GROUPE HUGO
Equipe de recherche "Littérature et civilisation du XIX° siècle"

 Retour

Séance du 21 octobre 1989

Présents: F. Naugrette, J. Acher, M.-C. Aubaud, J. Seebacher, G. Malandain, A. Spiquel, P. Laforgue, J.-C. Nabet, G. Rosa, M.-F. Chenet, R. Journet, A. Laster, C. Treilhou-Balaudé, V. Dufief, S. Emmerich, B. Degout.


A. Laster propose trois rectificatifs au procès-verbal de la séance précédente :
- Hernani,l'opéra de Verdi est un très bel opéra, s'il y a des reproches à lui faire, il faut les imputer à VH.
- L'opéra de Franz Schmidt intitulé Notre-Dame a été créé en 1914.
- La défense qu'Hugo aurait faite de déposer de la musique le long de ses vers serait une boutade ou une calomnie, A.Laster n'en a jamais trouvé trace dans l'oeuvre de VH. En revanche, celui-ci a souvent expressément autorisé les récitals musicaux -et il abandonnait ses doits d'auteurs aux pauvres.
- A. Laster s'interroge enfin sur la valeur de l'information selon laquelle R. Lesclide, le secrétaire de V.H., aurait été l'amant de Blanche, succédant ainsi à son -et notre- maître.

Programme

L'exposé de Gabrielle Malandin sur Quatrevingt-treize est reporté au 16 décembre. Ceci vide la séance de novembre, désormais accueillante à toutes les initiatives.
L'après midi du même jour se tiendra le colloque de la S.E.R. sur Chateaubriand, à la Sorbonne.

Le 17 mars 1990, F.Chenet fera un exposé sur l'entrée de VH dans sa 80è année. C'est le 17 février que Annie Prassolof nous dira tout ce que nous avons toujours voulu savoir -et jamais osé demander- sur l'activité de V.H. au sein de la Commission des Auteurs Dramatiques, durant la Monarchie de Juillet.

Publications

J.Seebacher propose de joindre à l'Index tout texte de VH non encore publié.
Le volume d'Océan vient de sortir chez Laffont dans la collection Bouquins. "Ces textes, courts, suggestifs, littérairement lisibles peuvent satisfaire pleinement un public populaire"... et les personnes qui reprochent à VH d'être trop long.
M.Journet rappelle que la prolixité de VH vient de la juxtaposition d'aphorismes et qu'il est un penseur aphoristique -contrairement aux images et aux légendes.


Communication d'Agnès Spiquel : "Isis dans l'oeuvre de V. Hugo"(voir texte joint)


Discussion

M. Journet : Isis semble effectivement se noyer dans quelque chose de plus général. Précisons donc que le 23 octobre 1859, Hugo achetait un livre intitulé Cérémonies et coutumes de tous les peuples du monde. C'est là qu'il trouve Lilith. Cependant l'origine de la conjonction des deux personnages est peut-être plus lointaine encore. Vers 1832 (Cf. Océan), Hugo donnait une double étymologie de Paris : Lutèce, de lutus, la boue, et Parisis, le temple d'Isis.

F. Chenet : Le voile est à rapprocher de la mort de la mère. On peut se reporter dans L'Homme qui rit, à la scène où Gwynplaine trouve la mère enfouie dans la neige, qui fait à la fois office de voile et de linceul.

A.Laster : Dans le théâtre, le salut par la mère ou l'amoureuse existe bel et bien, par exemple Blanche dans Le Roi s'amuse ou la Thysbé dans Angelo. Sans doute la femme sauve par sa mort -comme bien d'autres personnages sacrificiels- mais elle n'en sauve pas moins.

F. Chenet: Le père qui assure la fonction de salut a toujours quelque chose de féminin et il est chaste. Le salut ne s'obtient donc qu'au prix de la castration, ce qui explique que la femme ne puisse être l'instrument du salut, incapable qu'elle est d'être châtrée. [à moins qu'elle ne le soit par nature -ou par définition...]

A.Laster: Oui, plus généralement, celui qui sauve le fait au sacrifice de lui-même, qu'il soit homme ou femme.

J. Seebacher : En fait, il n'y a jamais de salut chez Hugo. Il est impossible que tel homme soit sauvé pour toujours; ce serait trop simple... Hugo connaît un prométhéisme souffrant et efficace; il ignore la guimauve absolue. Quant à Isis, on voudrait proposer ceci. Il est très difficile de faire une allégorie de quelque chose qui est une opération de connaissance de la nature. D'où cette invention lumineuse du voile qui est le champ même de la connaissance. Aucun objet de la connaissance ne peut être séparé, et transformé en une idole, sauf à renoncer à l'idée même de connaissance. Il n'y a de connaissance que comme champ et opération, et par là pas de symbole de celle-ci. Au fur et à mesure que vous levez le voile, vous constatez que, derrière lui, il n'y a pas de Dieu. Dieu est dans le voile lui-même, dans le dévoilement de la connaissance, dixit Teilhard de Chardin. La grande erreur serait de vouloir conclure, de vouloir trouver quelque chose derrière le voile. Le voilement d'Isis est là pour dénoncer le mensonge des religions.


Communication de Camille Aubaud, "Anamorphoses d'Isis dans l'oeuvre de Nerval" (voir texte joint)


Discussion

G. Malandin : Toute une série de personnages ont essayé de trouver des religions capables de supplanter le christianisme. Isis pouvait jouer ce rôle. On peut regretter que soit gommée dans l'exposé la dimension "nature" d'Isis telle qu'elle apparaît dans Aurélia, au chapitre 6.

F. Chenet : Il y a un passage du Voyage en Orient où Nerval évoque la Mélancolie de Dürer : il reprend textuellement un passage du Rhin. Un rapprochement est certainement à faire entre le Nil et le Rhin, fleuves messianiques.

G. Rosa : Robespierre a-t-il brûlé une statue d'Isis? Il faudrait savoir ce qui s'est vraiment passé : il doit y avoir des récits de la fête de l'Etre Suprême.

C. Aubaud : Dans les textes, il est toujours question d'illumination, mais il n'y a pas d'allusion directe à cet épisode.

Mme Acher : C'était une statue de l'athéisme qu'on a brûlée pour inaugurer le culte de l'Etre Suprême.

J. Seebacher : C'est vrai qu'Isis, c'est l'athéisme

G. Rosa : En résumé, on peut dire que Mme Spiquel a reconstitué, sous le nom d'Isis, un mythe personnel de Hugo, et que Mme Aubaud montre comment Nerval constitue en un nouveau mythe l'historiographie même du mythe d'Isis. Une question demeure en suspens : dans quelle mesure et de quelle manière un mythe est un moyen, intellectuel et imaginaire, pour un écrivain de construire ses représentations et son texte.
Mme Spiquel et Mme Aubaud, en chants amenées: autant dire que nous ne parlons ni l'une ni l'autre du mythe d'Isis! Mais il est effectivement si fluctuant (le récit d'Apulée n'a presque rien à voir avec l'inscription ) ou si pauvre, qu'il n'est pas surprenant qu'il se réduise chez l'un à une image symbolique de femme voilée, chez l'autre au parcours compliqué, des Pharaons à Napoléon, d'une figure religieuse protéiforme et que, chez tous deux, la réinterprétation -ici de l'image fondatrice, là de ses métamorphoses- domine l'usage d'un matériau si ductile.

 V. DUFIEF, A. SPIQUEL, C. AUBAUD


Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 rdc, Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005 Tél : 01 44 27 69 81.
Responsable de l'équipe : Guy Rosa ; 94, rue de Buzenval, 75 020 Paris.