Séance du 24 novembre 2012

Présents: Stéphane Arthur, Jordi Brahamcha, Brigitte Buffard-Moret, Delphine Gleizes, Colette Gryner ;Jean-Marc Hovasse ;Nana Ishibashi ;Jean-Pierre Langellier ;Arnaud Laster ; Claude Millet ;Claire Montanari ;Yvette Parent ; Guy Rosa ;Denis Sellem ; Pierre-René Serna ; Brodley Stephens ; Vincent Wallez; Georges Zaragoza.


Informations

Delphine Gleizes décrit le colloque à Bordeaux consacré aux Misérables. Pierre Laforgue avait laissé un grand choix pour les contributions. Des interventions très intéressantes ont porté sur l’Histoire, sur le rapport entre Choses vues et Les Misérables, sur le rapport du romancier à l’exactitude de l’événement historique. Judith Wulf a parlé de la langue et de sa réflexivité, Alexandre Péraud de la question économique. Delphine Gleizes s’est intéressée aux mains dans le roman. Pierre Laforgue a abordé la question du vêtement.

Les actes du colloque seront rassemblés avec les communications de l’an dernier au Groupe Hugo sur Les Misérables en vue de la publication d’un volume chez Garnier.

 

Trois thèses ont été soutenues en novembre : celles de Claire Montanari (sur la genèse de la poésie lyrique), Sarah Boudant (sur Hugo, Dostoïevski et la catégorie du romanesque), Colette Gryner (sur le temps dans Les Contemplations). La soutenance d’Hiroko Kazumori (sur le thème des ruines dansl'ensemble de l'oeuvre de Hugo) aura lieu le vendredi 21 décembre.

 

Jean-Marc Hovasse signale la soutenance de Guy Trigalot à Angers le 19 décembre sur Victor Pavie. Victor Pavie fut le premier à écrire un article sur la préface de Cromwell. Cette étude montre que les liens entre Hugo et Pavie n’ont pas été aussi distendus que le prétendaient les historiens.

 

Claude Millet signale qu’un metteur en scène de théâtre et réalisateur marocain, Chafik Shimi,  tourne actuellement Les Misérables en cinquante épisodes. Il s’agit d’un projet intéressant qui transpose la fable au Maroc. Il y a dans cette adaptation un relatif effacement des questions sociales au profit des questions politiques. Ce déplacement donne un résultat assez étonnant. A l’heure d’aujourd’hui, trente épisodes seulement ont été réalisés, le projet rencontrant des difficultés  malgré le succès considérable des séries télévisées précédentes de Chafik Shimi.

Arnaud Laster rappelle que la transposition culturelle dans les adaptations est fréquente. A titre d’exemple, le vol du pain est remplacé par le vol de la soupe dans la version vietnamienne.

 

Le spectacle de Loïc le Dauphin, « L’Aquarium de la nuit », est excellent.

 

Arnaud Laster donne ses impressions sur l’adaptation théâtrale des Misérables. Il y a beaucoup d’effets et d’idées qui ne passent pas vraiment la rampe…La narration est assurée par Mme Thénardier morte…La plupart des adaptations semblent s’inspirer les unes des autres au détriment de la lecture du roman.

L’Homme qui rit sort au cinéma en décembre. Arnaud Laster rappelle que Corbucci avait proposé une fin heureuse au roman, grâce à une opération de chirurgie esthétique. Guy Rosa mentionne une femme qui rit dans L’Apollonide de Bonello. Une version des Misérables,  de Tom Hooper,  sortira également prochainement.

 

Guy Rosa signale le livre de Guillaume Cuchet, Les Voix d’outre-tombe. Tables tournantes, spiritisme et société, que vien de publlier Gallimard.


Communication de Georges ZaragozaLa création de l'oeuvre théâtrale de Hugo à Madrid (voir texte joint)


Discussion

Claude Millet : Il est important de savoir comment la question de la nation s’articule à celle de la réception du romantisme. En Allemagne, le combat contre le classicisme est clairement nationaliste, comme en Écosse. En Espagne, les choses semblent plus compliquées. Les revendications nationales ne recouvrent pas les revendications romantiques ?  

Georges Zaragoza : Les Espagnols insistent pour rappeler l’importance de leurs dramaturges.

Claude Millet : Ruy Blas est-il joué ?

Georges Zaragoza : Il a été joué plus tard, et le climat était moins passionnel. Il fut monté sur scène, mais aussi dans une forme musicale proche de l’opéra comique (la zarzuela).

Arnaud Laster : Angelo est arrivé très rapidement en Espagne.

Claude Millet : C’était une pièce en prose, ce qui facilite la traduction.

Arnaud Laster : Un article de 1985 traite de la réception du théâtre de Hugo en Espagne. Ce document reflète les idées reçues de cette époque. Hernani, selon l’auteur de cet article, aurait dû s’arrêter au cinquième acte. C’est ne pas comprendre l’audace de Hugo.

Claude Millet : Le cinquième acte d’Hernani montre l’effondrement des promesses impériales du quatrième acte. C’est insupportable dans une perspective nationaliste pour les Espagnols.

Georges Zaragoza : Ce cinquième acte fut perçu comme le comble de l’absurdité et de l’invraisemblance. Dumas est préféré à Hugo parce que son théâtre est moins déroutant et plus confortable.

Claude Millet : Dumas peut être pourtant  très violent. A Rouen s’est déroulée une bataille d’Antony et non d’Hernani.

Arnaud Laster : Le parallèle avec Michel-Ange et Beethoven est très bien vu de la part du critique espagnol. C’est exactement ce que fera Hugo lui-même dans William Shakespeare. Par ailleurs, il serait curieux de voir comment Torquemada serait reçu.

Delphine Gleizes : Y avait-il une manière spécifique de jouer ces drames romantiques ?

Georges Zaragoza : Sous la régente Marie-Christine est créé le premier conservatoire à Madrid. Dans les manuels de déclamation, il est possible de percevoir la différence entre le jeu romantique et le jeu classique. Dans tous ces livres est cité Talma (« La tragédie se parle »).

Guy Rosa : Les pièces en prose sont surreprésentées. Naturellement, la traduction est plus simple. Que se jouait-il à la même époque en Espagne ?

Georges Zaragoza : Des pièces en vers.

Guy Rosa : Par ailleurs, les pièces en prose de Hugo privilégient les rôles féminins. Y avait-il de grandes actrices espagnoles comme en France, où l’on écrivait des pièces pour elles ?

Georges Zaragoza : Il y a effectivement de grandes actrices espagnoles à cette époque.

Guy Rosa : Donc, malgré la supériorité générale du vers, on monte des pièces en prose. Et malgré la supériorité masculine, on monte des pièces où les rôles féminins sont importants.

Arnaud Laster : A l’époque, les pièces en vers de Hugo sont considérées comme scandaleuses (Marion Delorme et Le Roi s’amuse). Donc il n’y a pas vraiment une surreprésentation de la prose si l’on se place dans le contexte de 1835.

Guy Rosa : Les journaux se posent-ils  la question du choix des pièces ?

Georges Zaragoza : Non. En ce qui concerne Le Roi s’amuse, personne n’a osé la monter.

Arnaud Laster : la censure théâtrale était sévère.

Claude Millet : Chatterton a un immense succès en France. Y a-t-il un écho en Espagne ?

Georges Zaragoza : Je ne sais pas. Je n’ai pas trouvé d’éléments. Les pièces de Dumas ont de l’écho. Le nom de Vigny est absent, d’après mes connaissances.

Guy Rosa : Y a-t-il en Espagne une revendication de Hugo du fait de son hispanité ? Est-il reconnu comme écrivain « espagnol » ?

Georges Zaragoza : Il est toujours rappelé qu’il a vécu en Espagne. Il n’est pas tout à fait étranger de ce point de vue.

Claude Millet : Fait-on des comparaisons avec Goethe et Schiller ?

Georges Zaragoza : Ils sont évoqués, mais s’il y a un parallèle, c’est avec Calderon.

Arnaud Laster : Il faudrait savoir comment Hugo lisait ce théâtre espagnol. Hugo connait l’Espagnol, et l’écrit.

Pierre-René Serna : Les Français étaient mal vus à cause de Napoléon. Hugo ayant par la suite loué l’empereur, y-a-t-il eu  un écho défavorable en Espagne ?

Georges Zaragoza : Je n’ai pas trouvé d’éléments.

Denis Sellem : Ces acteurs ont-ils eu l’occasion de rencontrer Hugo ?

Georges Zaragoza : Latore a rencontré Hugo. Il a également joué dans une pièce et ce fut triomphal.

Stéphane Arthur : Y a-t-il des traces de représentations exceptionnelles en français ?

Georges Zaragoza : Je n’en ai pas trouvé.

Claude Millet : Dès cette époque, les acteurs de la Comédie-Française font des tournées en province et à l’étranger. Il y aurait donc là encore une spécificité de cette réception espagnole sur laquelle votre communication apporte de précieuses informations.

 David Stidler