Séance du 26 novembre 2011

Présents:


Informations

Bibliothèque J Seebacher

 

La bibliothèque Jacques Seebacher sera ouverte une heure par jour jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée pour le recrutement du technicien de bibliothèque. Les heures d’ouverture : lundi 15h-18h, mardi 11h-12h, mercredi 14h-15h, jeudi 11h-12h, et le vendredi de 14h à 18h.

Un groupe de travail est en train de se constituer pour transformer la bibliothèque en un centre de ressources .

 

Marie Tudor au Lucernaire et au Groupe Hugo

 

La prochaine réunion du Groupugo aura bien lieu le 17 décembre, peut-être en présence des comédiens de la troupe qui joue actuellement Marie Tudor au Lucernaire, dans une mise en scène de Pascal Faber.

Arnaud Laster : Pascal Faber a fait de Simon Renard, rôle très convaincant, la clé de voûte de la pièce, interprétation à laquelle invite le texte. Le nombre de personnages a été réduit, parce que c’est une petite troupe. On peut regretter la disparition de Joshua. Mais le spectacle mérite vraiment d’être vu. Arnaud Laster signale aussi qu’Hernani sera joué le 10 décembre (salle des fêtes de la mairie du 12ème arrondissement) et recommande Hugo et la politique au théâtre du Nord-Ouest, qui constitue une « lecture-conférence » très intéressante. Il annonce enfin que Quatrevingt-treize sera joué à la Maison de la poésie, en avril/mai. Il s’agit d’une narration dramatique prise en charge par cinq acteurs. Sur deux écrans sont projetées des images d’un artiste contemporain inspirées du roman.

 

Arnulf Rainer/Victor Hugo : Surpeintures

 

Pierre Georgel, qui a préfacé le catalogue de l’exposition à la Maison Victor Hugo, « Arnulf Rainer/Victor Hugo : Surpeintures », recommande vivement cette exposition. Il s’agit d’un artiste autrichien contemporain internationalement reconnu qui met à mal des œuvres d’art en les « surpeignant » avec des effets qui ne se réduisent à ceux d’un geste uniquement destructif.

 

La bête qui pense

 

Claude Millet signale la publication aux édition arkhê de La bête qui pense. Victor Hugo un âne de génie  de Jean Maurel, belle rencontre entre deux « intempestifs de la subversion philosophique ».


Communication de Stéphanie LoncleLa scène romantique peut-elle réenchanter le monde? Réflexion sur les pouvoirs de l’illusion et les pouvoirs de la performance à partir de l’analyse de Ruy Blas (voir texte joint)


Discussion

Claude Millet  remercie vivement Stéphanie Loncle pour cette belle communication, où la question des enjeux de la comédie que joue Ruy Blas est efficacement posée. Claude Millet se demande cependant s’il ne faudrait pas sortir de la perspective générique, pour essayer de voir que si cette catégorie de l’illusion théâtrale n’est pas rien d’autre pour Hugo qu’une déclinaison parmi d’autres de la fiction, avec en particulier l’utopie et le mensonge. C’est peut-être plutôt la question de l’utopie et son efficience dans l’Histoire qui se joue ici.

Par ailleurs, pourquoi s’intéresser si peu à l’intrigue amoureuse ? La bonté et la vertu de Ruy Blas ont pour origine une entreprise de séduction moralement ambivalente puisqu’elle repose sur une imposture, et qu’elle est dangereuse pour la reine. La crapulerie de Ruy Blas, sa mauvaise foi sont  nettement indiquées dans le texte.

Les larmes de Lemaître : ne pourrait-on pas penser que ces larmes le constituent en sujet sentimental, que ce sont les larmes de l’amoureux ? Renoncer au salut de l’Espagne, c’est renoncer à l’amour de la reine. Il y a une mauvaise foi stupéfiante de Ruy Blas, qui parasite la valeur morale de son action politique.

Stéphanie Loncle : Illusion, fiction et utopie sont trois notions qui fonctionnent ensemble.

Claude Millet : Avec le mensonge.

Stéphanie Loncle : Il y a une mélancolie de la fiction utopique. Le théâtre pourrait apporter une façon de sortir de l’équation mensonge/fiction/utopie et de trouver une vertu critique de la fiction.

Arnaud Laster : Ruy Blas est au programme du TNP. Des entretiens et tables rondes très intéressants ont eu lieu, notamment sur la fonction critique du théâtre de Hugo, qui ne laisse pas le spectateur s’illusionner jusqu’à l’identification.

Les larmes de Lemaître sont programmées a posteriori dans l’acte V (« Je priais, je pleurais », à propos de la fenêtre). Donc ce ne serait pas une invention pure et simple de l’acteur, mais une grande fidélité à ce qui vient ensuite.

Pierre Georgel : Lemaître est tellement identifié à l’escroc Robert Macaire qu’on le voit partout ainsi, y compris dans Ruy Blas

Arnaud Laster : Mais d’après le Victor Hugo raconté, Hugo l’a arraché à cet emploi. Tout comme Prévert a changé l’emploi d’Arletty dans Les Visiteurs du soir et Les Enfants du paradis.

Pierre Georgel : Un acteur célèbre qui devient une vedette grâce à un personnage, est-ce une nouveauté ?

Stéphanie Loncle : Des acteurs qui parviennent à exister en dehors d’une troupe, il y en a déjà au XVIIIe siècle. Des innovations dans le jeu permettent de faire la vedette. Mais avec Lemaître se passe quelque chose de spécifique. Il essaie d’obtenir la propriété du personnage de Robert Macaire par une démarche juridique.

Claude Millet : Dans les théâtres du Boulevard, les spectateurs huaient les comédiens qui jouaient les méchants. On confondait le comédien avec le personnage. Et par ailleurs  le public du mélodrame est très divers, pas seulement populaire. Hugo écrit pour ce public, dans le cadre de cette culture théâtrale qui construit le rapport du public  à la scène en termes d’identification. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut pas trop tirer Hugo vers Brecht, ou plutôt qu’il faut reconnaître que le théâtre de Hugo passe de manière élastique de la distance à des régimes d’identification totale (avec le pathétique).

Stéphanie Loncle : Oui, mais il ne faut pas prendre trop vite à la lettre les discours de l’époque sur le public. Ne pas prendre trop vite pour acquise cette idée d’un théâtre qui produit l’illusion. Il n’est pas simple à penser ni à mettre en place.

Claude Millet : Mais on a toutefois du matériau pour cerner ce public début XIXe siècle, et il est extrêmement émotif.

Stéphanie Loncle : Mais il y a une difficulté par rapport aux sources, qui construisent ce que nous savons de ce public. .

Claude Millet : Certes, mais les sources ne sont pas seulement des constructions idéologiques. Elles donnent des informations. Par exemple, on sait que le public de Lucrèce Borgia en 1833 a été emporté par le dénouement alors que celui de Vitez, au grand regret de ce dernier, riait.

Vincent Wallez : Le public de l’époque de Hugo est extrêmement réactif, et ses quolibets peuvent porter sur l’acteur, preuve que l’identification ne joue évidemment pas forcément.

Claude Millet : C’est une question très compliquée. Il y a une distorsion nette entre notre expérience et l’effet qui était produit sur les spectateurs. Pour comprendre le théâtre du passé il faudrait commencer par une recherche historienne sur les effets.

Stéphanie Loncle : Et sur la façon dont on valorise ces effets…

Pierre Georgel : Il y a aussi le goût qu’on prend ou qu’on ne prend pas à la pièce.

Claude Millet : Mais là nous glissons  vers une autre question, qui est la question du succès.

Pierre Georgel : L’échec du mystère de Gringoire vient de ce que le public n’y adhère pas.

Claude Millet : Le contact avec le public peut être fait de distance, ne requiert pas forcément l’identification. .

Pierre Georgel : Oui, mais dans le cas du spectacle de Gringoire, c’est parce qu’il n’y a pas identification qu’il y a échec.

 David Stidler