des Siècles adopte un rapport à l’histoire tout différent –et, apparemment, plus proche de celui de Goethe. Et William Shakespeare, qu’il s’agisse de l’historicité de la littérature ou de la littérature historienne («l’histoire réelle ») ne reproduit pas la doctrine de la Préface de Cromwell.

 

A. Laster : Mais dès ses débuts, la presse ne cesse de reprocher à Hugo son mépris à l’égard de la vérité historique!

Y. Parent : Tout le XIX° siècle veut substituer au mythe des origines de nouveaux mythes… C'est pourquoi tous les penseurs du XIX° siècle se penchent sur le rapport entre l’histoire et la littérature.

G. Rosa : Mais cette volonté d’écrire une nouvelle mythologie n’est pas présente chez Hugo, du moins pas avant l’exil. A la rigueur, après, avec la Légende des Siècles.

Y. Parent : L’enseignement historique de la Troisième République est pourtant fondé sur une mythologie de l’histoire !

G. Rosa : Peut-être (encore que...), mais ce n’est pas le cas en 1830 ; il n’est pas question alors de produire une nouvelle histoire sainte !

J. Cassier : Quinet, Ballanche… veulent créer une nouvelle mythologie à l’appui d’une nouvelle idéologie…

G. Rosa et F. Laurent : ...mais dans des oeuvres qui ne revendiquent aucune vérité historique !

J. Cassier : ...après la Révolution, qui a détruit toutes les institutions du savoir historique, les historiens sont condamnés à faire de la poésie, car l’enseignement de l’histoire s’effondre ! Il n’y a plus d’histoire scientifique jusque dans les années 1840.

F. Laurent : Oui, les Bénédictins de Saint-Maur ont été dispersés. Et ce que vous dites pourrait être vrai, dans une certaine mesure, pour Augustin Thierry ; mais le retour aux sources d’archives connues et, surtout, l’investigation des nouvelles sources (concernant la vie quotidienne, l’économie, le droit, les mœurs, toute l’existence des classes populaires) sont le fait  de cette génération, avec Guizot et Michelet, à partir du moment où il accède aux Archives de France. L’effondrement des institutions scientifiques anciennes a, bien sûr, été important ; mais il l’a été surtout pour la genèse d’une nouvelle histoire.

 


Communication d'Agnès Spiquel : "La Bohémienne de Hugo" (voir texte joint)


Discussion

F. Laurent : Je voudrais revenir sur ce nom étrange, Guanhumara… Dans le contexte du Rhin et des Burgraves, on trouve plusieurs effets de retour du refoulé, comme cette marionnette de bouffon rencontrée dans des caves de Heidelberg, et qui symbolise la survivance du peuple…Hugo envisage alors le problème de la misère de façon détournée, et je me demande si dans Guanhumara, cette figure de la misère quasi archaïque, on ne peut pas lire « guano » et « Marat »… Le personnage préfigurerait  la hantise de Marat, incarnation de six mille ans de misère humaine. L’exclusion qu’évoque Agnès à propos des bohémiennes pourrait être une sorte d’escamotage, comme si Hugo, alors, renvoyait le problème dans les coulisses. N’est-ce pas en tant que figure de la misère que le personnage de Guanhumara est escamoté ?

A. Spiquel : Plutôt en tant que vengeance sociale.

J. Acher : C’est une bulle pontificale qui avait exclu les bohémiens de la communauté des croyants et les avait condamnés à l’errance sur les routes

G. Rosa : Si l’Empereur dit « je pars aussi », cette parole le « bohémianise »-t-elle ?

A. Spiquel : Elle donne plutôt de la dignité à Guanhumara

G. Rosa : Mais si Guanhumara s’apparente de la sorte à l’Empereur, comment dire qu’elle est victime de l’histoire ? A moins que tous les grands hommes le soient aussi, à commencer par Frédéric Barberousse...

V. Wallez : Ursus, Dea et Gwynplaine sont aussi des bohémiens par leur errance.

G. Rosa : Et Michelle Fléchard peut-être aussi.

A. Spiquel : N’en jetez plus … Je vérifierai !

M. Roman :Et les deux irlandaises qui sont parmi les comprachicos !

G. Rosa : Fibi et Vinos, dans L’Homme qui rit, sont dites « bréhaignes ».

V. Wallez : Cela signifie seulement qu’elles sont stériles.

A. Laster : Quasimodo du moins est bel et bien bohémien. A propos des coupures dans les pièces, les metteurs en scène de Mangeront-ils? ne coupent pas si volontiers dans le texte de Zineb. Son discours étant « sublime », ils le respectent ; au point de couper le contrepoint grotesque qu’y donnent quelques interruptions d’Aïrolo. Besson ne coupait pas dans l’éloge de la mort de Zineb, mais coupait la réplique d’Aïrolo (« Une tasse de thé,/ Sucrée et chaude, avec un nuage de crème… »)… Si bien que les spectateurs parlaient ensuite du monologue de Zineb !

Ce qu’on coupe, c’est le grotesque –le monologue de don César, par exemple, alors qu’on respecte toujours le « Bon appétit, messieurs…»

F. Naugrette : Bah ! la confusion entre monologue et tirade est fréquente.

A. Laster : Je m’insurge aussi contre le mot « tirade » ; il devrait impliquer un vaste mouvement oratoire, construit, rhétorique ; Hugo n’écrit pas de tirade.

Et puis, Agnès a dit de Mangeront-ils ? que c’était pour Hugo une « récréation » pendant la rédaction de L’Homme qui rit. Je ne suis pas d’accord, ce n’est pas une fantaisie !

A. Spiquel : Je plaide l’innocence : je n’ai pas voulu minorer la pièce par rapport au roman, je n’ai voulu faire aucune hiérarchie.

A. Laster : Le Théâtre en liberté est pourtant souvent perçu comme mineur, bien à tort ! Jean Maurel, parlant de Mangeront-il ? dans sa récente communication à Censier, en parlait comme d’une saynète ! Une saynète en 1480 vers,  à peine 350 de moins que Les Burgraves !

J. Acher : Le bohémien vient d’ailleurs, mais cet ailleurs est toujours flou, comme dans le discours de la Mahiette : « Pologne, Catalogne, Vologne, je confonds toujours ces trois provinces-là. »

 Marieke Stein


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