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Séance du 26 juin 2004 à Marines

Présents : Anne Ubersfeld, Jacques Seebacher, Guy Rosa, Josette Acher, Bernard Degout, Agnès Spiquel, Judith Wulf, Jacques Cassier, Marguerite Delavalse, Bertrand Abraham, Jean- Marc Hovasse, Sandrine Raffin, Sylvie Vielledent, Claude Millet, Franck Laurent, Florence Naugrette, Colette Gryner, Bernard Le Drezen, Loïc Le Dauphin, Yvette Parent, Vincent Wallez, Vincent Guérinau et Olivier Decroix.
Excusés: Chantal Brière, David Charles, Mireille Gamel, Georges Mathieu, Denis Sellem, Marieke Stein, Ludmila Charles-Wurtz.

Informations

Rébellion :

Malgré de nombreuses réticences devant le détournement académique qui serait infligé à cette douce réunion à la campagne si, chacun ayant cérémonieusement pris place dans le salon d’Annie Ubersfeld, on rouvrait le robinet du discours critique hugolien, la séance du 26 juin commence.

Enhardi par ce succès, G. Rosa tente un coup d’état : l’assemblée, au bord de l’insurrection et scandant «l’apéritif ou la mort !», résiste à la présentation des statistiques de consultation du site du Groupe. Cédant à la pression démocratique mais refusant de renoncer à la science et redoutant les suites de l’offre faite par O. Decroix de rédiger un compte rendu de séance sans séance, le hiérarque détourne l’attention.

 

Bal et coquetteries :

G. Rosa lit le résultat d’un échange de correspondance entre lui et M. Eric Bertin à propos de la datation d’un épisode la vie de Hugo en 1849 :

« Nous avons reçu de M. Eric Bertin l’analyse suivante. Elle articule une information et une hypothèse pour la datation de deux circonstances de la vie de V. Hugo.

On connaît le texte, habituellement publié dans « Choses vues », sur un bal de bienfaisance au Jardin d’Hiver : « Au milieu de tout cela, des fêtes. La misère en donnait. On dansait pour les pauvres. Pendant que les canons, montrés à l’émeute du 29 janvier, étaient, pour ainsi dire, encore en batterie... » (« Bouquins », vol « Histoire », p. 1183-1184). On connaît aussi le célèbre récit intitulé « D’après nature » et daté « Nuit du 3 au 4 février » (ibid., p. 1187). Le contexte et d’autres données permettaient de dater avec certitude ces deux événements de 1849.

« Or l’Almanach des Lettres et des Arts, publié en 1850, atteste l’organisation à la date du 3 février 1849 d’une « Fête donnée au Jardin d’Hiver par les Sociétés réunies des Gens de lettres, des Artistes peintres et des Artistes musiciens ».

« On peut avec certitude reconnaître dans cette « fête » le bal évoqué par le texte de Hugo et il n’est pas interdit d’imaginer que Hugo y a rencontré Chassériau, membre de l’Association des Artistes peintres, et peut-être Alice Ozy elle-même, avant de finir la soirée avec eux de la manière que l’on sait – en regardant de « bien jolies choses » et en écoutant « un hymne »

Le stimulus manque sa cible (peut-être parce que les pages de « Choses vues » dont il s’agit sont moins célèbres qu’on ne se l’imaginait): aucune réaction dans les rangs. Il faut un autre aiguillon. Guy Rosa décide alors de jouer sa va-tout.

 

Révolution :

En septembre 2002, Hommes et Libertés, revue de la Ligue des droits de l’homme avait publié un article de Guy Rosa, « Hugo et la Révolution ». Son auteur en résume les orientations principales en trois points. Sa brièveté est vivement appplaudie. (voir texte joint complet –désolé)

Jacques Seebacher : Il s’agit en fait du lent processus d’embourgeoisement de la Révolution.     

Josette Acher : Mais il faut tout de même compter avec le code Napoléon qui est le résultat du  droit intermédiaire issu de transactions avec le droit de l'Ancien Régime.

Guy Rosa : Non. Les fondements du code civil napoléonien (l’égalité des droits, l’institution de l’individu comme sujet de droit, la liberté individuelle) viennent de la Révolution. C’est elle qui efface toute le système hérité de la féodalité. Et, si la Révolution ne prononce pas la séparation de l’Eglise et de l’Etat, elle institue le principe de leur dissociation -la liberté religieuse relégue la religion à la sphère privée- et produit la conception, nouvelle, d’un Etat qui peut nouer des concordats mais se définit lui-même sans référence à aucune appartenance religieuse.

Jacques Seebacher : Certes mais, pour tous les révolutionnaires se pose la question de l'Etre suprême…

Guy Rosa : ... lequel est plutôt révélé par la conscience individuelle, avec aide de l’Etat le cas échéant, que par l’Eglise.

Claude Millet : La comparaison faite entre la distance chronologique qui sépare les hommes de 1830 de la Révolution et celle qui nous sépare de mai 68 est intéressante parce qu'elle rappelle cette vérité d’évidence que le souvenir ne fonctionne pas de la même façon pour des générations différentes. Par exemple, George Sand, dans Le Meunier d'Angibault, en 1844, évoque le farinier qui ne peut pas décoller son chapeau pour saluer alors que les générations antérieures le font : ce n'est que la génération née avec ou après la Révolution, et qui ne l’a donc pas vraiment vécue, qui a assimilé l'émancipation révolutionnaire.

Les réactions se raréfiaient, le bruit des ustensiles de cuisine se précisait aux oreilles attentives et un silence impatient s'installait. Franck Laurent et Guy Rosa en profitent pour mettre en chantier la …

 

Programmation

Guy Rosa incite les membres du Groupe désireux de s'exposer en public à faire connaître l'objet de leur passion momentanée et/ou éternelle. Sans attendre, il annonce qu'il parlera de la représentation de l'Histoire dans Les Misérables selon une conception génétique de la chose. Date à préciser.

Yvette Parent se propose pour "Le poème, la chanson, l'octosyllabe et Robert Desnos admirateur de Hugo". Date à préciser.

Franck Laurent mettra en question l'espace politique dans Han d'Islande dès la première séance de l'automne, le samedi 18 septembre.  

Jacques Seebacher ne se propose pas mais propose à qui veut l'emprunter une piste de recherche sur les rapports de George Sand, Pierre Leroux et Hugo. Quelle est la place de la "Religion de l'Humanité" dans Victor Hugo ? Entre 1840 et 1848, la pensée de Leroux trouve beaucoup d'échos dans les romans et dans la poésie. On peut ainsi observer de nombreuses transformations du système philosophique du roman à partir de cette époque, et c'est la même chose en poésie si l'on regarde de plus près Les Contemplations par exemple. La question est donc de savoir ce que le roman et le poème doivent à la "filousophie" de Leroux.

Franck Laurent met en garde les aventureux : lire Leroux est une épreuve ; le texte sur la "Religion de l'Humanité" départagera les ex-aequo. Tel texte, tels commentaires : la bibliographie sur Leroux est pénible. Mais le jeu en vaut sans doute la longue chandelle.

Annie Ubersfeld aimerait parler des rapports entre Corneille et le XIXe siècle, et plus précisément des relations que Hugo entretient avec le dramaturge avant 1830. A la question de Franck Laurent - "Et Racine ?" -, question qui attire notre attention sur les rapports étroits qui unissent par exemple Hernani à Britannicus (du moins dans la mise en scène de Brigitte Jacques), Anne Ubersfeld répond que la démarche générale de Hugo s'inscrit sans doute dans un processus de politisation des classiques, démarche que l'on peut cerner chez d'autres auteurs à partir du Consulat.

Guy Rosa, ravi, discerne le lien qui unit les différents moments de cette séance. Le temps semble venu des révolutions coperniciennes : il a fallu un siècle pour que la Révolution s’identifie à la République, le roman et la poésie du 19° siècle procèdent de Leroux, tout le théâtre de Hugo est dans Racine -et vice versa.

Moins révolutionnaire, Bertrand Abraham promet une intervention, en mai ou juin de l'année prochaine, qui porterait sur les intertextes anglais de L'Homme qui rit.

Claude Millet rappelle que deux numéros sont en préparation pour la série Hugo chez Minard : l’un sur le théâtre de l'exil, dirigé par Florence Naugrette, et un autre sur l'écriture poétique, dirigé par Ludmila Charles-Wurtz. Au vu des délais de négociation avec les éditeurs, nous aurions largement le temps de présenter, sous forme d'exposés rapides, les grandes lignes de chacun des articles à venir. Une telle « pré-publication » des idées directrices des articles permettrait à leurs auteurs de profiter des remarques de tous pour enrichir, voire réorienter, leur propos avant la publication.

Florence Naugrette profite de l'évocation de ces perspectives pour réitérer un appel à contributions en ce qui concerne le théâtre en liberté (mises en scène comprises).

Toujours tourné vers l’avenir, Guy Rosa évoque, non sans entrain, les soutenances de thèse de l’automne prochain : Marieke Stein, Sandrine Raffin, Stéphane Desvignes sont sur les starting blocks. Sans compter l'habilitation déjà annoncée de Bernard Degout (9 octobre).

Au moment où il est question d’inventer le « pousse-Hovasse » -la machine à accélérer les biographies et à faire passer l'envie de consacrer une journée de travail à chaque jour de la vie de Victor, projet louable mais déraisonnable-, Florence Naugrette s'écrie : "Il y a une odeur de curry!".

Certains y veulent entendre, pour relancer la séance, le cri des Ursulines de Loudun : "Il y a une odeur de curé!" : Jean-Marc Hovasse en Urbain Grandier et Florence Naugrette en Sœur Jeanne des Anges… Cette manipulation mystique échoue et le Sacré Collège céde devant l’émotion populaire séditieuse ("L'apéritif ou la mort!") .

 

 Olivier Decroix

Equipe "Littérature et civilisation du XIX° siècle", Tour 25 r.d.c., Université Paris 7, 2 place Jussieu, 75005. Tél. : 01 44 27 69 81. Bibliothécaire : Mle Ségolène Liger.