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LES SOURCES DE L'ETUDE

 

 

 

 

                Victor Hugo demeura confiné dix-sept longues années dans les îles anglo-normandes. Il arriva à Jersey le 5 août 1852 et n'en sortit – solidaire des proscrits français expulsés – que le 31 octobre 1855, pour s'installer à Guernesey. Ce n'est qu'à partir de 1861[1] qu'il renoua avec la tradition des voyages annuels, accompagné de Juliette Drouet. Il renonça à l'exil le 15 août 1870.               

                Il était éloigné de toute bibliothèque publique[2]. Certes, il pouvait emprunter quelques volumes à des amis lettrés. Et il y a de bonnes raisons de supposer qu'il recourut quelques fois à cette facilité[3]. La seule bibliothèque à sa disposition était celle qu'il avait lui-même constituée et qui s'était enrichie des nombreux envois de familiers, d'admirateurs et d’écrivains en quête de reconnaissance. Cas assez rare dans l'histoire littéraire française pour justifier – en prolongement des travaux de Paul Berret, Jean Sergent, Jean Delalande, Martine Ecalle, Jean-Bertrand Barrère, Bernard Leuilliot, Henri Cazaumayou, René Journet – un essai d’inventaire des ouvrages accessibles au poète pendant son exil. [4]

 

                Examinons les sources dont nous disposons.

 

1 : Les inventaires dressés du vivant de Victor Hugo

 

1 – 1  :   L'Inventaire de la Bibliothèque de François-Victor, vendue à son père (décembre 1866)

                Le plus ancien document ne concerne que des livres acquis par François-Victor. Il a été rédigé sommairement – "un petit résumé, […] fait de mémoire" – sur une double feuille de papier bleu, par le fils, souvent en mal d'argent, comme une proposition de vente destinée à son père. Il accompagnait une lettre [5] et semblerait dater de décembre 1866, puisque Victor Hugo l'intercala dans son carnet (ms. n.a.f. 13 464, folios 112-113) au milieu de ses notes du 30 décembre 1866. La transaction se réalisa-t-elle – au prix proposé de neuf cent francs ? Nous l'ignorons mais il est certain qu’elle se réalisa puisque nous retrouvons la plupart des précieux ouvrages mentionnés dans des inventaires ultérieurs.

Après Jean-Bertrand Barrère [6] et Bernard Leuilliot [7], nous donnons la transcription annotée de ce document en Annexe 1.

 

1 – 2  :   L'Inventaire "méthodique" dressé par Julie Chenay (1870)

 

             "Mme Chenay range la bibliothèque et en fait le catalogue" note Victor Hugo dans son agenda (ms n.a.f. 13 456, f° 14 [8]), à la date du 1er mai 1863. Plusieurs fois, Julie reprendra ce travail et si ce premier inventaire ne nous est pas parvenu, deux autres ont connu un meilleur sort.

 

             Le plus ancien classe les ouvrages sous une quinzaine de rubriques : œuvres complètes, histoire, littérature et philosophie, mémoires et correspondances, éducation et instruction, etc. En raison de cette structure, René Journet, baptisera ce document : Inventaire méthodique de Julie Chenay. Tel qu'il se présente aujourd'hui, il est formé de douze feuilles doubles d'un papier bleuté de 200 x 330 mm (après pliage). Deux feuilles simples – où ont été relevé les : Livres tirés de la Bibliothèque de [François-] Victor – semblent avoir été ajoutées ultérieurement. Une main étrangère n'a chiffré que les pages utilisées (49), laissant sans numéro les pages vierges. Aucune date. Il semble cependant que le document ait été élaboré fin 1869 début 1870 puis complété, fin 1870 ou début 1871, par la rubrique Livres de poésies arrivés en 1870 (pp. 41). A cette même époque, ou peu de temps après, quelques titres ont été ajoutés : par exemple les trois derniers de la page 3 et, sans doute, les 6 derniers, noms de Revues, de la page 46. En revanche, aucun élément ne permet de dater les feuilles supplémentaires consacrées aux livres de François-Victor (pp. 47-49). Peut-être datent-elles des lendemains de la mort du traducteur de Shakespeare, le 26 décembre 1873.    

 

             Je n'ai pas été en mesure de retracer les pérégrinations de ce document – ce qui certes ne manquerait pas d'intérêt. Je signale cependant quelques étapes. Paul Berret – cf. infra – a consulté, en 1904, un inventaire qui était bien celui dont nous traitons [9]. Où ? Je l'ignore mais certainement pas à Guernesey. Il en donne une description très sommaire et ajoute quelques remarques pertinentes sur la qualité du travail de Julie Chenay [10]. Ensuite, le document semble avoir été perdu puisque Jean-Bertrand Barrère parle de sa redécouverte par Martine Ecalle vers 1965 [11]. Il est aujourd'hui déposé à la Maison Victor Hugo, à Paris (inv. α 8839).

 

             L'inventaire ne prend en compte que quelque 2650 volumes. Il se limite aux livres rangés au second étage et n'atteint pas ceux du look-out, les livres de chevet du maître. De là à conclure que cet inventaire était peut-être volontairement incomplet, il y a un pas imprudemment franchi par Berret et par Barrère … parce qu'ils ignoraient, l'un et l'autre semble-t-il, l'existence de l'inventaire "local", plus complet –cf. infra. [12]         

 

             La "redécouverte" de l'Inventaire méthodique, en 1965, permit (in extremis) à Jean-Bertrand Barrère de compléter la documentation offerte par sa propre étude et par l'inventaire dressé par Martine Ecalle – que l’on trouvera, en annexe, infra. Il se borna toutefois à dégager du catalogue "méthodique" une liste hâtive d'ouvrages qui ne figuraient ni dans son étude, ni dans le document de Martine Ecalle (cf.  infra) [13]

 

1 – 3 :    L'Inventaire "local" dressé par Julie Chenay (1879)

 

                L'inventaire de 1879 est beaucoup plus complet (il recense tous les livres, y compris ceux conservés dans l'antichambre du look-out) et plus soigné. Il énumère les ouvrages selon leur localisation à l'intérieur des vitrines ou armoires d'Hauteville-House identifiées par un chiffre de 1 à 16. René Journet nommera ce document : Inventaire local de Julie Chenay. Il est formé de 19 feuilles doubles de papier blanc de 210 x 330 mm (après pliage) ; 34 lignes – séparée de 9 mm l'une de l'autre – sont tracées sur chaque page. Toutes les pages, même les pages blanches, sont chiffrées (par une main étrangère) de 1 à 76.

 

                Julie Chenay précise (p. 75) la période d'élaboration : "Inventaire détaillé (en double) commencé l'Eté de 1879 et terminé le 7 décembre de la présente année" et conclu que "3334 livres [sont] contenus dans la grde bibliothèque de Hauteville House (en comptant les 8 albums)". Au bas de chaque page, elle a indiqué le nombre des volumes recensés, et pour chaque vitrine a donné un sous-total. Mais il y a trop d'erreurs d'addition pour que le chiffre de 3334 soit considéré autrement que comme un ordre de grandeur. Puis, manifestement soulagée, elle signe : "Julie Chenay / H. H.           1879".

 

                J'ignore tout des tribulations de ce document. Sans doute Jean Sergent, conservateur de la Maison Victor Hugo, le consulta-t-il [14]. Mais je n'en trouve aucune mention avant les travaux de René Journet (vers 1983) ; et il n'avait jamais été exploité jusqu'alors. Il est déposé à la Maison Victor Hugo, à Paris (inv. α 8838). 

 

             J'ai réalisé une transcription aussi fidèle que possible de l'Inventaire méthodique et de l'Inventaire local dressés par Julie Chenay. Au cours de ce travail, j'ai bénéficié de l'aide bienveillante de madame Marie-Laurence Marco, bibliothécaire de la Maison Victor Hugo, à Paris. Madame Danielle Molinari, conservatrice générale de la Maison Victor Hugo et de Hauteville-House a bien voulu autoriser la publication de ces transcriptions ; je l'en remercie. Les transcriptions, complétées de notes identifiant, dans la mesure du possible, les ouvrages cités, figurent en Annexe 2 et 3.

 

 

2 – Les bibliothèques des descendants de Victor Hugo et les catalogues de ventes publiques de livres.

 

La bibliothèque de Hauteville-House ne cesse de s'enrichir au cours des premières années qui suivent la fin de l'exil de Victor Hugo. Il est vrai que le poète entend se réfugier dans son île chaque fois qu'il aura besoin de quiétude pour poursuivre son œuvre. En fait, il n'y reviendra longuement que du 10 août 1872 au 30 juillet 1873. En 1875, il ne séjournera que quelques jours (du 19 au 27 avril) et, au lendemain de sa cogestion cérébrale, il cherchera à retrouver des forces du 5 juillet 1877 au 27 avril 1878. Ce sera le dernier séjour.

 

             A Paris, cependant, Victor Hugo reconstitue une bibliothèque dont nulle Julie ne dressera jamais l'inventaire. Le 29 avril 1874, il décide de mettre fin à ses "campements" parisiens, et de s'installer – avec sa belle-fille, remariée au député Lockroy et ses deux petits-enfants et Juliette Drouet – au 21 de la rue de Clichy. Il en occupe le 2e étage. Là se trouve "la chambre où [il] travaillait et qu'il appelait son cafarnaüm [sic] : petite chambre triste, encombrée de brochures, de piles de livres écroulées formant tas de pierres contre les murs" [15]. Il transportera, en novembre 1878, cette nouvelle bibliothèque en formation rue d'Eylau – bientôt rebaptisée rue Victor Hugo. On retrouvera quelques-uns de ces livres dans le catalogue de vente de la bibliothèque de Georges Hugo, en mars 1927 – cf. infra.

 

              A la mort de Victor Hugo, Hauteville-House reste propriété indivise de ses héritiers. On préserve les lieux et les objets. Et notamment les livres. Ce qui n'empêche pas les emprunts de la part des membres de la famille et des proches. Tous les livres ne sont pas remis à leur place. Certains sont recueillis dans des bibliothèques particulières. Celle de Georges, par exemple. A la mort de ce dernier, une partie de ses livres est vendue aux enchères publiques en mars 1927 [16]. Parmi les ouvrages dispersés beaucoup ont appartenu à son illustre grand-père. Nous pouvons facilement repérer ceux qui portent l'ex-libris du poète ou un envoi à son adresse. Certains proviennent évidemment de Guernesey, mais d'autres aussi sûrement de la "bibliothèque" constituée par Victor Hugo, à Paris, dans les dernières années de sa vie.

              Plusieurs ouvrages sont recueillis religieusement par les enfants de Georges. Le peintre Jean Hugo, ouvrait généreusement ses archives et sa bibliothèque aux chercheurs. C'est ainsi que Frances Vernor Guille, et plus tard René Journet purent consulter des ouvrages qui provenaient de Hauteville-House et avaient appartenu soit à Victor Hugo, soit à François-Victor [17].

              Quelques collectionneurs privés possèdent des ouvrages qui figurent dans l'un ou l'autre des inventaires Chenay ou recèlent l'ex-libris de Victor Hugo, voire pour les plus chanceux, une dédicace adressée à l'écrivain  [18]

 

 

3 – Les travaux de Berret et des responsables de l'édition dite de l'Imprimerie Nationale.

 

La Bibliothèque de Hauteville House suscite rapidement la curiosité des "hugologues".

                Paul Berret, grâce à "l'obligeante complaisance" de Paul Meurice, séjourna en 1904 à Hauteville House[19]. Il étudia longuement les livres entassés dans les vitrines du second étage et du look out et prit d'abondantes notes "devant les volumes mêmes" - notes qu'il compara avec un inventaire dressé par Julie Chenay[20]. Jamais Berret ne publia ces notes – et on ne peut que le déplorer - mais il les utilisa dans ses nombreux travaux sur la Légende des siècles, Châtiments, Quatrevingt Treize, etc. Avec un acharnement lansonien, il chercha dans les livres de Guernesey, les moindres traces des "sources" des œuvres de Victor Hugo – brillamment mais non sans toujours éviter les pièges de cette froide méthode. Il consigna les résultats de ses recherches dans les savantes notes qui parsèment ses ouvrages – notamment les éditions critiques de la Légende des siècles et des Châtiments On peut, à partir de ces notes, reconstituer des pans entiers de la bibliothèque de Hauteville House, en son état de 1904, avant que ne s'égaillent plusieurs ouvrages. Nous puiserons largement dans cette mine – cf. infra, sous la rubrique Abréviations, la liste des ouvrages de Berret que nous avons exploités. Les références données ne prétendent toutefois pas épuiser toutes les occurrences des livres concernés, mais se limitent aux mentions explicites de leur présence à Hauteville House.

 

En 1904, commence, sous la direction de Paul Meurice, la publication des Œuvres complètes de Victor Hugo, chez Paul Ollendorff : l'édition est imprimée par l'Imprimerie Nationale, d'où son appellation traditionnelle. Les éditeurs transportent plusieurs volumes de Guernesey à Paris (tous ne retrouverons pas les vitrines de Hauteville-House). Dans l'historique, en fin de volume, de L'Homme qui rit (1907), Meurice énumère quatre auteurs consultés par Victor Hugo [21] pour reconstruire le cadre temporel de son œuvre ; aucun ne figure dans les inventaires de Julie Chenay ou dans les notes de Paul Berret. Nul doute cependant, ils ont, à un moment ou à un autre, été en possession du poète [22]. Gustave Simon – qui, à la mort de Meurice, lui a succédé à la tête de l'entreprise éditoriale – consacre plusieurs pages précieuses aux Sources historiques de Quatrevingt-treize (1924)[23]. Il cite onze auteurs et étudie plus particulièrement quatre d'entre eux, relevant même les annotations portées par Hugo sur leurs ouvrages. A deux exceptions près [24], on retrouve tous les livres cités soit présents à Hauteville House, soit cités dans les inventaires.

 

 

4 – Les travaux des Conservateurs de la Maison Victor Hugo et de J. Delalande et J.-B. Barrère

 

Au début de 1927, "Les héritiers de Victor Hugo [25], unis dans une pensée de pieuse commémoration de leur aïeul, font […] donation sans réserve de Hauteville House et de tous les objets mobiliers qui en dépendent à la Ville de Paris". Laquelle en prend officiellement possession par l'entremise d'une délégation du Conseil municipal qui se rend à Guernesey le 27 juin 1927.

             Ainsi ce qui reste de la bibliothèque de Hauteville-House est désormais confié au bon soin du Conservateur des musées Victor Hugo à Paris et à Guernesey. Dès 1928, Jean Sergent – à l'époque, conservateur adjoint – dresse un premier inventaire. En 1935, à l'occasion du cinquantenaire de la mort du poète, il donne dans un numéro spécial de Arts et Métiers graphiques (1er juin), un article qui contient d'intéressants détails, et surtout la photographie de certains livres de la bibliothèque [26].

 

Hauteville-House abrite à cette époque les bureaux du Consulat de France à Guernesey. Jean Delalande, ministre plénipotentiaire, met à profit son affectation à ce poste diplomatique pour écrire une remarquable étude : Victor Hugo à Hauteville-House (1947). Il donne non seulement une description détaillée de la Maison et de son mobilier mais offre le premier inventaire commenté des ouvrages qui, à ses yeux, méritent d'être signalés. Il cite quelque 215 titres. C'est pour notre étude une source capitale.

 

             En 1947, Jean-Bertrand Barrère séjourne à Hauteville House. Il prend des notes sur les ouvrages de la bibliothèque ; notes qu'il porte "en marge du livre de J. Delalande" selon le titre d'un article paru dans la Revue d'histoire littéraire de la France (1951-1952) [27]. En 1965, il reprend, corrige et complète son article avant de l'insérer dans son recueil de travaux intitulé Victor Hugo à l'œuvre [28]. Cette étude ajoute quelque 200 titres à ceux signalés par le diplomate. Mieux encore, J.-B. Barrère peut ("in extremis") enrichir son texte de l'inventaire dressé par Martine Ecalle, conservatrice de la Maison Victor Hugo et de Hauteville-House et d'une rapide analyse de l'Inventaire méthodique de J. Chenay [29], "récemment retrouvé".

 

             Car la conservation des musées Victor Hugo de Paris et de Guernesey, poursuit ses travaux afin de compléter et préciser l'inventaire des livres de Hauteville-House, commencé, nous l'avons vu, dès 1928. Martine Ecalle, d'abord assistante de Jean Sergent puis prenant sa succession, construit un "inventaire sur fiches des livres qui subsistent actuellement". Elle autorise J.-B. Barrère à en publier un résumé en annexe de son recueil de 1965 [30]. Il s'agit d'une liste de 1358 titres. Un peu sommaire, elle se limite à préciser le nom de l'auteur, le titre, le nombre de volumes ou d'exemplaires, souvent la date de publication, toujours la localisation du livre (2e étage ou [antichambre du] Look-out). Elle contient, pour beaucoup d'ouvrages, les très précieuses mentions "c." ou "n. c." (l'ouvrage a été ou non coupé) et "r" (marqué sur la couverture ou la première page pour "répondu" : Victor Hugo a accusé réception de l'ouvrage). 

 

 

5 – Les travaux de René Journet

 

René Journet séjourne longuement à Hauteville-House en 1967. Il prend des notes abondantes avec la rigueur scientifique qui est sa marque. Quelques années plus tard, il utilise ce matériau pour annoter, en marge ou dans les interlignes, un tapuscrit établi, semble-t-il, par la conservation des Maisons Victor Hugo. Ce document dresse l’inventaire des ouvrages encore présents à Guernesey. Il compte 251 pp. (format 21 x 27 cm). Les livres sont classés alphabétiquement par noms d'auteur et titres (pour les ouvrages anonymes). Sont indiqués les références de l'édition, le nombre de volumes ou d'exemplaires, le nombre de pages, la localisation précise, l'état (bon, moyen, mauvais ou en loques ; broché ou relié ; coupé ou non coupé ou massicoté) ; éventuellement le texte de la dédicace et la mention "r." pour répondu. R. Journet complète et corrige, ajoute quelques fois des informations sur l'auteur (le plus souvent en citant certains de ses ouvrages entrés à la Bibliothèque nationale).

Mais au-delà de la prise en compte de ce qui perdure de la bibliothèque de Victor Hugo, R. Journet entend retrouver la plupart des ouvrages – aujourd’hui absents – qui ont appartenu à cette bibliothèque. Il constitue une Liste complémentaire, manuscrite, qui contient : les "ouvrages disparus et figurant sur les deux inventaires de Chenay"[31] (qu'il baptise, à cette occasion "méthodique" et "local"[32]), "ou [les ouvrages] mentionnés par Paul Berret [et Jean Delalande et Jean-Baptiste Barrère.… Les] ouvrages conservés place des Vosges. [Les] ouvrages conservés dans une collection particulière". Il contient également, à propos d’ouvrages décrits dans le tapuscrit, quelques informations complémentaires qui n’avaient pu tenir dans ses marges. Ce manuscrit compte 147 pages (de même format que le tapuscrit).

Je propose de baptiser Inventaire Journet (1983) l'ensemble constitué par le tapuscrit annoté et par le manuscrit. Un exemplaire incomplet de cet inventaire est déposé dans les archives du Groupe Hugo (Paris VII-Jussieu) [33] et un autre exemplaire complet au Musée Victor Hugo, place des Vosges[34].

             La dette de la présente étude à l'égard de l'Inventaire Journet est considérable. Elle apparaîtra clairement dans la mesure où la quasi-totalité des informations relatives à la localisation et l'état des livres, aux dédicaces, aux accusés de réception procède de cette source ou est confirmée par elle. Reste que l'Inventaire Journet, tel qu'il se présente, est à l'état de brouillon ; sans aucun doute, l'auteur ne l'aurait pas publié sans corriger, après vérifications, quelques erreurs, sans compléter certaines informations, sans supprimer quelques doublons.

             En 1983, à partir du travail et avec l'aide de René Journet, M. Henri Cazaumayou, nouveau conservateur du Musée Victor Hugo, reprit le fichier manuel commencé par Martine Ecalle et réalisa un instrument précieux et accessible aux chercheurs dans la riche bibliothèque du Musée.

 

 

6 – La Correspondance de Victor Hugo, ses carnets et ses manuscrits

 

                La correspondance de Victor Hugo contient des lettres dans lesquelles l'écrivain demande à ses proches de lui procurer des ouvrages, ou accuse réception de livres adressés par leurs auteurs, ou fait mentions de lectures particulières. [35]

 

Les Agenda de Guernesey – édités par Bernard Leuilliot dans l'édition Massin des Œuvres complètes – recèlent également des informations de même nature. En revanche, le Journal d'Adèle n'a guère donné qu'une seule mention utile.

 

Victor Hugo a légué tous ses manuscrits à la BN. Pour la plupart, ses documents ont été organisés et mis en forme par les responsables de l'Edition de l'Imprimerie Nationale (en particulier, par Cécile Daubray). Quelques brochures complètes ou fragmentaires, des pages de titre de livres ou opuscules ont été insérés dans des volumes de manuscrits. [36]

 

 

6 – À suivre …

 

                Cet essai vise à reconstruire la bibliothèque de Hauteville-House.

D’une part, à partir du recensement des ouvrages, aujourd’hui encore in-situ. A cet égard, notre étude pêche sur un point capital : la bonne méthode eut consisté à collationner les livres actuellement présents à Hauteville House. Nous n’avons pu nous livrer à cet exercice et nous sommes limité – en cette matière – à exploiter l'Inventaire Journet – voire quelques fois à le compléter et, plus rarement encore, à le corriger. Reste que certaines imprécisions[37] ne pourront être levées qu’après consultation des exemplaires in-situ[38]. En outre, pour certains ouvrages – il s’agit surtout d’éditions anciennes - dont nous avons pu établir le lien avec un exemplaire numérisé sur un site web, il conviendrait de vérifier que notre identification est pertinente.

D’autre part, à partir des sources énumérées supra, en essayant d’identifier les ouvrages, aujourd’hui disparus des rayons de la bibliothèque de Hauteville House, mais dont on sait qu’ils ont été en possession de Victor Hugo. C’est la partie la plus nouvelle de l’étude. Certaines identifications resteront impossibles ou hautement hypothétiques en raison de l’indigence des informations disponibles. Mais d’autres pourront être affinées ou accrues par une lecture plus attentive de lettres de Victor Hugo et de ses proches, et surtout au fur et à mesure de la progression de la publication de ces correspondances et des carnets de Victor Hugo[39]. Le dépouillement des catalogues de ventes de livres anciens et la fréquentation des sites de ventes en ligne devraient offrir des compléments d’informations, voire des identifications mieux assurées.

 

Cette seconde édition n’est donc pas la dernière. Elle apporte d’importantes corrections, identifie plus et mieux certains ouvrages. Surtout elle établit de très nombreux liens hypertextes avec des sites du web. Près de 80 % des ouvrages recensés sont ainsi accessibles au chercheur qui partage désormais, avec Victor Hugo, une large partie de sa bibliothèque. L’édition suivante enregistrera les progrès de mes recherches et, mieux encore, tiendra le plus grand compte des remarques et corrections que vous, lecteurs, voudraient bien m’adresser. En outre, je souhaite enrichir les notices sur certains ouvrages importants et sur les auteurs – en soulignant, pour les contemporains de Victor Hugo, leurs relations avec le poète.

 

 

 

        Tous droits réservés : Jacques Cassier, sept. 2014

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[1] Hors les excursions dans les îles voisines, Victor Hugo s'absenta de Guernesey du 25 mars au 3 septembre 1861, du 28 juillet au 26 septembre 1862, du 15 août au 7 octobre 1863, du 15 août au 25 octobre 1864, du 28 juin au 30 octobre 1865, du 20 juin au 10 octobre 1866, du 17 juillet au 14 octobre 1867, du 27 juillet au 9 octobre 1868 et du 5 août au 6 novembre 1869.

[2] Car il n'y avait à Guernesey qu'une petite bibliothèque (4771 volumes : un quart à peine en français, d'autres en grec et en latin, la plus grande partie en anglais) dont l'accès était réservé aux souscripteurs – et Victor Hugo n'en était pas. Cf. Béret, LdS1 LX-LXI.

[3] Pour préparer l'Homme qui rit, Victor Hugo prit de nombreuses notes dans plusieurs ouvrages (L'Etat présent de l'Angleterre, du docteur Chamberlayne, La Description des villes de Londres et de Westminster, de Fielding, l'History of London, de Maitland ; des études de l'abbé Coyer – selon les éditeurs de l'IN, cf. infra) dont aucun n'est présent, aujourd'hui, à Hauteville House ni ne figure dans l'un des inventaires dont nous disposons. Cela ne permet certes pas de conclure qu'ils n'aient jamais appartenus à Victor Hugo mais on peut, tout aussi bien, supposer qu'ils aient pu être empruntés à des familiers.

[4] En fait, sont également pris en compte tous les ouvrages de la bibliothèque de Hauteville House, même ceux reçus ou transportés à Guernesey après l'exil (voire même après la mort de l'écrivain) et même certains d'entre eux – propriété avérée de Victor Hugo – qui n'ont sans doute jamais été transféré dans l'île mais sont resté à Paris. Le titre Les Livres de Victor Hugo, pendant et après l'exil eut peut-être été plus approprié que Les Livres de Hauteville House !

[5] Lettre non datée de François-Victor à son père, reproduite partiellement dans Guille 1950, pp. 324-325.

[6] Barrère 1965, pp. 69-70.

[7] Septième agenda de Guernesey, texte établi directement sur le manuscrit, présenté et annoté par Bernard Leuilliot in M 13, pp. 996-997.

[8] Cinquième agenda de Guernesey, texte établi directement sur le manuscrit, présenté et annoté par Bernard Leuilliot in M 12, p. 1420.

[9] J'en veux pour preuves la note 4, page 127 de Berret 1911 : "Le manuscrit du catalogue de Guernesey porte, p. 35, Lolas Montès de Théophile Gautier …." et, p. 286, les quatre titres donnés dans un ordre que l'on retrouve en p. 32 du document manuscrit.

[10] Berret 1911, p. 7 "A la même date [que ma visite à Guernesey, il y a sept ans, en 1904], j'eus connaissance du catalogue de sa [VH] Bibliothèque aujourd'hui dispersée : j'ai pu confronter ce catalogue avec les notes que j'avais prises devant les volumes mêmes et me rendre compte de sa valeur. Ce catalogue avait été rédigé en 1870, au moment du départ de V. Hugo, et par les soins de Madame Chenay, belle-sœur du poète : les indications en sont sommaires, incomplètes, souvent même inexactes. La nature des fautes laisse supposer que ce catalogue a été dicté ; les volumes devait être brièvement nommés et décrits un à un : Madame Chenay inscrivait rapidement ; d'où des lapsus, dans l'audition et la rédaction. Madame Chenay était une femme de culture très moyenne et le catalogue contient quelquefois de regrettables confusions. Mais, une fois le travail de correction fait, c'est un guide très intéressant pour la recherche des sources." — et LdS I, p. LXI-LXII.

[11] Barrère 1965, p. 311 : "Retrouvé récemment par Mme Ecalle, quand cet ouvrage était déjà composé, …"

[12] Je me suis souvent étonné des précautions prises par des auteurs – même bien disposés à l'égard de Victor Hugo – pour n'être pas, ou ne paraître pas, dupes des habilités présumées du poète. Beaucoup de faux problèmes naquirent – de cette excessive prudence - qui auraient pu être évités en respectant la présomption d'innocence. Dans le cas d'espèce, Berret n'hésite pas à écrire – LdS I, p. LXI : "L'existence des livres de chevet du maître ne devait être connue de personne. Ils ne figurent pas dans le catalogue dressé par Mme Chenay" et Barrère – 1865, p. 26 – n'écarte pas l'hypothèse selon laquelle l'inventaire est "peut-être volontairement incomplet".

[13] Barrère 1965, pp. 311-316.

[14] Barrère 1965, p. 26 : un inventaire "établi par la belle-sœur du poète, Julie Chenay (en 1870 selon P. Berret, 1879 selon M. Sergent)". Il est maintenant clair (1) que nous avons deux inventaires et non un seul et (2) que Berret se référait à l'Inventaire méthodique – établi en 1870 - et Sergent à l'Inventaire local – élaboré en 1879.

[15] Georges Hugo, "Mon grand-père" - Paris : Calmann Lévy, 1902, in-16 de 57 pp. – cité dans l'édition M15-16/2, p. 930.

[16] Cf. Cat. Georges Hugo 1927.

[17] Cf. Guille 1950 (note 21, p. 128 ; note 37, p. 210) reconnaît 7 ouvrages – Journet, cf. son manuscrit [1967], en reconnaît 15 autres.

[18] Pour l'heure, la récolte est maigre (seulement 4 vol., hors vente des livres de Georges Hugo), mais je ne doute pas qu'en fouillant plus avant les catalogues de ventes de nouvelles découvertes soient possibles.

[19] Berret 1911, p. 7

[20] Il s'agit de l'inventaire "méthodique" de J. Chenay. Cf. supra

[21] IN-Hqr, p. 577 – cf., supra, note 2

[22] A moins qu'il ne les ait empruntés à quelques amis guernesiais – cf., supra, note 2.

[23] IN-Qvt, pp. 453-469. Gustave Simon s'attarde sur quatre d'entre eux : Les Mémoires de Joseph de Puisaye ; La Révolution française, de Louis Blanc ; l'Histoire de Robespierre, par Hamel ; Lettres sur les origine de la chouannerie, par Duchemin-Descepeaux ; puis il cite L'histoire de la Révolution française, par Gustave Bonnin, Paris pendant la Révolution (1789-1798) ou Le Nouveau Paris, de Sébastien Mercier, la Révolution française qui est une réimpression de l'ancien Moniteur, puis il ajoute : "D'autres auteurs ont été consultés : Michelet, Garat, Delandine, Félix Pyat ».

[24] Parmi les travaux sur l'histoire de la Révolution, Simon cite ceux de Félix Pyat et de Delandine, sans autres précisions.

[25] Jeanne Negreponte (la "petite Jeanne") et les enfants de son frère Georges (mort en 1925), Marguerite, Jean et François Hugo.

[26] Cf. Sergent 1935.

[27] Octobre-décembre 1951 (pp. 441-455) et janvier-mars 1952 (pp. 048-073).

[28] Barrère 1965, pp. 25-70.

[29] Barrère 1965, pp. 281-316 pp.

[30] Ecalle 1965

[31] Entendez : dans l’un ou l’autre inventaire, …voire dans les deux.

[32] Je n'ai pas trouvé dans l'œuvre publiée de René Journet une autre mention, sous ces désignations, des inventaires de J. Chenay.

[33] M. Guy Rosa, a bien voulu mettre à ma disposition une copie de cet Inventaire

[34] Madame Marco m'a généreusement remis une copie des 105 pages qui manquaient au tapuscrit de l'exemplaire précédent.

[35] On regrette que Victor Hugo soit l'un des derniers auteurs importants du XIXe siècle dont la correspondance n'est toujours pas publiée entièrement de manière satisfaisante. J'ai utilisé ce qui a été publié dans (1) dans l’édition de la correspondance Victor Hugo – Paul Meurice, (2) l'édition de l'IN, (3) dans l'édition Massin, et (4 et 5) les deux incontournables volumes de Sheila Gaudon : Gaudon S1979 et GaudonS2004 et quelques autres ouvrages qui seront cités en temps utile. NB. Chaque fois que cela a été possible j’ai préféré citer les ouvrages accessibles, numérisés, sur le web. Ainsi (1) et (2) ont été retenu plutôt que (3), pourtant la plus complète à ce jour.

[36] Cf., par exemple : dans ms 24 744, Statistique des égouts de la ville de Paris, de Emmery de Sept-Fontaines (1837), une source des Misérables ; dans ms 13 417, le Rapport au Grand Conseil [du canton de Vaud] sur la peine de mort (Lausanne, 7 mai 1868), par Jules Eytel ; etc.

[37] Je pense notamment aux "Comédies du XVIIIe siècle - Recueil factice de pièces du XVIIIe, d'auteurs et d'édition divers (parues entre 1774 et 1783),  en 5 vol." qui méritent une description plus précise et à certains périodiques – ou fragments de périodiques – dont l’identification reste incertaine.

[38] On me dit qu'une étudiante de l'Université de Saint-Quentin en Yvelines, sous la direction de M. Jean-Yves Mollier, a réalisé un inventaire scientifique exhaustif de la bibliothèque de Guernesey et que ses recherches feront bientôt l'objet d'une thèse. Je souhaiterais que cette jeune chercheuse consente à contribuer prochainement à l'amélioration du présent essai.

[39] Nous n’avons, par exemple, pas encore exploité la correspondance de Juliette Drouet, actuellement en cours de publication sous la direction de Florence Naugrette.